Deuxième entretien

  • Les périodes où j’ai la famille très proche qui est morte, c’était quand j’étais institutrice il y a 5 ans, c’était pas pendant mon enfance, non. C’est plutôt là que ça a été dur. Voilà. Donc euh, à l’école primaire je me souviens, mes bons souvenirs euh, je me souviens d’institutrices qui étaient formidables à l’époque, c’était dans les années 50. Et euh, j’ai commencé par aller à l’école primaire puisque j’avais 5 ans et demi quand je suis rentrée à l’école primaire, je ne suis pas allée en maternelle. On allait moins en maternelle et j’ai pas eu une dérogation parce qu’on m’a acceptée à 5 ans et demi, mais normalement j’aurais dû avoir 6 ans pour entrer, comme j’étais de la fin de l’année. C’était un petit peu difficile parce que je pense que j’étais pas assez mûre et j’avais quand même un décalage par rapport aux autres enfants mais bon, je suis rentrée directement au CP, j’ai fait un bon CP grâce peut-être à l’institutrice qui était vraiment très compétente, très gentille. J’ai un très bon souvenir de, des institutrices sauf d’une. J’ai aussi un mauvais souvenir (rire) ça me remonte je connais même son nom, je le dirai pas euh, c’était au CE, j’avais une institutrice qui... Donc j’étais peut-être, euh, un peu indisciplinée par moments, mais j’étais une élève assez calme. Je ne me lance pas des fleurs mais, peut-être par moments, un peu indisciplinée. Et elle m’avait mis sous son bureau ; comme punition elle mettait les élèves sous son bureau. C’était une femme qui était assez corpulente, j’avais pas beaucoup de place, et elle m’a oubliée à 4 heures et demie. J’ai pas osé bouger (bien articulé), j’ai attendu une demi-heure, j’avais envie d’aller aux toilettes et je crois que ça m’a marquée. Ça a marqué mon CE parce qu’au bout d’un moment elle s’est rendu compte que j’étais restée, ou c’est une dame, une dame de service qu’a dû me voir sous le bureau. J’étais pas en pleurs (rire) mais presque, et voilà. Donc c’était une punition qui m’avait marquée. Sinon, après bon, j’ai eu des enseignants qui étaient très sympathiques. C’est plutôt quand je suis rentrée en 6ème , j’étais encore trop jeune et j’ai encore ce souvenir de, de manque de maturité. Et euh, d’élèves qui étaient plus grands que moi, qui en profitaient un petit peu pour dominer. Et on était les nouveaux, les bleus, les petits 6èmes. Et la 1ère année ça a été un petit peu difficile, l’adaptation. C’était très sévère en plus, c’était paraît-il le lycée le plus sévère de Paris, le lycée Lamartine, avec des règles très strictes avant 68 et euh, donc j’étais pas mûre, pas mûre pour affronter la 6ème et je, j’ai redoublé. Mes parents préféraient que je redouble à l’époque parce que, bon, y a un manque de maturité. J’avais, j’avais vraiment un traumatisme finalement parce que j’en rêvais la nuit. J’avais un prof de latin, je me souviens, qui me, qui était vraiment, comment dire, pas euh, qui avait pas de pédagogie. Elle enseignait et moi ça me manquait un petit peu de, bon de soutien, de conseils. Elle, elle lisait son livre et c’était, c’était un prof de latin donc... L’année d’après j’ai fait une très bonne 6ème donc plus de problème. Voilà (rire) les souvenirs de ... Par contre, si un peut-être, au point de vue camarades, j’avais d’excellentes camarades. C’était toutes des, comment dire, des élèves étrangères. Je ne sais pas si je les attirais, ou si moi j’avais envie de ... Toutes des familles d’élèves qui venaient d’Israël, parce qu’on était dans un quartier où y avait beaucoup de commerçants euh, israéliens. Et euh donc, c’était des, j’ai eu beaucoup d’amies israéliennes et euh, avec qui je me suis très bien entendue, qui m’ont vraiment acceptée dans leurs familles. Et euh donc, c’est un souvenir marquant quand même, parce que je connaissais pas la, les modes de vie de ces pays ; c’était un petit peu le folklore pour moi. C’était des élèves qui étaient très douées. Et puis ce qui m’a marquée aussi, c’était donc ... elles avaient eu des parents, donc des parents, des cousins, des oncles qui étaient morts en camps de concentration. Je ne souviens d’un film, c’était Nuit et Brouillard et là, j’ai deux de mes meilleures amies qui se sont évanouies en voyant ce film. Ça, c’était en, on devait être en 5ème ou 4ème. Et je me souviens aussi du, de ... Elle s’appelait, elle s’appelait E.ou E. C’était une élève avec qui je m’entendais pas du tout, j’en rêvais la nuit. C’était ma pire ennemie (rire) et je me souviens de ses yeux ; bon elle avait des yeux noirs et elle faisait tout pour humilier les gens dans la cour enfin... Donc on s’était un petit peu monté contre elle, et c’est un souvenir de quelqu’un que j’ai pas aimé. Sinon, en gros j’ai eu de très bonnes amies, ça c’est très bien passé. Ça c’était au lycée et euh, au point de vue professeurs j’ai ... je me souviens d’un prof de philo qu’était vraiment très proche de nous, très humaine mais qui s’endormait pendant les cours (rire) et ça c’est un souvenir rigolo. Elle tombait, c’est un souvenir rigolo, elle tombait sur son bureau et bon, on était obligé tout doucement d’aller la réveiller. Ça c’était les dernières années au lycée, et puis bon y a eu les événements de 68. Alors là, c’est vrai que j’y ai participé activement, très activement (rire) ; j’avais des parents compréhensifs parce qu’on faisait toutes les manifestations de Paris à l’époque et euh, on arrivait, on était une vingtaine à la maison, ma mère recevait tout le monde. Y avait une très bonne ambiance à ce lycée. Disons que ça enlevait un peu les tabous parce que c’était comme je le disais, un lycée très sévère, très strict, où il fallait avoir un uniforme, euh les cheveux attachés, pas de pantalons, enfin tout ce qu’il y avait à l’époque. Et après 68, c’était quand même relativement plus libre et on a eu des, vraiment des soirées, des conversations avec les profs. Ben c’était très chaleureux, j’ai un très bon souvenir de cette époque.

