Deuxième entretien

Alors oui, c’est démarré cette affaire-là. Ben moi je sais pas, bon le 1er souvenir qui me vient à l’idée, parce que c’est là où j’étais petite, c’est qu’en fait moi j’ai commencé le, l’école, j’avais 5 ans. Donc y avait pas d’école maternelle, je je, j’étais dans un petit village et euh, on m’a mis tout de suite dans une, une classe à plusieurs cours. Donc y avait une espèce de section enfantine, enfin bon un CP et puis peut-être des CE 1 ou CE 2 enfin je me rappelle plus les classes, sections qu’il y avait au-dessus, mais section enfantine-CP c’était sûr. Et puis y avait peu d’élèves dans cette école, l’un dans l’autre finalement on m’a fait commencer le CP tout de suite. Et j’avais une maîtresse qui était très très très gentille. Je me rappelle de cette 1ière maîtresse qui était, qui était vraiment une gentille maîtresse, en plus elle était belle. Et je trouve que ça, ça avait, à mes yeux c’est un souvenir, en plus elle était belle ma 1ière maîtresse. Donc (soupir), ce que j’y ai fait, je m’en rappelle plus parce que vraiment, c’était, j’ai quelques petits souvenirs, vagues souvenirs de Noël où on avait des pains d’épices, à cette époque c’était les pains d’épices sous le sapin, je mangeais à la cantine mais ... Enfin c’est plutôt des agréables souvenirs. Dans la 2ème tranche de cette scolarité primaire, en fait on a dû changer d’école parce que justement cette école-là, euh, y avait peu d’enfants dans la classe oui, et en fait y avait une école plus près de chez moi qui fermait. Y avait que 12 enfants. Et pour conserver cette école encore plus près de chez moi, euh, les gens qui travaillaient dans la mairie, je ne sais pas, ou les enseignants, avaient demandé à mes parents de mettre les 3 enfants donc on était 3 dans cette petite école. Donc on a dû changer d’école. Alors c’était une école toute seule, y avait qu’une seule classe, où donc j’ai fait tout le reste de ma scolarité, je pense 3 ans en tout cas, sûr. Et là alors c’était une relation je dirais, c’est une maîtresse très gentille aussi, mais qui était quelque part encore un peu notre maman parce qu’on prenait notre gamelle et on mangeait à l’école. Donc ça, c’est des relations que, enfin des choses qu’on voit pas maintenant dans les écoles. On avait notre repas et puis on mangeait sur place. Et donc la maîtresse habitait au-dessus de l’école et c’est vrai que, s’il y avait quelque chose, elle venait nous voir mais bon y avait mon frère et moi et puis après ma soeur, on a été dans cette petite école. Y avait qu’une seule classe, y avait une petite cour qui entourait, c’est vraiment la vieille école euh, typique, quoi. Une maîtresse qui, qui a été, oui, qui a été très gentille, qui était euh, euh, sévère quand il fallait mais j’ai pas de souvenirs vraiment mauvais avec cette dame. Et plus tard, quand j’ai été adulte, quand elle a su que moi-même j’étais devenue enseignante, elle avait bien, elle avait bien apprécié, finalement. Euh, (soupir) pour l’école primaire je crois que c’est à peu près, pour les souvenirs que je me rappelle, hein !

  • Et avec les copains ?

  • (soupir) J’ai pas trop de souvenirs, c’est loin je (ne) m’en rappelle plus trop hein ! J’aurai plus de souvenirs, peut-être après au niveau du collège, je sais pas si on peut en parler aussi hein ? Parce que, au niveau du collège, disons que, déjà le collège c’était, c’était la ville un petit peu plus importante. Hein, on était dans une petite commune, bon, c’était euh, beaucoup plus petit que, que D. mais moi, ce que je m’en rappelle, c’est que c’était déjà pour nous la grande ville. Et là, on était en plus confronté à des élèves qui venaient un peu d’autres villages, qu’on connaissait pas. Puis là, bon ben c’est, c’est là où j’ai eu mes, mes 1ers petits flirts. Enfin en 4ème je m’en rappelle à peu près, donc c’est vrai que ça a marqué. Et puis bon, c’était aussi la, l’époque où je commençais à avoir un peu des conflits avec mes parents, et c’est vrai que ça a, c’était un petit peu, j’ai plus (davantage) de souvenirs, disons. Un peu des conflts parce que bon, on commence à être adolescent. Ma mère était très dure, elle, elle aimait pas que, qu’on traîne après l’école. Bon, on devait prendre le car scolaire donc c’est vrai que, ou alors elle venait nous chercher mais elle voulait pas qu’on traîne, qu’on discute trop le soir, qu’on voit trop de copains, de copines. Elle était assez, assez dure. Donc c’est un peu les souvenirs que j’ai à ce moment-là. On avait des profs alors qui étaient (soupir), on avait des profs qui changeaient. Dans l’ensemble ils étaient assez sympathiques. Y en avait une, c’était une prof très très très dure, elle rouspétait dès qu’elle rentrait dans la classe si on n’avait pas nettoyé, fait la poussière sur le bureau elle mettait les élèves sous le bureau. Alors elle c’était, je peux dire c’était le, la hantise des élèves. Même moi, qui étais une bonne élève, j’appréhendais. Elle était lunatique en plus, un jour elle était contente de nous voir, un autre jour elle nous passait par la fenêtre, enfin à peu près des choses comme ça, enfin plutôt par la porte, oui. Elle était dure, hein, c’était la femme du proviseur, enfin du directeur, elle était, tout le monde en avait peur, c’est vraiment le cas de le dire. Alors bon, si au niveau des relations ça rentre dans le cadre, je crois que je peux dire qu’elle, elle était un peu notre, notre angoisse tous les jours quand on y allait. Sinon, bon j’avais, la prof d’anglais était très gentille. Bon on arrivait en 6ème, elle nous parlait qu’en anglais, c’est vrai qu’on était un peu surpris, on disait pas un seul mot en français. Euh, (soupir), j’avais le prof de gym, c’était le mari de mon ancienne maîtresse de la petite école de, oui, on le connaissait bien. J’ai de bons (insiste) souvenirs de mes profs de collège dans l’ensemble. J’ai bien aimé mais bon, dire que j’étais bien dans ma tête, bien dans ma peau c’était pas, c’était pas le mot hein, c’est ... Puis des relations difficiles avec la famille, avec les parents, l’entourage quoi, c’est ... surtout euh, surtout ma mère quoi. Là, c’est dur. J’ai pas très bien vécu ça, et elle était très dure, sévère et, et elle tolérait pas qu’on puisse m’inviter un mercredi pour, pour passer un petit moment avec des amis même proches quoi. On faisait pas des kilomètres parce qu’à l’époque, y avait, les parents nous emmenaient pas comme maintenant chez les uns chez les autres. Mais elle était vraiment euh, en fait je crois qu’elle a pas, pas voulu nous voir grandir, enfin je ne parle pas de mon frère et de ma soeur mais je parle de moi disons, pas voulu me voir grandir et je crois que c’est ça un peu. C’est pas trop bien précis. Et que, ça faisait que c’est des relations qu’étaient pas toujours évidentes. Donc, bon à l’école je travaillais, j’étais très bonne élève hein, vraiment j’étais une excellente élève et ça, ça, les parents l’appréciaient. Et puis le proviseur, le directeur du collège avait poussé, avait, comment dire, il avait reçu mes parents pour leur dire, pour leur dire : “ elle travaille très bien, il faut qu’elle passe son concours de, d’instit, faut vraiment qu’elle présente ça, elle est vraiment une bonne élève ”. Donc les parents avaient un peu poussé là-dessus, mais moi de quoi il en retournait. (soupir) Voilà, je sais pas, c’est un peu le vide là (rire).

