Gérard

Premier entretien

  • Euh, moi ça fait 18 ans que je suis instit de toutes façons j’ai une voix qui rentre très très mal dans ce genre de truc (par rapport au magnétophone) ! donc ça fait 18 ans que je suis instit, 9 ans que je suis là, et ici moi je suis heureux. Très très bien. J’ai juste eu 2 années difficiles, très difficiles, parce que j’ai été accusé par une famille de euh tabasser leur gamin. Donc ça a été, ça s’est fini à la gendarmerie, enfin ça s’est je sais pas si on peut dire bien fini je sais que ça m’a beaucoup marqué, donc c’est la 1ière chose dont je parle ça s’est fini qu’ils ont été mis au ban du village mais n’empêche que l’ambiance s’en est ressentie quand même. Ça s’est fini avec le maire, l’inspecteur, tout mais je sais pas si on peut... comment on peut ... ça peut réarriver demain. M’accuser de maltraiter un gamin ... Moi, j’ai prévenu l’administration tout de suite mais y a pas eu de, y a pas eu de réaction de l’administration pendant 6 mois. Et puis, c’est quand ça s’est gâté avec les parents que l’inspecteur a réagi. Mais sinon, euh, bon mais cet enfant est toujours dans la classe d’ailleurs, il est toujours là, mais bon, maintenant on n’a plus de rapports avec les parents, ce que je trouve bien triste d’ailleurs mais, mais euh, parce qu’avant y avait une super ambiance. Mais moi, ça serait à refaire je reviendrai ici, et puis je recommencerai en classe unique même, même si pendant 2 ans j’ai vraiment failli demander mon changement pendant 2 ans parce que, avoir le gamin sous les yeux et les parents qui m’accusaient de, de le maltraiter. Sinon, sinon j’ai que des bonnes expériences à part ça, vraiment euh ...

  • Vous avez fait quoi comme formation ?

  • J’ai fait 2 ans à l’E.N. de B. de 76 à 78. Et puis, ensuite j’ai fait 5 ans, euh, ZIL Ensuite j’ai été 4 ans sur mon 1er poste fixe à MM., ensuite un an en, provisoire à A. en perfectionnement, classe de perfectionnement. Et puis après je suis arrivé ici. Et là, on est bien. On est bien, on court toujours autant qu’ailleurs mais les gens sont sympas, les élèves sont sympas, j’ai une super classe et des conditions de travail, une mairie très très ouverte sur l’école, donc ça va très bien. Et puis, surtout, surtout je prends les gamins à 5 ans et puis je les emmène au collège, moi c’est ça qui me plaît, de les, de les prendre, ils savent pas lire, pas écrire pas compter enfin si, ils savent compter comme ça mais, et puis il faut les préparer à rentrer en 6ème, quoi. Donc, parce qu’au niveau du boulot, je suis assez caractériel, j’ai du mal à supporter les autres quand ils veulent pas faire quelque chose, et j’ai du mal à supporter qu’on m’oblige à faire quelque chose. Donc, comme ça, là au moins, je suis tout seul et puis je fais comme pas comme j’ai envie parce qu’il y a des, y a un cadre quand même mais comme je, comme je comme je sens, voilà. Quand j’ai besoin et ben je travaille en collaboration avec le chef-lieu, on fait des projets d’école ensemble, donc ... Voilà.

  • Vous avez beaucoup d’enfants ?

  • Cette année, non, 16. 16. L’année dernière 24, l’année d’avant 21. Ça fait beaucoup 24, mais j’aime mieux en avoir 24 que 8 hein ! alors je me plains pas. L’inspecteur m’a dit que je pouvais laisser les maternelles au chef-lieu mais d’abord ça les rend, ça les débrouille, quand ils rentrent au CP ils savent comment ça se passe. Ensuite, j’aime bien les regarder ; quand les grands me gonflent je vais voir les maternelles parce qu’alors eux ils sont, ils sont vraiment, purs quoi. Et puis en plus, le jour où je manque d’effectifs, si j’ai refusé les maternelles un coup euh, on va me dire : vous pouvez plus les prendre, donc. Non, 16 c’est bien en classe unique, moi j’aime bien. C’est vraiment un nombre ... juste ceux qui sont tout seuls dans leur niveau. (J’en ai) une, elle a fait toute sa scolarité jusqu’en CM2, elle est toute seule. Alors bon, Mais elle s’est bien, elle s’y est bien faite ! Mais c’est le handicap, quoi, ceux qui sont tout seuls. Sinon euh ... Qu’est-ce que je peux vous dire là, comme ça ?

  • Vous avez une bonne expérience, vous pouvez me donner des exemples concrets, des petits faits, ce qui fait que vous aimez bien ça ... ?

