Annexes

Jean

Premier entretien

Moi, des gamins dont je me souviens bien, en début de carrière, c’est quand j’étais à R. dans une classe unique, je sais pas si tu connais ? Tu vois où ? C’est un gamin qui a appris à lire, euh, très lentement. Comme j’étais en classe unique, je ... disons je lui ai laissé le temps, je me suis pas affolé donc ... mais c’est vrai que, avec le recul, c’est, c’est étonnant, quoi. Bon, je l’ai eu au CP, je l’ai eu au CE1, je l’ai eu au CE 2. C’est seulement en fin de CE 2 qu’il a , qu’il y a eu un déblocage. Et euh, c’est vrai que ... j’avais un très bon rapport avec la famille et je pense que c’est ce qui a pu faire un climat, suffisamment un climat de confiance avec lui, pour que, pour que les choses puissent se faire autant en douceur. Parce que, c’est vrai que c’était, avec le recul c’était ... c’est étonnant, quoi... sans être, sans être en échec, sans être marginalisé, qu’il ait pu comme ça...

  • Il est allé à son rythme, en fait

  • Voilà. Et bon, c’est une famille très rurale d’agriculteurs, avec un rythme de vie en fait , moi je le vois comme ça : un petit peu lent, il venait à pied à l’école, ... un peu à l’ancienne quoi. Et, c’est un des gamins dont je me souviens bien. ... Un autre aussi dans la même classe, c’était un enfant qu’était ... très, comment dire, très entier, très têtu, très ...

  • carré ?

  • Oui. Mais c’était soit tout blanc, soit tout noir. Et euh, il avait passé ... il avait passé beaucoup de temps, il avait eu une grosse, une maladie des os, je sais pas ce que c’est, un truc grave. En fait il s’en est très bien sorti mais il était resté longtemps à la maison. Et euh, quand il est revenu à l’école, c’est pareil, il avait un ... un peu, peu spécial du fait de son absence du fait ... et euh, il est ... il était, je sais pas comment ... t’expliquer, il était... oui ... Je l’ai revu il y a pas longtemps, hein c’est marrant, je l’ai rencontré, il est champion, enfin tu vois, champion olympique d’aviron, à Lyon aussi je crois... Euh, qu’est-ce qui m’a marqué dans ma carrière d’enseignant ? ... Oui, ce gamin il avait un, il avait une volonté de, de, il avait un grand désir d’apprendre mais il se coulait pas forcément, pas facilement dans des moules, fixes quoi, dans la pédagogie traditionnelle un peu. C’est vrai qu’en pédagogie Freinet il était ... ça allait bien quoi. C’est vrai qu’il avait, qu’il avait beaucoup de demandes. C’est pas toujours, c’est pas toujours le cas. Des fois, t’as des gamins qui sont, qui sont mous quoi, qui ont pas, qui ont pas tellement de désirs. ...Euh, qu’est-ce qui m’a ... Oui, ben en parlant d’enfants mous, tiens, on a un gamin là, ici à E. qui est, qui a un passé aussi médical difficile puisqu’il est myopathe. Mais euh, pour le moment, ça ne se, ça ne se voit pas tellement. Sauf en gym où bon, il faut éviter des efforts... Mais euh, il est arrivé en classe en CE 2 en ayant un gros retard en lecture. En gros il aurait dû peut-être redoubler le CE 1. Et puis surtout en ayant, bon forcément, un gamin qui est myopathe dans une famille, je veux dire, il a un certain regard qui fait que gamin un peu mou, un peu ...

  • Il en profite un peu, peut-être ?

  • Voilà.... Et euh... Moi j’ai plutôt eu une attitude de le, de le brasser quoi, de le, de le secouer, de ... Et c’est vrai que ça a été bon, c’est un des gamins avec qui, je pense, j’ai fait un bon boulot dans ma carrière. C’est un gamin qui, dans les deux ans il est en CM 2 maintenant il a tout-à-fait rattrapé un niveau normal de lecture. Bon ben, y a eu des moments difficiles où j’ai réagi (rire) un peu violemment mais c’est vrai que, grosso modo ça a fonctionné. ... Oui y a des gamins comme ça qui marquent.

  • Et chez ces gamins-là, qu’est-ce que tu penses que tu leur as apporté ? Ou dans ta pédagogie, ou autre, qu’est-ce qui a peut-être été important ?

  • Ben je pense que S. euh, donc le dernier là, qui est myopathe, euh, j’ai, bon, je l’ai, je l’ai harcelé, pas sexuellement (rire) mais je l’ai, je l’ai pas lâché quoi. Voilà, je l’ai stimulé, vraiment stimulé euh ... Alors, bon, peut-être pas toujours de manière très agréable pour lui, il y a eu quelques éclats où, mais bon, ça l’a, ça l’a mis debout quoi. Parce que c’est un gamin qui fait quand même pataud, un peu mou comme ça. Je pense que ça, ça, c’est une attitude qui a bien fonctionné avec lui, une communication qui marchait bien. Bon y a le fait aussi bien sûr que ... dans ma classe y a beaucoup de travail individualisé, donc il a pu travailler là où il en était à son rythme et rattraper un petit peu, par ce fait-là il a pu rattraper son retard notamment en lecture. Ça c’est certain. Mais euh, c’est bizarre, pourquoi ça a marché aussi bien avec lui, avec d’autres gamins ça marchera moins bien ? Je sais pas. Beaucoup une question de sensibilité aussi, de communication, je pense. C’est pareil, ça passe très bien avec les parents. Ça c’est, à mon avis, c’est indispensable. Faut qu’il y ait un climat de, de confiance.... Euh, mais bon, c’est pas toujours aussi simple. ... Je sais pas. Qui d’autre ? qui pourrait ... Expérience désagréable. Et bien en partant à R., bon à l’époque, j’étais, bon j’étais débutant dans le métier. Et puis j’avais démarré en pédagogie Freinet, j’y allais un peu fort, (inaudible) dans les livres à fond. Et c’est vrai que ... A mon avis j’ai eu le tort de ... vouloir ... me justifier ou expliquer énormément ce que je faisais, notamment auprès des parents. Et bon, ça a vite été la guerre entre 2 clans dans le village quoi, les pour et les contre (rire). Bon ça a été une expérience assez pénible, assez difficile aussi ... L’incompréhension, quoi. Et euh, y a bon je sais pas combien, sur une vingtaine, y en a 7-8 qui vont passer à l’école privée quoi. Ça a été brutal (rire)... Ça, ça a été une expérience ...