  • Vous étiez la 2ème ?

  • Oui, 2ème sur 3. Mal placée, je trouve.

  • C’est tantôt : les 2 grands, tantôt : les 2 petits ?

  • Oui. Et je sais pas comment dire. Mon frère aîné, il était pas, il était moins mûr que moi. Lui il aimait bien rester à la maison, à la ferme, il bougeait pas. Donc, en fait c’est un peu moi qui ai essuyé les plâtres pour des tas de choses et (soupir)

  • Vous aviez beaucoup d’écart avec votre frère ?

  • Non, on a 2 ans pourtant. Lui donc, il est le plus grand, après moi, après ma soeur 4 ans de moins. Mais c’est un peu moi qui ai essuyé les plâtres. C’est vrai que (soupir) ça coinçait. Et puis une fille ! Je trouve que mon frère a été plus, on a plus (davantage) permis de choses au frère qu’à moi. Donc ... Et puis bon, pour tout vous dire quand même, il m’est arrivé quelque chose. Je trouve que ça c’est important aussi parce que bon, c’est... Disons que mes parents, pour situer un peu le contexte, on était donc dans un contexte de ferme, des parents très croyants enfin bon très croyants... ils allaient à l’église disons, beaucoup, pour différencier un peu les choses et, et on avait beaucoup de tabous à la maison. Bon je pense que j’étais pas la seule à l’époque. Donc nous, on avait pas le droit de voir quand une vache faisait le veau, ni quand le taureau faisait ses affaires avec la vache. Bon, disons qu’on était interdit de toutes ces choses-là. Donc c’est vrai que moi, ma maman elle m’a jamais rien expliqué des choses de la vie. Et euh, à 13 ans, ben comme toutes les petites filles, on grandit euh, on devient une femme, la mère nous a rien montré, rien appris. On se demande si, ce qui nous arrive, ce qui nous tombe dessus et puis euh, c’est vrai qu’à l’école, bon, étant donné que j’étais un peu naïve sur beaucoup de sujets, euh, je comprenais pas de quoi les autres parlaient. En 5ème par exemple, les autres disaient des trucs sur, je sais pas, l’amour, sur tout ça, j’étais au courant de rien. Et ça m’était déjà arrivé une ou deux fois que les garçons euh, se moquent de moi, fassent un peu des, si j’étais dans les toilettes ils essayaient de me coincer, bon c’était pas méchamment mais je me trouvais toujours un peu bête parce que je voyais qu’eux ils savaient des choses et que moi je savais pas. Et puis euh, mes parents, donc euh, ils me, ils m’avaient fait prendre quand même, pour dire, ils m’avaient fait prendre des cours de piano. Alors que ça devait certainement coûter très cher, enfin bon. Et puis, du coup je jouais de, de l’harmonium à l’église. J’avais donc, 12 ans, 13 ans. Et il fallait que j’aille de temps en temps répéter chez le curé. Alors ça... Au début j’y suis allée une fois, deux fois, bon ça allait bien et puis je voyais que ce prêtre il était bizarre. C’était un gars qui buvait, qui était bizarre. Et puis un jour, et bien tant et si bien qu’il avait certainement trop bu et puis il a, il m’a fait des attouchements. Et donc bon, (soupir) c’est quelque chose qui m’a énormément secouée dans ma vie, et c’est vrai que là je sors d’un stage de maltraitance et (soupir) ça m’a remuée un peu tout ça, quoi. Ca remue. On peut pas dire qu’on y pense tout le temps mais, du fait qu’on reparle de mon adolescence, et bien c’est un gros morceau, c’est vrai que ça m’a marquée beaucoup quoi. Alors bon, je suis, (soupir), il a commencé effectivement à me toucher, ça bon, ça a pas été grave en soi, disons y a pas eu de choses plus graves mais moi ça a suffi pour me marquer quand même. Je suis arrivée à la maison je savais plus ce qu’il fallait dire parce que je, j’osais pas, et les parents ils étaient pas à l’écoute. Et puis j’ai fini par tellement pleurer et puis quand même lâcher une phrase, mes parents s’en sont occupé mais ils ne m’en ont jamais reparlé. Ils sont restés comme ça, ils ont euh, ils se sont débrouillé pour virer le prêtre, pour faire, je pense qu’ils ont bien joué leur rôle de parents mais à moi ils ne m’en ont pas reparlé. Alors jusqu’au jour d’aujourd’hui, je sais jamais ce que mes parents ont pu penser, ils m’en ont jamais, jamais, jamais, jamais y a eu un mot là-dessus.

  • Vous n’avez pas senti ...

  • J’ai pas été concernée.

  • Comme si vous n’aviez rien à dire ?