  • Ah ben oui, moi j’aime ça. C’est ça ou la cuisine hein ! J’ai failli faire cuisinier. J’ai fait ça parce que toute la famille de ma mère était dans l’enseignement, toute la famille de mon père dans l’hôtellerie, j’ai guère eu le choix d’ailleurs mais eux ils voulaient que je sois prof. Je voulais absolument pas être prof, donc j’ai fait B.(l’E.N.) puis je suis resté instit, ça me convient très très bien. Bonne expérience euh, j’en ai tous les jours, des bonnes expériences. La dernière, c’est ce que je suis en train de faire avec mes CE2-CM1-CM2. C’est-à-dire euh, je travaillais depuis 8 ans de manière très, très cloisonnée, très rigoureuse, parce que ça fout la trouille quand on arrive en classe unique, avec 6 niveaux différents de se dire j’y étais passé quand j’étais en remplacement mais en remplacement c’était pas pareil, parce que on vient pour 15 jours ou 3 semaines donc elle tourne la classe, elle roule alors que là il fallait lancer le, donc je travaillais d’une manière extrêmement ... Et puis là, cette année, depuis Noël, j’ai commencé à , en français avec les CE2-CM1-CM2, ils sont en décloisonnement complet, c’est basé sur l’expression écrite. Tous les jours, on choisit je choisis, parce que je suis très directif quand même je choisis un thème de travail ça peut être : écrire une lettre, une recette de cuisine pour employer l’impératif ou le ... et puis on travaille toute la semaine dessus, donc le jour ils écrivent, le soir je corrige, on a fait un code de correction. Et puis tous les jours, ils reprennent leur texte et ils essaient de l’améliorer et puis on travaille un point précis de, de ça. Et puis le samedi ils me le mettent au propre et ils me le rendent, ça doit être terminé. Donc, tous les jours ils réécrivent leur texte. Et depuis Noël, j’ai eu des résultats fantastiques, notamment avec les gamins c’est l’intérêt qui, qui étaient pas capables de construire un texte cohérent . Donc, j’en ai un là qui écrivait n’importe comment, n’importe quoi, et qui maintenant me fait des choses pour lui fabuleuses. Et... bon, ça demande plus de travail de correction qu’avant, mais d’un autre côté on a plus de, de plaisir parce que on les voit. Avant, on faisait des rédactions, c’était la corvée parce que c’était toujours les mêmes fautes, ils font toujours un peu les mêmes fautes mais il la font déjà un peu moins souvent ; la même faute, on la retrouve plus toutes les lignes mais toutes les 5-6 lignes. Et ... qu’est-ce que je voulais dire, j’ai perdu le fil, et puis là maintenant le but c’est pour ça que j’attends le conseiller pédagogique, je l’ai demandé à Noël mais il a pas eu le temps de venir encore donc j’essaie d’arriver à intégrer, parce qu’il y a quand même des leçons à faire, c’est automatique, parce qu’il y a d’abord des notions nouvelles à, à aborder, donc ... C’est d’arriver à intégrer ces leçons de façon à ce que ce soit pas artificiel. Avant je faisais, j’avais ma programmation sur l’année, je faisais ma leçon de grammaire le lundi, ma leçon d’orhographe le mardi, etc. ça tombait comme un cheveu sur la soupe si je faisais un texte. Maintenant j’essaie de le, de le, j’essaie de de de faire en sorte que la leçon tombe sur des besoins réels, euh, sur le texte sur lequel ils travaillent. Mais ça demande une mise en place énorme, parce que d’abord, ils ont pas tous les mêmes besoins. Et puis, il faut que j’arrive à une programmation annuelle des thèmes de travail. Après seulement je pourrai euh, je pourrai euh ; euh, placer mes leçons en fonction des besoins réels. C’est pour ça que j’attends mon conseiller pédégogique préféré C. parce qu’il doit justement m’amener des références de livres, de bouquins pour travailler comme ça. Alors voilà. Mais là j’ai énormément de satisfactions avec ça, parce que, on fait beaucoup moins d’exercices systématiques qu’avant on en fait quand même d’abord parce que, sinon les parents seraient affolés parce qu’on peut dire ce qu’on veut hein, y a pas ... les parents quand ils suivent leur gamin ils ont leurs références à eux, faut quand même des leçons, des exercices, des ... et puis ils ont besoin de faire des exercices systématiques. Mais avant, avant j’en faisais 5 sur une leçon, maintenant si les gamins en ont besoin que d’un j’en fais qu’un. Et puis après il reprend son texte. Donc ... Et puis y a quand même une comment ... un impératif c’est de, samedi, de me rendre leurs textes au propre. Donc c’est quand même, ils savent que, ils savent que, euh, ils peuvent pas traîner en route. Mais en tous cas, ça, par contre c’est une, une réussite, une réussite fabuleuse. Et avant quand on m’en parlait de ça, je me disais : hou la la, ça marchera jamais, chez moi ça ne marchera jamais. Quand j’en parle avec des copains, ils me disent : “ ben moi, chez moi ça ne marchera jamais ” . Je crois qu’il faut, il faut se lancer un jour. Bon moi je me suis lancé parce que ça faisait 8 ans que je travaillais de la même façon et je commençais en avoir vraiment, je commençais à m’emmerder, ça tournait bien, ça ronronnait mais euh, j’avais plus le même, j’(je n’)avais plus le trac en arrivant le matin. Là au moins, c’est plus (davantage) le trac, je balise complètement parce que je sais pas dans quel sens ça va partir, et puis en même temps y a pas qu’eux, y a les 3 autres niveaux. Mais ça c’est fabuleux. Là, ils me font des textes que jamais, certains euh, y en a qui écrivaient déjà très bien, mais c’est toujours les mêmes qui, qui écrivent bien dès le départ. En CE1, ils font une phrase correcte, en CE2 ils font un paragraphe. Donc, c’est pas ceux-là qui ont besoin de ça, c’est les autres, c’est ceux justement qui sont la tête sous l’eau en expression écrite. Donc ils sont capables de faire, ils commencent à être capables de faire une lettre, de ... Et puis, au moins les CE2, je les ai pris tout de suite comme ça. Je sais qu’en CM2, eux en CM2, ils seront tip top quoi. Alors euh ... Puis là, à la fin de l’année j’essaierai, parce qu’on est à la fin du programme, on aborde les révisions, j’essaierai de brancher déjà les CE1 dessus. Et ça c’est le, c’est vraiment le ... Et ceux qui sortent maintenant de l’E.N. enfin on dit plus l’E.N. mais ils commencent à, ils ont d’abord des formateurs qui sont ça fait 2 ans de suite que je participe en stage, moi je suis ébahi par les formateurs qu’il y a maintenant à l’E.N., comparé à ce qu’on a eu nous en , nous on avait des profs, qu’étaient très forts dans leur matière mais maintenant on apprend à enseigner, à B. Nous, on apprenait la théorie et puis de temps en temps on allait en stage dans une école, et puis on nous disait : non il faut pas faire ça, il faut pas faire ça. Et puis c’est tout. Bien que je garde un souvenir ému de certains profs, y en a un gars que je vais voir ce soir encore, donc, un prof d’histoire-géo, G.J. Il faisait des stages à A. Moi des stages, j’en faisais jamais et puis du coup euh, quand j’ai découvert que ça existait... Avant je voulais jamais lâcher ma classe et puis je me suis dit que finalement ... Y a 2 ans, quand j’ai commencé à tourner un peu en rond, je suis parti en stage. Ça m’a plu, j’y suis retourné l’année dernière, cette année j’en ai pas eu. Et puis ça fait du bien aux gamins aussi de voir quelqu’un d’autre, parce qu’ils finissent par se lasser de, de voir toujours la même tête en face d’eux. Et là, j’ai découvert à B. vraiment des profs absolument fabuleux, (qui savent) ce que ça veut dire : former. Donc, par contre, j’en connais qui sont sortis, quand ils arrivent dans une école où ils sont tout seuls comme nouveaux, eh bien ils rentrent dans le moule comme tout le monde. Et puis, ils oublient tout ce qu’on leur a appris à B. J’ai l’exemple d’un copain cette année qui en était un peu malheureux mais ... C’est-à-dire qu’il y a aussi une telle force d’inertie dans notre métier que... quand il arrive dans une école, le nouveau ou la nouvelle, les autres lui disent : et bien voilà : ici ça tourne comme ça, et en même temps il veut pas faire de vagues et puis voilà. Alors que s’ils arrivent à 4 dans une école, alors là ça peut faire quelque chose. Oui, par contre, le, le problème là c’est quand on a un gamin qui ... qui, avec qui ça fait pas quoi. On se dit, on se le traîne enfin quand je dis : on se le traîne, il nous traîne, je le traîne et lui aussi. Alors là c’est euh, enfin moi ça m’est encore jamais arrivé ici depuis 9 ans.