  • Mais t’as continué ?

  • Oui. Oui, oui, j’ai continué. Bon après je suis parti, disons que, ... j’ai changé ma manière de me présenter par rapport à, par rapport aux parents. Et puis je me dis, y a aussi, les cheveux plus courts,(rire) . Tu vois la photo de classe, par rapport aux parents, ça aussi ça frappe (rire), jusque là... Le samedi après-midi, on fermait les volets de la classe, on répétait, musique. C’est vrai que je donnais pas une image très rassurante. Mais bon, je crois aussi que j’ai trop voulu expliquer, justifier ce que je faisais, enfin convaincre plutôt de ce que je faisais. Maintenant je (ne) me mets plus sur ce plan-là. C’est-à-dire que je me mets plus sur un plan de ... spécialiste, d’ailleurs je veux bien expliquer ce que je fais mais je ne le justifie pas. C’est tout-à-fait différent. J’essaie pas de convaincre les gens. Ça, ça a été une des erreurs je pense de là-bas, et c’est un des points, à mon avis, important du boulot d’enseignant. C’est qu’on a des choix, des options à prendre. Bon, à un moment donné, faut être assez fort pour dire : bon ben moi mon option, elle est là et elle est là. Bien expliquer pourquoi mais voilà je suis comme ça. Si ça vous plaît pas, ben ma fois ... Je pense que plus on, plus on essaye de, d’expliquer, de convaincre et moins ça peut faire avancer les choses. ... Ah une expérience, oui une expérience désagréable dans mon boulot Alors oui, je m’étais présenté au CAFIM de musique à R. C’était les premières années où ça existait. Et puis là, je me suis fait descendre en flammes par B. C’était le directeur de l’E.N. Là, ça a été homérique. J’étais plein d’illusions et je m’étais présenté comme ça. C’est-à-dire, j’avais pas, en fait, demandé l’appui de l’inspectrice locale, enfin l’appui et les conseils pour être pris dans le sens du poil quoi. Donc moi j’y étais allé comme ça, en faisant en plus un film de musique ... Donc séance de lecture naturelle, de méthode naturelle évidemment puis après en musique j’avais fait des trucs qui étaient, je m’en rends compte maintenant, complètement révolutionnaires, enfin. Personne fait jamais ... de la musique improvisée, des choses, des consignes... J’avais essayé de replacer un peu des choses de free jazz ou de choses ... Et bon, c’est vrai qu’il me regardait avec des yeux comme ça (rire) pendant toute la séance. C’était tellement différent de la ligne, de la ligne officielle que... Et alors après, ça a été un duel d’artillerie entre, bon y avait , y en avait une rafale hein. Je sais pas, ils étaient bien 5 ou 6, entre B. et moi. Ça a été homérique. Et puis bon, le pot de fer contre le pot de terre hein ! Donc il voulait ma peau, donc il l’a eue. (inaudible) Enfin bon il m’a dit, je me souviens de ses paroles hein, il m’a dit que j’étais même pas, euh, j’étais même pas à la hauteur d’un bon animateur CEMEA. Tu parles, dans sa bouche, je veux dire ; j’étais quand même normalien sortant, j’avais le label quand même école normale. Ah oui, non ça avait été dur. D’ailleurs j’ai retrouvé après, 10 ans ou 15 ans après c’est ça, c’était, j’étais très jeune, euh -, une fille qu’était là en tant que conseiller pédagogique de musique, qui s’en souvenait encore, tu vois (rire). Je sais plus son nom, je l’ai croisée, elle s’en souvenait encore. Je lui ai dis : “ Bon je rêve pas, ça a vraiment dû être terrible ”. Elle m’a dit : “ J’en ai été gênée pendant des années (rire). A chaque fois que j’y pense ” (rire). Donc ça, oui, ça c’est un souvenir vraiment cuisant. Très très très désagréable. Le côté... la hiérarchie qui vous écrase, à la fin l’incompréhension totale et puis, et puis le mépris le plus. De toute façon, il avait bien terminé en disant : “ J’espère que vous avez compris que vous allez pas vous représenter l’année prochaine quoi ”. Je veux dire, les choses étaient claires, j’étais vraiment de la merde et il fallait que je le sache, quoi.

  • Il fallait que tu le restes aussi.

  • Voilà, il fallait que je le reste. Tout-à-fait. Et ça c’est ...

  • Je veux dire : tu n’as ressenti aucune écoute ? A ton égard ?

  • Ah oui, oui. Tout-à-fait. C’était lui qui avait la vérité. Voilà. Mais à un point ... Et puis B. , je sais pas si tu l’as croisé, mais il peut être d’un méprisant (insiste sur le mot), mais euh, absolument inimaginable. Ah, je, je, je hais peu de gens, mais lui je lui voue une haine farouche. Mais vraiment. ... Là, j’avoue qu’il avait fait fort. .. . Ça avait duré un moment l’échange( ?) C’était parti comme vraiment ...Il m’avait écrasé. ... Autrement des choses désagréables dans le boulot ...

