Deuxième entretien

On va commencer par mon enfance, les bons souvenirs. Bon, c’est une enfance à la campagne déjà. Comment est-ce que je pourrais dire ? Très proche, bien sûr de la nature. Je me souviens qu’en classe, on avait des jeux, beaucoup plus, comment dire, plus, enfin plus libres, on avait beaucoup plus d’espace pour jouer. On n’avait pas de cour de récréation fermée, donc on allait jouer dans une haie derrière l’école. Le maître ne venait pas forcément voir. Donc, je me souviens de ces jeux qui étaient, je me souviens particulièrement, je sais qu’à notre époque on jouait au papa et à la maman et à la famille. Y avait le père, la mère et et tous les enfants, et on avait construit une cabane dans cette haie, et on allait y jouer pendant les récréations, tranquillement. Je me souviens aussi qu’on avait un très grand terrain qui n’était pas non plus clôturé, et on allait jouer là, tranquillement. Quand je parle de mon enfance , la notion de temps peut-être : on avait le temps de jouer tranquillement, on avait un petit peu moins ce stress qu’ont les enfants à l’heure actuelle il me semble, qui, à 4 heures et demie, doivent se dépêcher pour aller prendre des cours, le mercredi se lever un peu plus tôt pour aussi prendre des cours. Nous, on avait pour cadre, oui, la campagne. Et ces jeux-là, oui c’est vrai que j’en garde vraiment un bon souvenir. Je me souviens qu’on allait aussi, après l’école, jouer au bord des ruisseaux. Alors ça, j’en ai vraiment gardé un très bon souvenir. Une fois, on avait été puni quand même par la maîtresse, parce qu’on était resté tellement longtemps à jouer dans ce ruisseau, qu’il était l’heure, et qu’on n’avait pas vu vraiment passer le temps. Donc, je crois que oui, j’ai le souvenir de ces jeux comme ça. On était bien. Je crois qu’on était bien. Et ... mauvais souvenirs, bon peut-être, euh, euh, je veux dire à l’école, je ne me souviens pas en avoir eu de vraiment mauvais à l’école. Dans mon enfance, je me souviens de, parmi les différents instituteurs qu’on a eus à l’époque donc on allait jusqu’au certificat hein donc y a des grands quand même. Je me souviens de classes studieuses, studieuses et détendues. Bon, ça devait tenir aussi aux personnes, instituteurs qu’on avait hein, bien entendu. Mes bons souvenirs aussi sont les souvenirs de théâtre. On préparait, pour les fêtes, des scènes, ça j’en ai gardé, j’étais bien à l’aise. Et j’en ai gardé un très très bon souvenir. Voilà pour les bons souvenirs mais il faut remonter, c’est pas évident comme ça de remonter et de se souvenir de tout, hein !

  • Ce qui vous vient

  • Oui oui, c’est ce qui nous vient à l’esprit mais, bon les jeux. Est-ce que j’ai autre chose en bons souvenirs de cette enfance à l’école ?

  • Les copains ?

