Marc

Premier entretien

Moi j’ai un itinéraire assez particulier parce que j’ai commencé l’enseignement après le service militaire. En fait, j’ai même fait des petits métiers avant, j’ai même été chauffeur de poids lourds pendant 6 mois, et agent immobilier, contrôleur de la Sécurité sociale ce qui m’a pas plu d’ailleurs donc finalement j’avais cette fibre-là, cette envie, parce que j’avais fait les centres de vacances, j’avais envie de m’occuper d’enfants. Ça me plaisait, j’avais fait ça pendant plusieurs années les centres de vacances l’été, j’ai eu envie de, d’en faire mon métier. C’est pas des vacances hein (rire). Bon, l’itinéraire, ça a été d’abord suppléant éventuel à l’époque, parce que j’ai 47 ans, donc suppléant éventuel. C’était pas drôle du tout parce qu’à cette époque-là, quand on lâchait, alors suppléant éventuel ça veut dire qu’on était un bouche-trou. Et puis les vacances, la différence avec les remplaçants c’est que, quand on quittait un poste juste avant les vacances et qu’on reprenait un autre poste à la rentrée, différent de celui qu’on avait quitté, on était pas payé. Alors j’ai eu des surprises hein, parce que c’est vrai que c’était presque un scandale. J’ai fait une année comme ça. Puis après, remplaçant, puis y a eu la formation deux ans sur l’EN. C’était à raison d’un mercredi tous les 15 jours et le CAP à la fin. Car en fait, avant j’avais, j’ai passé un, j’ai pas ça s’appelait DUES à l’époque mais j’ai pas la 2ème année, j’ai l’écrit mais pas l’oral d’un DUES de mathématiques-physique. Donc, j’ai raté la 2ème partie à une échéance de septembre, donc j’ai raté, y avait plus d’autre solution que de refaire une année supplémentaire et puis j’y tenais pas. Donc, entre temps l’armée ne résoud pas les problèmes mais on se retrouve à la fin, peut-être avec un bon bagage comme on me disait, mais pas de formation véritable. 36 postes en 4 ans, ça faisait beaucoup, parce que c’était des postes de remplaçants. Ceci dit, je trouve que c’est enrichissant parce qu’on apprend sur le tas des tas de choses, et on se forge sa méthode. Parce que, c’est vrai, on prend chez les uns, chez les autres, je dirais pas ce qui est bon mais ce qui nous convient. Parce que ce qui est bon, y a des tas de choses qui sont bonnes pour certains mais qu’on assimile pas de la même manière. Ce qui m’a plu, je trouve que c’était enrichissant, c’était enrichissant. Maintenant de la façon dont j’ai commencé. C’était un jour de décembre je crois que c’était 72 tout d’un coup, brutalement j’ai quitté un agent immobilier qui m’employait il savait que c’était à titre provisoire parce que je lui avais dit que j’avais l’envie de faire de l’enseignement pour partir le vendredi soir, pour partir le lundi dans une classe. Sans formation. On met jamais un carreleur sur une chape sans l’avoir auparavant formé un petit peu, parce que ça risque d’être une chape toute gondolée (rire), et là on fait la même chose avec un, on fait de cette manière avec un instituteur, hein ! C’est un peu étonnant ! Et j’ai pas vu véritablement de conseiller pédagogique tout de suite, ils sont venus après, ils m’ont ... Et puis, compte tenu que j’avais une formation en maths et physique, je faisais les remplacements dans les collèges. Alors, j’ai fait pas mal de techno CEG-CES oui, à l’époque. Et j’aurais eu la possibilité de me faire intégrer comme Mr L. au CES. Mais j’ai choisi le primaire. Je suis pas mécontent du primaire parce que ça permet de toucher à tout. Je crois que là, on a, on a un bon panel parce que, bon, on voit de tout un peu, on est polyvalent. Mais ceci dit, j’ai fait 4 ans de remplacements, et plutôt pas mal souvent dans les CEG-CES. Me trouver catapulté de 3ème en CP l’année suivante me posait des problèmes d’adaptation parce que je m’adressais pas au même public hein (rire) ! Donc, un gamin de 3ème sait prendre un cahier dans le bon sens, pas un gamin de CP. Et j’avais des problèmes aussi là, mais c’est pas mal non plus parce qu’on est obligé de se mettre à la hauteur, au niveau de ceux qu’on enseigne, et puis c’est pas plus mal. Bon, j’ai eu fait comme ça des postes, j’en n’ai pas fait énormément à partir du moment où j’ai été titulaire, j’ai fait L., 10 ans, S. J’avais fait 2 ans aussi, auparavant, mais là j’étais comment on appelle ça ? Tout de suite après remplaçant ? On est ?