  • Ou bien des échecs avec des élèves, que tu as vécu comme échec

  • Oui... Oui ça se situe, je dirais presque plus au niveau de des familles, des parents quoi. Parce que, avec les enfants en général, ça se passe plutôt bien, pour moi c’est le côté intéressant du boulot, je veux dire c’est les gamins, quoi. ... Euh. Donc ici à E. y a ... 3 ou 4 ans, un gamin avec qui, euh, bon la relation passait relativement bien, qui avait envie de faire de la musique, qui je lui donnais un peu de cours de batterie comme ça mais qui avait beaucoup, beaucoup de retard scolaire et beaucoup de difficultés, qui était très très fort côté tout ce qui était corporel : gymnastique... J’avais proposé un redoublement en fin de CM 2 parce que, bon j’en propose très peu mais que bon la relation passait bien et que ça valait le coup. Hein, je le voyais vraiment pas en 6ème. Et bon, la famille s’y est opposée, me disant qu il en était pas question, que si je le faisais redoubler ils le mettaient à R. (rire) J’ai trouvé ça vraiment , pareil, un, un refus de , de reconnaissance quoi, du travail qui avait été fait assez énorme. Donc du coup, j’ai laissé passer.

  • Et le résultat ?

  • Oh, le résultat, il est catastrophique bien sûr, hein. Mais enfin, bon, comme on redouble pas la 6ème , je crois que la 5ème on redouble pas non plus, bon il continue tant bien que mal mais c’est, les résultats sont très très mauvais mais bon... Et qu’est-ce qu’il y a eu un peu dans le même genre ... On en a (rire). Un autre gamin, oui, pareil, incompréhension des familles. Un gamin qui était en ... en CM 1, fin de CM 1. Le père était président de l’association de parents d’élèves, en plus (rire). Donc, il décide de le mettre à R.. Bon, a priori, c’était un gamin qu’avait, qu’était très rêveur, très distrait, très ... que moi je ne voyais pas en difficulté scolaire, qui avait pas des résultats vraiment brillants mais enfin qui était pas en difficulté, quoi. Ils le mettent à R. donc. Donc le père démissionne de sa présidence puisque, il était plus parent d’élève (rire). Et euh... Qu’est-ce qu’il m’avait dit ? Oui, que, qu’il voulait le couper un peu de ses camarades, enfin, qu’il avait de mauvaises fréquentations, je sais pas quoi (inaudible). Et quelques mois plus tard, au je sais pas, octobre peut-être, Toussaint, je reçois un coup de fil de la directrice de R. qui me dit : écoute je suis embêtée parce que je viens de découvrir avec surprise que tu avais marqué dans le livret scolaire d’A. qu’il passait en CM 2. Or, les parents l’ont inscrit en CM 1. Il est en CM 1. Donc, le comble, c’est que les parents avaient fait redoubler le gamin contre l’avis de l’instit, quoi. On arrive vraiment à voir des choses extraordinaires. Là, c’est oui... enfin, sans commentaires ! Donc elle était embêtée parce que, bon elle me dit : moi je voudrais pas aller contre ton avis. Mais enfin d’un autre côté, bon,... Je lui ai dit : écoute, laisse tomber, c’est pareil. C’est ses parents, il faut bien qu’il les assume !(rire), il en a pour un moment. Mais euh, oui, encore une incompréhension, là de la part de, de la famille. ... Oui, c’est le côté un peu, un peu désagréable je dirais de, du boulot, c’est le manque de reconnaissance. Parce que quand ça se passe bien en fait, tu as peu de reconnaissance ; quand ça se passe bien, c’est normal, c’est le gamin qui est intelligent, voilà. Et puis ma foi, c’est normal. Par contre euh, si ça se passe pas très bien, euh ... ben et bon d’une part si ça se passe pas très bien toi, tu vas t’investir plus donc tu vas avoir plus de travail encore que si ça se passe bien parce que si ça se passe bien ? et en plus souvent il y a une incompréhension des parents qui va, qui vont pas du tout reconnaître le travail qui est fait.

  • D’autant plus que tu fonctionnes différemment.

