La vie en groupe au cours de ce type de stage est un moment privilégié d’une meilleure compréhension de ce qui se passe au quotidien dans une classe par l’implication dans le groupe, la réflexion sur ce que l’on vit, ressent, appréhende en soi et chez les autres, sur les interactions des différents comportements, tout cela dans un lieu protégé. Venus parfois chercher des “ ficelles ” et des “ trucs ”, les enseignants sont amenés à s’interroger sur eux-mêmes, leurs attitudes, leurs valeurs, et sur le milieu dans lequel ils travaillent, sur le pouvoir qu’ils ont, sur leurs schémas de fonctionnement, sur l’institution dont ils font partie. En effet, les phénomènes qui émergent, se déroulent tout au long de ce stage, sont les mêmes que ceux qui surgissent dans les groupes divers auxquels nous appartenons en dehors, écoles comprises : phénomènes de leadership, conflits, manifestations agressives, tensions ... Seulement, l’unique enjeu est de vivre, ressentir, observer, analyser, comprendre. C’est une période limitée dans le temps, qui permet un apprentissage par l’expérience, le ressenti émotionnel reconnu, et non un apprentissage théorique, purement intellectuel. C’est aussi un travail de longue haleine, qui demande de s’ impliquer :
‘“ Ce sont les personnes ayant suivi le plus de stages qui parlent le plus aisément de l’étonnement, du désarroi, parfois de l’angoisse devant l’apparition dans le groupe de manifestations désordonnées, de projets et d’attitudes irrationnelles. Ce sont également ceux dont l’expérience formative est la plus longue qui, en acceptant ces situations insolites, utilisent l’inquiétude qu’elles suscitent pour accroître leur activité perceptive ou intellectuelle. ”221 ’Ce qui se passe au sein d’un groupe n’est plus perçu de la même manière. L’attention se modifie, certains événements perdent de leur importance, d’autres en prennent, la complexité des situations apparaît plus clairement.
A une meilleure connaissance des phénomènes de groupe s’ajoute celle de soi. Ce n’est pas qu’ils soient totalement ignorants sur eux-mêmes, au contraire, mais le stage est un moment et un lieu où ils vont approfondir cette connaissance, se trouver confrontés à leurs problématiques, prendre davantage conscience de leurs peurs, de leurs besoins, de leurs manières de faire, de réagir, de leurs angoisses, avancer sur le chemin de l’acceptation, d’eux-mêmes d’abord, des autres ensuite.
Cette connaissance a pour conséquence une dédramatisation de ce qui se passe. Face aux événements, la personne est moins angoissée, moins stressée, plus détendue, plus optimiste. Elle se voit davantage “ comme les autres ”. Le fait de se découvrir des difficultés semblables à celles des autres les relativise on n’est pas le seul dans ce cas – et crée une sorte de fraternité. L’acceptation par les autres et par les animateurs des manifestations émotionnelles permet de mieux les accepter chez soi, de façon plus naturelle, et d’atténuer les sentiments de honte et/ou de culpabilité qui parfois les accompagnaient. La richesse est produite aussi par des formateurs dont le caractère et les parcours de formation sont divers : certains sont provocateurs, d’autres plus écoutants, d’autres analysent, d’autres encore sont plus centrés sur le projet, mais tous travaillent ensemble et précisent leurs différences. En outre, le fait que, dans ce genre de groupe, professions et statuts soient mélangés il n’y a pas que des enseignants, et pas qu’une seule catégorie d’enseignants permet aux participants de se découvrir comme personnes et non comme responsables hiérarchiques ou subalternes. Les fantasmes projetés sur un individu en fonction de sa situation ou de son statut socio-économique tombent. Ce ne sont plus les mots uniquement mais les attitudes et les actes qui prennent de l’importance, les perceptions de chacun correspondent davantage à la réalité, le pouvoir surévalué accordé à l’autorité retrouve de plus justes proportions. Il s’est effectué une dédramatisation des difficultés et une démystification des figures d’autorité. Les personnes acceptent plus sereinement que l’autorité ne sache pas tout, qu’elles-mêmes ne sachent pas tout, soient limitées dans leur savoir. Elles reconnaissent à la fois leurs limites, leurs fragilités, leur valeur, et leur propre image en est valorisée, plus positive.
MAISONS (L.) : “ Incidences personnelles et professionnelles d’une formation psychosociologique de travailleurs sociaux et d’enseignants ” in IFEPP : Formation professionnelle et/ou personnelle, Paris, Payot , 1975, 195 pages, pp. 150-151.