  • Stagiaire ?

  • Stagiaire. Oui, stagiaire. Je me suis trouvé stagiaire sans poste, j’ai gardé le même poste sur S. bien qu’habitant A. Ça me faisait des trajets... Et puis après donc, 10 ans L. comme instituteur. Et puis j’ai choisi une direction en 86, passer sur la liste d’aptitude, à l’époque c’était les maîtres-directeurs. C’était un bien grand nom, je me suis un peu battu contre ça parce que je voulais pas rentrer dans la pédagogie des collègues. Je me voyais mal, moi, j’ai choisi quand même d’être directeur, mais j’avais dit que je me voyais mal dire à des collègues qui à l’époque j’avais 36 ans -, je me voyais mal dire à des collègues qui ont beaucoup plus de pratique que moi, leur dire : “ et bien voilà, faut utiliser tel manuel, faut faire comme ci ou comme ça, telle ou telle méthode ” alors qu’en fait j’ai fait deux années de CP et après j’ai surtout fait des CM. Alors donc, je crois qu’on est mal placé pour donner des conseils hein ! Y a des gens qu’ont plus de bouteille que nous, bien qu’ils veuillent pas toujours remettre en cause leurs pratiques. Alors bon. Et puis, il est pas question de se heurter non plus. Quand on arrive directeur dans un établissement, si on commence à taper le poing sur la table et dire : “ voilà, je veux que ce soit comme ci, comme ça ”, on est sûr que là on va à l’échec. Parce que c’est pas comme ça qu’on doit pratiquer, un consensus pour amener les gens à évoluer, mais pas de cette manière aussi brutale, parce qu’on heurte les susceptibilités. Alors, j’ai tout connu au niveau de la direction. J’ai connu, puisque j’ai eu une école, c’est G., école près de la Suisse, un poste difficile parce que ça mériterait d’être placé en ZEP, ce que j’avais demandé à l’inspectrice qui m’avait dit : “ même une mini ZEP, vous l’aurez jamais, c’est même pas la peine ”. A l’époque c’est Mme B., je sais pas si vous l’avez connue, c’est la remplaçante à Mr S. Elle me dit : “ vous l’aurez jamais parce qu’il y a déjà une ZEP sur A. (l’agglomération). Et puis, quand il y en a une sur un secteur, c’est pas la peine d’espérer. Donc j’ai travaillé comme ça. 7 classes, on n’avait pas de, les normes de décharge en 86 étaient de 8 classes pour avoir un quart de décharge. Moi j’ai travaillé 2-3 ans sans décharge. Donc fallait faire la direction. De ces directions dont personne ne voulait, parce que personne n’en voulait, parce qu’on était jeune directeur, on avait soit ça, soit des chargés d’école de une ou deux classes. Personne n’en voulait bien de celles-là, autrement les autres étaient pourvues par des gens qu’avaient plus d’ancienneté. C’est la loi, parfois brutale, difficile à avaler au début parce qu’on se dit : “ on joue encore les bouche-trous ”(rire). Hein ! Et puis ça doit être d’autant plus difficile maintenant que, comme les directions (ne) sont plus recherchées, et pour cause : y a tellement de contraintes que moi je comprends les collègues qu’en veulent pas. Parce qu’il me reste 8 ans à faire mais j’espère les faire en tant que directeur parce que, sinon, je reprends un poste de zilien ou de brigade. Et actuellement, par rapport à ce que j’ai connu au début de ma carrière, les brigades ou ziliens ont été bien revalorisés. Et ils touchent des indemnités, j’en avais pas au début ! On a revalorisé la base, je sais pas si on revalorisé les fonctions de responsabilités. Je trouve que là, c’est un peu juste hein ! La preuve c’est que ça incite pas les gens à prendre des responsabilités hein ! Et puis je les comprends. Actuellement, un zilien ou un “ brigade de stage ” touche et je le vois puisque je reçois les fiches de salaire en indemnités