  • Même avec celui avec qui...

  • Même. J’ai toujours eu d’excellents rapports , sûr, sûr, sûr. On a toujours eu d’excellents rapports euh, il m’a jamais répondu de travers, je lui ai jamais mal parlé. L’inspecteur est venu 2 fois m’inspecter en 6 ans alors non, 6 ans, 5 ans... il était en maternelle. Non, je l’avais pas la première fois, je l’avais pas. Ça se passe très très bien. Je veux dire j’ai d’aussi bons rapports avec lui qu’avec ... Je crois que ça a été surtout une histoire entre adultes quoi, des des, soit des incompréhensions, des malentendus mais euh avec lui j’ai pas eu un problème. C’est un gamin qu’est paisible comme tout. Donc y a jamais eu de ... vous savez euh, mais bon c’est des gens, c’est des Vaudois, vous êtes pas vaudoise ? J’ai rien contre les vaudois mais ils n’avaient jamais vécu en France, la dame elle savait même pas faire un chèque et ils ont eu beaucoup de de , de mal à, à ... s’intégrer ici. Et puis euh, elle, elle, elle est toujours, quand elle venait demander quelque chose, elle le faisait de manière un peu agressive. Et puis moi, quand on me parle d’une manière agressive je réponds sur le même ton. Donc, je pense que ça s’est mal passé au départ. Et puis, donc euh, et puis maintenant y a plus de rapports du tout, et à la limite je commence à oublier. Mais bon, pendant 2 ans, j’ai pas oublié qu’ils m’avaient envoyé à la gendarmerie. Et puis, ça c’est quelque chose ... qui marque. Donc je suis courtois avec elle parce que c’est son gamin, mais euh, je lui (ne) dirai plus bonjour quand ils y seront plus hein. J’en ai pour un moment, y a la petite soeur en CM1(rire). Mais ça, c’est l’expérience la pire que j’ai vécu dans ma carrière : me retrouver à la gendarmerie suite à une plainte d’un parent. Ça a été classé sans suite, surtout que tous les autres parents ont fait une lettre à l’inspecteur, les anciens parents d’élèves se sont regroupés pour faire une lettre à l’inspecteur, et que le conseil municipal du village est allé à la gendarmerie pour, pour témoigner en ma faveur. Le maire du village est allé aussi... (rire). Mais heureusement, parce que, sinon, je sais pas ce qui se serait passé parce que, quand on entend tous les problèmes de maltraitance en ce moment euh, je pense que... Maintenant on juge d’abord on réfléchit après. A ce moment-là, même s’il y a des salauds dans notre profession, y a un amalgame qui est fait, ça c’est la pire chose je crois, j’en parle très souvent d’ailleurs. Et d’ailleurs quand j’en parle ça me fait du bien. Quand j’en parle pas pendant un mois, ça me, ça me ...

  • Ça remonte,

  • Oui, ça remonte. Ah, mais c’est quelque chose de terrible. C’est euh, c’est quelque chose de terrible. Mais, bon le gamin n’a jamais été mêlé à ça, c’est uniquement une, c’est les parents qui se sont montés le bourichon euh, et puis ça s’est fini comme ça. Comme a dit l’inspecteur en plaisantant : “ est-ce que ses oreilles se sont allongées ? ” Lui, il me dit : “ vous êtes tombé dans un piège ”. Moi j’ai pas, je, je... ça me fait pas rigoler du tout. C’est vraiment un truc, je le souhaite à personne parce que ... ça a probablement cassé euh complètement... et si j’avais pas eu autant de, de, de soutien de tout le monde je serais plus là, je serais parti parce que vraiment, c’est un truc épouvantable. On finit vraiment par se demander : “ mais est-ce qu’un jour j’ai vraiment, je l’ai vraiment maltraité ? ” On finit par (ne) plus savoir. Enfin... Ce qui a été bien, c’est que aucun élève n’a été mêlé à ça, c’est resté entre adultes. Donc, donc... parce que sinon, si les gamins commencent à prendre parti aussi, on s’en sort plus, hein. Sinon, euh, expérience, expérience. Vous savez, moi j’ai l’impression de, j’ai l’impression de débuter tous les ans et tous les matins en classe (rire). J’ai pas l’impression... quand je me dis : ça fait 18 ans que je suis instit euh, je recompte souvent parce que j’ai pas l’impression que ça fait 18 ans que je suis instit. D’abord, à toutes les rentrées je me dis déjà qu’on n’y arrivera jamais, qu’ils n’arriveront jamais à lire, et puis tous les matins euh, y a quand même la petite boule euh, en ouvrant la porte de l’école quand ils arrivent hein. Donc, mais bon... Moi je crois que j’ai trouvé le, le, le profil de poste qui me correspond. Enfin l’inspecteur m’a demandé quand j’aurai les enfants de mes élèves. Il m’a dit qu’il faudrait peut-être penser à changer de, de poste mais j’ai encore un peu de temps quand même. Parce que c’est pas pour tout de suite, tout de suite. Et puis on est bien. Y a une qualité de vie extraordinaire ici. Et puis, le paysan d’à côté il m’élève mon veau, ma vache, mon cochon ; c’est vraiment ... Il manque juste des vignes ici, c’est tout ; sinon. Non on est heureux là. C’est euh, c’est ... y a qu’un problème au niveau vie personnelle, c’est les enfants quand ils grandissent. On a des grands et... là, c’est éloigné de tout. Alors mobylette. Et puis on a l’impression de jamais les voir parce qu’ils sont jamais là. Mais au niveau professionnel, et puis personnel, c’est euh. Moi de toutes façons, dès qu’il faut que j’aille à A., je stresse. Alors (rire), je peux pas. Voilà. C’est... Sinon oui, mon grand chantier c’est l’expression écrite. En ce moment, le gros truc. Et j’en suis qu’au début. C’est pour ça que c’est bien. Je redémarre complètement à zéro, je pourrai même... mais ils ont emmené leurs classeurs parce que je leur ai rendu des évaluations, je voudrai montrer la différence : mon gamin qui savait pas écrire à Noël et maintenant qui fait des textes construits de lui-même, CM1, il sait faire un début, un milieu, une fin. Et puis y a encore beaucoup de fautes bien sûr mais déjà c’est cohérent, il sait qu’il faut aller à la ligne quand il y a un dialogue, c’est euh, il utilise la ponctuation. Et ça, je crois que c’est là-dessus qu’il faut insister maintenant, pour que les gamins, pour que les gamins... Moi j’ai l’impression, à ce niveau-là, d’avoir perdu 18 ans. Avec les grands. Parce que, ils progressaient pas.