  • Vous étiez en philo en 68 ?

  • Oui. Et les profs donc, ont changé du jour au lendemain. On a vu vraiment une différence de comportement entre les élèves et les profs comme si y avait une barrière, ou un mur comme à Berlin, qui s’était brisé et qui enlevait tous les tabous. Et je me souviens à cette époque, c’était très chaleureux parce qu’on discutait beaucoup ; on avait l’impression de se libérer un petit peu de tout ce qu’on avait accumulé avant. En plus, c’est en philo que ça joue aussi (rire). Bon on est allé à la Sorbonne, on a fait des meetings enfin. C’était, moi je me souviens de Paris à cette époque, c’était vraiment la révolution (rire). J’ai lu des livres après, à côté c’était rien. Enfin bon, je me souviens des voitures brûlées près de chez moi c’était, c’était vraiment assez violent. Et puis des meetings de Cohn Bendit etc. qui étaient... J’habitais pas très loin de la gare de l’Est et de la gare du Nord donc le quartier était un peu chaud. J’étais pas loin de Montmartre en fait, donc toutes les manifestations avaient lieu dans ce quartier, et puis à la Sorbonne ou au Quartier latin. Voilà pour mes souvenirs de lycéenne ou d’écolière. J’ai pas eu de faits trop marquants. Bon j’ai perdu de la famille, mais je pense pas avoir eu de traumatisme à l’époque. C’étaient des oncles, des tantes et des ... ma marraine, mais ça s’est bien passé, mes parents m’ont expliqué. Bon, au point de vue familial mes parents étaient divorcés mais j’avais de très bons rapports avec ma mère qui était très proche de nous, et mon père on le voyait de temps en temps mais ça se passait assez bien, il s’occupait de nos études. Je me souviens quand on a réussi le bac ma soeur et moi, il était très fier, très content. Et puis après je l’ai perdu de vue, et puis bon après j’ai, j’ai quitté la région. Voilà, c’était les bonnes et mauvaises expériences, je peux pas dire que j’en ai eu de très mauvaises, par rapport à d’autres. Parce que le divorce de mes parents ça s’est fait petit à petit. Mes parents avaient été assez intelligents pour, bon à l’époque ça se faisait pas de divorcer, c’était très rare. Et on avait un père qui était très affairé, il était ingénieur et il voyageait beaucoup donc. Et euh, on le voyait tous les 15 jours et il nous disait qu’il allait en voyage à droite, à gauche, il était associé avec quelqu’un qui avait une usine dans le centre de la France. Bon on disait : c’est pour son travail. Et puis au cours ... Un jour, notre mère, tout doucement, nous a dit : bon nous sommes séparés depuis tant de temps. Donc ça s’est fait en douceur, on n’a pas eu le gros traumatisme que certains enfants ont.

  • Vous n’avez pas eu non plus les bagarres ?