  • Non. Voilà. Mais en fait, cet événement-là, je peux dire qu’il a déterminé la suite de ma relation avec ma mère. La relation a continué à se dégrader, ma mère quelque part a mis dans sa tête le fait que je devais être une mauvaise fille. Depuis ce jour, chaque fois qu’un garçon de mon âge quoi, passait en mobylette, enfin bon comme ça se passe quand on a 15 ou 16 ans, elle, elle a toujours dit des mots méchants à mon égard, elle a vraiment dit des saletés sur moi, je peux vraiment dire ça quoi Et ça s’est continué quand j’ai rencontré euh mon mari. Enfin j’ai eu un ami avant lui, elle a tout fait pour que ça casse. Quand j’ai rencontré mon mari, elle a tout fait pour que ça casse, heureusement là, j’ai été un peu plus, un peu plus forte. Mais en fait cette relation s’est dégradée et pour en arriver, ben ça fait 15 ans que j’(e n’)ai plus vu mes parents quoi. Voilà. Tout ça pour démarrer à cette époque où, enfin je crois tout vient aussi du fait que, l’éducation quoi. Une éducation très rigide et moi ça m’a, ça m’a culpabilisée toute ma vie quoi. Oui.

  • C’est-à-dire que quand ça s’est passé, vous dites qu’ils ont joué leur rôle de parents mais en fait ils n’ont pas joué leur rôle de parents. Ils l’ont fait partir donc pour éviter

  • Un qu’en dira-t-on

  • Oui, ou des histoires avec les autres, mais leur rôle de parents aurait été d’abord de vous écouter, de vous permettre de le dire, de vous déculpabiliser aussi

  • Oui. Ce qui fait que ma coulpe, toute ma vie j’ai battu ma coulpe pour des tas de choses et c’est mon gros problème dans ma vie parce que ça m’est resté par rapport à tout ça. Donc ces problèmes de culpabilité que je me suis mis en moi, en fait on me les mis et on me les a bien faits rester, ancrer dans la tête, voilà. Et ça, c’est sûr que c’est dur à s’enlever de la tête après hein, c’est vraiment dur. Donc, quand on parle de la vie de l’écolière, la vie de jeune fille, la vie d’enfant, en fait ça découle quand même beaucoup de la relation affective qu’on a avec nos parents. Moi je trouve quand même quelque part que c’est important et bon, maintenant que je suis maman moi-même, mais je veille beaucoup à la relation que je, j’établis avec mes enfants. Et je me casse la figure, je me suis certainement cassé la figure mais en tout cas j’y suis vraiment, je je fais attention quoi, j’y suis attentive, vigilante à tout ça, quoi. D’autant plus quand on nous a culpabilisé pour tout ça. Bon, en plus c’était une mère très dure qui tapait, qui griffait, qui (soupir), qui était très malade nerveusement, qui cassait des trucs et bon, le père qui pleurait à côté parce qu’il avait pas la, la, il avait pas l’envergure, donc (soupir), c’était très très dur. Je voudrais bien pouvoir, dans ma tête-là, avoir un souvenir, une image de ma maman gentille. Je cherche, je me dis, souvent je cherche cette image-là. J’ai envie de la trouver ... je trouve pas, je trouve pas beaucoup. La maman qui est près de nous, qui (soupir), je trouve pas.

  • Et pourtant, Dieu sait si je la recherche cette image-là, quoi. La petite enfance, bon, j’ai peu de souvenirs alors j’ai, je voudrais bien ressortir une image où elle était vraiment proche de nous ... Le papa, oui, beaucoup. Mais ça, c’est certain que ça marque, quoi, ça marque une vie même, ça marque une vie.

  • Vous vous entendiez bien avec votre papa ?

  • Oui. Oui. Papa, euh, proche de nous parce qu’en plus c’était un, c’était un homme qui, qui aimait la terre (fierté). Mon père il aimait la terre, il aimait la, euh, il aimait aller voir le soleil se lever le matin, il aimait, il avait plaisir à voir ses grains de blé qui mûrissaient C’était un homme qui nous a appris à aimer la terre tout ça, donc lui, au contraire il m’a appris toutes ces choses, il était très calme, très gentil. De temps en temps quand il donnait un coup de béret sur la table, c’est qu’on bougeait plus une oreille, mais c’était exceptionnel donc ça avait tout son poids. Euh, parce que c’était rare. Bon, par contre il, il avait envie de, de, oui, de nous faire partager cet amour. Souvent on allait manger la soupe dans les champs, le soir, l’été, enfin je m’en rappelle, ces mois de juin où ... des choses comme ça, quoi ! Que c’est vrai que mes souvenirs de la maman, c’est pas, c’est pas ça. C’est, je n’ai pas ces souvenirs-là. Alors qu’il me semble que, je sais pas, ça devrait me revenir des souvenirs plus de contact maternel, de choses comme ça et je les ai pas. Je sais pas, je les ai pas. Alors bon, je veux pas dire, je les ai pas eus, je dis que je les ai pas, ils sont pas devant mes yeux, je les ai pas. Alors que des souvenirs avec mon père, oui. Et encore, une dernière lettre de lui, y a un an en arrière, une lettre gentille qui a été tout de suite contrée par une horrible lettre de ma mère (sanglot dans la voix) qui a finalement un peu tout démoli, quoi. Et donc toujours, (soupir) l’envie de sa part de casser la relation avec mon papa quoi.

  • Et vous n’arrivez pas à voir votre père sans votre mère ?