  • Oui, les copains, bien sûr. Donc, on avait cette situation qui n’était pas non plus toujours facile à gérer parce qu’il y avait les tout grands avec nous. Parce qu’il y avait l’école des garçons, y avait l’école des filles hein. Mais y avait des plus grands. Et bon, les plus grands font la loi donc ... Mais je ne me souviens pas avoir eu vraiment de réels problèmes avec ces plus grands. Je crois qu’on acceptait, c’était accepté relativement facilement la loi des plus grands (rire). On avait hâte aussi d’être plus grand, je pense, pour à notre tour faire pareil, mais je n’ai pas souvenir vraiment de conflits, de violence. Bon, y avait les coups hein, coups de poing, coups de pied, mais pas de souvenir de violence vraiment qui m’auraient marquée. Non. Non. On était relativement serein. Pour dire le mot, je suis nostalgique (rire). Oh, je pense qu’on peut être un peu nostalgique de notre époque, et heureusement ! Avoir un petit peu de nostalgie de son époque, pas trop non plus hein ! Sinon c’est difficile à vivre, mais c’est vrai que oui. Vraiment, dans mon enfance à l’école, je n’arrive pas à trouver vraiment de mauvais souvenirs. Ça se passait ... C’était très familial. Je me souviens d’un enseignant qui, à l’époque, avait une voiture, et c’était les premières voitures ! C’était le curé , le maire et l’instituteur. Et elle nous emmenait au marché, elle emmenait les enfants, enfin le jeudi puisque c’était le jeudi, le jour de congé. Elle avait un fils, si je me souviens, on restait avec lui après 4 heures et demie, on jouait dans la classe. Oui, ce côté, oui, un peu plus familial. Je sais pas si c’est vraiment le terme qui convient mais ... En ce qui concerne les bons souvenirs, je crois que c’est tout. Les souvenirs de ces jeux, oui de cette proximité avec la nature. Et ces jeux, comment dire, tout simples, simples. C’est vrai qu’on n’avait jamais de mal à trouver des jeux, on ne s’ennuyait pas. A l’heure actuelle, c’est parfois difficile, on sait pas à quoi jouer. Alors nous vraiment ça, je crois qu’on ne connaissait pas. On avait toujours de quoi jouer, mais vraiment en relation, bon, à la campagne, ça se comprend, étroite avec la nature. Les jeux qu’on a pu faire dans cette haie ! C’était formidable. Les jeux aussi, bien entendu avec l’hiver. L’hiver on pouvait faire de la luge sur les chemins, tranquillement. Maintenant c’est ... c’est un peu plus difficile. Oui, j’ai vraiment le souvenir de ces jeux, vraiment, où on n’avait pas ces contraintes qu’on a maintenant où on pense sécurité, sécurité. Et il n’y avait pas plus d’accidents. Bien entendu hein. Je me souviens même, c’est vrai qu’on jouait derrière l’école, l’enseignant n’était pas toujours là ! On n’a jamais eu de problèmes hein ! Je n’en n’ai pas dans mes souvenirs. Ça se passait plutôt bien. Oui, voilà pour les bons. Les mauvais ... Est-ce que les mauvais je les occulte ? Mais à l’école, ça ne me revient pas, hein. Comme ça, non.

  • Et en famille ?

  • Et ben en famille c’était, c’était aussi la vie proche de la nature. On pouvait aller jouer dans les champs tant qu’on voulait (rire). Bon je sais que je m’organisais relativement seule pour mes devoirs. J’ai le souvenir que je lisais beaucoup et que, parfois, on me rappelait un peu à l’ordre parce qu’il y avait d’autres choses à faire à la maison ! Ça, j’ai le souvenir de mes lectures, alors ça oui. Je lisais énornément. C’est vrai que je prenais beaucoup de temps. Ça ne plaisait pas à tout le monde parce que c’est vrai qu’en famille y a aussi des choses à faire, hein. Et oui, la même chose, hein, souvenirs de ces jeux. C’était l’époque où on lisait “ Le club des 7 ou des 5, des 5 et donc on était tous ensemble, on avait monté un club, c’était vraiment

  • En famille ?

  • Non, non, c’était avec d’autres, des voisins, pas dans le cadre de l’école hein ! Quand on jouait le jeudi, qu’on avait notre club, on avait aussi beaucoup de... Je me souviens qu’on avait donc, sur la commune où j’habitais, un château , et qu’avec notre club, on se disait qu’il faudrait qu’on arrive à trouver un château en ruines hein qu’on parte à la recherche des souterrains. Y avait certainement des souterrains et il fallait qu’on les trouve, alors on allait et on cherchait (rire). Ça, je me souviens. Voilà. Et la même chose, on jouait dans les ruisseaux, on était vraiment oui dans la nature. Et bon, on était relativement nombreux dans le hameau, donc on se retrouvait très très souvent. Et très souvent le soir aussi, après l’école, alors que c’est à l’heure actuelle un peu plus difficile, il me semble, les enfants ont aussi leurs activités. Là, on se retrouvait très très régulièrement dans tous ces jeux.

  • Vous aviez des frères et soeurs ?

