Deuxième entretien

  • Moi, a priori, à l’école, j’étais un bon élève. J’ai pas, de l’école primaire, j’ai pas de souvenirs, je dirais, tranchés, de rapports désagréables. A priori, ça s’est passé assez en douceur. Parce que, non y a pas tellement de, y a pas eu tellement de, d’éclats ou de choses comme ça, à l’école primaire, avec les instituteurs. D’ailleurs, je m’en rappelle pas tellement de mes instituteurs. Je me rappelle vaguement mon institutrice du CP, une vieille dame (rire) . J’ai retrouvé, y a peu de jours par hasard, mon livre de lecture, j’ai reconnu mon livre de lecture, Rémi et Colette bien sûr, ça m’a fait un choc de retrouver la page, les 1ères pages. C’est marrant comme ça peut s’imprimer hein ! Mais euh, j’ai pas de souvenirs précis.

  • Tu dis que tu n’as pas de mauvais souvenirs et en fait il te reste rien ?

  • Effectivement oui. Il me reste pas grand chose de l’école primaire. Un petit peu plus après, dans les dernières classes, CM1-CM2, un tout petit peu. Je me souviens que, on avait un instit qu’était assez, assez bon enfant, assez sport, on faisait du sport le samedi après-midi avec lui. Alors qu’à l’époque normalement on avait classe je crois ? Donc euh, oui, souvenir d’une ambiance de camaraderie mais j’ai, j’ai très très peu de souvenirs précis.

  • Et avec les copains en classe ?

  • Très, très peu de choses, là. Je me souviens que, on faisait des problèmes deux-trois comme ça. Il était au bureau et quand on avait fini on lui amenait le cahier : bon, bon, pas bon, on repartait. Mais c’était pas, enfin j’en ai pas un souvenir d’une atmosphère chargée quoi. C’était comme ça, c’était calme, chacun allait chercher sur son cahier. Non de l’école primaire, j’ai très peu de souvenirs. C’était, c’était à l’école primaire du C., je me souviens un petit peu de la cour de récréation mais c’est pareil, c’est-à-dire que c’est des lieux, moi que je connais, j’ai connu avant, après, dans des contextes différents. Ma mère était instit, donc on fréquentait quand même beaucoup de, d’instits, elle était à l’école maternelle du C. Donc j’avais un copain qui habitait dans cette école primaire, donc je l’ai vu, donc c’est pour ça que les souvenirs sont un peu, un peu mélangés là au niveau, au niveau de ces lieux mais de la classe elle-même j’ai pas de souvenirs précis. J’ai le souvenir que j’étais un bon élève, sans, sans histoires. Après au collège, je me souviens plus (davantage) de la 6ème. Je suis arrivé en 6ème où c’était un peu, oui, (rire), du mal à trouver son équilibre. Ça, ça bougeait beaucoup plus, il se passait beaucoup plus de choses, beaucoup plus de, oui, l’impression un peu de fourmi, fourmilière. Je me souviens d’un peu plus de choses précises, en histoire. On a travaillé sur l’Antiquité où on nous a fait un petit peu des, un petit peu des recherches, des choses comme ça. Ça, je m’en souviens un peu plus. Après aussi on avait, en 4ème, 5ème, je sais pas, on avait travaillé sur des exposés, en histoire sur la Révolution, je sais pas quelle classe c’était, ça je m’en souviens bien. C’est la 1ère fois qu’on faisait des, des travaux comme ça, disons. Je pense que les autres instits précédents étaient traditionnels quoi. Et puis euh, après, bon ben, j’ai quelques, j’ai eu des copains que j’ai encore, donc avec lesquels on a gardé des relations hein ! Donc c’est pareil, des gens avec qui on échange, on parlait de souvenirs de choses qui ont été transformées donc c’est difficile de savoir ce dont on se souvient vraiment, de soi oui, mais euh, oui. Moi du secondaire, j’ai plutôt une impression un peu de, de manque de, de ... C’est pareil j’étais plutôt un bon élève. Mais, un peu par habitude quoi. Parce que je voyais pas très bien où on voulait en venir. Globalement c’était un peu ça, l’idée, je comprenais pas bien. Bon, je faisais plaisir à ma maman quoi ! (rire) Et c’est marrant parce que, c’est des choses auxquelles j’ai pris conscience plus tard, à l’E.N. ou après, au moment d’enseigner, des choses, notamment en maths puisque moi j’étais dans une section scientifique, j’ai fait un bac C, euh, des tas de trucs que je faisais de manière complètement automatique sans jamais avoir compris ce que ça voulait dire. Bon, les histoires de fonction, les histoires de bon, physique, des choses qui en fait n’avaient pas de sens. J’ai compris le sens qu’elles pouvaient avoir bien plus tard. Et euh, ben oui, dans l’expérience, souvenir de, d’école, j’ai refait une formation professionnelle, y a quoi, y a quelques années, je sais pas, y a 4 ans, dans une formation technique en cours du soir, en formation professionnelle pour adultes, j’ai passé un BEP de mécanique-auto. Parce que bon, j’avais envie de, d’avoir quelque chose d’un petit peu technique dans les mains et puis c’est quelque chose que je faisais depuis longtemps, un peu tout seul comme ça, j’avais envie de théorie, de choses plus précises là-dessus. Et donc je suis retourné, euh, en lycée technique, enfin c’est même pas en lycée technique, c’était en LEP, lycée d’enseignement professionnel, à T. à la G. Et euh, je me suis retrouvé donc avec, avec des adultes qui prenaient des cours du soir sur une année, on y allait avec les copains. Ça , bon... Bon je me suis pris au jeu, je me suis dit : bon y a pas de raison, je vais me présenter à l’examen. Et c’est vrai que ça m’a, j’ai été très frappé par cet examen. Parce qu’il y avait quand même quelques années que je ne m’étais pas retrouvé de l’autre côté de la barrière, et euh ça m’a frappé de voir, ce qui était étonnant c’est que j’ai passé un examen sur plein de choses sur lesquelles j’étais pas incompétent mais que je connaissais pas, hein ! D’abord ils m’ont fait tout repasser hein !, tout repasser : la dictée, le français, l’anglais, les maths, tout, hein ! Donc c’est un marathon. Heureusement, j’étais à mi-temps mais ça a duré au moins 15 jours, l’examen. Et puis euh, ça m’a bien montré que je me suis bien débrouillé hein, j’ai eu de très bonnes notes partout quasiment. Non mais c’est marrant, on m’a mis, par exemple j’ai passé une épreuve de soudage, on m’a mis un chalumeau oxygène-acétylène dans les mains, j’en avais jamais touché un. Pour l’examen, une épreuve de dessin, dessin industriel, la technologie, c’est pareil j’en ai jamais fait depuis 20 ans. Et j’ai pas eu de notes brillantes je veux dire, mais j’ai eu la moyenne chaque fois. Parce que je suis resté, je me suis dit : bon, j’ai pu grignoter tous les points que, bon c’est quand même notre boulot, enseignants, bon (rire), on connaît bien la musique quoi. Et ça m’a frappé de voir l’attitude de gamins autour hein puisque c’était des salles d’examen qui claquaient la porte au bout de 5 minutes. Sujet, (soupir), je sais pas. Surtout dans l’enseignement technique où y a quand même beaucoup de gens qu’arrivent là, euh, par l’échec. Donc, ils sont en échec depuis longtemps, ils ont pas du tout une attitude, je dirais sereine, par rapport à l’examen ou par rapport à l’école quoi ! Oui, ça m’a, ça m’a beaucoup frappé ça.