  • Non, impossible. Et lui, je ne sais même pas s’il le recherche. Je crois qu’il ose pas. Il a peur quelque part, non ? Non je crois que j’ai compris que ça lui était pas possible. Si ça lui est possible physiquement, je pense que c’est pas possible à un autre niveau, il peut, je pense qu’il peut pas, non. Ça, plusieurs fois je me suis posé la question. Ou s’il est seul, ben il va pas pouvoir me parler. Il s’est trouvé une ou deux sépultures à droite ou à gauche où on s’est retrouvé parce qu’elle, elle vient jamais dans ce genre d’endroit pour ne pas me trouver, donc non. Il vient me dire bonjour mais c’est le blocage complet. Ça c’est vrai que c’est terrible. (soupir) Mais on est là, on est dans notre travail, on est dans notre vie, on peut pas dire ça à tout le monde, c’est vrai que c’est, c’est quand même dur. Ma mère c’est quand même, je sais pas, il me semble que moi, je, je voudrais pas que mes enfants, qu’un jour ou l’autre je sois séparée d’eux. La relation affective, je trouve que, c’est comme avec le travail quoi l’affectif. S’il y a pas un peu quelque chose qui nous fait pétiller, je sais pas où, je sais pas où on va (voix mouillée). Donc bon c’est vrai que ça a quand même déterminé beaucoup de choses cette relation qui était difficile. Même si j’étais une bonne élève, en plus j’étais vraiment, au lycée plus tard c’est pareil, je sortais pas alors que j’avais l’autorisation de sortie quand même, le peu qu’on avait à l’époque hein, c’était pas comme maintenant, je travaillais beaucoup, j’étais tout le temps dans mes études, je sortais pas, je bougeais pas. Et euh, un peu par crainte aussi de, de me faire gronder et tout et tout. Et puis chose qui est bizarre, enfin qui est bizarre mais quelque part qui est une réaction normale, après le lycée donc, quand j’ai eu fait 2ième, 1ière, terminale, donc j’avais réussi mon concours à l’E.N., en juin et euh, après le lycée donc j’ai commencé l’école normale avec un internat, dans un internat. Mais euh, bon, la majorité arrivait, j’allais avoir mes 18 ans, bon mais j’avais 16 ans à l’époque hein, mais bon quand même quelque part, on avait, on avait notre 1ier salaire, donc quelque part c’était, euh, l’impression qu’on rentrait oui en autonomie puis j(e n)’étais plus sous l’emprise des parents de la même façon parce que je vivais à A., je logeais à A. euh, dans un cadre extérieur à la famille. Et, là donc, y avait des sorties libres, on était quand même beaucoup plus libre de nos mouvements et j’avoue que là, j’ai eu pendant un an, mais vraiment, je me suis laissée aller complètement. Je travaillais à l’école oui, mais euh, je, je, j’ai fait un peu tout ce qui était à faire, les boums, les sorties, traîner de droite et de gauche, avoir des petits copains, oui c’est sûr que là j’en ai un peu profité. Bon ça a pas duré, j’ai pas été tout le temps comme ça mais peut-être une certaine revanche à prendre sur cette époque où on m’interdisait tout. Bon mes parents, je pense pas qu’ils l’ont sû mais c’est vrai que si quelqu’un téléphonait un ami ou une amie ou des copines m’appelaient à la maison, ça y est c’était, c’était l’horreur, ça recommençait, je me faisais disputer euh (soupir), c’était vraiment impossible quoi. C’était euh, ils rouspétaient, ils voulaient pas. Donc en fait j’en parlais pas.

  • Ils rouspétaient ? C’était votre père et votre mère ou votre mère seulement ?

  • Bon, disons que ça commençait par elle. Bon mon père quand même, il rouspétait aussi hein, il rouspétait aussi. Mais c’était surtout elle, c’était surtout elle qui, qui, qui dirigeait le, la maison hein. C’était surtout elle qui dirigeait. Mais lui il disait pas grand chose, en fait, il le disait pas trop. J’ai pas ces souvenirs de l’entendre me rouspéter après, non. Mais c’est surtout elle quoi, qui, qui commençait (soupir). Ou alors elle me passait pas les communications parce que bon on me disait : “ on t’a appelée ”. Je disais : “ Ah non je sais pas, on m’a pas dit, mes parents m’ont pas dit ”. Et bon, ça m’a, ça m’a suivie toute ma vie puisque, après quand j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari, euh, mes parents n’ont pas, enfin je dis : mes parents parce que c’était quand même les deux, n’ont absolument pas voulu assister à notre mariage (voix mouillée). Quand j’ai demandé si c’était possible d’avoir le livret de famille pour, pour faire les papiers, je peux dire qu’on est passé par la porte à coups de pied dans les fesses. Alors là, j’ai un souvenir vraiment précis. J’étais allée avec mon fiancé, on était allé en moto, on avait chacun un casque, les casques ont passé par la fenêtre, enfin ils se sont retrouvés dans la rue, alors je vous dis pas : les casques de moto quand on les jette, (rire) il rouspétait le, mon mari rouspétait. Enfin bon, c’est le petit souvenir de ça et puis le mariage non, on l’a fait avec nos témoins. Et malgré tout des tas d’amis sont venus, euh, toute ma famille alentour est venue, mes tontons, mes tatas, mes cousins, mes cousines, tout le monde a voulu quand même nous montrer que, enfin , me montrer qu’on m’abandonnait pas complètement parce que ça a été dur, hein ! Je me suis vraiment sentie abandonnée.

  • Parce que vous aviez quel âge ?

  • J’avais euh, on s’est marié en 80, j’avais 22 ans. Ah ben oui. J’étais majeure oui, et puis je vivais quand même dans mon appartement depuis 4 ans. J’étais donc institutrice installée depuis plus de 4 ans. Et puis ça m’a suivi euh, ça m’a suivi par la suite puisque donc après notre mariage, les relations se sont encore plus tendues. On nous a fait gentiment remarquer que (soupir) on s’invitait trop souvent à dîner, qu’on n’avait qu’à faire notre repas chez nous et que certainement on n’avait pas les moyens de, de se faire à manger. Donc, bon on a commencé à y aller un petit peu moins puisqu’on nous avait fait cette remarque et puis, et puis euh, (soupir), la fête des mères suivante, la maman est restée dans sa chambre toute la journée, on n’a pas pu la voir, donc bon, (soupir) qu’est-ce qu’il faut en penser ? On sait pas. L’année suivante, ça s’est reproduit le même jour pour la fête des mères. Bon ben moi j’ai compris que ma place était plus là-bas donc j’y suis pas retournée. Et bien sûr, on me l’a reproché (voix mouillée).

  • De toutes façons quoi que vous ayiez fait, c’était pas bon

  • Alors voilà. Donc c’est vrai que, voilà ça fait 15 ans que je les ai pas vus. Avec toutes les, toutes les souffrances que ça impliquait quand même. Donc ils ne connaissent pas les enfants, mes enfants. Et ça aussi, ils me le reprochent maintenant, par personne interposée parce que bien sûr : on a des droits sur ses enfants, euh, ce sont nos petits enfants, on a des droits sur eux, on doit les connaître, on doit les voir.

  • Mais ils peuvent venir !