  • Une soeur. J’ai eu une soeur plus jeune. Donc en fait on a 6 ans hein, un bel écart donc, j’étais quelque peu fille unique à l’époque de ces jeux-là. Parce que bon, cet écart, on n’avait pas les mêmes intérêts, l’écart était important hein ! pour des enfants de ces âges. C’est vrai qu’on était très très souvent avec les voisins-voisines, très souvent. Bon, et ce, dans tous les hameaux hein, ça n’était pas propre à notre hameau. On se retrouvait vraiment très très souvent.

  • Y avait une vie communautaire en fait au niveau des enfants

  • Oui, parce qu’en fait on n’avait non plus la possibilité d’avoir d’autres activités. Donc, nos jeux c’était la campagne, les jeux à l’extérieur le plus souvent. Mais, oui, j’ai des bons souvenirs hein ! De temps en temps, ça se terminait un peu mal, surtout dans nos jeux au bord du ruisseau parce qu’on rentrait trempé, et les parents n’étaient (rire) pas spécialement contents. Et puis je crois qu’on avait vraiment ... nos parents nous laissaient beaucoup de temps. Oh, beaucoup de temps parce que, ils n’en n’avaient pas non plus énormément à nous consacrer, parce qu’ils avaient leurs activités mais ... les parents étaient moins ... comment dire ... présents, entre guillemets sur notre dos, toujours à ...

  • Moins sur le dos

  • Oui, voilà mais euh, comment est-ce que je peux dire ? Moi je garde un souvenir de la présence de mes parents, euh. C’était une présence euh, je sais, ils n’étaient pas présents sur notre dos, mais ils étaient toujours là.

  • Ils étaient présents mais pas sur le dos.

  • Voilà. Et c’est vrai que c’était très rassurant, très équilibrant.

  • Ils faisaient quoi vos parents ?

  • Ils étaient agriculteurs et je sais que mes parents me grondaient hein, comme tous les parents. Mais vraiment, je n’ai jamais reçu de fessée (rire). Mon père avait un béret et, une seule fois il a pris son béret il m’a donné comme ça un coup. Et ça m’avait marquée. Je me souviens du coup de béret (rire) qui ne m’avait pas fait mal hein, bien entendu mais qui vraiment m’avait profondément marquée. Une seule fois. Sinon, non jamais, aucun souvenir. Des remontrances, y en avait mais c’est vrai que les parents étaient là. On les sentait là sans qu’ils soient sur notre dos. Et puis ils avaient déjà, eux n’avaient pas le temps voyez les problèmes des devoirs, les parents qui s’occupent ils n’avaient pas le temps. Et on arrivait à faire nos devoirs (rire). On faisait nos devoirs quand même. Oui, c’était une période sereine, vraiment sereine.

  • Et le collège ?

  • Le collège. C’est vrai que là, le collège donc, ça s’est plutôt bien passé dans la mesure où je pense... Ça s’est généralement toujours bien passé dans la mesure, je crois, où j’avais une bonne faculté d’adaptation hein. Et c’est vrai que, à l’époque, partir en internat

  • C’était un internat ?