ce sont des indemnités donc c’est pas fixe sur le salaire, ça compte pas dans la retraite plus que moi à certains moments, plus que ce que je touche en tant que directeur avec une responsabilité complètement différente : pas la responsabilité de classe, pas la responsabilité avec les réunions de parents, et pour moi, à la limite c’est plus confortable ! Si on fait pas quelque chose pour nous, la race va disparaître, va s’éteindre (rire) hein ! Il faut vraiment s’accrocher parce que c’est vraiment un travail de longue haleine et difficile. On devient animateur, on va devenir bientôt policier avec ce que Ségolène Royal a mis au point fort heureusement y a un amendement maintenant mais fallait presque aller s’occuper de voir si y a une partie de bon sens hein si le chauffeur est en état ou pas, on est quand même capable sans avoir un texte de pouvoir juger. Mais, aller voir si l’autocar est en état, il me semble que chacun sa fonction, on ne va pas jouer une fonction de policier alors qu’il y a des gens qui sont super compétents au niveau de la DDE ou etc., qui font passer des contrôles aux cars, je trouve qu’on pousse un tout petit peu parce que, finalement avec toutes les contraintes on se surprotège au niveau des écoles, et puis on arrive à ne plus rien faire. Et puis, d’autre part, ça conforte les collègues qui n’ont pas trop envie de bouger parce qu’il y a tellement de contraintes que bon, on s’y lance pas ! Et puis nous, on paraît de l’extérieur, on paraît encore plus pointilleux parce qu’on a beau expliquer aux parents mais bon, certains ont de la peine à comprendre ce genre de choses. Ils ont l’air de dire qu’on cherche vraiment les poux dans la tête, c’est pas possible. Alors donc, j’ai connu cette direction que j’ai eue à 7 classes sans décharge. 3 ans après, j’ai eu une classe supplémentaire, donc 8 classes permettaient un quart de décharge : ils ont descendu les normes de direction à 6 classes. Donc en descendant à 6 classes, de toutes façons j’avais droit à mon quart de décharge. Et puis après, je suis resté jusqu’à il y a deux ans (rentrée 96), parce que ça fait ma 2ème année que j’attaque à V., où j’ai postulé pour une demi-décharge parce que je suis arrivé à 9 classes mais j’arrivais pas au-delà : sur le bassin il y a une population qui est en train de se réduire, donc on est pas prêt d’avoir des créations de postes et on ferme les robinets, quoi. Y aura des transpositions sur une même commune, des transferts, on va redéfinir les secteurs scolaires, on va pas laisser fermer des écoles puis rouvrir une classe ailleurs sur la même commune. Y a des transferts, ça se joue au niveau de la carte scolaire avec les zones. Donc, ce qui s’est passé c’est que, quand je suis arrivé à G. en 86, les temps étaient peut-être moins durs dans le sens qu’on était plus à l’aise au niveau économique, y avait moins de problèmes sur le bassin parce qu’on a été touché après la majeure partie de la France parce qu’on avait l’attrait de la Suisse. Mais y avait une population pour donner une idée de la population sur le secteur de la Suisse et France, juste où j’agissais, qui était une population de gens transplantés la plupart du temps, des gens qui venaient par attrait de la Suisse et qui n’étaient pas vraiment de la région, et notamment tout ce qui a été construit sur France, c’est tout des appartements qui étaient en location, et des sociétés de gestion, d’immeubles, etc. qui mettaient à disposition. Quand les gens ont eu des problèmes sur la Suisse, la Suisse s’est pas embarrassée, elle a réexpédié les clients en France, les Français d’abord, et puis ces gens-là, bon ben