  • Non, non on peut pas dire que mes parents se bagarraient parce qu’ils vivaient chacun de leur côté. Ils étaient assez intelligents pour éviter de se bagarrer devant nous. Oui, c’est pas toujours le cas. Non, je peux pas dire que ce soit un traumatime ça. Bon, les traumatismes que j’ai pu avoir par la suite, c’est quand j’étais institutrice et que j’ai eu une soeur qui est décédée d’une pénible maladie, puisqu’elle est morte d’une sclérose en plaques et ça, ça a été très très dur pour pour moi parce qu’elle habitait Paris et j’habitais ici. Et c’était donc y a 5, 5-6 ans, 6 ans, et l’année d’après j’ai appris la mort de mon père. Donc c’était tout à la fois, on n’évacue pas complètement. Et puis on a des remords enfin bon, vous connaissez le processus, on a des remords de ne pas avoir été plus souvent, enfin on n’évacue pas complètement ça, puisque maintenant ça va mieux mais euh on a toujours des regrets.

  • Vous n’aviez qu’une soeur ?

  • Non j’ai une soeur qui est à C. (même département) qui est institutrice aussi dans la famille, (rire) on est ou prof ou instit un frère qui est encore à Paris, et c’était donc ma soeur aînée qui est morte.

  • Vous aviez quel numéro dans la fratrie ?

  • Donc on était en second puisque ma soeur avait quand même 11ans de différence, ma soeur aînée avait 11 ans de différence avec nous, avec ma soeur de C. parce qu’on est jumelles et mon frère qui est plus jeune que nous.

  • Et y avait pas de problème avec la jumelle ?

  • Non, mais je m’entendais mieux avec mon frère, c’était des petites bagarres. Ce qu’on a fait très tôt, par rapport à d’autres jumeaux, on s’est aperçu qu’on voulait se dissocier. Bon, on (ne) se ressemblait plus tellement. Quand on était très jeune, on faisait des farces comme tous les jumeaux, mais on a voulu très vite se dissocier, ne plus se ressembler, avoir chacun(e) ses propres copains. On a été dans la même classe jusqu’en 6ème, un peu plus tard peut-être, jusqu’en 4ème , et après on s’est un peu séparé. On voulait vivre chacun(e) notre vie. Donc, on n’est pas les jumeaux dont on parle dans les romans qui, quand y en a un qui a mal, l’autre a mal, etc. C’est pas ce point-là (rire).

  • Y a pas une compétition l’une sur l’autre ?

  • Non j’étais, on n’a jamais rivalisé. Bon ben on avait des notes, moi j’étais bonne en latin, ma soeur était meilleure en philo. Bon, au bac on avait 2 points de différence, (rire) c’est pour dire que, y avait très peu de différence. Mais par contre, on avait des points communs, parce que toutes les 2 on est arrivées dans la région, on adorait la montagne, et on a trouvé des époux dans le coin, c’est dire. Enfin, c’était des copains quand même ; et on est venu habiter par ici parce qu’on adorait. Depuis notre enfance, on venait tout le temps en vacances par ici. Par contre, pour le métier, on a été un peu influencées par une cousine qui était professeur de maths, professeur oui et qui adorait ce métier. En plus elle était syndicaliste, c’était une fondatrice du SGEN en fait. Donc elle connaissait des tas de gens importants, elle avait connu les aviatrices célèbres de l’époque, elle était sur les mêmes bancs qu’elles au lycée Fénelon à Paris. Elle nous a influencé dans cette voie en disant : “ L’enseignement c’est bien ”, et c’était quelqu’un de très chaleureux, qui adorait son métier. Je pense qu’elle a une certaine influence.

  • Vous la voyiez souvent c....

  • Elle est morte. Mais quand elle était jeune oui, elle me donnait même des cours de maths parce qu’il semblait que j’étais un peu nulle en maths, ou que je voulais pas travailler (rire). Alors, elle me donnait des cours de maths ainsi qu’à ma soeur. Et, à son contact bon, on voyait que c’était quelqu’un qui adorait son métier, qui était très proche des gens, qui faisait tout pour par exemple pour, au point de vue syndicaliste pour les mouvements d’instituteurs ou de professeurs , elle militait pour que les couples soient réunis enfin elle faisait vraiment des tas de choses. C’est vraiment une femme que j’ai adoré je pense. Ma fille porte son nom, son nom donc ; Lucie c’est son 2ème nom, elle s’appelait Lucie. Elle, elle aurait pu écrire des livres parce qu’elle a connu vraiment des gens importants de l’époque entre 1930 et... C’est un professeur paraît-il, dont tous les gens ... Quand elle est morte, y avait énormément de monde à son enterrement parce que, elle était très aimée et très charitable, elle était très croyante et en même temps je veux dire ça a pas suivi, nous était pas une famille de pratiquants mais elle, on voyait que c’était la, elle pratiquait la charité à l’état pur, c’était désintéressé, et c’est quelqu’un de tellement intelligent je pense que ...