  • Et ça, vous l’avez trouvé comment ?

  • Ça fait 2 ans que ça me trottait dans la tête, qu’il fallait que, que, que ... Je commençais à m’ennuyer un peu, que ça tournait bien ce que je faisais mais que ... au niveau expression écrite notamment, j’avais des bons élèves qui restaient bons élèves et très bons élèves mais ceux qui n’y arrivaient pas, ils n’y arrivaient toujours pas. Alors ils faisaient des progrès en lecture, en maths, en ..., mais en expression écrite non. Et puis j’ai écouté des copains, notamment un instit d’E., Jean, qui est freinétiste, freinétiste endiablé. Donc, je l’ai écouté parler de son travail en expression écrite. Au début ça m’a fait peur parce que j’avais l’impression que c’était le bordel, parce que bon en fait c’est un bordel très organisé finalement et puis c’est bien que c’est un peu le bordel. Finalement ils sont autonomes, c’est eux qui gèrent leur matinée, à savoir quand ils font, ils ont de la lecture à faire, c’est ... ils savent qu’il faut le faire mais, le contrat c’est que ça doit être fait mais ils le font quand, quand ils ont le temps et le besoin. Et donc, en l’écoutant plus précisément, je me suis dit que c’était pas si mal que ça. Et qu’apparemment ça devait donner des résultats puisque il était toujours là, ses élèves s’en sortaient bien au collège donc ... Alors je m’y suis mis aussi mais j’en suis pas, non j’en suis qu’au début, début, début, début. Et puis aussi, l’inspecteur m’en avait parlé y a 5 ans, il m’avait dit : “ vous savez, vous formez des gamins au boulot, vous faites un journal scolaire, vous faites la correspondance scolaire mais, tout ça vous le faites en plus de votre travail en français. Vous seriez tellement plus tranquille si ça partait de là ”. Donc j’ai mis encore quelques temps avant de le faire. Et puis on dit : “ pour que ça passe des oreilles au cerveau, il m’a fallu quelques années ”. Et puis je crois que je suis arrivé au bout de ce que je pouvais faire, comme je faisais avant, ben je me suis lancé. Et puis j’ai annoncé, j’ai annoncé aussi, pour m’obliger à le faire j’ai annoncé à mon conseiller pédagogique C. que, qu’après Noël de toutes façons ben je changeais de façon de travailler en français, que je voulais qu’il vienne. Alors il m’a dit qu’il viendrait en mars. Et puis en mars j’ai été inspecté, et puis... il m’a retéléphoné en me disant : “ bon l’inspecteur m’a dit que ça tournait, que c’est pas la peine que je vienne ”. Alors je lui ai dit : “ si je veux que tu viennes quand même ”. Bon je viens. Et puis on a dû remettre une fois et depuis on n’arrive plus à trouver de dates. Alors, mais il viendra sûrement en début d’année prochaine. Et puis ce sera très bien. Mais là, maintenant, ça y est, c’est lancé et puis au moins je peux pas revenir en arrière, tous les gamins voudraient pas. D’abord, parce que ça leur plaît énormément, ils se sentent beaucoup plus libres, et puis ils aiment bien mieux ça que faire 4 exercices sur “ à accent ”  ou “ a sans accent ”. Par contre, justement, du coup j’ai trouvé l’utilité des études dirigées. Parce que les études dirigées, j’ai commencé par râler au début comme tout le monde. Ben je fais travailler notamment ce genre de difficultés euh, certains ont besoin, je me fais des fiches avec corrections derrière. Et puis ils travaillent individuellement après une difficulté qu’ils rencontrent dans leur rédaction. Le plus, oui, c’est d’arriver à synchroniser la leçon, ça pour l’instant c’est pas. Si, quand je fais une recette de cuisine, en conjugaison, je fais travailler l’impératif. Ça c’est pas difficile. Mais pour le reste, c’est pas encore évident, hein. Mais ça viendra puisque je suis obligé de le faire, je suis obligé de le faire. Mais ça, c’est fabuleux. C’est, j’aurais pas cru qu’en 3 mois, ils feraient des progrès comme ça. Et c’est là que je me dis : “ j’ai perdu euh, j’ai perdu un temps fou ”. Et puis du coup, je commence, maintenant à m’intéresser un peu au, j’attends justement les, aux travaux qui se font, j’attends un bouquin de quelqu’un qu’a un nom à coucher dehors ... sur l’expression écrite justement. Ah je sais plus, il nous a fait une conférence y a 2 ans sur l’expression écrite, à G. Il a écrit des bouquins là-dessus aussi et donc j’attends, c’est C. qui doit me l’amener justement, le conseiller mais c’est toujours pareil. Et puis là, on rentre d’Alsace, on est parti 3 jours en Alsace. Donc ce mois-ci le thème est tout trouvé, c’est un journal scolaire “ spécial Alsace ”. Donc là, là par contre, c’est toujours pareil, on part, pour l’instant ils écrivent tout ce qu’ils se souviennent de là-bas, et puis après on mettra en ordre, puis chacun va avoir des thèmes à travailler. Donc, et je pense qu’il y en a de plus en plus qui s’y mettent à faire ça maintenant de toutes façons. Parce que c’est ... déjà tous les jeunes je pense. Parce qu’ils font comme ça. Et puis, de toutes façons moi je suis obligé, je suis pas vieux encore, j’ai pas 40 ans, c’est que dans un an. Alors faut que je me mette, je suis obligé, moi je suis dans les intermédiaires, ceux qu’ont été obligés de se mettre à l’informatique, même qu’ils aimaient pas ; maintenant je m’en sers tous les jours. Mais c’était pas un truc que j’aimais faire. Maintenant j’en ai un à la maison aussi, je voulais pas non plus. Nous on est obligé de s’y mettre parce que sinon on est condamné à s’emmer..., à végéter quoi. Donc, en s’y mettant, et ben euh, on progresse, on peut dire on progresse. Et puis les gamins, ils suivent. Si on s’y met pas ... on reste ... petit enfin petit : pas petit mais on refuse de, de parce que moi j’avais fait le constat de, de d’échec en expression écrite avec ceux qui y arrivaient pas. Et je savais pas comment faire pour que ça aille mieux. C’était pas une rédaction par mois qui faisait ... donc, et puis en plus c’était ma hantise de corriger. Maintenant, avec le code de correction, ils se corrigent tous les jours. Alors euh, alors que je fais beaucoup plus de corrections qu’avant, mais je les fais avec beaucoup plus de plaisir aussi. Et puis je me dis qu’en commençant tout petit, y a plein de fautes que je verrai plus en CM2. Ça j’en suis sûr, sûr, sûr. Heureusement d’ailleurs, parce que sinon je le ferais pas (rire). Donc ... Et puis ce qu’il y a de bien, c’est qu’avec des gamins, on s’ennuie jamais. Et puis, on vieillit pas quoi. C’est ... c’est un ... surtout les petits. Vous avez fait quoi vous ?