  • Enfin... Alors en fonctionnant différemment, il faut encore plus être capable de ... je dirai pas de se justifier mais de, de montrer que ça marche quoi, de montrer que ça fonctionne, d’expliquer ce qu’on fait et de ... de montrer qu’on est performant. Enfin, ça c’est sûr... Bon, ici E. , c’est quand même, c’est quand même un milieu de gamins très favorisés, pas du tout d’étrangers à l’école, aucun, quoi des familles aisées... à 450 francs le m2 constructible, donc les parents travaillent en Suisse, d’une manière générale ils gagnent des sous gros comme eux, c’est plutôt l’instit. le cas soc. de la commune hein, ils ont tous leur piscine. Par contre, euh ...bon y a quand même des gamins qu’ont des difficultés, c’est sûr, quand même des gamins qu’ont des difficultés. Partout de toute façon, mais on a des familles qui sont très demandeuses de, de choses, un petit peu de plus, de l’école, de sorties, d’activités un peu, un petit peu plus quoi : ski, piscine, je dirai presque extra-scolaire, quoi. Et bon est arrivé à une, bon moi ça fait, ça fait 8 ans que je suis là,... Bon l’année dernière si, là ça s’était considérablement dégradé avec les parents d’élèves parce que, d’une part y a eu un changement de municipalté et là aussi bon, un autre croc en jambe en arrière hein, le nouvel arrivant qui voulait bien poser son pouvoir, donc qui était tout content de jeter de l’huile sur le feu pour améliorer les rapports avec l’A.P.E. Et puis euh, d’un autre côté, ben moi ma situation a changé, j’ai 2 enfants qui sont jeunes et il se trouve que je suis moins disponible en ce moment pour mon boulot que je l’étais il y a 5 ans par exemple quand j’étais célibataire. Et j’avais pris l’habitude ici de faire une classe de découverte chaque année. Bon j’en ai fait 5 ou 6, chaque année. On partait, les premières années je partais 3 semaines. Bon après, ça a un, si enfin je partais chaque année. Puis l’année dernière,... j’ai fait un peu le carac.(tériel), j’ai dit : “ Ben moi je voudrais bien un peu de reconnaissance à ce niveau-là parce que j’en vois pas beaucoup, rien qui me force à partir en classe de découverte ”. Donc cette année, je pars mais je veux emmener J. comme accompagnatrice et je veux emmener mes 2 filles. Et ça s’est très très mal passé. Finalement j’ai annulé le voyage. Ça a été terrible. Ah oui, oui, ça a été terrible parce que ... je sais pas... Officiellement les parents acceptaient, acceptaient le projet mais en disant que J. avec donc F. qui était jeune elle pourrait pas s’occuper des enfants, et puis moi je voulais pas l’emmener en vacances, je voulais qu’elle parte comme accompagnatrice hein, donc il fallait absolument quelqu’un d’autre. Bon j’avais déjà 2 mamans, tu vois, plus J., 3 personnes, tu vois, 17 gamins. Là c’est bon hein (rire). Donc je me suis retrouvé dans une impasse, c’est-à-dire que si j’acceptais une personne supplémentaire, ça voulait dire que J., c’est accepté qu’elle vienne mais si moi j’acceptais qu’il y ait une personne supplémentaire, ben ça voulait dire qu’elle ne pouvait pas faire son boulot d’accompagnatrice donc je pouvais pas accepter qu’on me paie des vacances et, donc finalement, tout le monde s’est braqué sur ses positions et j’ai fini par annuler le, la classe de découverte. Je pensais donc emmener mes 2 filles, enfin F. était trop petite mais C. aurait payé sa part au même, comme les autres enfants de l’école. Ça me paraissait un arrangement raisonnable. Hein ? Mais pas du tout hein. Ça a été, oui, ça a été violent, ça a brassé... Encore une incompréhension... Disons qu’apparemment les gens n’ont pas du tout compris je sais pas, j’ai pas été très diplomate, hein bon je voulais qu’il se passe quelque chose, il s’est passé quelque chose (rire). Mais apparemment les gens n’ont pas du tout compris que je voulais cette reconnaissance-là. Après tout l’instit tu nous fais chier...

  • Et cette année ?

  • Alors cette année, on est parti en classe de découverte. Moi j’aime bien partir avec les gamins, je veux dire je suis plus intelligent qu’eux. Bon on est parti 5 jours en classe de découverte.

  • Mais avec J.,

  • Non, non, non, non. C’est fini. Là c’est (le précédent) un séjour long, une classe de mer donc 15 jours. Classe de mer, tu peux pas partir 5 jours, c’est idiot, ça sert à rien. Donc, là, 5 jours je veux bien, 15 jours non. .. Donc on est resté un peu là, une cote mal taillée mais ... ça permet de, quand même faire des choses intéressantes... Autrement, j’essaie de faire pas mal de, pas mal d’efforts de, d’explications et de communication, notamment au niveau de la pédagogie de la lecture Qu’est-ce qu’on fait en classe et tout ça, mais on, enfin, puis je dis on parce que je m’entends très bien avec ma collègue, on travaille beaucoup ensemble. Et c’est que là, le, on forme vraiment une équipe, c’est très agréable. Et c’est vrai qu’on est toujours surpris par le peu de choses qui passent, en fait quand on explique notre travail. C’est pareil ça, c’est un des côtés qui est, qui est surprenant. Parce que quand même chaque année on fait une ou deux réunions où on parle beaucoup de lecture, si ce n’est que de ça, et euh, bon les gens reviennent à la pratique de ce qu’ils connaissent eux, de le, de leur apprentissage quoi. C’est étonnant... (Pour la lecture) on avait mis en place des choses, à partir de la démarche du G.F.E.N., des choses que tu fais ... pratiquer les parents, tu les fais lire à haute voix, tu les chronomètres, tu les brasses un peu dans des situations (rire) et bon, ben c’est bien, ça les remet en question mais c’est vrai quand même que ... tu sais, ce qu’il faudrait faire pour vraiment faire bouger les choses ? Une fois sortis, ça retombe...

  • En fait tu as beaucoup parlé des côtés négatifs. En fait les côtés négatifs, c’est surtout avec les parents, et avec B.

  • Et avec B.. Enfin, bon, moi je supporte pas les hiérarchies. D’ailleurs si j’avais pas été instit, j’aurais été très malheureux dans d’autres boulots. Heureusement on la voit pas beaucoup la hiérarchie, là. Heureusement. Mais... c’est vrai que moi je supporte très mal. Euh, oui, avec les gamins, j’ai pas tellement de côtés négatifs. Enfin c’est quelque chose qui me plaît beaucoup le rapport avec les enfants. Donc a priori c’est vrai qu’il y a des moments chiants, fatigants... mais...