  • Bien sûr ! Oui, oui c’était un internat. C’était quand même relativement difficile à vivre, mais j’ai le souvenir que ma mère pleurait, oui oui, pleurait quand elle m’a laissée dans ce collège pour la première fois. Bon, moi je ne devais pas briller non plus, mais vraiment ça s’est bien passé. L’internat ne m’a pas vraiment posé de problème, sans dire que, et bien j’avais du plaisir à rentrer chez moi hein, comme tous les enfants qui sont internes. Ça s’est bien passé. Je l’ai bien vécu, avec une discipline hein, quand même, mais moi ça ne m’a pas posé de problème. Je n’ai jamais trouvé cette discipline lourde à supporter. Bon, je crois que ça dépend de la personne, mais aussi de l’éducation qu’on recevait à l’époque où on nous apprenait ça se discute bien entendu à maîtriser beaucoup, beaucoup de choses. Parfois, on nous apprenait peut-être un peu trop la résignation (rire). Hein euh, on n’exprimait pas vraiment toujours ce qu’on ressentait parce qu’il y avait l’école, il y avait la religion, il y avait les parents qui disaient plus ou moins la même chose. Y avait une cohérence qui peut être discutable bien entendu et peut-être que, dans un certain sens, ça a pu m’aider à supporter certaines choses. Peut-être, ou peut-être que, enfin je pense que surtout, je pense que j’étais capable de m’adapter et que ça ne m’a pas vraiment, je n’en ai pas de mauvais souvenirs. Je pense que ça a été pareil pour le lycée. Alors le lycée, je crois que c’était, toujours en internat bien entendu, et là, la dernière année, l’année du bac c’était vraiment formidable. J’en ai, alors là, un très bon souvenir parce qu’on avait d’abord un, on était un bon groupe, on s’entendait bien, on avait des chambres pour deux élèves je crois, on était par deux. On était bien installé et oui, j’ai le souvenir qu’on s’entendait bien, qu’on passait de bons moments, vraiment de bons moments. Cette année-là, bon je l’aurais bien refaite parce que vraiment ça s’était bien bien passé. Bon, on était un groupe de camarades qui, qui marchaient bien, on s’entendait bien et puis il fallait vivre ensemble de toute façon hein ! Au début, on ne partait qu’aux vacances de Toussaint, donc on avait quand même intérêt à apprendre à vivre ensemble, il valait mieux que ça se passe plutôt bien. Oui, et puis je crois que j’étais, j’aimais bien la rigolade (rire) on va dire, c’est vrai. Je pense que je prenais les choses plutôt du bon côté. Donc c’est vrai hein, selon que, oui ça aide aussi hein. Je ne dis qu’il n’y ait pas eu des difficultés. Dans les études je me demande bien qui n’en rencontre pas ? Mais pas de majeures. Je peux pas dire qu’à un moment, j’ai eu vraiment un blocage. Il me semble que bon, petit à petit j’arrivais à les surmonter, entre guillemets hein oui, on peut dire que ça s’est bien passé.

  • Y a peut-être une question de tempérament qui

  • Oui, bien sûr. Oui, oui. Mais je pense que j’ai une belle faculté d’adaptation.

  • Et puis vous aimiez aussi la vie en communauté

  • Voilà.Voilà, parce que bon, je pense que pour certains c’est beaucoup plus difficile hein ! Ça, sans aucun doute. Mais moi, la vie en communauté m’allait bien sûr, mais je ne suis pas forcément quelqu’un qui, j’aurais plutôt tendance, parfois, à aimer un petit peu la solitude, hein, en contre partie. Je vois qu’en vieillissant, ça s’affirme.

  • Et avec les enseignants ?

  • J ’ai des bons souvenirs, j’ai des mauvais souvenirs aussi parce que ...

  • Par exemple ...

  • Je me rappelle d’un professeur qui tout d’abord commençait son cours d’histoire en nous racontant sa vie. Donc, on en avait pour une demi-heure à écouter tout ça. Bon, ben une fois en passant je veux bien, mais enfin systématiquement, et d’une enseignante qui ... Bon, je n’étais pas spécialement douée en géographie. Donc, cette enseignante n’était pas tendre avec les élèves qui n’étaient pas, n’avaient pas de facilités à retenir. Elle faisait facilement des choses qui, vraiment, mettaient les élèves en grande difficulté. C’est-à-dire qu’elle les enfonçait plutôt que d’aider, et ce devant toute une classe. Donc oui, je pense que là je n’ai pas un bon souvenir. Ça ne m’a pas aidée à devenir bonne en géographie, ça ne m’a pas aidée. Sinon, les autres professeurs, non. Je crois qu’il y a vraiment que ce professeur-là dont je gardais un mauvais souvenir. Par son attitude, c’est vrai que c’était difficile à vivre. Oui, je pense que j’arrivais à avoir quelques angoisses avant les cours de géographie, d’histoire-géographie. Ça ... Mais sinon les autres cours, non, ça se passait plus ou moins bien mais je crois que je n’ai que ce souvenir-là vraiment de ce professeur, ça m’avait marquée.