ils ont quitté l’endroit. Moi j’ai vu des tas de parents partir de G. ; c’est pour ça que j’étais pas prêt d’avoir ma 9ème classe, au contraire on allait plutôt vers une redescente, les parents me dire : “ ben moi je suis de Dunkerque, j’ai un pavillon à Dunkerque mais je suis venu ici... ” Je me souviens d’un parent d’élève qui m’avait dit ça : “ je suis venu ici avec mes trois enfants parce que j’ai une place de boucher à la Migros qui paie vraiment. Et puis bref y a une récession j(e n)’ai plus de travail, ou à la Coop je sais pas, je repars ” il est resté deux mois au chômage ou quelque chose comme ça, deux-trois mois et il m’a dit : “ le temps que mon bail se termine de location à Dunkerque et puis je reprends mon pavillon parce que la vie à Dunkerque est moins chère ”. Lui, en étant chômeur ici, ça coûtait trop cher. Du point de vue économique, les gars ils repartaient chez eux. Et la population de G., ça je le sais aussi par le maire G. avec qui j’avais eu l’occasion de discuter, s’est renouvelée ; par exemple en l’espace de cinq ans, elle s’est renouvelée pour moitié. Entre 86 et 92 ou 87 et 92, pour moitié, c’est-à-dire sur 10 000 habitants il y en a eu pratiquement 5 000 qui ont changé. Et dans un secteur déjà réputé, un secteur un peu difficile, ce secteur de la S., parce que c’est bizarre parce que c’est un paradoxe. Ce secteur de la S., c’est un quartier, quand on doit le voir depuis le sommet de la montagne-là, ou vu d’avion, c’est un quartier de villas avec deux grands ensembles d’immeubles. Ces villas (ne) nous apportent plus de population, comme elles (n’)apportent plus beaucoup de population au collège, quoi que ... peut-être encore un peu, parce que si les gens ont construit y a 20 ans, maintenant les enfants sont grands, c’est terminé, ça (n’) apporte plus. Ce qui nous apporte c’est la mobilité des gens des HLM de la S. et F. Là, c’est le gros des troupes de l’école. Mais la population remplacée en l’espace de 5 ans nous a amené un autre type de population, une population qu’a été une population à problèmes. Des cas sociaux, parce que c’est la Mairie qui a acheté ces appartements-là, justement de sociétés de gestion pour une bouchée de pain. Elle en a fait des meublés et puis maintenant, le directeur que j’étais, faisait, malgré un quart de décharge, faisait surtout du social. Moi, j’étais sans arrêt avec des assistantes sociales ce qui fait que je suis parti, non pas de misère, pas de misère parce que c’est pas vrai, mais je suis parti en disant : “ il faut une demi-décharge ” parce que d’une part je visais un peu ça, et puis c’est quand même un petit peu plus confortable, et puis en même temps mon quart de décharge ne suffisait pas et comme je savais qu’on pouvait pas classer l’école en ZEP, y avait pas bien d’amélioration possible. Et la collègue qui a pris par nécessité parce qu’il y a pas eu d’autre choix possible, personne n’a demandé ce poste-là parce que les directions sont pas recherchées, la collègue qui a pris, au départ elle pleurait comme une madeleine parce qu’elle disait : “ mais dans quelle galère ”. C’est la plus ancienne en grade et sur le poste qui a été nommée d’office, de toutes façons il fallait qu’elle le prenne, elle avait pas d’autre choix possible parce que j’avais même demandé, je fais partie du SE de la FEN et j’avais demandé à O., le responsable, je lui avais dit : “ si elle refuse ? Elle peut toujours refuser mais elle refusera jusqu’à quand ? A la dernière limite le préfet qui nomme les fonctionnaires peut la nommer d’office, et là, elle pourra pas refuser ”. Alors donc, elle a accepté parce que c’est une super