  • C’était pas les “ bonnes oeuvres ”...

  • C’était pas pour se faire voir, aller à l’église pour papoter comme on voit. Donc, elle a eu une grande influence après. Donc, quand on a dû choisir parce que quand on arrive dans la carrière enseignante les syndicats nous sautent dessus, fallait choisir le SNI à l’époque, le SGEN tout ça ; forcément j’ai choisi le SGEN parce que ma cousine était une des fondatrices du SGEN.

  • Uniquement pour ça ?

  • Ah non non. Je veux dire ... Parce que, en plus, bon peut-être uniquement pour ça au départ parce que on sait pas trop quel syndicat choisir, tous les deux nous sautent dessus. Alors bon, on a eu des contacts pour j’étais à Paris quand j’ai adhéré au SGEN et alors bon, j’allais aux réunions, je militais un petit peu. Et quand j’ai quitté la région parisienne, euh j’ai demandé un peu l’aide du SGEN pour mon entrée en Haute Savoie. Et je pense qu’ils ont été très, très compétents, euh ils m’ont bien renseignée et j’ai fait les démarches qu’ils me conseillaient, et c’est un peu grâce à ça que j’ai obtenu le poste de mon goût, et je continue à adhérer (rire). Donc jusqu’à la fin de ma carrière je (rire)... J’ai connu Mr E., c’est grâce à lui parce que, bon, il m’avait tuyautée, il m’avait dit les démarches qu’il fallait faire quand je suis arrivée en Haute Savoie, parce que je connaissais personne en Haute Savoie. Et puis Mr P. Donc j’ai assisté aux réunions, je vais quelques fois aux réunions syndicales, aux réunions de formation, de secteur et bon, j(e n)’assiste plus tellement aux réunions parce que y a en tellement qu’il faut faire un choix.

  • Et vous aviez des cousins, des cousines...

  • Non, non, pas tellement non. Mon père était, donc mon père avait un frère qui était resté célibataire, donc sa maman qui avait des cousins, cousines. Mais on était déjà 4 en famille, 3 disons du même âge et on avait beaucoup de copains et de copines. Ma mère accueillait vraiment sans problème les copains, les copines à la maison, donc...

  • Et les grands-parents ?

  • Mes grands parents, j’avais une grand-mère qui était alsacienne très, enfin, donc on a un peu toutes les origines (rire). Ma grand-mère était alsacienne, c’était quelqu’un de très froid, euh mon grand-père c’était quelqu’un de très chaleureux, militant communiste, et euh, c’était très animé quand on allait aux repas de famille parce que chacun avait une politique différente (rire). Je me souviens mon père, c’était pas euh la même chose, ma cousine donc, mon grand-père. Donc on avait des réunions de famille très très animées.

  • Et vos grands-parents c’était les parents de

  • De mon père parce que ma mère n’avait plus ses parents et euh, oui j’ai un très bon souvenir même de ma grand-mère qui nous faisait des kouglofs, des choses euh ... C’était une femme, une alsacienne très, comme on les représente en Alsace, un petit peu bon, avec la mentalité un petit peu allemande. Elle était très gentille avec nous. Mais c’était quand même quelqu’un d’imposant.

  • Et votre cousine prof elle était ?

  • C’était la, c’était une nièce, c’était la soeur de mon grand père. Sa femme, sa mère c’était la soeur de mon grand père.

  • Du côté de votre grand-père paternel ?

  • Oui parce que du côté de ma mère elle était fille unique. Ma mère donc, si je peux en parler, c’est aussi quelqu’un que j’admire beaucoup parce que dans sa vie elle elle a eu des tas de malheurs, et c’est quelqu’un qui est resté vraiment optimiste, qui a la joie de vivre, bon ben là elle a 80 ans, on dirait pas. Tous les gens disent : “ C’est pas possible, on lui donne 60 ans. ” Elle est très active, elle participe à des tas de choses, des réunions, elle fait du sport. Mais bon, elle aussi, pourrait écrire un livre parce que je me la représente, elle nous racontait : à 19 ans elle était sur les routes c’était l’exode avec ma soeur aînée. Donc, elle était veuve puisque c’est un 2ème mariage. Elle était veuve et bon, avec une petite fille sur les routes. Ensuite elle a connu mon père et puis bon, au bout de plusieurs années ça a pas marché, ils se sont séparés. Et y a 8 ans, même 6 ans en arrière, ma soeur aînée est morte, je veux dire : pour elle c’était quand même une vie un petit peu mouvementée. Mais elle a pas perdu le moral donc c’est quelqu’un, je voudrais bien être comme elle au même âge. Elle a un caractère très optimiste, très, elle aime bien bouger euh, rire, danser, faire de la montagne. C’est quelqu’un vraiment de très actif.