  • Et des bons souvenirs ?

  • Oui, celui de philosophie, qui était vraiment proche de nous et qui savait nous faire aimer la philo, parce que la philo, je trouve que philo à nos âges ça n’était pas évident. D’abord vraiment il était comment est-ce qu’on peut dire proche de nous, pas uniquement dans ses cours, proche de nous dans la vie de l’internat. C’était quelqu’un qu’on pouvait aller voir, et on pouvait parler de tous les problèmes qu’on avait, pas uniquement les problèmes avec la philosophie mais les problèmes de la vie, hein !

  • C’est un éducateur

  • Oui. Voilà. Il était d’une grande tolérance, voilà. Et les autres, j’ai des bons souvenirs mais ils m’ont pas marquée particulièrement. Ce professeur de philo mais ... Voilà. Qu’est-ce que j’ai d’autre ? C’est pas du tout évident hein de ... de remonter comme ça. Il y a que les choses qui, vraiment, vous ont marquée qui ressortent. Mais, peut-être que j’oublie des choses qui auraient leur importance aussi hein ! Mais qui m’ont pas marquée tant que ça.

  • Et y a -t-il eu des deuils dans la famille, des problèmes de santé qui aient

  • Non. Non, non. Non, je n’ai pas souvenir d’avoir vraiment été malade. Malade comme tout le monde hein ! Grippe, rhume, mais ça, ça n’est pas ... Non je n’ai pas eu d’opération. J’ai eu une enfance, une adolescence ; sur le plan santé ça allait.

  • Et dans votre famille ? Vous avez parlé de votre soeur ? C’était facile l’arrivée de la petite soeur ?

  • Oui. Je me souviens, j’étais très très contente quand je suis allée la chercher à la maternité. Très contente. Souvenir de jalousie ? Il devait certainement ... mais le souvenir c’est que, vraiment, j’étais contente d’aller chercher la petite soeur. Voilà. Et après ça s’est passé comme entre soeurs .

  • Et comment ça se passait entre soeurs ?

  • Entre soeurs qui ont quand même une différence d’âge déjà. Donc, c’est vrai qu’elle avait ses copains, copines, que les petites soeurs de temps en temps c’est gênant quand on veut aller jouer avec les autres, les grandes de notre âge, ce qui est bien normal. Quand il fallait la garder de temps en temps par exemple, quand il fallait quand même s’en occuper de temps en temps, mais je pense pas que ça m’ait pesé. Non vraiment.

  • Vous n’avez pas ce souvenir-là ?

  • Non. Ça n’a pas été trop souvent, c’était tolérable. Et puis c’est vrai que, dans la mesure aussi où on avait beaucoup de liberté de retrouver les autres camarades, ça ne m’a pas pesé.

  • Et vous aviez d’autres personnes qui ont compté ? Des amis de vos parents, de la famille, des oncles, des tantes, des grands-parents ...

  • Le grand-père oui. Mon grand-père que j’ai très très peu connu parce qu’il est mort je devais avoir 5 ou 6 ans. Oui, un grand-père. Un grand-père qui aimait raconter, un merveilleux grand-père. Je me souviens que, bon, il était déjà très malade, je lui disais : “ allez, viens Grand-père ” et il me donnait la main. Bon, il était fatigué déjà, il m’emmenait promener. Et alors j’ai un souvenir oui je devais avoir 5 ans le souvenir de sa mort. De sa mort, enfin juste avant sa mort. Il était sur son lit et je me souviens des paroles qu’il a dites : “ Quand les glands du chêne sont mûrs, faut qu’ils tombent ”. Ça m’est resté. Et bon, je pense qu’on ne me l’a pas montré quand il est mort, bien entendu, mais juste avant et je me souviens aussi de ma grand-mère qui avait ouvert la fenêtre, qui allait ouvrir la fenêtre pour que l’âme du défunt puisse monter au ciel. Parce que j’avais demandé à ma grand mère : “ mais pourquoi, est-ce que tu ouvres cette fenêtre ? C’est pour que l’âme du pépé puisse monter au ciel ”. Voilà. Et c’est vrai que ... Sinon les autres grands-parents alors là c’était le père de mon père. Mes parents devaient avoir quand même 38-39 ans quand ils se son mariés, oui. Donc les grans-parents sont beaucoup plus âgés. Moi je n’ai connu, j’ai connu, j’ai connu très peu ma grand-mère maternelle, mon grand-père maternel je ne l’ai pas connu et donc j’ai surtout connu mon grand-père paternel et ma grand-mère paternelle.