  • Et ça t’a rappelé des souvenirs des examens précédents, le brevet, le bac ?

  • Non, justement. Justement, j’ai trouvé extraordinaire d’abord l’attitude par rapport à l’examen, l’attitude des profs. Parce que, autant, en lycée général, t’as un peu l’impression que, bon euh, c’est comme ça et puis c’est pas autrement, je veux dire, on distribue les copies, euh, c’est la règle du silence, euh, on est là pour être surveillé et pour voir qu’on triche pas, t’as une ambiance très fermée. Alors que dans ce milieu technique, on a plutôt l’impression que les gens sont là pour nous aider, je veux dire, on est tous à se coltiner la réalité de la matière. Après tout, on n’est pas là pour s’emmerder les uns les autres quoi ! Bon je te dis, le coup de l’épreuve du chalumeau, le prof m’a discrètement allumé le chalumeau parce que je savais pas, moi, j’étais comme si on te le mettait dans les mains, j’ai jamais touché ça. Bon, il m’a, tu vois, discrètement euh, et puis d’une manière saine, c’était pas tricher, je veux dire, c’était bon euh : fais ce que tu peux mais plutôt comme ça, quoi. J’ai trouvé, moi j’ai découvert cette filière technique là, dans ce sens-là, j’ai trouvé que c’était euh, c’était tout-à-fait intéressant. Mais euh, c’est que nous on ne, bon, quand on est dans une filière généraliste on n’en parle jamais. Ces filières techniques-là, c’est un peu la honte de finir dans ces réseaux. D’ailleurs c’est ce que disaient les profs : c’est dommage de voir, de devoir sélectionner les gens par l’échec. Mais oui, cette expérience ça m’a beaucoup remis en question le, notamment les examens. J’ai trouvé ça quand même très étonnant de voir à quel point, je sais pas, je me souviens les salles du bac ou celles du brevet où bon t’as, c’est quasiment le nazisme quoi. T’as le mec au centre qui vérifie qu’il y a rien hein ! sur ces tables, rien ne passe etc. Alors que là, bon l’examen : t’as une voiture en panne, voilà. Trouvez la panne. Bon, on regarde, bon éventuellement, on peut éventuellement poser, poser des questions, ou demander un outil, ou ... Bon, alors on a un temps. Alors évidemment si on est complètement à côté de la plaque, bon on l’aura pas. Mais je veux dire que c’est, c’est complètement différent quoi. On a l’impression d’être là, un peu pour être coincé dans un examen généraliste, moi j’y vois un peu comme ça. C’est-à-dire que c’est la sélection par l’échec. Bon ben, ceux qui y arrivent tant mieux, les autres, dégagez, quoi. Alors que, dans ces examens-là, enfin moi, c’est ce que j’ai ressenti hein !, que le rapport avec ceux qui faisaient passer l’examen était complètement différent. Et euh, j’étais oui, j’étais très surpris. Et puis bon euh, aussi très étonné par cette attitude des gamins en échec qui abandonnent quoi ! Qui abandonnent dès le 1ier bon, des examens, bon on n’avait pas 4 heures, on avait, on avait au moins 2 heures. Bon un gamin qui claque la porte au bout de 5 minutes, c’est, c’est dommage quoi, parce que, même en ayant pas fait grand chose, en ... y a toujours des points à gratter. Oui ça c’est un souvenir fort mais proche ! (rire) de l’école. Mais euh, non. Voyez, mon souvenir général de ma scolarité primaire et secondaire c’est un peu du gâchis, c’est-à-dire que, (soupir) j’ai rien et déjà à l’E.N. moi tout ça, ce qui est histoire-géo, tout ça, rien ! Je n’ai rien retenu. Pourtant j’étais un bon élève hein ! J’apprenais pour la leçon, la leçon suivante j’avais tout oublié quoi. C’est clair ! Le lendemain de l’évaluation, c’était fini hein ! C’était efficace, ça marchait bien. Je suis arrivé à mon bac sans problème. Bon en maths, ça m’intéressait un peu plus mais c’est pareil. Après si, j’ai quand même eu une expérience désagréable, c’est que quand je suis arrivé à l’E.N., j’avais ... En fait moi j’aurais voulu continuer en fac de maths. Puis comme j’avais déjà passé l’E.N., euh, à mon bac j’ai pas eu une mention suffisante, j’ai dû avoir mention assez bien et puis il fallait bien ou très bien pour continuer. Donc, sur le coup, je l’avais un peu trouvé mauvaise et je m’étais inscrit, je sais pas comment ça s’appelait en, en auditeur libre, je sais pas quoi, ou en, ou en deux fois plus de temps, et puis y avait un terme, oui, en DEUG de maths à C. Et donc, j’avais essayé de suivre tout seul cette, cette, ce cours d’université. Mais bon, déjà le temps que ça se mette en place, je m’étais, tu vois, c’est bien un mois de décalage et euh, là j’étais complètement largué, là oui. Là, y avait une sacrée différence avec le collège, le lycée où a priori j’étais plutôt un bon élève et je suivais sans trop de problèmes. Là je me suis trouvé tout d’un coup dans la situation du cancre, là. (rire). Je comprenais rien, quoi. Si bien que j’ai assez vite laissé tomber. Et ça, c’était désagréable.