  • Oui mais le problème il est, c’est que je n’ai pas confiance, j’ai très très peur de ma mère. J’ai peur de, alors ça c’est quelque chose aussi. Est-ce que j’ose dire que j’ai peur de ma mère ? On devrait jamais dire ça. Seulement ma mère elle a été très violente avec moi, elle m’a... J’avais 20 ans quand elle m’a empoignée, elle m’a fait des griffures, enfin, c’était aussi bien physique que tout ce qui est à l’intérieur. C’est pourquoi je veux dire, je peux pas oublier, les cicatrices elles sont toujours là. Y avait mon père à côté qui fait que pleurer, qui a jamais pu faire un geste pour la séparer ! Ma vieille tante qui essayait tant bien que mal, euh, de séparer les deux personnes et, non elle (soupir) c’était terrible quoi ! Quand on a 20 ans de, de se prendre des trucs comme ça. Je, je, j’ai pas supporté. Bon je suis quelqu’un de très sensible, j’ai jamais euh, j’ai jamais accepté ça. Et moi j’ai pas cherché à, j’ai pas cherché à arranger les choses. En fait, c’est vrai que j’ai pas été une battante dans cette histoire-là, j’ai pas, je suis restée euh, (soupir). J’ai dit non, ils (ne) veulent plus de moi, je laisse. Après tout j’avais qu’à me battre et dire : “ ma mère elle est comme ça mais tant pis je passe au-dessus ”. Parce que ma soeur elle a été différente, elle a une autre attitude alors qu’elle a pas du tout été ... Ma maman a pas du tout agi comme ça avec elle. Ma soeur est forte et puis elle a dit : “ mais écoute, la mère on s’en fiche, elle est comme ça, elle est très gentille ”. Non, non, ma soeur elle a pas du tout, elle se plaint pas de sa mère, mon frère non plus. Moi j’étais comme ça, bon. Et puis je suis comme ça, c’est... je dois être beaucoup trop, trop sensible, quoi. Ça, c’est sûr qu’elle m’a fait, moi je, j’ai, j’ai cette idée moi dans mon coeur, dans ma tête. Je me dis que ma mère elle a choisi un des trois, il s’est trouvé que c’était moi, pour être le vilain petit canard. Moi je dis c’est ça quoi ! Elle a choisi le vilain petit canard et puis c’était moi et toute sa vie, toute ma vie, elle m’a, elle a mis le paquet sur moi. C’est clair, c’est pas envers les autres. Quand il s’est trouvé qu’il y a 6 ans en arrière je me suis séparée d’avec mon mari, j’ai divorcé, bon par personne interposée elle l’a su. Elle a dit que c’était bien fait, et que si, et que là, et que de toutes façons c’était normal puique j’avais, j’ai toujours été une salope, une traînée, enfin bon. Je vais pas développer tous ces mots mais (voix mouillée) disons que j’ai été ça, et ça toute ma vie donc c’est normal. Alors que ... j’ai quand même été quittée, quoi.(larmes). Alors bon, quelque part part ça fait beaucoup de choses quoi, c’est sûr que ... je peux pas oublier ... ma vie de petite fille, de grande fille, enfin jusqu’à l’âge de 20 ans, c’était un peu ces week end angoissants d’être là-bas. Ça a commencé à l’âge de 12 ans, ben jusqu’à ce que je parte de chez mes parents, ça a été un petit peu dur à vivre. Mais bon, j’excuse un peu ma mère en ce sens que je me dis que c’était une femme qui était très très malade. Toute ma vie, j’ai vu des médicaments pour soigner les nerfs à la maison, euh elle a été beaucoup dans des, voir des médecins, des neurologues, des je ne sais quoi. Enfin, on la voyait toujours partir chez le médecin. On savait pas nous, on était petit mais on la voyait toujours chez le médecin, et revenir avec des cornets de médicaments. Voilà ce souvenir qu’on en a. Et ça c’est sûr que, pour des petits enfants, c’est terrible. C’est pas forcément le souvenir drôle qu’on a de sa maman. Je l’ai jamais vue rire avec nous euh non. Alors qu’elle participait pas beaucoup aux travaux de la ferme, elle était beaucoup à la maison hein, c’était mon père qui faisait tout, donc elle aurait peut-être pu trouver des moments enfin, je sais pas. En tout cas j’en ai pas ces souvenirs-là.

  • Et vous parliez du reste de votre famille, vos oncles, vos tantes ?

  • Oui alors eux (rire), comment dire ? Disons qu’à l’époque où y a eu le, l’épisode avec le prêtre, bien sûr que, même si moi j’en ai pas eu d’écho, autour de moi ça s’est su, les oncles, les, enfin les tantes, tous les oncles je sais pas mais les tantes l’ont su. Euh, elles m’en ont pas spécialement parlé à cette époque-là mais à partir de l’époque où moi j’ai été plus grande, où je leur ai posé des questions, j’ai eu 20 ans j’ai commencé à poser des questions aux unes et aux autres, on m’a toujours parlé, on m’a toujours répondu. Même les personnes âgées, on m’a toujours dit, et on m’a toujours dit : “ ça n’est pas ta faute, tu n’es pas coupable ou tu n’as rien fait de mal ”. Donc j’ai senti que ces gens-là, euh, étaient quand même, euh, à mon écoute et puis ils ont été de mon côté. Et ils ont toujours dit : “ ta mère est très dure, ta mère a toujours été dure ” parce que moi je leur ai posé des questions sur avant ma naissance, comment elle était parce que je voulais savoir pourquoi cette femme était comme ça. Et ils m’ont toujours dit : “ du jour où ta mère a épousé ton père, elle a toujours été dure avec tout le monde, elle a éliminé les belles soeurs, elle a fait de la place devant elle, euh elle a toujours été très dure ”. Donc bon, de toutes façons elle avait ce caractère déjà, et puis très très très jalouse, très possessive, hein ! Jalouse, possessive du mari, euh des enfants quelque part. Pourquoi elle a pas voulu que les enfants grandissent et ... mais pas trop avec mon frère et ma soeur, c’est ça que j’ai toujours essayé de comprendre.

  • Votre frère et votre soeur au niveau scolaire ils réussissaient comme vous ?