  • Et votre grand-mère paternelle est décédée longtemps après votre grand-père ?

  • Oui. Elle est décédée, longtemps ? 10 ans peut-être ?

  • Donc elle vous l’avez bien connue ?

  • Oui. Mais elle m’a pas laissé un souvenir impérissable. Non. On n’en dira pas plus (rire).

  • Apparemment c’était difficile ?

  • Oui, c’était, c’était une autre attitude vis-à-vis des petits enfants. Paradoxalement, ce grand-père que j’ai peu connu, je garde ce souvenir de ma main dans sa main, et je l’emmenais. Et on allait se promener. Et sinon de ma grand-mère, les souvenirs de ma grand-mère donc maternelle, comme elle habitait dans une autre commune, on n’avait pas forcément non plus les moyens à cette époque d’y aller régulièrement. Bon, quand on y allait, j’en garde un souvenir, je me souviens qu’on dormait dans la pièce qu’on appelait le pêle, la pièce d’hiver, en hiver où il faisait très chaud. J’ai le souvenir de chaleur et de l’odeur du café au lait le matin. Parce que ma grand-mère se levait bien avant moi bien entendu et j’ai un souvenir de chaleur et cette odeur m’est restée. Et cette odeur, cette chaleur bien sûr, bon chaleur réelle de la pièce, mais aussi chaleur du contact, de ces gens qui nous aimaient vraiment tout simplement, tout simplement. Mais on se voyait moins.

  • Vous étiez en montagne ?

  • Oui. 650-900 (mètres). On va dire plateau hein, c’est plutôt le plateau.

  • Et vous avez d’autres membres de votre famille, des oncles, des tantes ?

  • Oui. Enfin, j’avais hein. C’est vrai que j’ai le souvenir qu’on se réunissait pour les fêtes, puisque c’est vrai qu’à l’époque les moyens de locomotion étaient relativement limités. C’était surtout nos jambes, nos pieds. Oui, ça ne m’a pas ... J’ai le souvenir d’une cousine, d’une cousine qui venait, une cousine germaine de mon âge qui venait régulièrement, et des jeux qu’on faisait quand elle venait. Mais sinon, c’est vrai qu’on se voyait quand même peu. Simplement aux fêtes. Et je me souviens de cette cousine qui avait voulu venir en vacances et qui, le 2ème jour des vacances, pleurait. On avait dû la ramener chez ses parents, à pied toujours. Mais mes oncles et tantes, c’était très secondaire. Oui je me souviens, mais disons que je n’en ai pas qui m’aient marquée comme ce grand-père. Je pense que c’est aussi le fait de ne pas se voir. Mes parents vivaient à côté de chez mes grands-parents paternels. Mon père avait construit sa maison et c’était relativement rare. A l’époque tout le monde vivait sous le même toit. La maison de mes grands-parents paternels était très très grande, et au début tout le monde vivait sous le même toit. Je crois qu’il n’y a que mon père qui a voulu faire sa maison et aller vivre, pas très loin hein, à quelques mètres, mais avoir sa maison.

  • Il avait d’autres frères et soeurs qui vivaient

  • Bien sûr. Oui, oui. J’avais un oncle et une tante aussi, qui après s’est mariée. Mais ils vivaient tous dans cette maison, et puis c’est vrai que chacun avait un rôle bien précis. Je sais que mon père faisait beaucoup de métiers, il était charpentier, il était maçon, il était cordonnier, mes grands-parents avaient un atelier de tissage : on faisait les draps, il y avait vraiment une grande grande activité, une grande diversité d’activités dans cette maison. Bon, ça, on me l’a dit parce que moi je n’étais pas à même de me rendre compte, mais à l’époque de mes grands-parents, c’est vrai que déjà énormément de gens venaient, venaient pour leurs chaussures, venaient pour les draps, c’était une petite entreprise comme beaucoup de fermes je pense, à l’époque. Parce qu’il fallait quand même vivre.