collègue, et maintenant elle est en poste et elle se débrouille très bien, mais pour elle c’était un pensum, et ce qui lui tombait sur la tête, c’était affreux, c’était ... Un poste qu’est pas demandé. Voilà un exemple précis des fonctions de directeur qui sont pas recherchées parce que là, les gens savent bien que c’est un coin difficile, on n’y va pas. Et du social, j’ai dû en faire beaucoup : réunions avec les asistantes sociales au moins une fois par mois, des cas de figure, des élèves, des problèmes à traiter la plupart du temps, problèmes socio-économiques qui font que les gens se noient dans un verre d’eau parce qu’ils baissent les bras facilement, ils (ne) réagissent plus. Bon, j’ai vu toutes sortes de choses : une mère d’élève arriver à 5 heures et demie le soir dans mon bureau, plutôt vers la maîtresse, et la maîtresse qui vient me trouver en me disant : “ ben voilà, elle s’est fait jeter par son concubin, elle sait pas où aller, elle se réfugie à l’école ”. Qu’est-ce que je fais avec ça ? Téléphoner aux assistantes sociales, à la mairie pour essayer de retrouver, tomber sur le secrétaire général qui se débrouille de son côté et puis il faut faire, hein ! Moi je veux bien la prendre encore pour lui donner la soupe mais (rire) la soupe populaire hein ! J’ai vu toutes sortes de choses. Et puis, ou un gamin dont le père fait une tentative de suicide, et puis la mère quelques temps après en fait une aussi. Il est en CP ce pauvre gamin, comment voulez-vous que les chances soient égales au départ ? Il a déjà des problèmes d’adultes, il peut pas réussir, c’est pas possible. A 6 ans, il a des problèmes difficiles à résoudre, il s’en sortira pas, les chances sont pas égales hein ! Donc, tout ça a fait que j’ai changé. Mais, je veux dire une chose : dans ces écoles réputées difficiles, en contre partie, parce que tout n’est pas négatif, là, c’est le gros qui fait qu’on est bouffé par le temps qu’on passe au niveau du social, à faire tellement de social qu’il faut bien que ça passe par quelqu’un, faut que ça passe par le directeur, et puis on a la chance d’avoir à côté, quand même maintenant, y a quand même tout le social qui s’est pas mal développé sur les communes alors on peut toujours taper à gauche, à droite. On sait qu’on n’est pas isolé, l’école ne peut plus rester isolée, seule comme ça au milieu en disant : “ tout va bien, tout est très bien ”. On sait qu’on est, comme le disait je sais plus quel ministre, le dernier refuge, le dernier rempart contre maintenant tout ce qui arrive, on risque de se fissurer nous aussi de notre côté, alors on a besoin des partenaires. Là, ça jouait pas mal, sur G. ; en plus à la mairie Mme M. a une fibre sociale je lui reconnais cette qualité hein, parce que je suis pas électeur sur G., je lui reconnais cette qualité, elle va dans le sens du social, elle est assistante sociale donc ... Mais, donc, a contrario, côté positif, c’est que, y a dans ces écoles réputées difficiles, une solidarité qui n’existe pas dans les écoles telles que celle de V., entre les collègues. Bon, tout ça parce que dans ces coins difficiles oh, j’avais une population de l’ordre de 35%, 40% d’immigrés, mais dans les immigrés y a aussi des très bons gamins hein, parce que y a aussi dans les Français des cas sociaux terribles. Donc c’est plus le social qui me gênait que le problème d’avoir des immigrés ou pas, c’est pas véritablement ça. Et puis on avait notre population de gens très très corrects qui donc, qui posaient pas de problèmes. Mais parfois pour, pour 10% de l’effectif, on y passe 70% de notre temps. Donc y a une disproportion terrible. Alors, à