  • Et t’as des souvenirs de profs, super-sympas ou “ super pas sympas ” ?

  • J’ai pas eu, je me suis pas, non affectivement je suis resté euh en arrière. J’ai pas de souvenirs vraiment. Bon y avait des profs sympas, mais des gens vraiment avec qui j’ai accroché, avec qui j’aurais vraiment... non. Ça m’a laissé, j’ai pas adhéré au lycée. Je suis resté (rire), j’ai fait ce qu’il fallait mais ...(rire).

  • Tu n’as adhéré ni au lycée, ni à l’école primaire en fait ?

  • J’ai l’impression, oui. Oui, c’était pas mon truc quoi. Je faisais ce qu’il fallait pour suivre parce qu’il le fallait mais j’ai pas eu de grosse antipathie ni de grosse sympathie en fait . Oui, avec le système scolaire, bon ... Bon puis à l’E.N., à l’E.N. c’est pareil. Y avait pas, y avait pas grand chose de ... Non je me souviens de l’E.N., l’examen de, j’avais demandé à passer le CAFIM mais je sais si je t’en ai déjà parlé l’autre fois? Je radote quoi !

  • Non. Mais si tu en reparles c’est que tu as besoin d’en reparler. C’est intéressant pour moi quand même.

  • Alors je cherche un peu les expériences désagréables quoi ! Euh, bon ça, ça a été une expérience très désagréable. Mais c’est vrai que j’en n’ai pas d’enfance. A priori comme ça ; j’en n’ai pas gardé.

  • C’est pas strictement indispensable.

  • Oui, oui. D’expérience spécialement agréable. Non plus... Non, je. J’ai l’impression oui, d’être resté euh, un petit peu sur la marge. Oui. Non non, moi je me suis éclaté dans la formation technique. Là j’aurais volontiers, si on devait faire quelque chose, je ferais ça. (rire). J’ai trouvé ça super. Justement avec ce rapport de, de, du sens quoi ! Puisque nous, on avait quand même travaillé des trucs en physique et en maths des choses assez difficiles mais qui n’avaient, je m’en suis rendu compte à ce moment-là, aucun sens. Autant en formation technique, je vois par exemple en électricité, tu vois des choses assez théoriques, assez pointues, bon ben t’as l’alternateur en panne, t’as un truc en panne, bon ben faut qu’il marche à la fin, ça sert à appréhender la réalité quoi ! Ça a du sens. Ça, ça a été, oui, ma grosse découverte. Oui ... autrement euh, enseignement, enseignement de la musique. Puisque c’est un volet important pour moi, je fais beaucoup de musique depuis 20 ans. Euh, j’ai commencé à faire de la guitare en 6ème, en arrivant en 6ème, donc à 11 ans. J’avais commencé par des cours de guitare classique. Ça, je m’en souviens assez bien. Pendant, pendant 4-5 ans. J’ai dû faire ça en MJC. Un prof avec qui ça passait bien. Je m’en souviens assez bien de lui par contre... Et puis je, je me débrouillais assez bien, ça avançait bien, il était content de moi ... Alors pourquoi j’ai arrêté la guitare classique ? Tiens ça je ne m’en souviens pas. C’est-à-dire que, petit à petit quand même y a d’autres styles de musique qui ont dû commencer à m’intéresser. Donc j’ai dû commencer à faire, à l’époque c’était la guitare folk ... Et euh, et petit à petit j’ai dû faire les deux en parallèle et puis passer à ... Mais je me souviens que ce prof de MJC, c’était sympa parce que il nous embêtait pas, c’est pareil, ça avait du sens tout de suite. C’est-à-dire qu’on commençait tout de suite avec les instuments. La 1ère année on commençait avec l’instrument et puis on apprenait les notions dont on avait besoin, de solfège et tout ça, au fur et à mesure sur l’instrument. Et puis la guitare c’est quand même un instrument assez simple par rapport au piano par exemple y a deux clés à lire, etc. donc, les notions de solfège étaient pas trop compliquées, on les apprenait au fur et à mesure. Et ça, ça m’a, ça m’a bien, c’était bien adapté pour moi. Je vois maintenant euh, un petit peu les cursus de l’école de musique, qu’ils peuvent faire pour les gamins autour de moi. Ça me fait frémir quoi, c’est vrai que c’est, c’est absolument ahurissant. Et plus on va dans des petites écoles, pire c’est (très affirmé). (rire) Ils veulent en faire encore plus pour montrer qu’ils sont encore plus ultras que les ultras. C’est incroyable. Donc c’est vrai que ça, c’était un cours en MJC qu’était sans prétention, qu’était, mais qui fonctionnait très bien, la preuve c’est que je joue encore de la guitare maintenant, 20 ans plus tard, 30 ans plus tard.