  • Elle vous l’a transmis ?

  • Oh je pense un petit peu oui. (rire) Parce que le goût de la montagne oui, le sport un peu moins, mais elle aime bien bouger, aller à des soirées. Je pense qu’elle respire la joie de vivre et c’est une image d’elle que je garderai toujours je pense.

  • Vous aviez donc de bons rapports avec elle ?

  • Oui, excellents, oui. On en a toujours de bons puisqu’elle habite à C., pas très loin. Elle a quitté Paris pour venir habiter aussi ici parce qu’elle adorait la montagne, elle (ne) voulait plus rester à Paris quand on est parti. Alors tout le monde a... Non, mon frère lui est en banlieue parisienne, il est resté là-bas.

  • Et avec votre frère vous vous entendiez bien ?

  • Formidablement bien, et il est venu là, cet été, et quand il vient c’est aussi, c’est quelqu’un de très calme, de très positif, qui a pas de problèmes ou qui les montre pas et il a vraiment une influence formidable sur tout le monde. Toutes ses collègues l’adorent, il est donc chef d’agence bancaire, il était chef d’agence bancaire, maintenant il s’occupe des ordinateurs, tout le monde venait le trouver, dès qu’il y avait un petit problème il réglait les problèmes, il est très diplomate. Très calme, beaucoup plus calme que moi. Bon, on est du même signe, je sais pas si ça joue mais lui il est plus du mois de janvier, moi je suis plus du mois de décembre, l’influence capricorne. Je suis plus sagitaire parce que je suis née au milieu 21-22, lui il est plus capricorne. Moi j’étais de la fin, juste à cheval, voilà. Et on a de très bons rapports avec mes frère et soeur. On se voit peu parce qu’il vient une fois par an. Avec mes frère et soeur il y a de très bons rapports. Après il y a les enfants, donc ça fait beaucoup de cousins. J’étais contente parce qu’il y avait pas de cousins et cousines (autrefois), nos enfants en ont, c’est formidable parce qu’ils se retrouvent, ils ont peu de différence d’âge, 2-3 ans, on les a eus presqu’en même temps, on n’a pas programmé (rire) mais on a fait ça ensemble.

  • En fait vous avez eu une enfance qui vous a paru...

  • Sereine par rapport, en comparant. Parce que peut-être que l’image du père a manqué quelque part enfin...

  • Je sais pas, c’est votre sentiment

  • Oui, parfois. Je me souviens quand même, à l’école euh, quand les parents venaient chercher leurs enfants, c’était plus souvent notre mère que notre père. Mais euh, bon on voyait pas non plus beaucoup les pères à l’école à l’époque, ils s’occupaient très peu de la vie scolaire, hein ! Je crois que c’était aussi un, après y a eu un phénomène de société, les pères participaient plus (davantage). Non, je pense que notre mère n’a pas voulu euh, nous causer de problèmes par rapport à leur séparation, a fait en sorte que, bon, ça ne nous manque pas. On partait en vacances donc c’était notre père qui nous emmenait, y avait toujours un contact assez proche quand même. Je pense qu’elle (mère) a toujours montré un caractère optimiste et puis, elle a dû souffrir quand même hein ! Quand je repense maintenant, disons que je pense que ce qui a pas marché chez eux, c’était, c’était ma grand-mère qu’était tellement autoritaire, et puis fallait vivre, fallait vivre chez eux, il fallait aller faire le jardin le dimanche avec les ? Donc y a eu ce, ce, comment... la vie en commun qui oui, qui a dû briser un peu leur couple. Comme tous les deux étaient très jeunes, ça a pas marché.

  • En fait votre grand-mère, vos grands-parents vivaient

  • Au départ, après non. Avant notre naissance, mon père et ma mère habitaient avec eux. Donc, je vous dis, ils avaient une maison de campagne près de Paris et il fallait le dimanche ... Un jeune couple sort, bon mais il fallait aller faire le jardin avec papa-maman. Je pense que ma mère l’a très mal supporté, ça. C’était quelqu’un quand même de plus indépendant, elle l’a très mal supporté.