  • Tu sais trouver

  • Oui, a priori c’est pas ça qui me gêne... Oui dans les expériences, B.S. ça été une expérience euh, dure hein, parce que-là, y avaient des enfants qui étaient vraiment déstructurés, et, c’était vraiment difficile. Alors j’ai eu une expérience particulièrement difficile, je suis resté 3 ans là-bas et c’est vrai qu’au fil des années je me suis senti usé, hein. C’est vrai que, la dernière année j’ai eu un gamin qu’était, avec qui j’avais beaucoup de difficultés. Seb. Qui, qui, avec qui ça passait mal. Mais euh ... oui . Alors bon, par contre là, heureusement, on avait toute une aide institutionnelle avec le psychiatre de la maison, avec l’équipe d’éducateurs, avec l’ensemble quoi de la maison. Heureusement, hein parce que ... ben c’était dur hein. Vraiment un gamin, un gamin qui montait sur les armoires quoi. Là, non moi, c’était mon expérience difficile avec un gamin. Là vraiment j’avoue que j’ai été impuissant. Et puis ça a vraiment mal fonctionné. Mais je pense que c’est pareil hein, c’est des gamins qui avaient des expériences, des vécus, très très difficiles et bon on retombait plus ou moins je sais pas si je lui rappelais son père ou quelqu’un d’autre avec qui c’était pas possible quoi et c’est que, on avait des rapports vraiment, c’était, c’était, je pouvais rien faire quoi. Autant ça passait, ça pouvait passer très bien avec, avec d’autres animateurs ou d’autres enseignants ou, autant avec moi, c’était, la relation était pas possible. Mais il me semble que dans un, dans une relation avec des enfants, euh, de classes ordinaires, on n’arrive jamais à des extémités pareilles. Moi, j’y suis jamais arrivé, oui, c’est ça. Oui, à B.S. ça ouh... Pourtant j’en avais 7-8, la dernière année. Mais là, vraiment c’était très très dur... En plus il était jeune, 9 ans, c’était pas ... 13-14 ans mais ... Bon, l’avantage c’est qu’on n’avait pas les parents sur le dos. Ça c’est sûr (rire). Non là, c’était dur. Je me souviens pas comment ça s’est fini d’ailleurs, cette année-là. Je me souviens de lui sur les armoires et de moi en train de lui dire de descendre. Mais je ne me souviens pas du détail. Bon y a d’autres gamins avec qui ça passait beaucoup mieux, c’est toujours pareil. Mais c’était vraiment, c’était tout dans la relation, là y avait plus que ça qui comptait... Et quand ça marchait pas, ça marchait pas ... Alors que bon, dans une classe ordinaire, y a quand même, je sais pas comment dire, y a quand même tout le groupe classe qui est aussi important. Là en plus on était très peu nombreux, donc c’était vraiment des relations euh, duelles quoi, voilà... Alors que dans un groupe classe, bon ben ici aussi y a des gamins, y a toujours des gamins avec qui ça passe pas très bien, bon mais il se passe des choses quand même dans la classe, donc ... on évite de se retrouver dans des situations vraiment de conflit... Ça se négocie beaucoup plus facilement quoi. J’ai des gamins qui sont aussi moins destructurés, donc qui savent mieux gérer ça... Oui, autrement, je sais pas, autrement des bons moments ? Des bons moments ... Ben moi, les classes de découverte, j’aime bien les classes de découverte. C’est des moments où on sort un petit peu du statut traditionnel de l’enseignant et de l’élève, et où on peut avoir des relations plus décontractées, plus ... Mais c’est vrai que c’est quand même sympa de rencontrer des gamins, de les voir dans un autre contexte, dans un autre contexte, dans un autre cadre...

  • Et comment tu t’es retrouvé à l’E.N. ?

  • Comment je me suis retrouvé à l’E.N. Et bien, c’est bien simple, ma maman était institutrice (rire). Comme j’étais le petit dernier, elle m’a toujours dit : “ Dès que tu peux : école normale ”. Donc je suis arrivé dans le boulot, en fait j’étais pas très content au départ parce que j’avais passé l’école normale en 3ème, à l’époque on faisait comme ça, puis j’étais allé jusqu’au bac avant de rejoindre l’école normale proprement dite. J’étais resté au lycée, oui. Et puis j’étais un bon élève en fait au lycée. J’étais en série scientifique, bac C à l’époque. Et puis, bon, j’avais envie de continuer les études. Puis en fait, ça s’est pas fait. Parce que j’aurais dû avoir une mention mieux que ça. Enfin bon. Et je suis arrivé à l’E.N... Enfin oui, non j’étais pas très, j’étais pas très content. D’ailleurs je m’étais inscrit en candidat, en candidat libre en comment ça s’appelait. J’étais allé quelque temps, le samedi matin à Chambéry à la fac de maths... Et puis, bon, j’y comprenais rien quoi, (rire) ça m’a fait drôle d’ailleurs, j’étais plutôt un bon élève au lycée, j’y “ panais ” rien, mais rien tu vois quand t’arrives comme ça. J’avais pas dû commencer tout de suite, un ou 2 mois de retard. Eh la la, ... Donc du coup ... Puis en fait le boulot m’a plu. Donc je suis très content de ... Mais cest vrai qu’au départ je, j’avais plutôt envie de continuer en lycée...

  • Et Freinet ?