  • Et comment t’as eu le goût de la musique ?

  • Ben c’est un grand mystère ça (rire). Parce qu’il y a personne qui fait de la musique chez moi.

  • Et qui en écoute ?

  • Non, non, personne n’écoute, non dans ma famille ... Je sais pas. Enfin, d’abord j’ai, j’ai ... Si, d’abord j’ai voulu faire de la flûte. Je suis allé faire de la flûte à l’école primaire, c’était le mercredi. Et c’était un gars qui nous donnait des cours de flûte mais alors comment je suis arrivé là, je ne m’en souviens pas. Puis après la flûte, bon c’est quand même un peu limité, tout ça donc euh, j’ai eu envie de faire de la guitare. Pourquoi la guitare ? Je ne me souviens pas du tout. Et puis bon, euh, après j’ai continué la musique, je me suis mis à la guitare électrique, etc. et j’ai été prendre des cours à Genève dans une boîte qui s’appelle l’A., plutôt une école de jazz. Mais c’est pareil, ce qui est bien là-dedans, c’est pas des cours théoriques tout seuls quoi, c’est des choses qui sont liées avec la pratique musicale. On reprend des morceaux, on essaie de comprendre comment c’est fait, comment on va pouvoir improviser dessus, etc. Et ça c’est, ça c’est bien aussi, tout ça me convient bien.

  • Donc tu avais toute cette expérience-là quand tu as passé le CAFIM ?

  • Non, non, parce que quand j’ai passé le CAFIM c’était très tôt, non non, y a longtemps, non c’était les 1ers CAFIM, y a au moins 10 ans, y a bien 10 ans. Non non, j’avais pas fait la mécanique

  • Non non, pas la mécanique, mais au niveau de la musique ?

  • Au niveau de la musique, j’avais un petit peu d’expérience oui. J’étais pas allé à Genève encore. Euh, non je crois pas. Mais en musique ça a été une catastrophe à l’époque. Ce que je faisais, ils m’ont tous regardé avec des yeux comme ça, personne a compris ce que je faisais. C’était euh, bon c’est vrai, je me rends compte maintenant que, qu’il y a personne qui fait ça. (rire). Je sais pas si c’est bien ou si c’est pas bien, mais bon j’avais mis des idées à moi en pratique et c’est vrai que personne travaille comme ça. J’avais essayé de reprendre des idées de, de choses que je faisais moi en travail de jazz ou, des choses, des démarches très proches du free-jazz. Et c’est vrai que bon (rire), dong, ils ont rien compris quoi. Où les instruments sont considérés comme un langage. Y a pas de prérequis de technique. On va travailler uniquement avec des consignes très simples de notes longues, de notes brèves, dialogue à deux, des choses. Alors évidemment ce qui sort ce n’est pas de la musique, enfin c’est pas de la musique ... c’est étonnant (rire). Mais, bon, c’est pas forcément attendu de, d’une classe d’enfants de primaire quoi. Mais ça fonctionne très bien d’ailleurs. On avait fabriqué des instruments aussi. Je me souviens, et puis j’avais récupéré une vieille contrebasse, un piano. On avait une salle comme ça, l’école avait fermé, c’était deux classes, y avait une classe de fermée donc on avait toute une classe où on avait de la place, une classe d’instruments. J’ai jamais refait ça d’ailleurs, là, il m’a quand même cassé les pattes. Mais euh, oui, oui, non c’était bien. Après réflexion, plus j’y pense plus je pense que c’était très bien (rire). Oui, oui, tout-à-fait. Mais c’est vrai que, quand on est original, enfin quand on est le seul à faire bon il faut, il faut assurer quoi. Le problème (rire) il est là. Mais non, ce truc de musique, j’en ai de très bons souvenirs. Enfin j’en ai de très bon souvenirs, disons... Après coup, je pense que c’était très bien. C’est pas du tout le courant actuel, en musique avec les enfants, ni avec les adultes d’ailleurs. Disons, avec les adultes, c’est déjà un peu marginal mais avec les enfants y a personne qui fait ça. Oui. Autrement, souvenir d’école, donc ma mère était institutrice. On a déjà toujours un peu habité dans l’école quoi, un rapport un peu particulier à l’école. Elle était en maternelle. Donc c’est pas l’école primaire. Bon j’ai un souvenir de l’école maternelle mais je sais pas si on me l’a raconté, c’est que ma mère, elle ... Bon, à l’époque , 40-45 hein dans les classes d’école maternelle, voilà, tu connais ? Donc ma mère avait un truc infaillible pour avoir le calme, c’est qu’elle avait des bonbons (rire). Le moyen pédagogique par excellence ! Donc euh, voilà. C’est drôle quoi, cette histoire de bonbons. Là, ça marchait. Et puis je me souviens un petit peu des locaux comme ça, un ou deux camarades mais pas tellement des instits, hein. Je pense que j’avais réussis à me mettre dans le moule sans m’impliquer trop, ça se passait bien.

  • Et la vie de famille ?

  • La vie de famille... Euh, bon souvenir : le dimanche avec mon papa qui faisait de la peinture sur la table de la salle à manger et euh, moi en face avec ma boîte de peinture.Ça, j’étais petit, 6-7 ans je crois, peut-être moins, dans ces eaux-là. Oui. Après euh, donc moi j’ai 3 soeurs qui sont beaucoup plus âgées, donc en fait elles sont assez vite parties de la maison et je me suis retrouvé un petit peu fils unique.