  • Moi j’ai surtout fait des cours élémentaires dans des gros groupes. Et puis une classe unique à 30 au moment d’élections municipales. Il y avait 153 habitants, 3 listes dont 2 des chefs de liste avaient leur gamin en CM2.

  • Ça devait être sympa ! Et puis on y est mêlé dans ces histoires quand on est en rural, ça... Les élections je vous raconte pas ici, si je cause à l’un, l’autre a pas été repris sur la liste, l’autre a été repris, c’est le drame des villages. Mais je crois que ça a toujours été comme ça, durant 8 mois au moins et puis après ça se tasse. ... Moi mes CP maintenant ... ce qu’ils font tout seuls, mes CP savent maintenant tout seuls où on met la date, on a appris ça en étude dirigée. Avant je leur mettais des petits traits en rouge, et puis en étude dirigée on a appris à faire ça. Et de toute façon en classe unique, on a intérêt à les former à l’autonomie parce que sinon c’est chiant. C’est la 1ière chose, c’est pourquoi je laisserai jamais ma maternelle. Mais bon, y a quand même un niveau que j’aime pas bien, c’est les CE2 moi. J’ai l’impression qu’il y a rien à apprendre et que ils sont ... c(e n)’est plus des petits et c’est pas encore des grands. Mais bon, ça va, ils sont noyés dans la masse. Et puis maintenant qu’on fait beaucoup d’expression écrite, à la limite ça les fait grandir de faire de l’expression écrite, un petit peu. Donc, sinon, sinon, sinon... Si, au niveau des corrections, ça c’est l’inspecteur qui m’a obligé à . Quand il m’a inspecté il y a 5 ans, là j’ai changé il y a déjà bien longtemps. Avant, ils faisaient leur travail en autonomie et ils m’appelaient, l’évaluation passait systématiquement par moi, donc je passais mon temps à zigzaguer. Il m’a dit : “ vos gamins, ils sont autonomes, je suis sûr qu’ils sont capables de se corriger ”. Alors je leur ai trouvé des fichiers autocorrectifs et puis, ben les livres que j’avais, j’acheté le livre où il y a les corrections dessus. Et puis maintenant c’est vrai, ils le font tout seuls. Bon y en a toujours un ou deux qu’il faut vérifier parce que : “ maître j’ai fini, je corrige ? Oui, oui, tu corriges et puis... ” Mais bon, c’est des gamins, on peut jamais faire totalement confiance non plus, sinon ce serait pas des gamins. Faut être un peu derrière. Et puis en plus, j’arriverai jamais à être complètement non interventionniste. Alors, quand j’ai été inspecté en maths, il a assisté à une réunion de coopérative l’inspecteur, et puis après il m’a dit : “ mais vous savez, quand ils sont en réunion, vous partez avec une feuille et un crayon derrière et puis vous leur foutez la paix parce que vous avez toujours le bec ouvert, ils peuvent pas en placer une ”. Alors il dit : “ laissez-les faire leur réunion ils ont plein de choses à dire. Et puis, après, quand ils ont fini, vous revenez, vous avez pris des notes et puis vous dites ce que vous avez à dire ”. Maintenant je fais ça. Mais je m’accroche à la chaise pour pas me lever, pour pas intervenir parce que. En plus c’est passionnant de discuter avec des gamins, c’est un, ils sortent des trucs. En Alsace, on faisait des groupes pour faire des achats dans les magasins, et puis j’étais à la caisse avec le marchand, et puis eux vadrouillaient dans le magasin et ils nous amenaient ce qu’ils voulaient acheter et il y a un CP qui arrive et qui me dit : “ maître je voudrai bien acheter ça là-bas mais je peux pas ”. Je lui dis : “ pourquoi, t’as pas assez ? Ben, c’est pas que j’ai pas assez, ça coûte 27 F. et moi j’ai 100 F. Je peux pas donner 27 F. ” Il savait que c’était plus, qu’il avait plus mais ils connaissent pas la différence encore en CP, il savait pas que le marchand pouvait lui rendre des sous, il croyait qu’il fallait qu’il achète quelque chose qui coûte 100 F. Donc, on a beaucoup ri. Des paroles comme ça, y en a tous les jours, des gamins, et ça ça rafraichit, c’est des moments ... D’ailleurs j’ai pas souvenir d’avoir travaillé, d’être arrivé à 4 heures ½ et de m’être dit : “ et bien aujourd’hui je me suis fait chier ”. Ah, y a des moments où on en a marre hein ! Vraiment des jours où c’est moins drôle que d’autres, où ça marche pas comme on veut euh, soit de leur faute, soit de la mienne, et puis où on dit : “ vivement 4 heures ½ qu’ils se tirent ” et puis que, et puis... Mais sinon, jamais de me dire : “ je me fais chier dans ce métier, je me ... ” Ou alors au début, quand on avait 18 ans de me dire oh, je maitrisais rien à 18 ans, on sortait de l’E.N. où on foutait pas grand chose. A part aller au Café du Nord donc, en sortant de B., on pesait pas lourd. Et maintenant j’ai l’impression j’aurai pas ces réactions.