  • Oui, ben je sais pas. En fait oui je me souviens pas. Alors je me souviens que, je me souviens pas comment je suis arrivé à ça au début. C’est étonnant hein ! J’étais, parce que tout de suite après à la sortie de l’E.N., j’ai fait une année de remplacement où je tournais un peu dans les classes des décharges, des maîtres d’applic., des choses comme ça et puis après je suis parti en coopération en Algérie et je me suis retrouvé dans une classe unique, donc d’enfants avec un peu toutes les nationalités, des enfants de coopérants. Et donc j’avais une classe vraiment bizarre parce que j’avais pas mal de gamins avec un peu tous les âges, des gamins d’étrangers qui parlaient pas le français, des français, y avait de tout. Et je crois que c’est à ce moment-là que je me suis mis à, et puis je devais pas avoir de bouquins, donc j’ai dû commencé la méthode naturelle là. Et je me souviens oui d’une gamine, une polonaise qui parlait quasiment pas le français, elle a appris à lire en français. C’est incroyable, hein ? Oui, j’en avais 3-4 au CP, je me souviens on écrivait les, on n’avait pas l’imprimerie, on n’avait rien quoi. On écrivait les textes libres sur des grandes affiches, on lisait là-dessus, voilà. Puis après je suis rentré à R. puis là je devais avoir un peu plus de support théorique, j’avais dû lire des bouquins, bon j’avais lu des bouquins. Et à ce moment-là donc j’ai commencé à avoir des gros ennuis avec les parents d’élèves (rire). Ah oui, non je suis arrivé à R. et à R. y avait tout le matériel, y avait toute l’imprimerie, y avait les bandes enseignantes, y avait tout le matos, donc moi j’ai démarré à fond du coup là-dedans. J’avais déjà un peu commencé tout ça, ça me plaisait bien et après donc j’ai eu quelques ennuis avec les parents et je me souviens que j’avais quand même, en plus je connaissais personne, j’arrivais... Qui m’avait parlé, on m’avait envoyé vers M.P., on m’avait donné son numéro de téléphone, je lui avais téléphoné une fois, j’étais pas très brillant et je me souviens bien qu’elle m’avait bien remonté le moral. Donc c’est comme ça que j’étais rentré en contact, c’était par M.P. Oui, puis j’étais à mi-temps, en plus, d’avoir les cheveux longs, et de faire la méthode Freinet (rire). J’avais tout pour plaire ! Donc j’étais allé, j’étais allé dans sa classe, un petit peu pour voir si, pour aller chercher des tuyaux. Mais après hein, quand j’ai eu des problèmes. La 1ière année je devais pas être à mi-temps, je me rappelle pas. Si, peut-être bien ... donc voilà (inaudible) ... Comment j’ai connu la méthode Freinet ? Ça devait être d’après des articles, je me rappelle pas, des revues. Et puis je suis arrivé dans une classe où il y avait tout le matériel... Et puis, oui, oui, l’imprimerie, tout ça, ça me plaisait bien. Et puis les gamins accrochaient bien quoi. C’était une classe rurale comme ça. Les gamins connaissaient pas, j’y (le matériel) avais ressorti des placards. Y avait peut-être 4-5 ans maximum (que l’imprimerie ne fonctionnait plus). J’ai appris, après, qu’il y avait déjà eu plein d’histoires avec les instits précédents , oui, oui, tout-à-fait. Y avait déjà eu des problèmes avant.

  • Apparemment ils étaient rétifs ?

  • Oui, la moitié du village. De toutes façons, oui. Oh de toutes façons dans tous les villages, y a toujours des histoires sur les instits précédents. T’as toujours des échos, hein, c’est sûr...

  • Et t’as eu le sentiment, quand tu as eu des difficultés, d’être aidé ?

  • M.P. oui, oui M.P. Là vraiment j’ai, j’étais content de, d’aller au niveau du groupe Freinet hein. Pourtant déjà à l’époque il se passait plus grand chose quoi. Mais, bon, moi je me souviens des premières fois où j’y suis allé je comprenais rien de ce qui se passait. Y avait un langage un peu ésotérique pour moi, mais c’est vrai que j’avais été accueilli quand même, ça je me souviens que ça m’avait fait du bien. Euh, au niveau de l’inspection à l’époque, y avait un conseiller pédagogique qu’était monté de T., qui était venu me voir en me disant, en prenant toutes les précautions, enfin bon : les parents lui demandaient donc il venait voir mais c’était pas pour me descendre et tout ça. Mais c’est vrai qu’il était plutôt aidant quoi, il m’avait pas, il m’avait pas descendu effectivement. Il m’a dit qu’il y avait pas de problèmes que je travaillais tout-à-fait... que j’avais mes options mais que la classe était tout-à-fait bien tenue, que c’était pas..., il m’avait pas descendu. Enfin c’était le conseiller pédagogique, c’était pas l’inspecteur. Oui, enfin il m’avait pas vraiment aidé mais il m’avait pas enfoncé quoi. Donc, qui m’avait aidé ? Oui, le groupe Freinet, je me souviens, surtout M.P. ... Après euh, bon ben après on a un petit peu plus de bouteille, bon tu fais plus la part des choses mais c’est vrai que, en étant débutant comme ça, c’est pas évident de savoir ce qui faut faire, qui est à côté de la plaque (inaudible). C’est pas simple... Bon, puis au niveau national aussi. Je m’étais abonné à l’Educateur, tout ça, c’est vrai que ça soutient quand même de voir qu’on est pas tout seul dans son coin, qu’il se passe des choses, que le discours officiel est pas le seul à être dans l’air et ... Non moi, oui, oui ça m’avait bien soulagé de pouvoir me raccrocher à un groupe. Ah oui, c’est sûr... (silence) Y avait la correspondance, y avait des choses aussi, d’échanges intéressants de pratiques entre enseignants.

  • Les relations en correspondance, que ce soit pédagogiquement ou affectivement ?