  • Et ça vous fait quoi que je vous interroge sur

  • J’aime bien parce que moi ça ne me gêne pas du tout parce que c’est tellement des choses, je veux dire j’ai tellement été entourée de gens qui étaient formidables, enfin ma cousine, ma mère euh, que ça me fait du bien d’en parler. Ma soeur aussi, ma soeur qui est décédée, c’était vraiment quelqu’un de gentil, d’agréable. Donc là, j’étais plus traumatisée parce que y avait ce phénomène d’injustice, je comprenais pas pourquoi quelqu’un qui avait toutes les, enfin toutes les qualités mais qui était si gentille, si agréable, donc elle a énormément souffert parce que la sclérose en plaques c’est une maladie qui, qui attaque petit à petit, elle a eu l’atrophie (?), donc c’est la plus terrible. Elle est morte étouffée, et un mois avant on était allé la voir, elle (n’) arrivait plus à communiquer. Je pense qu’on a énormément souffert de voir qu’on n’arrivait plus à communiquer. Et je ne m’entendais pas très bien avec son mari, disons que c’était quelqu’un de pas intéressant, que je rejette complètement et j’allais la voir elle, et lui me mettait presqu’à la porte. C’était des périodes assez difficiles quand on allait à Paris, donc en banlieue de Paris pour la voir parce que, on était mal accueilli d’un côté et on voulait voir notre soeur de l’autre ; c’était pas toujours évident. Et bon elle était, c’était quelqu’un aussi d’agréable, d’optimiste. A la fin de sa vie, je veux dire y a, c’était trop injuste, c’était dur à supporter parce que, à la limite on disait presque au médecin de faire quelque chose parce que c’était un légume hein ! Vous connaissez peut-être les maladies, et quand elle est morte c’est sûr que ça nous a fait de la peine, mais en même temps on dit : “ Elle a fini de souffrir ” . La mort en fait, ça m’avait pas trop frappée jusque-là, j’avais connu des gens bon, des oncles, des tantes mais je pense que c’est la personne qui me marquera toujours. Quand on parlera de la mort, je la verrai parce que, à son enterrement, je m’en souviens, c’était très difficile. Bon après, mon père. Mes parents étaient séparés, après on s’était un peu perdu de vue. Je l’avais revu en 79, parce que j’avais eu une opération à Lyon, il était venu me trouver et après donc on n’a plus eu de nouvelles Puis on a appris par la, par de la famille en fait, qui a fait des recherches qu’il était mort en 85. C’était après coup, ça a fait un choc au départ parce qu’on l’a appris soudainement. Mais on n’a pas été en contact avec lui à la fin de sa vie et il est mort d’un infarctus, donc il a pas trop, enfin entre guillemets, “ pas trop souffert ”, par rapport à ma soeur. Ma soeur, ça m’a vraiment marquée.

  • Oui, et puis avec votre père les liens étaient distendus

  • Oui. On s’aimait bien. Il était venu me voir à Lyon, donc il avait quand même, il s’intéressait à ses enfants. Il venait de temps en temps en Haute Savoie, il avait des conférences ou des congrès à Genève et il passait nous voir, mais les rapports étaient vraiment ... Ça s’était espacé, finalement on n’avait plus tellement de rapports. Avec mon frère (il en avait) davantage puisqu’il était sur Paris et il retournait fréquemment à Paris. Enfin ma fille n’a pas connu son grand-père. Elle connaît, elle a des grands-parents du côté de son père, mais de mon côté, elle a pas connu à part ma mère (affirmé).

  • Y a pas eu de maladies ou de choses comme ça, particulières, impressionnantes dans votre enfance ou votre adolescence qui vous aient marquée, que ce soit vous ou quelqu’un de proche ?

  • Non, non. En gros, c’est ma soeur finalement. Notre enfance a été assez préservée, on n’a pas cotoyé tellement de morts, enfin de, la mort. Nos grands-parents, tout notre entourage sont morts quand on a quitté la région parisienne, donc ça s’est fait, c’était à distance, on ne les a pas cotoyés à la fin de leur vie.

  • Et puis vous étiez adulte. Mais j’entends que vous avez été à la fois préservée, et de bons souvenirs, de bonnes choses.

  • Oui, de mon enfance, je garde pas de mauvais souvenirs. Bon, peut-être que quand on en parle, on se dit : “ Oui l’image du père elle est un petit peu délaissée parce qu’on le voyait très peu, on le voyait tous les 15 jours comme c’est la loi. ” Mais on n’a pas eu de graves traumatismes. Quand je vois des élèves dont les parents se séparent, et c’est vraiment la guerre, et les enfants nous prennent à témoin, nous demandent absolument : “ Est-ce que mon papa va revenir avec ma maman ? Bon moi j’ai pas connu ça. Puisque ça s’est fait tout doucement.

