II. B. La société a changé

Mais la société, elle aussi, a changé, qui produit à la fois plus de richesse et d’exclusion. Elle est devenue plus dure, plus violente, et les enfants réagissent différemment. Ils sont souvent plus exigeants, plus agressifs, plus angoissés car ils ont perdu leurs repères, donc plus difficiles. Et les maîtres n’ont pas appris à les écouter, à les accompagner, à prendre en compte leurs désirs, leurs angoisses, leurs peurs ; ils sont pris par leurs propres stress, et les situations scolaires deviennent alors explosives. Donc, pour que ce vécu de l’étudiant devienne expérience formatrice, il s’agit de le faire affleurer à la conscience pour le prendre en compte, le questionner, l’interroger, le confronter, en faire quelque chose qui incite à la réflexion, au partage, à la recherche parce qu’il est à la fois richesse qui permet d’évoluer et handicap qui freine devant les changements à mettre en oeuvre.

‘“ La formation est donc un acte existentiel de recherche de vérité, acte qui transforme les événements de la vie en expérience avec l’aide de la réflexion196. Je suis ce que j’ai reconnu en moi, ou je m’en délivre dans ce cheminement. C’est ce fondement vrai qui autorise l’avenir. Mais tout travail de vérité engendre lutte avec le passé, l’acquis, le certain. ‘’Il est plus difficile de détruire un préjugé qu’un atome, disait Einstein. Le psychologique c’est ce qu’il y a de plus conservateur chez l’homme.’’ ”197

Le vécu devient expérience formatrice si le formé est “ autorisé à être ”, s’il lui est donné la possibilité d’être acteur de son propre développement, avec son originalité, sa spécificité, c’est-à-dire si le formateur n’est pas hiérarchiquement au-dessus du formé, mais si tous deux apprennent conjointement de ce partage de réflexions, de vécus. Le savoir du formateur n’est pas un produit fini, “ préemballé ”, prédigéré, que doit ingurgiter le formé, mais quelque chose qui se construit au fur et à mesure que les deux personnes communiquent. Chacun apprend de l’autre par cette relation.

Notes
196.

Cela rejoint la conception du cours de philosophie qu’expose Bernard DEFRANCE dans Le plaisir d’enseigner, paris Syros, 1997,

197.

LHOTELLIER (A.) : “ La formation en question ” in I.F.E.P.P. : Formation 1 quelle formation ?, Paris, petite bibliothèque Payot, 1974, 199 pages, p.55.