  • Oui,oui, tout-à-fait. Ben toujours pareil, ça montre que, on n’est pas tout seul dans son coin, que d’autres personnes ont les mêmes problèmes et que finalement ça tient pas à soi, quoi ! Ça relativise les difficultés parce que, au départ on sait pas, on ne sait pas faire la part des choses. Ça, c’est vraiment important. D’ailleurs c’est marrant que ce soit quelque chose maintenant qui, qui fonctionne plus du tout hein ! Cette histoire de, tout ce qui est mouvement associatif, ça se casse la gueule un peu partout. Les gens veulent plus ce côté “ j’adhère à un groupe qui me soutient ”, c’est, c’est c’est marrant, c’est marrant que ça ... (silence). Et puis après on avait fait des choses, au niveau coopération comme ça, on avait fait des choses en commun au niveau du journal scolaire. Ça aussi, ça aussi c’était bien. Un bon souvenir ça, oui. Oui, pas mal de, d’expériences. On avait essayé de faire un journal commun de, une ou 2 fois dans l’année ; voilà, ça avait permis de rencontrer des gens sympas. Oh, c’était beaucoup de boulot, je me souviens, c’était un investissement important. Bon je le referai peut-être pas mais ça correspond à cette période mais c’est vrai que c’était... Ça aussi c’est tout le domaine coopératif. C’est quand même un, une dimension importante ça dans le boulot. Je veux dire qu’on, c’est un boulot où on est nombreux à faire ce boulot donc, euh, que ce soit au niveau syndical ou au niveau coopération-échanges, mouvements pédagogiques, y a des tas de choses qui peuvent se faire dans cette dimension-là et qui sont importantes...

  • Est-ce que tu reçois de temps en temps des stagiaires ?

  • Oui, je me suis mis sur le réseau, oui. Oui, oui. (rire) Alors ça c’est un poème aussi. Ben y a de tout. Y a depuis les stagiaires qui en fin de stage jouent les inspecteurs, qui te font comprendre que c’est vraiment pas terrible ce que tu fais quoi (rire). Mais je, je, je caricature pas, c’est réel. Bon vraiment c’est pas terrible, si elles étaient là ce serait mieux ! Hein ? En passant par celles, effectivement qui arrivent en retard, qui discutent au fond de la classe (rire), que tu es obligé de leur demander de parler moins fort jusqu’à ... aux stagiaires qui sont, qui sont super intéressés et qui t’amènent des trucs dans la classe quoi. C’est vrai qu’il y a aussi des choses qui, qui t’apportent des trucs sympas, hein, qui étaient vraiment sympas aussi. Mais, non c’est bien, moi j’aime bien (inaudible) aussi ça aussi. Ça donne un peu de recul par rapport à sa pratique. C’est bien parce qu’on n’est pas, on pratique pas pareil quand il y a quelqu’un dans la classe, c’est sûr. Et euh, on a toujours un peu de distance, on regarde un peu ce qu’on fait et ça c’est bien aussi ça. On peut pas avoir tout le temps quelqu’un mais mais quoi, 2 ou 3 fois dans l’année quand même puis qu’ils cherchent pas mal. Et puis bon, ils prennent quand même un petit peu la classe de temps en temps. Ça aussi c’est marrant.... C’est marrant parce que, on s’aperçoit de difficultés ou de choses qui sont liées à la prise de parole, à la manière de se placer devant une classe... Ça nous, ça nous renvoie un petit peu en miroir, sûrement. On s’aperçoit à ce moment-là que y a tout un tas de ficelles, de théâtre, de choses comme ça que... on a tellement intégré qu’on s’en aperçoit plus. ... C’est surtout des 1ières années qu’on a nous. Donc, ils ont pas beaucoup de pratique de formation quoi. Ils sont en début de formation, ils ont fait quelques stages d’observation dans le meilleur des cas mais souvent ils sont assez vierges quoi. Non, ce qui nous frappe un petit peu, on en parlait l’autre jour avec ma collègue c’est, c’est le langage quoi, qui est devenu complètement ésotérique, même nous on n’y comprend plus rien. Ça c’est, c’est étonnant, hein ! (rire). C’est M. qui me racontait ça l’autre jour, on se bidonnait en racontant ça mais... c’est vrai que tout est sujet à être pris par un verbiage qui est, oui est ésotérique quoi. Si t’es pas dans le milieu, tu comprends rien. Même nous... Bon puis y a les modes pédagogiques aussi qui sont amusantes, certaines choses qui sortent pendant un certain temps puis qui disparaissent. (rire) Oh, qu’est-ce qu’y a eu comme modes, comme trucs à la mode ? Y avait la reconstitution de texte, on en parlait beaucoup quand je suis sorti de l’E.N., ça a passé... Après qu’est-ce qu’y a ... Y a la résolution de problèmes là, qui est à la mode depuis quelques temps. Bon ça, c’est vrai que c’est pas mal, ça va rester mais ça va se calmer là, ça va se calmer... Qu’est-ce qu’y avait d’autre comme ... Oh, y a rien qui me vient comme ça. C’est tout par périodes. Ben y a la maltraitance maintenant, qui arrive très fort ... Y avait un stage dessus mais moi je l’ai pas fait. On a reçu des paquets ... alors c’est vrai que bon faut pas, c’est vrai que c’est important, faut en parler. C’est vrai que ça me fait aussi sourire parce que, tout d’un coup alors on découvre que ça existe... Enfin...Bon. Mais disons qu’on nous demande de plus en plus d’écrits, aussi. Ça aussi c’est quelque chose qui a beaucoup évolué ces dernières années dans la profession, de plus en plus d’écrits au niveau des projets, au niveau de de, on nous demande de faire des projets, on nous demande de les évaluer, on nous demande de, de, de refaire des mises au point, de de re... comment dire, de rectifier le tir quoi, de moduler un petit peu, de réajuster le projet d’une année sur l’autre. Dès qu’on veut faire la moindre chose un petit peu en dehors de la classe, faut rédiger un projet. Ça aussi c’est une demande qui est, qui est, qui est de plus en plus forte, là ces dernières années, qui devient très importante, et euh, c’est pour ça que le langage ésotérique, là, ça, ça prend aussi une certaine importance parce que ... il faut savoir écrire comme ça, quoi. Et c’est vrai que c’est relativement nouveau ça. Parce qu’avant, bon, l’instit qui voulait rester dans sa classe, faire son boulot sans trop chercher midi à 14 heures, bon ben voilà quoi. Maintenant tu peux, c’est pas possible de pas écrire de choses pour l’administration, on te demande sans arrêt... Toutes les écoles doivent faire un projet d’école chaque année, un avenant du projet d’école, une évaluation du projet d’école, les buts, effets observés : enfin on vient de remplir des trucs là à la fin de la semaine dernière. C’est étonnant. Les lit-on ? (rire) C’est ça la question. Est-ce qu’on est lu ? Parce que, en plus j’ai l’impression en en parlant comme ça avec les collègues que les gens le font vachement sérieusement et qu’ils s’appliquent hein. D’ailleurs bon, c’est ce que nous avait dit un peu l’inspection là, qu’elle était surpris par le, comment dire le, le niveau d’exigence ou le ... que les instits avaient dans leur projet d’école. C’est-à-dire qu’ils visaient beaucoup trop haut quoi. Globalement c’était intenable, les gens se sont vraiment pris au jeu. Moi je pense que, en soi, c’est intéressant effectivement de réfléchir un petit peu, oui d’évaluer sa pratique, de ... mais bon on a un petit peu de mal à y prendre au sérieux quand même, parce que, d’une part moi j’ai quand même des doutes qu’on soit lu, d’autre part faire des projets c’est bien mais ... on n’a pas toujours des moyens qui nous, qui nous viennent pour les mener à bout et puis euh, et puis ça demande un temps énorme quoi. Quand tu écris, que tu te remets en question, que bon, ça demande beaucoup de temps. Alors ce temps-là il faut bien le prendre quelque part. C’est vrai qu’on a l’impression qu’on demande de plus en plus à l’enseignant, qu’on demande de plus en plus de temps en dehors de sa pratique quotidienne. Et bon, c’est, c’est c’est pas élastique hein, le... ce que tu mets d’un côté tu peux pas le mettre de l’autre... Donc, bon puis moi c’est mon côté anti-hiérarchique quoi, ça passe mal (rire) ce genre de choses. C’est-à-dire que jusqu’à présent en gros, on a toujours fait des projets d’école complètement bidons et on a monté d’autres projets (rire) souterrains en même temps. Alors bon... et quand même là on est en train de se dire : quand même on pourrait (rire), s’épargner un peu du, de la peine mais. Non mais... Moi ça. Voilà, ça fait beaucoup d’énergie, si on imagine tous les instits à la fois en train de, on a quand même un peu l’impression d’un gaspillage, d’un gaspillage d’énergie. Bon de toutes façons, à mon avis le corps enseignant a toujours sû très bien résister à toutes les réformes qui ont déferlé, hein. Je pense que si on lui foutait un peu plus la paix et qu’on lui laisse un petit peu plus de marges, y a des tas de choses qui se font, faut que ça vienne de la base, ça peut pas être impulsé du ministre. Donc, en soi y a des tas de choses qui sont intéressantes dans ces choses, c’est clair. Mais bon euh, ça peut pas marcher tout le temps. Je veux dire que on peut faire des projets intéressants, on peut les remettre en question, les évaluer, travailler en équipe, bon c’est des réalités qui peuvent se faire, je dirai presque de manière magique, une fois ça va marcher parce que y a des tas de choses impondérables. Et puis d’autres fois, bon ben, c’est difficile et puis ce sera les autres fois, c’est tout quoi. C’est que, on finit par bon mais ça je pense que les instits on est très fort pour ça on finit par savoir faire semblant très bien.