  • La formation, c’est très simple, c’est très simple. A B., on n’a rien fait autant, sinon plus, par notre faute que par la faute de nos profs qui eux voulaient nous faire faire des trucs. Mais à B. on était une bande, euh on était 52 garçons et on s’en foutait complètement. C’était notre 1ère année de liberté en étant payé on sortait tous de chez nos parents donc ben je l’ai appris après. Après, moi j’ai fait 5 ans de remplacements, de ZIL, je l’ai appris là. Et puis en plus, ça m’a très vite plu, donc je me suis très vite plongé dedans. Et puis j’ai mis la tête dans le guidon et puis j’ai bossé, donc ...

  • Les enseignants que vous remplaciez vous aidaient ?

  • Ah, j’ai tout eu. J’ai tout eu. Le pire ça a été une dame qui s’était cassé le bras au ski et qui avait tout fermé à clé même son cahier journal, les tiroirs des placards, pas de peinture, pas de cahiers, rien. Et puis, j’ai eu des gens qui m’invitaient à manger chez eux tous les midis, euh, parce que c’était en rural, qui m’aidaient, qui me donnaient des conseils. Je crois que là, on rencontre, c’est la société hein, on rencontre absolument tout le monde. J’ai rencontré des gens fantastiques, et puis y a des gens que j’ai même pas vus, dont j’ai eu aucune nouvelle, même pas un mot sur le bureau. Donc j’ai eu, j’ai fait un remplacement en classe unique, j’avais téléphoné pour voir si je pouvais venir avant pour : “ non, non moi j’accepte que l’inspecteur dans ma classe ”. Elle avait peur. Non mais c’est une peur, peur d’être jugée, d’être ... et donc je me suis promis de faire jamais pareil, donc... Quand j’ai un remplaçant qui vient je le garde à manger le midi si je, si c’est un congé maladie ou donc ... J’ai pris des stagiaires, j’ai accepté de prendre des stagiaires, des jeunes qui étaient pas encore normaliens, mais qui venaient voir comment ça se passait. Euh, mais sinon j’ai tout eu moi. Alors vraiment... Et puis j’ai rencontré des instits aussi qui m’ont, qui m’ont beaucoup aidé à, qui m’ont appris déjà le b.a. ba quoi, la ponctualité, euh, à jamais dire quelque chose qui peut blesser un enfin à essayer de ne jamais dire quelque chose qui peut blesser un gamin, des choses essentielles quoi. Et puis je suis fils d’enseignant. Donc, je savais à peu près comment, comment ça se passait. Et puis j’ai fait, j’ai toujours... je suis parti dans des vacances, des séjours organisés de jeunes, j’ai toujours aimé animer en plus depuis jeune donc ça devait me pendre au nez d’être instit. Alors, donc j’ai appris comme ça. A l’E.N., j’ai rien appris, mais autant par ma faute que par le système qu’il y avait à l’époque à l’E.N., alors qu’on avait des profs qu’auraient pu nous apprendre des choses très intéressantes. Que je revois maintenant, des anciens qui sont restés, y en a 2-3 qui sont restés et on discute avec eux maintenant. Mais, eux aussi ont évolué, ils enseignent plus du tout de la même façon. Ils (n’) enseignent plus. Moi, le prof de Sciences Naturelles à B., P. je sais pas si vous l’avez connu, P., tout petit, plus petit que moi et lui quand j’y étais, il enseignait comme en lycée. Maintenant, il enseigne comme un formateur. Donc, je crois que tout le monde a fait des progrès là-dessus. J’ai vraiment du plaisir à aller en stage maintenant à B., même si c’est toujours pour des stages mai-juin quand même hein, des stages de la fin de l’année (rire). C’est pas des trucs, c’est des stages très agréables, on est souvent dehors, on est souvent... et on aprrend plein, plein, plein de choses. Alors voilà comment j’ai appris. Et puis j’ai surtout appris en faisant 15 écoles différentes par an. Ça, je crois que ça forme. Et puis l’année que j’ai le plus mal vécue, au niveau professionnel, c’est mon année en perf., en classe de perf. Parce que, vraiment, j’ai été malheureux de ne pas pouvoir les aider, d’abord parce que j’étais pas formé pour ça. Et puis parce que, quand j’ai demandé à l’inspecteur de l’époque : “ mais ça progresse pas ”, il me dit : “ faut pas vous affoler, déjà faut pas voir, vous avez pas de programme, c’est, vous regardez comment ils sont en début d’année et puis vous regarderez comment ils sont ”. Mais moi j’aime pas, il faut que ça, il faut que ça bouge, il faut que ça, faut que ça ... faut que ça évolue, quoi. Alors ça m’a vraiment pas plu du tout. Et puis j’ai fait une conférence pédagogique avec des instits spécialisés et puis, j’ai eu une très mauvaise impression. C’était sûrement faux parce que c’est des gens qui croient en leur métier. J’avais l’impression qu’ils s’en foutaient quoi, mais en fait simplement ils avaient beaucoup plus de recul que moi, euh, vis à vis des gamins. Je le savais pas ça, j’ai réalisé après. Vis à vis de ces gamins-là ils avaient du recul, moi j’en avais pas. Je leur rentrais dans le lard, je ... je me disais peut-être qu’en faisant beaucoup de sport ça va faire. Mais rien du tout, pour jouer aux billes ils jouaient avec le pied. Ils avaient la flemme de se baisser (rire). Mais fallait faire autrement effectivement avec eux, mais moi j’étais pas formé pour ça. Et puis c’était un poste provisoire hein. Non mais moi c’est ça : l’impression de prendre un grain de blé et puis de faire pas le pain parce que le pain, c’est après qu’il va se faire, le pain ce sera quand ils seront dans la vie active quoi mais de faire, oui, moissonner ou faire déjà si on pouvait faire de la farine, ce serait déjà pas mal. Et euh, donc ça, moi ça me plaît. L’impression d’être un artisan un peu, les voir, les voir grandir. Pas seulement. Ça me suffirait pas de les voir apprendre à lire, une année , les voir grandir euh, puis au moins on, moi je me sens plus (davantage) responsable. Je les ai pas un an. Quand on les a un an, on a un mois pour leur, pour qu’ils s’habituent, leur donner les habitudes qu’on veut leur donner, un mois avant la fin ça sent déjà la fin, et puis c’est fini, fuit on les ... terminé. Alors que là, ça dure 6 ans et puis on perd pas un mois en début d’année parce quils savent comment ça se passe les habitudes, les ... alors...