  • Parce que tu avais combien d’écart avec ...

  • Beaucoup. Euh, je m’en rappelle jamais, au moins 15 ans avec la dernière. Beaucoup, beaucoup. Oui, oui. Je voudrais pas dire de bêtises mais je crois bien que ça doit être ça. Même plus peut-être 16 ou 17. Et oui, donc j’étais un peu fils unique là. Donc avec mon papa et ma maman. Comme souvenir, euh, quand j’étais petit, mon 1er vélo. J’étais très fier, on est allé, je sais pas quel âge je pouvais avoir, CM. Je me souviens oui on était allé l’acheter dans un petit magasin qu’était près de la gare d’A. et j’étais très fier parce que c’était un vélo de course. Donc j’avais l’impression qu’avec ça je pouvais aller au bout du monde (rire). C’était déjà une indépendance extraordinaire. Alors on allait, oui c’était ça, en CM je me souviens, on se faisait ... c’était pas vraiment des boums, le mercredi après-midi on se faisait, on se retrouvait tous en vélo et on allait faire un petit tour. Oui c’était déjà, c’était ça, c’était l’indépendance. Autrement euh, on allait ... Les parents avaient une résidence secondaire à une vingtaine de km d’A. et donc on y allait toutes les vacances et puis les week end. Et je m’étais fait des copains avec des garçons du village qui étaient plus âgés que moi, qui avaient, 4 ou 5 ans ça compte hein à cet âge-là en gros 10-14 et oui, les bons souvenirs, c’était ça aussi. C’était qu’on partait, donc c’était au pied dans la campagne, on partait dans la forêt, on allait se faire des cabanes. Et puis on partait toute la demi-journée. Donc ça c’était un bon souvenir aussi, le côté indépendance quoi. On était un petit peu des trappeurs, on partait avec les, et puis en plus, oui, oui ... L’impression qu’on était peut-être plus libres que maintenant, que les parents se faisaient moins de soucis, on partait avec la hache, la serpe, les clous, tu vois, dans la montagne à une heure de marche, bon à 10-11 ans ... (rire) je sais pas si on les laisserait partir maintenant ! Mais c’est vrai que ça c’était des souvenirs super.Les allumettes, le feu et tout ... Après, oui, y a beaucoup de souvenirs dans cette résidence secondaire puisque toutes les vacances on allait là-bas... Mauvais souvenir : on allait voir quelques fois euh, des tantes de ma mère qui habitaient en Savoie en Maurienne, et puis une autre en Tarentaise. Et puis je sais pas y avait eu des histoires de famille, comme dans toutes les familles, c’était un petit peu tendu quelques fois. Et je me souviens que mon oncle était un, une espèce d’adjudant d’armée, une sorte de peau de vache, pas très sympathique mais je me souviens, je devais être tout petit, je sais plus ce qu’il m’avait fait, je l’avais traité de je sais pas quoi enfin bon, de girafe je crois (rire), et je me souviens que j’avais été très surpris parce que bien évidemment il m’avait tiré une claque, mais en plus j’avais été désavoué par mes parents, ça m’avait frappé (rire)... Du coup, oui, ça avait dû faire un pataquès, on était, on n’était pas tellement retourné là-bas ... Donc, l’autre soeur de ma mère était institutrice aussi, en Tarentaise. On allait chez, eux on était resté plus en relation avec eux et j’ai de très bons souvenirs aussi de là-haut où on était. J’avais dû rester, échanger un peu les enfants, de temps en temps, donc j’avais dû rester quelques temps chez eux. Ils avaient un chalet en montagne et euh on allait faire les foins avec les fermiers du coin, tout ça. J’en ai de bons souvenirs... Autrement mon enfance ... Euh, au collège, oui, non au lycée, y avait une aumônerie à A. qu’était très dynamique. Je sais pas si t’en as entendu parler ? Et euh, y a un gars qui peut-être en tant qu’éducateur m’a, avec lequel je, qui m’a marqué, c’est lui. R. il s’appelait hein ! Enfin il s’appelle. On est resté un petit peu en relation mais on le voit pas beaucoup. Il organisait toutes sortes de choses donc pour les jeunes dans le cadre de l’aumônerie, il faisait notamment des camps d’été, des camps de ski ou des et c’était, si c’était super. Quelqu’un qui avait un charisme formidable. Qui organisait beaucoup de choses. Et puis donc dans le cadre de la musique, on avait monté un petit orchestre, c’est peut-être ça aussi ma liaison guitare électrique, on animait des, des messes. Là aussi j’en ai des bons souvenirs. J’avais des bons souvenirs parce que c’était, y avait une bonne équipe soudée, et puis euh, c’est pareil, ça avait du sens quoi. On faisait de la musique, on répétait, on mettait des morceaux en place, c’était euh, c’était dans le cadre de quelque chose, on avait même fait un petit disque à l’époque pour financer donc le, pas le camp non, parce qu’ils avaient construit un truc en dur pour les jeunes et bon on était toujours à la recherche de sous quoi. Donc on avait fait un, je me souviens on avait enregistré un disque, un petit 45 tours, donc avec les moyens du bord. Je l’ai toujours d’ailleurs. Et c’était pas mal hein ! Et puis on vendait, on faisait la tournée des églises du coin, donc on animait, on vendait le disque à la sortie (rire). Non c’est vrai que ça c’était, c’est pareil c’est quelqu’un qui donne énormément de, qui donnait beaucoup de sens quoi ! Par rapport au collège ou au lycée où bon, moi ça me gênait pas trop que ça veuille rien dire lycée et collège mais y avait quand même beaucoup de jeunes qu’étaient, oui, pas bien dans leurs baskets. C’est vrai que là on avait quelque chose, bon on adhérait ou pas au niveau de la foi et tout ça, mais y avait quelque chose qui se tenait quoi. Voilà, il y avait une relation humaine, tout-à-fait, y avait une écoute, y avait et puis euh, et puis y avait un cadre qui permettait aux, aux jeunes de se rencontrer, d’échanger, de parler, de construire des choses, ça, c’était formidable. C’est vrai que, avec le recul, on se rend compte que ce type-là a fait un boulot d’éducateur extraordinaire. On était même parti, on avait même organisé un voyage en Israël, un pèlerinage en Terre sainte pour voir les lieux de la Bible quoi ! 40, on était 40. Enfin (rire), je me vois bien partir avec ma classe un mois en Israël, au mois d’Août, avec des hébergements, bon, pas chers quoi donc les couvents, les soeurs (rire).