  • C’est comme ça que tu vois le projet pédagogique en règle générale et le projet d’école ?

  • J’ai l’impression oui. C’est comme ça que je les ressens, oui. Et je te dis, nous c’est même le comble parce que on arrive à se faire notre propre projet mais ... on n’arrive même pas à le mettre dans le truc officiel quoi. Parce que pourquoi ? En fait on s’est demandé pourquoi. C’est quand même con de monter un projet bidon, ça demande quand même de l’énergie (rire) puis d’en faire un 2ème vrai où là on met le reste de l’énergie. Mais pour des raisons de , pour des raisons de dates, parce qu’on nous demande, par exemple là, il fallait pour le 15 mai monter le projet pour l’année prochaine et que bon, un projet, un truc comme ça, ça se monte sur des envies. Sur des envies ça va pas se faire, comme ça pour le 15 mai, quoi.(rire). Ben oui. Donc en gros, tu bricoles un truc pour être dans la fourchette et puis euh, bien dans 3 mois, on va avoir une idée géniale qui va nous plaire et on va se lancer sur un autre truc, et puis c’est tout. Alors bon, jusqu’à présent nous on a de bons rapports avec l’inspecteur local qui nous laisse relativement des coudées franches, ... Donc on arrive à faire avec ça. Mais c’est vrai que cette organisation pyramidale, enfin moi c’est le truc, j’ai un peu du mal voilà.

  • Moi je pense qu’il y a aussi autre chose. Toi, tu avais déjà l’habitude de faire des projets, par rapport à d’autres, le fait de travailler en pédagogie Freinet avec le groupe et autre, en fait y avait toujours des choses en chantier.

  • Oui, oui, ça c’est vrai.

  • Donc tu ne vois pas la nécessité qu’on te l’impose d’en haut ?

  • Disons que, en soi, c’est pas inintéressant. Moi je le remets pas en question, en soi c’est bien. C’est bien de demander aux gens de réfléchir sur leurs pratiques, de faire le point localement, qu’est-ce qui va ? Qu’est-ce qui va pas ? Qu’est-ce que vous voulez améliorer ? C’est super, Moi j’ai rien contre. Mais c’est vrai que dans le fonctionnement, moi j’ai du mal à le, à l’intégrer, c’est mon côté anar.