  • Euh, mon frère avait beaucoup plus de difficultés. Lui en fait il a fait un CAP de mécanicien. Euh, c’était quelqu’un qui était assez renfermé et qui réussissait, oui, très difficilement l’école. Il, il était euh, il est intelligent, il était intelligent. D’ailleurs mon père a aussi beaucoup aidé à lui apprendre des tas de choses, mais au niveau scolaire c’était plus dur. Voilà. Mais sinon c’est quelqu’un qui était très intelligent hein ! D’ailleurs il a bien réussi dans la vie aussi plus tard, il a fait des tas de choses dans sa vie mais il avait quand même plus de peine à l’école. Ma soeur elle se débrouillait très bien. D’ailleurs, elle a, elle a un diplôme d’infirmière, elle, non non elle a fait de bonnes études aussi. Je crois qu’on a quand même bien réussi tous les trois malgré tout. Que je sois institutrice, c’est ce qu’ils voulaient mes parents. Mais je pense qu’elle était ambivalente oui, parce qu’effectivement c’est un peu eux qui m’ont poussée à faire ce métier. Moi je peux vous dire que je savais pas du tout ce que je voulais faire. Ils avaient dit : “ il faut qu’on lui fasse présenter son concours ” parce que peut-être c’était aussi, ils savaient que les filles de paysans c’était un peu leur avenir et pour autant qu’elle écrive bien. C’était des critères (rire) qu’on regardait plus (davantage) que, maintenant on regarde d’autres choses, quoi. Donc les parents, c’est vrai qu’ils m’ont poussée mais, c’est ce que je me suis dit. Je me suis dit : “ c’est un critère de promotion ” et euh, euh, voilà. Quelque part je me suis dit : “ finalement, ils ont voulu que je fasse ce métier mais euh, c’était une envie ?, je sais pas ” ; il y avait une ambivalence en disant ce serait bien si on la gardait à la maison ou qu’elle fasse un métier, qu’elle fasse quand même pas ça. Enfin, donc, l’un dans l’autre, j’ai jamais bien su pourquoi. Est-ce qu’ils avaient vraiment envie que je sois instit ? Est-ce qu’ils avaient vraiment envie que je fasse autre chose ? Je sais pas. Mais le, le, le souci des autres c’était quelque chose dont j’ai beaucoup entendu parler, hein ! Euh :  “ tu vas quand même pas épouser un ouvrier ! ” Oui, et puis euh, “ tu pourrais bien épouser quelqu’un qui a une meilleure profession ! ” Qui euh ... Ou ils parlaient souvent des avocats, des notaires. Enfin je sais pas ,mais c’était tout le temps euh, j’ai dit : “ mais est-ce que vous pensez que peut-être cette personne elle m’aime ? Ce garçon, il m’aime. Peut-être que c’est plus important que son métier, sa profession ”. Non mais ça, ça comptait pas. En fait, le mot aimer c’était un mot banni chez nous hein.

  • Votre mari, il faisait quoi ?

  • Et bien il était monteur en chauffage, un CAP. Tout simple. Chauffagiste. Et ses parents étaient ouvriers. Mes parents n’ont jamais accepté les parents de mon mari qui étaient ouvriers. Et euh, j’entends toujours cette réfexion euh : “ mais tes, tes beaux parents euh, ils vont te voler ton argent ”. Je dis : “ mais j’ai pas d’argent. Oui mais tu sais, ton métier d’institutrice, ils vont te voler tes sous euh puisqu’ils sont ouvriers ils gagnent pas beaucoup ”. Je dis : “ mais ils s’en fichent de l’argent. Pourvu qu’ils voient qu’on est heureux, ils s’en fichent ”. Ce qui est vrai. Ils se sont jamais mêlé de notre vie. Mais c’était eux. De toutes façons ça, c’était le, l’attrait de l’argent, le souci de la promotion, c’était euh, c’était toute leur vie ça hein ! Ça a été toute leur vie comme ça. Et moi, disons que j’avais 10 ans, je m’étais déjà rendue compte de ça. 10-12 ans. Je suis jamais, je suis jamais rentrée dans leurs combines. J’étais une petite fille et déjà à cette époque, je, je, dans ma tête, y avait, y avait des choses qui correspondaient pas à ce que, à l’éducation que mes parents me donnaient. On avait notre, notre tante à l’époque c’était pas notre vieille tante, maintenant elle est vieille parce qu’elle a 70 ans mais à l’époque elle était beaucoup plus jeune, elle avait, elle avait 40 ans. Tous les week ends elle venait à la maison, elle a, elle apportait un gros kilo de viande, elle apportait des tas de choses parce qu’elle voulait pas que ce soit dit de venir les mains vides. Et bien sûr, euh, dès qu’elle arrivait, euh je peux pas dire que ma mère lui demandait de se mettre au fourneau mais bon, jusqu’à quel point c’était pas ça, quoi ? C’était toujours ma tante qui cuisinait, qui lavait la vaisselle, qui faisait le ménage, bon. J’ai jamais, j’ai jamais aimé ça, j’ai jamais aimé.

  • Et votre tante c’était ?

  • La belle soeur de ma mère.

  • La soeur de votre père.

  • J’ai toujours ressenti que, y avait des choses qu’étaient pas normales. Ça, ça n’était pas normal, pour moi. Ma tante, elle était là, elle venait mais on la faisait travailler, on lui faisait faire des tas de choses. Bon moi, c’était pas, c’était pas mes idées, c’était pas ma façon de faire. Et maintenant ma vieille tante je la vois toujours beaucoup, j’ai toujours dans ma tête, pour moi c’est, c’est ma maman, elle m’a apporté énormément. Et euh, quand elle vient chez moi ou quand je vais chez elle, et bien c’est moi qui fais la vaisselle, c’est moi qui fais la, j’ai toujours ce souvenir de me dire, je me rappelle tellement ce que elle, elle a fait à cette époque que, que, j’ai jamais pu accepter ça. Mais sinon, c’est vrai que tout le contexte familial alentour, euh, ils ont quand même tous été, euh, proches de moi, oui. Et même encore à l’heure actuelle maintenant quoi. La famille est divisée à ce niveau-là. Mais bon, cette petite enfance, c’est, elle nous suit et on devient une femme après mais, ça fait aussi que je suis comme je suis, forcément. Mes relations avec les autres sont, sont, sont ce qu’elle sont, sont ... C’est sûr que j’ai, je fais attention, je, j’ai pas envie d’être, d’être dure comme ça. J’ai vécu des choses qui m’ont un petit peu, qui m’ont fait réfléchir. Au contraire, si je suis dure, et bien je me pose des questions sur pourquoi je le suis. Parce que ça aussi, hein ! Ça entraîne aussi le fait que ... On nous a dit en stage que les enfants maltraités devenaient des maltraitants, donc bon, (voix mouillée)... Hein ! C’est, ça je le savais déjà avant d’y aller au stage. Mais je veux dire, je suis encore plus ... vigilante par rapport à tout ça. Enfin, je sais pas si ça rentre dans le cadre, tout ce qu’on dit ? Mais voilà, enfin bon. Ça, ça fait du bien sinon d’y mettre dans la boîte (rire en montrant le magnétophone).