  • Justement c’est parce que tu t’y vois bien, que tu vois ce qu’il a fait ...

  • Voilà, c’est ça. Non ça c’est, c’est vrai que ça c’est quelqu’un qui était quand même, qui avait une envergure formidable. Mais euh, au niveau du lycée ou du collège, mais non, mes profs, j’ai pas de souvenirs, c’est fou hein ! Quelques noms qui me reviennent comme ça, bon, un ou deux visages. Mais c’est pas des gens que j’irai, ils m’ont pas laissé d’empreinte quoi ... Oui, ça c’est important. L’aumônerie c’est quand même quelque chose ... Autrement je sais pas...

  • Pas de souvenir de raclée magistrale ?

  • Non. Alors mon père m’a jamais touché. Ma mère, j’ai bien dû prendre une ou deux paires de claques enfin bon. Non. Y a l’oncle, là, la girafe, là. Celle-là je m’en souviens ... Non j’ai pas eu, non non. C’était des rapports assez doux à la maison, ça criait pas. A priori c’est ma mère qui tenait un peu la barre. Mon père il était un peu absent comme ça, il était là ... Ben mon père, il a fait un peu tous les boulots mais plutôt dans la vente, dans le commerce, en librairie, en ... Après il est allé travailler à Genève. Au G.P., il était, il s’occupait du personnel, il était huissier du personnel, il s’occupait de l’entrée, de la sortie du personnel tout ça. Enfin, un peu veilleur de nuit avant, il était très (rire). Oui mon père c’est quelqu’un qui a pas de, je sais pas comment dire, il a pas une formation, il a dû aller en 1ère je crois, quand même, pour quelqu’un qu’est né en 14, c’est pas mal. Oui. Mais euh, c’est quelqu’un qui était assez, comment dire, qui s’intéresse à l’art en général, qui fait de la peinture, il écrivait des poèmes, il s’était fait des petits recueils de poésie. Pas la musique par contre. (rire) Je sais pas comment je suis arrivé là ! Il était l’esprit un peu, un peu bohème comme ça, un peu, pas quelqu’un de carré, alors pas du tout bricoleur non plus. Le bricolage de mon père, c’est un poème pour planter un clou (rire). Mais, oui, pas, oui, pas, pas très présent quoi, pas tellement là. Ce côté, donc au niveau de mon éducation, on peut pas dire qu’il ait laissé une empreinte, c’est pas lui qui menait la barque quoi, c’est clair.

  • C’était pas un modèle d’identification pour toi ?

  • Ben je sais pas. Je me demande tu vois. Bon le coup de la peinture, ça je m’en souviens bien. Le gars qui peignait le dimanche, il m’a acheté une petite boîte de peinture (rire), j’étais en face. Ça a duré un certain temps, pas très longtemps mais euh, je sais pas, oui.

  • C’était quand même une ouveture à l’art ?

  • Tout-à-fait. Oui, oui. Tout-à-fait. Et puis de toute façon on était, la relation était facile hein ! Et c’est pas quelqu’un qui est, comment dire ça, oui, il est pas très, il est pas tellement, il est pas tellement là. C’est vrai que toutes les décisions, c’est plutôt ma mère qui prenait ça, en fait. Donc ma mère institutrice, plutôt un peu, un peu de poigne (rire).

  • Elle était beaucoup plus jeune que ton père ?

  • Non ils avaient à peu près le même âge. Elle devait avoir un ou deux ans de moins. Elle est décédée cette année, là. Mais, oui mon père, c’était un poème comme ça. Un jour il a envie d’aller au, il avait une mobylette quand il était (rire), il a passé le permis de conduire plus tard. Et bon, ça le prenait comme ça : un soir il avait envie d’aller voir un truc, il prenait sa mobylette, il allait, il allait voir, tu vois, côté bohème. Ce qui a priori moi me fait rire. Mais ça ne me gêne pas.

  • Et y a pas eu de problèmes de santé particuliers dans la famille ?

  • Non.

  • T’as pas connu tes grands-parents ?