  • Et il y avait des bêtes ?

  • Bien sûr. Bien sûr. Mais y avait vraiment une grande grande diversité d’activités, selon les saisons bien entendu. Et également sur le plan religieux, je me souviens des Fêtes-Dieu, hein, je me souviens que c’était vraiment impressionnant de mise en scène, et tout ça se passait chez ma grand-mère. J’ai le souvenir de cette organisation pour décorer les croix, décorer les chemins qui menaient à cette croix, habiller les jeunes filles qui avaient des petits paniers avec des pétales. Alors ça, vraiment, je devais avoir 4-5 ans, pas plus, mais vraiment ça ... Je me souviens aussi des lys, de l’odeur des lys. C’est vrai que j’ai le souvenir de toujours cette grande activité, et du monde qui était là, présent.

  • Et la religion avait une importance ?

  • Bien sûr. On ne se posait même pas la question. Disons que nous, en fait, nos parents allant à l’église, on allait à l’église et je me souviens des missions, je trouve qu’on avait on était jeune et on devait rester des heures comme ça à attendre, sans vraiment comprendre forcément tout ce qui se passait (rire), attendre sagement que tout cela finisse. Mais je pense qu’on aurait pas imaginé autre chose à cette époque, faire autrement. C’est vrai que tout le monde allait à la messe pratiquement, donc les enfants suivaient. Y avait aussi les vêpres, hein, l’après-midi, le dimanche après-midi. C’est pas de mauvais souvenirs en fait, même si on n’arrivait pas vraiment à comprendre tout ce qui se passait. On y allait, nos parents y allaient, on y allait. Il ne nous serait même pas venu à l’idée de dire : “ non, je n’y vais pas ”. Ça n’était pas dans l’éducation, ni dans les traditions (rire) que les enfants disent non à leurs parents. Ce qui n’est pas toujours positif, hein ! Savoir dire non c’est très important, mais à cette époque-là, je crois qu’on avait cette éducation et ce qui fait que, quand on compare avec la période actuelle, c’est pas toujours facile, hein. C’est pas toujours facile.On n’est pas toujours suffisamment tolérant.

  • Mais il ne vous en reste pas un mauvais souvenir, ou quelque chose de désagréable ?

  • Non. Non, c’était naturel, comme d’aller jouer dans le ruisseau, ça allait avec, voilà. Oui, oui. Je n’en garde pas du tout un mauvais souvenir.

  • Et quand vous étiez au lycée y avait des cours d’éducation religieuse ou des choses comme ça ?

  • Ah bien sûr. J’étais dans un établissement privé. A l’époque déjà, le plus près de chez moi c’était, il n’y avait que cet établissement-là, y avait pas vraiment le choix. On n’avait pas le choix, mais j’en ai pas gardé de mauvais souvenirs du tout. J’en ai pas pour autant continué à enseigner dans le privé (rire) ; j’aurais pu. J’ai un souvenir d’une relative tolérance ce qui, quelque part, a fait que ça ne m’a pas marquée. Non, ça s’est déroulé normalement, c’était la suite normale en fait. Bon, après ... on prend ses distances ou on ne les prend pas, on fait son choix hein ! C’est vrai que nous, on a suivi le choix de nos parents, comme nos parents ont suivi le choix de leurs parents. Voilà. Je dis bien sans que, moi, ça m’ait profondément déplu. De tout façon est-ce que ...

  • Y avait peut-être dans les valeurs défendues, un certain nombre de valeurs dans lesquelles vous vous retrouviez ?

  • Voilà. Certainement. Dans lesquelles tout le monde se retrouvait, je pense. Et puis, oui, je crois qu’on pouvait dire que c’était naturel, voilà, c’est vrai et que tant que c’est comme ça, nos ancêtres ... et puis à un moment, attention, on se pose des questions. Voilà.