  • Et puis il y a des séparations qui se passent bien. Il est pas obligatoire que ce soit traumatique

  • Et puis, c’est tellement fréquent. Bon, les parents sont quelquefois intelligents ils se rendent compte qu’il ne faut pas se bagarrer mais les enfants nous confient leurs problèmes et on s’aperçoit que c’est pas toujours le cas.(long silence)

  • J’ai l’impression que pour vous ça s’est bien passé en général

  • Oui. Enfin bon, j’ai divorcé aussi. Mais bon ça c’était, je me suis mariée trop jeune comme ... J’ai un peu renouvelé l’expérience de ma mère, je me suis mariée trop jeune avec quelqu’un qu’avait pas les mêmes goûts que moi puisque c’était, on était trop jeune pour fonder une famille. Et on a pensé à un moment donné qu’avoir un enfant ça nous rapprocherait. Et finalement c’était pas le cas, c’était merveilleux d’avoir un enfant, parce que j’ai eu assez, j’ai eu d’énormes problèmes pour avoir un enfant. Ça oui, quand j’y repense. Maintenant que je l’ai, ça me semble tout simple mais euh, on était marié depuis 10 ans mais j’avais toujours pas d’enfant, j’avais fait une grossesse extra utérine. Donc j’étais, on m’avait parachutée à l’hôpital d’A., ça s’est très mal passé, on m’a mise dans une chambre en me disant : “ Oh ! c’est des petites douleurs ovariennes, c’est pas grave, on vous laisse, c’est le week end de l’Ascension, on n’a pas le temps de s’occuper de vous, mettez-vous un sac de glace. ” Et j’ai fait une grossesse extra utérine vraiment très, très grave puisque j’ai eu une hémorragie interne. Je suis restée, donc le lundi y a quand même le médecin ... Oui, le médecin a dit : “ Faut peut-être s’occuper de cette dame, elle continue à avoir mal mais elle n’est pas enceinte, d’après les résultats elle peut pas être enceinte. ” J’étais enceinte de 7 semaines. Grosse erreur médicale donc ... J’arrivai à M., j’étais toute contente, je savais que j’étais nommée à M., j’avais eu le poste que j’avais souhaité et j’allais avoir une enfant et puis, au mois de juin je me retrouve à l’hôpital. Alors j’ai eu des sales moments quand même, mais supportables. Supportables, j’en voulais surtout au médecin, j’étais très en colère contre lui, c’était plutôt de la colère et, je pensais pas que j’allais avoir des problèmes après pour avoir un enfant. Et, au bout de 2 ans, je me suis quand même rendu compte que c’était long, on essayait par tous les moyens d’avoir un enfant, ça marchait pas. Donc je suis allée trouver un jeune gynécologue qui venait de s’installer, il m’a tuyautée vers un professeur à Lyon et bon, j’ai eu une légère opération, c’était purement mécanique, on avait essayé des tas de médicaments, des contrôles, des courbes de température, tout ce qu’on fait dans ces cas-là quoi, et finalement je suis allée à Lyon, je me suis fait opérer et 6 mois après je tombai enceinte. Je peux remercier ce médecin (rire), d’ailleurs je lui ai dit, ma fille a 17 ans. Voilà. Mais ça, c’est pas vraiment une maladie

  • Mais c’est vrai que ça peut perturber ...