  • Vous avez eu de temps en temps des stagiaires ?

  • Oui. Des stagiaires comment ? Quel genre de stagiaires ?

  • De l’école normale, de

  • Oui. Depuis 2 ans. Avant je partais jamais, je partais pas en stage. Depuis 2 ans je suis parti en stage 5 semaines l’année dernière, 5 semaines l’année d’avant, donc j’ai eu des stagiaires qui faisaient leur stage terminal ici. Ce qui est bien c’est que c’est toujours des volontaires qui viennent en classe unique, toujours des volontaires et c’est des gens j’adore parce que j’ai l’impression de me retrouver ils arrivent, ils disent : “ c’est moi qu’ai voulu venir mais je vais jamais y arriver ”. Ils se plongent dedans. Et puis bon, je les vois tous les jours parce que moi je pars à B. à 9 heures moins 20, donc je les voyais le matin, on buvait le café ensemble. (téléphone) Justement c’est un gars fantastique qu’a fait une maîtrise de chimie et puis qui ... Ça a duré 6 ans ,ses études. Et puis il avait plus de sous. Alors il a arrêté. Il a passé le concours de... C’est un mec qui a 30, c’est sa première année d’enseignement, il a 31 ans. Ça, ça me fait peur par contre, pour eux, parce que... ils cotisent 40 ans maintenant, ces gens-là, les pauvres ! Et ben alors là, lui il était dans ma classe en stage l’année dernière, c’est lui qu’avait demandé. Il arrivait tous les matins, on buvait le café ensemble et puis on parlait de la journée, euh. Je l’aidais un peu à préparer puis, quand j’arrivais de l’E.N. à 5 heures il était encore là jusqu’à 6 heures du soir. Donc il me demandait, il me demandait des trucs et puis, cette année il est 2 jours en classe unique il voulait de la classe unique alors et puis alors l’année prochaine, il demande une classe unique. Et puis, on se voit souvent parce que le jeudi et le vendredi, il est basé à PJ., il a une décharge de direction le jeudi et le vendredi il reste là. Alors, le vendredi, il fait de l’animation musicale en bas. Et là, il va monter 3 fois dans le mois en faire, ici l’après-midi. Donc on a gardé le contact. Alors donc je reçois des stagiaires. Et puis je recevais aussi avant des stagiaires, qu’étaient pas à l’E.N. encore, qu’étaient intéressés par le métier d’enseignant, ils étaient à l’université, donc ils venaient voir. Et puis j’ai arrêté parce que j’ai fait ça 3 ans et puis après on, ça s’est un peu officialisé et on nous a demandé de faire partie d’une équipe et de s’engager donc dans, de rentrer dans un réseau. Et moi je pouvais absolument pas, j’ai pas le temps de partir faire des réunions, j’ai, je bosse euh, beaucoup. Euh, on a beaucoup d’enfants parce qu’on est remarié avec ma femme, elle avait 2 enfants et moi 2, on en a fait une ensemble. Donc, on passe notre temps sur les routes à les trimballer à droite, à gauche, je vais chercher les miens à A. et à les ramener et je ne me sentais pas de me lancer dans un, alors j’ai préféré laisser tomber. Mais j’aimais beaucoup, parce que ça oblige à se remettre en question, justement d’avoir des stagiaires dans la classe. Pas que je me sente jugé, mais euh, c’est un autre regard, et puis à se dire euh, comment dire ? Ne pas essayer de tomber dans le ronron en plus. Parce que, sans se sentir jugé moi même par l’inspecteur je me sens pas jugé, de toutes façons, s’il me dit que ça va pas, je lui demande de me montrer hein, il a jamais été instit, il en saura pas plusque moi mais quand même, oui, se remettre en question. Bon. De toutes façons, je pense, je pense qu’on doit se remettre en question tous les jours, même s’il y a des matins où on est moins en forme que d’autres, en classe unique on peut pas se contenter d’assurer le minimum. C’est pas possible parce que sinon, on vous avez eu de la classe unique hein sinon on est mauvais quoi, on est mauvais. Et puis on n’a pas le droit d’être mauvais, parce que y a quand même 16 petits en face qui, eux, ont une confiance terrible dans l’adulte. Et puis si on les déçoit, c’est fini après. Alors, c’est plus facile de descendre que de monter. Mais j’aime bien avoir des stagiaires. Puis moi ça me change parce que, comme je suis tout seul ici, ça permet de discuter, de... Mais de toute façon, travailler tout seul je préfère, mais de temps en temps euh, avoir quelqu’un euh, avec qui échanger des idées... En stage aussi, ça m’a fait beaucoup de bien ça, d’entendre d’autres, d’autres pratiques, d’autres ... Voilà. Sinon... sinon, oui, un jour il faudra que je parte d’ici, il a raison J. mais... Bon les gens d’ici, ils veulent pas, sinon ils (ne) me vendront plus de cochons, (incompréhensible) et puis, non je crois que je suis pas arrivé au bout de ce ... Surtout depuis que j’ai redémarré de cette façon, de travailler, je (ne) suis qu’au début. Là, je suis reparti pour 10 ans là, à... à fouiller ça, parce que ça ... Je crois qu’on peut vraiment, parce que je peux pas dire que je fais du Freinet non. Je fais pas du Freinet mais, peut-être que j’aimerai bien, un jour, arriver à faire ce que fait Jean. C’est... parce que c’est vraiment chouette. Et puis, surtout toujours y croire que c’est le... c’est le, la base de rester toujours neuf. Et puis, toujours essayer de pas être blasé quoi. C’est... Voilà. Mais pour ça en classe unique, il suffirait peut-être que je sois dans un grand groupe je serai beaucoup plus blasé hein justement parce que y a quand même, quand je discute avec les collègues de grands groupes, y a une chape quand même hein, une chape sur les épaules des gens. Celui qui veut faire quelque chose de particulier, il peut pas. S’ils décident de faire quelque chose, il suffit qu’il y en ait un qui veut pas pour que ça se fasse pas, alors euh. Là, moi ici, moi je fais ce que je veux, je suis le chef et puis (rire) je suis le chef de moi. Comme dit ma fille, ma fille elle dit : “ je suis le chef de mes poupées ”, et moi je suis le chef de moi. Et puis c’est ça qu’est bien. C’est-à-dire en plus, je suis pas tout le temps au téléphone avec l’inspection pour dire : je vais faire ça, je vais faire ça. Je fais pas un rapport écrit à chaque fois que je fais quelque chose. Oh, je fais pas de choses illégales non plus mais euh, quand je fais, je sais pas, quand je fais un projet patins à roulettes, je fais un projet patins à roulettes, c’est pas ... De toute façon je suis la dernière école, tout le monde m’oublie, tout le monde m’oublie moi, je suis toujours la dernière école de la circonscription. Mais c’est l’inspection qui vous a donné... Comment ça s’est passé ?