  • J’ai connu ma grand-mère, oui. Ma grand-mère paternelle, euh, oui, si je l’ai connue. Je sais pas quel âge je pouvais avoir quand elle est décédée, 18 ans. Elle est décédée, elle avait plus de 80 ans, oui, oui. Euh, une personne qui vivait seule, très indépendante a priori hein ! dans une maison, une villa quoi. Oui, qui était très indépendante. Qui a voulu vivre seule le plus longtemps possible. Bon, mes parents finalement ont décidé, l’ont décidée à aller dans une maison de retraite, vraiment au dernier moment quand c’était plus possible parce qu’elle était sur T. et donc mes parents habitaient A. Mon père a fait la navette, beaucoup les derniers temps et puis c’était plus possible, lui travaillait et tout. Oui, elle était très indépendante, des souvenirs qu’on peut en avoir, elle se chauffait, elle habitait au 1er étage de la maison. Elle se chauffait au charbon, jusqu’au bout elle essayait de monter ses seaux de charbon, elle était vraiment attachée à sa maison... On allait la voir, oui de temps en temps le dimanche. Et puis elle s’entendait pas très bien avec ma mère, ça je l’ai compris après (rire). Deux femmes un petit peu de tête ... Mais, oui j’ai pas tellement de souvenirs particuliers hein ! On y allait de temps en temps. Souvenirs de quelques repas de famille, c’était une excellente cuisinière ma grand-mère. Elle avait dû faire quand elle était jeune, elle avait dû se placer en tant que cuisinière dans les maisons bourgeoises à Genève tout ça, alors c’était une excellente cuisinière et oui. Donc les repas de famille, je me souviens de choses soignées... Mais euh, on y allait pas très souvent, on passait pas de vacances ensemble. Bon, mon grand-père je l’ai pas connu, il est mort à la guerre de 14. Euh, mes grands-parents maternels non plus... Je me souviens que, je partais, ma soeur, j’ai une grande soeur qui s’appelle N. qui m’emmenait en vacances quelques fois quand j’avais 13-14 ans. J’ai dû partir une fois en Grèce avec elle et donc son mari, ils venaient de se marier. On était allé, oui, en Grèce. Et ils avaient un camping-car et donc c’était un peu, oui, c’était un peu l’aventure. La Grèce dans les années, je sais pas, tu vois y a 25 ans. On traversait la Yougoslavie mais c’était un peu, tu vois les routes yougoslaves y a 25 ans, c’était un peu ... l’aventure. Donc, oui, c’était un peu mon 1er, 1er voyage un peu longtemps de chez mes parents. Je suis jamais allé en colonie tout ça. Donc je me souviens que c’était, oui c’était long. On était parti, je sais pas, 3 semaines, un mois. Et puis bon, tout le, tout le côté séparation, l’alimentation en pays étranger, tout ça c’était pas, je rêvais de steak-pommes-frites à l’époque, je me souviens (rire). Et c’était euh, oui c’était, oui je m’en souviens bien de ce voyage. Je dormais sous la tente ou à la belle étoile. On avait même trouvé une tortue. Et puis c’était, j’étais pas très rassuré hein ! J’étais pas très rassuré. Donc c’était euh les grandes soeurs qui jouaient un peu les mamans quoi. Ben si j’avais 13-14 ans, elle avait 24 ans quoi. Ça, c’est la 2ème, c’est pas la plus âgée ... C’est une soeur avec qui je suis resté, les rapports les plus faciles. Bon j’ai des soeurs, c’est un peu un, un peu un poème aussi, faut que ça sorte, un peu des cas. J’en ai une qui est, donc la plus âgée, qui a de gros problèmes psychologiques, psychiatriques, qui a fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. Enfin bon, ça a été difficile, qui vivait toute seule à Paris, il fallait qu’on intervienne pour des demandes de placement, c’était un peu l’horreur, qui actuellement va bien, qui est à peu près stabilisée là ... là, c’était ma soeur L., que j’ai très peu vue en fait, qui s’est mariée, je devais avoir un an. J’ai pas eu de vie de frère et soeur, quoi, avec elle. Et puis j’ai une autre soeur qui a, la cadette, qui doit avoir aussi une dizaine d’années de plus que moi non je dis des bêtises, je me perds dans les années-là, oui, si ça doit être à peu près ça bon qui a des gros problèmes psychologiques aussi là qui ... Elle a coupé tous les ponts avec nous, elle est pas venue à l’enterrement de sa mère, donc ça nous fait un peu du souci. Mais bon, on sort un peu du cadre. Disons qu’à l’époque, à l’époque de mon enfance donc euh, je les voyais peu ces soeurs, pas vraiment mon cadre familial. Elles venaient aux vacances, y en a une qui était déjà mariée, la 2ème qui s’est mariée assez vite, la 3ème aussi.

  • Tu avais 15 ans d’écart avec l’aînée, elle s’est pas mariée à 16 ans ? Si ?

  • Elle s’est mariée à 17 ans oui, je crois bien. Oui, oui, parce qu’elle avait pas 18 ans, elle devait avoir 17 ans je crois... Euh ; je sais pas.

  • Donc les problèmes de santé, ça ne t’as pas atteint, toi, c’est tes soeurs dans ta période adulte ?