  • J’ai souffert de pas avoir d’enfant quand j’étais à l’école, quand j’avais de jeunes enfants autour de moi, euh pendant deux ans, c’est vrai que je, je me disais que je serais à jamais stérile. Et je pouvais pas avoir un enfant à cause d’une erreur d’un médecin qui s’est pas trop penché sur mon cas, et ça, j’étais très en colère contre le corps médical, enfin contre lui en gros. Et puis bon, quand F. est arrivée, j’ai oublié quoi. En plus c’est lui qui m’a accouchée (rire) ! Comme le hasard fait bien les choses ! Et puis ça c’est très bien passé, j’ai eu une grossesse formidable et un bébé vraiment très bien alors qu’on me le prédisait vraiment tout petit, tout malingre et tout, j’ai eu un bébé de 3,8 kg et 52 cm (rire), on se demandait s’il allait passer. J’ai eu une grossesse où j’étais en superforme, donc là j’ai pas eu de problème. Et puis donc, au bout de 3-4 ans, ma fille avait 3 ans et demi, on s’est séparé avec son père, et puis ça s’est pas trop mal passé. Ma fille était petite, ça a fait comme, comme ma mère. Je lui ai raconté que son père voyageait beaucoup. Parce que j’ai pas voulu, bon à l’époque, à 3 ans et demi c’est difficile de dire à un enfant : “ on se sépare ”. Puis l’année d’après je lui ai dit : voilà “ on s’est séparé ”. Elle a compris, elle avait 4 ans et demi, et puis euh : “  Tu iras un peu chez ton père, un peu chez moi, enfin ”. Alors elle trouvait même que c’était des avantages d’avoir 2 maisons, 2 endroits différents, des grands-parents à des endroits différents aussi. Bon, elle voyait que les bons côtés (rire). Et puis bon, quand elle est devenue plus grande, c’est vrai qu’il y a des problèmes, fallait aller tous les 15 jours chez son père, y a les copains, enfin ça (n’) allait plus. Bon, elle accepte quand même, je peux pas dire qu’il y a des gros problèmes entre son père et moi. Bon y a des problèmes matériels comme dans tous les... je veux dire c’est pas... elle comprend mieux maintenant. A 17 ans elle s’aperçoit que si, quelques fois bon, je râle un petit peu pour certaines choses, c’est pour son bien (rire). Mais bon je pense que ça s’est relativement bien passé. Enfin, peut-être plus tard, elle me dira qu’elle a mal supporté. Mais ce qu’elle me dit c’est que dans sa classe, y en a les trois quarts qui ont des parents séparés, des familles éclatées, donc elle, elle se sent pas à l’écart. Alors que, peut-être que moi à l’époque, je me sentais plutôt, euh, c’était, déjà on divorçait peu hein dans les années 50, c’était très rare. Enfin, (rire) je sais pas s’il y aurait de quoi écrire un roman mais moi, si j’écris un roman, ce serait plutôt sur l’école. Quand je suis arrivée en Haute Savoie, tous les souvenirs agréables que j’ai eus dans les classes uniques, des choses comme ça. Et les contacts avec les parents, c’était fantastique.

  • (A propos de son expérience dans le 18ème arrondissement) : Bon, on m’a parachutée comme ? C’est pas moi qui ai choisi. A l’époque on nous disait : “ Vous faites tel remplacement, là ”. Une fois c’est le 16ème, une fois c’est le 18ème , bon c’est vrai que j’ai apprécié. Comme vous dites, j’ai plus apprécié ces enfants qui avaient davantage besoin des enseignants que ceux du 16ème arrondissement, c’est vrai ça.

  • C’est pour ça que je le mets en lien, parce que, peut-être que vos amies étrangères au lycée auraient plutôt habité le16ème, si on en juge par

  • Oui, c’était le 9ème, on habitait la limite du 9ème et du 18 ème

  • Oui, par la profession, hein, avocat et autres mais elles étaient étrangères. Et quand vous vous êtes retrouvée dans un milieu où théoriquement ça aurait pu ressembler, le 16ème aurait pu ressembler au niveau professionnel au milieu de vos amies, ce n’est pas là que vous étiez le mieux.

  • Non c’est vrai que dans la proportion de la classe, donc dans ce lycée qui était dans le 10ème arrondissement, y avait vraiment la moitié de la classe qui était de famille juive, c’était assez marquant, c’était le quartier qui voulait ça, je pense : les fourreurs, les avocats, les marchands de vêtements , les maroquiniers, c’était un peu le quartier. Oui, c’est marrant. Quand j’y repense, je pense à ces filles, j’ai 2-3 copines dont je me souviens, qui étaient formidables. Y en a une qui adorait la danse, j’espère qu’elle est devenue danseuse, on a le regret de ne pas savoir ce qu’elles sont devenues parce qu’on n’est pas resté. Je les ai jamais revues hein, j’en ai eu des nouvelles par la suite, une ou deux bon, quand je me suis mariée qui m’ont envoyé leurs voeux. On s’est complètement, j’ai pas d’amies d’enfance, je peux dire j’ai pas d’amies d’enfance. Ça, je regrette un petit peu de les avoir perdues de vue. Parce que quand je suis dans la région je vois des gens et ils retrouvent dans leurs villages leurs amis d’enfance et je trouve ça formidable, ils ont été sur les bancs de l’école ensemble, ils se retrouvent après dans les bals et ils se retrouvent dans les soirées : “ Tu te souviens ? ”

  • Ça ça vous manque ?

  • Peut-être de ne pas savoir. Bon, quand on quitte une région, on sait qu’on laisse tout derrière et puis le reste suit pas. Même les amis que j’ai eus, les parents que j’ai eus quand j’étais dans, du côté de St J.-F., j’en revois certains de temps en temps mais bon c’est une coupure. Je sais que je les revois pas.