  • J’ai demandé à G. M. Comme on avait un peu défini les critères des enseignants pour ma recherche, à savoir des enseignants qu’avaient une certaine expérience, enfin un certain nombre de choses, je lui ai téléphoné pour qu’elle me donne des noms. Et puis elle m’a parlé de vous en disant : “ c’est quelqu’un qu’est en classe unique, qui veut rester en classe unique, et c’est vraiment à voir... ”

  • Ah, et puis je suis bien là. J’ai des ordinateurs derrière, j’ai un photocopieur, j’ai un coin bricolage. D’ailleurs je suis ... Pour travailler, les gamins ils se marchent pas dessus, ils peuvent faire, ils peuvent faire des tas de choses différentes, euh et puis j’ai même une petite cantine à côté. Je l’exploite pas assez l’après-midi pour aller faire du travail manuel ou du bricolage. Ils peuvent le faire, ils font pas de bêtises, je sais. Je sais qu’ils feront pas de bêtises, donc, je les ai déjà envoyés chez moi voir une émission scolaire quand la télé était en panne ; ils montent, ils s’installent dans le salon, c’est ... Bon c’est des gamins, faut quand même avoir un oeil dessus mais euh, disons que, jusqu’au point où on peut avoir confiance en eux j’ai confiance en eux. C’est vraiment ... Mais quand je pense qu’on veut nous supprimer les classes uniques ! Mais c’est merveilleux une classe unique ! Tout le monde devrait passer en classe unique. D’abord, quand ils parlent des cycles, les classes uniques ont pas attendu euh, machin pour faire les cycles hein, le décloisonnement tout euh. Y a juste un truc, moi j’aimerai m’y connaître plus en technologie, en travail manuel. Là je suis nul, mais ce qui s’appelle nul. Alors on en fait mais c’est pas, c’est pas ma tasse de thé Faire de la technologie je me force, j’aime pas ça du tout. Mais quand on chante. On chante tous les jours, avec la voix que j’ai... (cassée) c’est pas triste ! Mais on chante tous les jours. Ça, je crois que c’est bien de commencer la journée par une chanson, c’est, ça fait vraiment du bien à tout le monde. Moi ici , mieux pour les conditions de travail, ça serait difficile. Au niveau conditions de travail j’ai absolument tout ce qu’il me faut. Donc j’ai pas à me plaindre, j’ai des collègues qui sont dans des classes uniques ou même dans des classes à un seul niveau, qui n’ont pas le quart de, des choses dont je bénéficie moi. Puis j’ai un très très beau logement, donc ça aide aussi. C’est grand, c’est clair, c’est moderne. Non, non, ça va bien. Mais par contre, je serai pas resté 10 ans si j’avais eu 30 enfants, je crois. Je sais pas. Je sais pas parce qu’il y a quand même, à 30, un niveau sonore qui est quand même usant, usant. Je vois, 24 l’année dernière, à la fin de l’année j’étais, j’avais 8 CM2, et bien c’est la 1ière fois que j’étais content de me dire : “ l’année prochaine ils seront plus là, je vais retomber à 16. Ça va être paisible ”. Et c’est redevenu paisible. Tout le monde chuchote. A 24, le chuchotement devient très vite ... ça monte, ça monte, ça monte, ça monte, ça monte. C’était vraiment pénible. Là, à 16 c’est le pied ! 16 gamins en classe unique, ça va bien. Moi j’ai commencé à 37, pour mon CAP quand je suis sorti de l’E.N., 37 CM1. Je savais pas où mettre l’inspecteur ce jour-là. Et, il m’avait bon, oh mais c’était l’époque où ils étaient assis et ils bougeaient pas, les gamins hein ! C’était pas, c’était dans le... je remplaçais une dame et boum-boum, ça tournait. Là ils mouftaient pas. Maintenant ça bouge les gamins dans les classes, enfin dans la mienne ... En tout cas maintenant je me verrais plus mettre tout le monde face au tableau et on reste assis jusqu’à l’heure de la récréation hein ! Ils bougent, ils se bougent dans la mesure où ils dérangent pas les autres quoi, mais ils bougent tout le temps ici. Ils ont besoin d’aller aux WC, ils me le disent pas, ils y vont. Et puis, s’ils ont besoin d’aller derrière finir un truc, ils y vont à partir du moment où ils dérangent pas les autres. Alors voilà. En tous cas, c’est toujours beau la classe unique.