  • Et vous aviez des cousins, des cousines avec qui vous aviez des relations ?

  • Peu, peu parce que, ben pour toujours la même raison : mes parents fréquentaient pas beaucoup les beaux frères et les belles soeurs donc les cousins, les cousines, on se retrouve maintenant qu’on a 25 ans, 40 ans. On se raconte des trucs qu’on ne s’est pas dits à une certaine époque. Dimanche, j’ai revu une cousine que j’avais pas vue depuis, depuis peut-être 15 ans. Alors qu’on a le même âge. Pratiquement quoi, à deux ans près. Mais on se fréquentait peu. Et les cousins, les cousines qui habitaient tout proche de chez nous se réunissaient quand ils avaient 15 ans, 18 ans. Ça, c’était vraiment la famille donc, je veux dire, mes parents auraient pu accepter qu’on aille se retrouver une fois, en tout cas pour faire le 31, je sais qu’ils faisaient des petites choses comme ça. Mais j’ai toujours été interdite de sortie. Enfin pas que moi, mon frère aussi, ma soeur après quoi. Au niveau des sorties ... mais quoi que ma soeur, elle a eu un peu plus de droits que mon frère et moi.

  • Vous n’aviez pas le droit de faire le 31 avec vos cousins ?

  • Non. D’ailleurs, même encore maintenant, ils nous le disent. Et on a ... Et bon, au fur et à mesure que ces choses s’installent, après on nous (ne) propose plus, les cousins (ne) nous proposent plus, les copains (ne) nous proposent plus. Donc moi, je peux dire que j’ai ce souvenir que mes cousins, mes copains, mes copines nous ont plus ou moins abandonnés quoi. On n’a, on n’a pas eu, euh, on était toujours mis à l’écart quoi. Moi c’est le souvenir que j’ai, j’ai été mise à l’écart des autres, c’est clair. C’est les parents qui nous ont mis ce veto là. Et ça c’est sûr que c’est un ressenti, euh, jusqu’à, jusqu’à même encore maintenant c’est un ressenti quand je les rencontre hein ! C’est toujours quelque chose que, que je ressens par rapport à eux. Et eux ils ont vécu des choses tous ensemble et nous, ben non, c’était pas possible. C’était une interdiction. Alors pourquoi ? Ça, c’est un mystère. Alors voilà, bon au niveau de l’école, tout ça, je crois que je vous ai déjà dit beaucoup.

  • Et au lycée avec les profs ?

  • Au lycée, oui, ça a été. Qu’est-ce qu’on avait comme profs ? Alors ça ! Je (ne) pourrais plus dire, oui y avait la prof de gym qui était très très gentille, qui était très humaine. C’est marrant j’ai des souvenirs quand même avec des gens qui m’ont marquée, euh, au niveau des relations humaines. On avait un prof de , de philo qui était euh, sur un nuage, complètement. Alors là je comprenais rien à ce qu’il me racontait, vraiment je ne comprenais pas de quoi il parlait. Comme s’il m’avait parlé chinois. Et donc on chahutait forcément. J’ai pas beaucoup de souvenirs du lycée en général, c’est plutôt, j’étais à l’internat. J’ai plus le souvenir un peu de la vie à l’internat. Et moi alors l’internat, j’étais un peu privilégiée, justement parce que ma tante dont je parlais tout à l’heure, ma, ma vieille tante, elle, elle était chef du personnel à l’internat. Donc elle avait un logement de fonction pendant des années, des années. Donc mes cousines et moi, on est toutes passées successivement à vivre chez ma tante. Et on a toutes ce souvenir, quand on se retrouve, de notre vécu chez notre tante. Et donc, on logeait chez elle, à l’intérieur de l’internat. Alors on a été, je peux dire que c’était mon privilège, de dire : j’ai eu ce petit privilège-là parce que (soupir) j’étais plus (davantage) contente la semaine chez elle que le week end chez mes parents. Finalement j’ai des bons souvenirs et l’été j’allai passer mes vacances chez ma tante à A., tout le temps, tout le temps, tout le temps.

  • Et les repas ?