  • Voilà. Un petit peu quand je suis, voilà quand je suis arrivé adulte, oui, 18-20 ans, quand j’ai fait mon service militaire je suis parti en coopération en Algérie et quand je suis revenu, euh, bon je me suis trouvé un peu adulte, bon. J’ai eu envie de renouer, renouer un peu le contact avec mes soeurs parce que, je me suis aperçu que je les connaissais pas, hein et c’est à ce moment-là que je suis allé à Paris voir L. qui allait déjà mal depuis un moment hein ! Et bon, je, je me suis aperçu qu’il y avait un problème quoi, mais ... c’était difficile tu vois, c’est difficile aussi la maladie mentale avant de comprendre, de mettre un nom dessus, de vouloir réaliser ce qui se passe. Donc à ce moment-là on n’en était pas encore là. C’est-à-dire que bon, elle avait bien un comportement un peu bizarre mais bon, c’était encore gérable c’est-à-dire que tant bien que mal elle avait son équilibre là-bas bon ça avait pas trop basculé encore. Bon et puis à l’époque tu vois j’avais une vingtaine d’années, une époque un peu, un peu, je sais pas comment dire tu vois, on remet un peu en cause tout un tas de choses de la société, donc elle vivant en marge, c’était pas tellement gênant quoi. Bon, oui elle était dans sa marge à elle, moi dans ma marge à moi (rire). Bon je me souviens qu’on était rentré en stop de Paris et qu’on avait mis 2 jours (rire) une galère incroyable. Enfin bon, c’était comme ça, c’était, bon, c’était un peu la mouvance de l’époque. Je dirais que, ... y avait bien quelque chose quand même mais ... Bon puis apparemment la famille avait jamais bougé tu vois, donc euh, c’est pas moi qu’allait inventer la poudre hein ! Et puis bon, petit à petit quand même, après au fil des années on s’est aperçu que c’était ... Je sais plus exactement ce qui a mis le feu aux poudres. Et puis bon, ça s’est dégradé de plus en plus. Ce qui s’est passé aussi c’est qu’à un moment donné on s’est aperçu que mes parents étaient trop âgés quoi, que c’(e n’)était plus eux qui géraient la situation. Donc ma soeur allait mal, pendant des années ils ont envoyé des sous, tu vois, pour surtout pas se rendre compte de ce qui s’était passé (rire). Et puis bon, un moment donné quand même, nous on est arrivé sur la scène un peu, en se disant : “ mais attendez là, c’est plus possible quoi ! ” Donc je sais qu’on a essayé d’intervenir un petit peu, au niveau, d’une façon un peu pratique hein ! Ma soeur N. est allée pendant peut-être deux ans, régulièrement nettoyer l’appartement, remettre les choses en état elle ramenait tout dans son appartement, toutes les poubelles de Paris, elle avait 50 chats tu vois et ça s’est dégradé progressivement, petit à petit, donc à un moment donné c’était plus possible, elle a foutu le feu à l’appartement, ça a pris des proportions ... Et puis à Paris, les services sociaux, je sais pas si t’as déjà, c’est dingue quoi ! C’est-à-dire que personne ne bouge. Elle habitait dans un HLM, y avait pétitions sur pétitions de tous les habitants depuis des années, et bien rien. Au commissariat de police, ils mettaient sous le coude, y avait jamais rien d’écrit, y avait vraiment aucune trace, bon enfin Paris quoi ! On a eu énormément de mal à mettre en branle quelque chose de, surtout depuis ici. Et puis comme elle était, elle voulait pas être soignée, elle était pas du tout consentante, mais plus que ça. Donc chaquefois qu’on mettait quelque chose, elle se barrait. Donc impossible, quoi. Enfin bon. Placement d’office, y a eu placement d’office plusieurs fois. Alors une fois qu’elle était à l’hôpital psychiatrique les choses bon, on l’assommait de médicaments c’est sûr qu’il y avait un mauvais passage. Puis après bon, elle se stabilisait tu vois ! Au bout d’un moment ça allait mieux, elle rentrait chez elle, au bout d’un moment elle (ne) prenait plus les médicaments parce que elle se sentait bien mieux sans, forcément ! (rire). Et comme il n’y avait aucun suivi, ça replongeait et on recommençait. Ça a duré un moment. Donc le côté maladie, c’est ça oui. Si tu veux c’est pas dans mon enfance ça, on est en plein dedans, c’est depuis 10 ans. Et c’est pas fini, c’est hélas jamais fini (rire) ce genre de choses. Surtout que j’ai une 2ème soeur qui commence à prendre le même chemin (rire). Donc, tu vois, c’est le genre de choses qui, qui m’inquiète un peu. Enfin P. pour le moment , enfin on n’a pas envie d’intervenir parce qu’on a peur de précipiter les choses. Apparemment y a quand même un équilibre qui se tient. Elle, elle habite sur la région, elle habite à V. On a retrouvé des liens avec son fils. Parce qu’elle est divorcée donc elle vit seule aussi et son fils, donc on a réussi à retrouver les liens directs avec son fils. Bon, c’est pareil, son fils, il veut pas accepter que sa mère elle est, bon alors, faut y aller doucement quoi. Parce qu’apparemment y a un équilibre. Il réussit à y aller de temps en temps, bon alors des fois elle le laisse pas rentrer, mais bon ça fonctionne. Alors, c’est que, qu’est-ce qui va ? tu vois ce que je veux dire. Oui là, je suis bien placé. Qui va donner le petit coup pour que ça bascule et tout se, c’est difficile. Alors pour le moment ... Avec P. qui habite ici, si tu veux, actuellement elle a coupé tous les ponts depuis plusieurs années. C’est-à-dire qu’on n’a pas de numéro de téléphone, elle nous contacte pas. On a fait des, bon des choses au niveau partage devant notaire et tout ça hein, elle est jamais venue voir le notaire. Et je pense que ce qui a précipité c’est, en fait l’internement de L. C’est-à-dire qu’elle devait déjà être, elle, pas bien, et elle a peur qu’on la mette à l’hôpital psychiatrique. Ben ça, c’est clair, elle a peur, dès qu’elle a une convocation de notaire, pour elle c’est un piège, donc c’est difficile. Même l’enterrement de ma mère elle est pas venue, ce qui est quand même le comble : (pour elle) c’est pas vrai, on lui raconte des histoires, c’est un truc pour la faire sortir de chez elle.

  • Elle a pas voulu croire ...

  • Ben c’est ce qu’elle a dit tu vois, au téléphone. Donc ça, oui, là, on est touché quoi ...(rire). Mais dans mon enfance, non. Ma mère a jamais tellement été malade, bon des petits problèmes de santé mais rien de grave quoi ... Donc avec N. on se serre un peu les coudes mais elle habite en Alsace, elle habite à M., elle vient de temps en temps parce qu’elle a, en fait elle a acheté, elle hérité de la résidence secondaire de mes parents à C. Donc voilà, je sais pas si on est bien dans le fil ? Je crois qu’on a fait à peu près le tour hein !