  • Les repas, c’était avec les élèves. Alors j’allais au repas du petit déjeuner le matin, où je les rejoignais ans la salle, et à midi et le soir. Et après le repas du soir j’allais dormir chez ma tante. Donc c’était un semi internat et là, je peux vous dire j’ai apprécié hein ! J’ai apprécié cet internat. J’ai beaucoup aimé. Et puis j’avais ces relations avec ma tante qui était euh. C’est une femme qui vivait seule, qui, bon comme on disait à l’époque, c’était une vieille fille, mais elle était très ouverte, elle l’est toujours, elle a 75 ans maintenant, elle est très ouverte et moi ça m’a aidée. Ça m’a aidée parce que, elle , elle m’a appris des choses que mes parents ne m’avaient pas dites. Elle m’a dit des choses qu’eux m’avaient pas dites. Alors bon, ça, ça m’a encouragée et ça m’a permis de, d’être plus forte à certains moments et puis de me donner un peu confiance, aussi. Elle m’a, oui, elle a été super, cette tante. Et, elle m’a jamais abandonnée. Jamais, jamais, jamais. Et y a encore peu de temps, elle a dit à mon père, elle a dit : “ je n’abandonnerai jamais Claudine, jamais, jamais ”. Donc ça, c’est, elle a été pour moi une sacrée bouée toute ma vie, la seule bouée que j’ai conservée au fil des années. Plus qu’une mère. Elle était sévère, elle m’interdisait de, de, de traîner et elle me disait : “ tu es là, tu dois travailler. Tu sais qu’il faut que tu ais un métier, que ... ” Ça, c’est sûr qu’elle était sévère mais avec tout ce côté affectif quoi, c’est sûr que c’était important, quoi. Donc, moi, pour moi, le fait qu’elle m’oblige à travailler, ben c’était, je trouve que c’était normal. Mais, à côté de ça elle était très gentille. Donc euh, comme quoi on peut être sévère et que la relation passe bien en fait. Oui, aussi, je voulais parler de ça. J’ai eu des problèmes dentaires étant toute petite, depuis toute petite. Il s’est trouvé que j’ai eu beaucoup d’antibiotiques, j’ai eu des problèmes de santé, donc on en parlera aussi, tiens ! Et il s’est trouvé que, à force d’avoir des ennuis de santé, euh, mes dents se sont abîmées. Elles sont devenues marron, les problèmes d’antibiotiques ça fait les dents marron, jaunes, enfin. Et donc, enfant, enfin moi, je me suis euh, j (e n)’ai plus voulu sourire, parce que c’était les dents de devant. Et ça, c’est terrible, hein ! Toute ma vie, ça m’a marquée aussi. Et euh, j (e n)’ai plu voulu sourire. Donc quand on sourit pas, forcément on est un peu introverti. Bon y a des tas de choses, on s’extériorise pas quand c’est comme ça. Et euh, c’était aussi parce qu’à l’époque les dentistes tout ça euh, est-ce que les parents suivaient bien le, ça aussi c’est des problèmes : est-ce que les parents ont bien suivi mes problèmes de dentition, de santé, enfin bon. Je veux pas leur jeter la pierre parce que y a très longtemps et puis peut-être y avait pas tout ce qu’il fallait non plus. Donc euh, j’ai eu ces problèmes de dentition. Et quand j’ai eu 20 ... 29 ans, 29 ans oui, c’est quand j’ai mis au monde mon fils, mon mari m’a dit : “ écoute, on va, maintenant on va s’occuper de tes dents ”. Parce que j’ai le souvenir de la maternité où on m’a pris en photo avec mon bébé, j’osais pas sourire. Donc c’était trois, trois dents qu’étaient vraiment vilaines. Mon mari m’a dit : “ écoute, on va s’occuper de tes dents. Tu vas aller, dès que tu pourras, tu vas aller chez le dentiste et tu vas faire tout ce qu’il faut ”. J’appréhendais un peu parce que je me doutais bien qu’on allait me les enlever. Et donc pour en revenir à l’histoire de la confiance dans les personnes, que j’ai dans les personnes, et bien mon dentiste, j’ai eu confiance en lui. Il m’a expliqué, il m’a dit : “ je vais vous les enlever les trois ”. Trois dents de devant, il m’en reste qu’une là, Bon. Et je me suis dit : “ et bien O.K . on y va ”. Deux heures sur le siège, là-bas sans bouger. Il m’a dit : “ vous inquiétez pas, je vais vous mettre des provisoires, après, la semaine prochaine je vais vous ... ”, il m’a tout expliqué ce qu’il allait me faire. Il m’a mis en confiance. Et ben, j’étais bien. J’ai pas eu peur, j’étais bien, je suis repartie, j’avais des jolies dents blanches. Pendant une semaine je me regardais, je faisais que me regarder dans la glace. La semaine suivante, ça a été les vraies qui étaient bien lisses, bien, que les provisoires c’était un peu rugueux, c’était un peu comme du plâtre, je dirais, qu’après c’était les vraies, les belles. Oh la, la (soupir de satisfaction). Mais depuis ce jour-là, on peut dire que on m’a enlevé euh, ça me fait comme l’impression qu’on m’a enlevé un voile devant la figure. Et j’ai pu me, m’exprimer, sourire, avoir du plaisir. Et c’est vrai que c’est depuis là que je suis devenue beaucoup plus souriante, et plus avenante aux gens, envie d’une meilleure relation avec les gens. J’ai vu que ça avait changé ma vie, ça a changé ma vie. Donc, comme quoi euh, la confiance ça fait que j’ai, j’ai pu euh, oui j’ai accepté qu’on me fasse ça parce que c’était un gros boulot quoi. Je veux dire : c’était quand même un gros travail. Fallait l’accepter hein. En plus c’est quand même sur notre visage ... Enfin bon, je sais que les personnes qui l’ont vécu, ont ressenti un peu ces choses. Alors pour en revenir, puisqu’on parlait de la santé, quand j’ai été petite, j’avais énormément de problèmes d’asthme. Alors bon, comme on était à la campagne, c’était le foin, c’était les acariens, c’était dû à tout ça. Moi je soupçonne qu’il y ait des tas de choses à côté, (rire) maintenant que je suis devenue adulte, je soupçonne qu’il y ait un asthme d’origine nerveuse et bon je prenais des crises la nuit. C’est horrible les crises d’asthme que j’ai pu prendre, c’est une horreur (mots bien détachés). J’ai des souvenirs vraiment euh, (soupir) angoissants je pourrais dire de mes nuits. Ça a commencé vers 7 ou 8 ans et j’ai traîné ça jusqu’à l’âge de 24 ans. Oui. Disons qu’à partir de l’âge de 20 ans j’en ai plus eu, c’est l’année aussi où j’étais loin et bon, j’ai aussi euh, pris la décision de faire un traitement avec un allergologue et après j’en ai plus eu et, au jour d’aujourd’hui, je n’ai plus d’asthme, du tout, du tout, du tout. Plus du tout. Je ne sais plus ce que c’est. Bon, ma fille en a un peu mais pas au stade où moi j’en avais. J’avais vraiment des nuits euh, agitées. Puisqu’on en parle, quand j’avais mes crises d’asthme et mes bronchites asthmatiformes, euh j’ai le bon souvenir de ma mère dont je parlais tout à l’heure, que je trouvais pas. Ma mère allait faire les courses à la pharmacie et quand elle revenait elle m’apportait un reblochon. C’est ridicule à dire mais c’était mon plaisir. J’adorais le reblochon, d’ailleurs j’adore toujours. Et le bon souvenir que j’ai, c’est qu’elle m’apportait un reblochon. Donc, bon, et là, elle s’occupait de moi, forcément. Elle allait chez le médecin et Dieu sait si ça arrivait souvent hein ! Et j’étais interdite de sport, j’étais interdite de tout, je restais beaucoup à la maison. Et c’est vrai que quand même, euh, ce souvenir me revient, que j’ai, la maman là s’occupait de moi. Voilà, enfin, j’ai trouvé.