côté de ça, on a en retour, comme on doit trouver des solutions par nous-mêmes, parce que ça passera pas par les parents les solutions, dans ces coins durs comme ça : eux souvent ils démissionnent avant, ils sont dépassés, donc les solutions elles passent par les instits, y a souvent dans ces coins durs des équipes d’instits super motivés et vraiment solides. Solidaires et avec lesquels on peut vraiment faire du boulot. Je reconnais qu’à G. j’ai lâché une école où ça marchait, parce que j’y suis pas pour quelque chose parce que c’est une équipe hein ! Y a donc les collègues qui étaient derrière, et la collègue qui a pris la suite elle a été aussi sacrément aidée bien qu’elle ait eu des craintes inouies, c’est Mme M., elle a fait, là en ce moment un travail sur la violence qui est un travail qui est réputé, qui est pris en modèle par l’inspecteur du coin, vraiment tellement c’est quelque chose de recherché. Et c’est vrai qu’il y a un sacré boulot qu’est fait. Alors que dans les écoles comme celle-là, où j’ai une demi-décharge, où on est deux collègues à assurer la direction, et bien justement ça va bien parce que la population est quand même différente de celle de G., on a à peine 10% d’immigrés, on n’a pas 40 enfants étrangers sur 440 élèves donc c’est vraiment très peu. Et bien, on s’aperçoit que, cette fois-ci, ressurgissent les petits égoïsmes de chacun.(rire). C’est vrai hein ! C’est chacun pour soi et Dieu pour tous. Faut pas qu’on en demande trop. A la limite ça va trop bien. Je dois me battre contre certains collègues en disant : “ mais vous vous plaignez, on se plaint trop facilement en disant : moi je viens d’ailleurs, c’est pas partout comme ça. Il faudrait peut-être que vous alliez faire un tour dans un coin dur, vous verrez un petit peu, vous revenez, vous serez tout heureux ! Vous verrez pas avec le même oeil, hein ! Parce que finalement en vivant un peu en autarcie, on se remet pas en cause et puis voilà ”. Et là, se remettre en cause aussi à un certain âge, c’est pas mal non plus. Ça oblige de se bousculer, chaque école est spécifique, chaque école a besoin qu’on se fasse d’abord à la pratique de l’école. Après, comme je vous disais, on arrive on peut pas tout chambouler d’un coup donc on prend comme c’est et puis, petit à petit on essaie d’aller vers quelque chose qui progresse. Ici, c’est bien rigoureux, on s’entend bien. On est deux directeurs. La différence, c’est que c’est une chose que j’ai pas connue mais deux directeurs, deux directions, 440 enfants et on se partage les tâches administratives, ce qui va pas mal. Y en a un qui prend le cycle II, l’autre prend le cycle III, y en a un qui fait par exemple la piscine au cycle II et qui s’occupe du ski de piste le mercredi, et moi je m’occupe du ski de fond, je m’occupe de la voile. Et puis, de toute façon on a fait du bon travail ; entre collègues on s’entend bien, au niveau direction c’est impeccable. Au niveau collègues c’est plus difficile à manier parce qu’il y a moins de solidarité. Y a moins de solidarité, et puis y a peut-être plus de présence de parents, qui fait qu’on se méfie un petit peu des parents alors qu’autrement, de l’autre côté (l’ancienne direction) c’était un peu la démobilisation, on les voyait pas beaucoup. De plus, c’est pas les immigrés ou les parents à problèmes qui vont se proposer pour accompagner le ski de fond, ça. Ça leur passe au-dessus de la tête, et puis les immigrés, ça fait pas partie de leur culture. Ici quand on claque des doigts, on a plus facilement la structure qu’arrive en même temps pour pouvoir organiser quelque chose, c’est beaucoup plus facile, je reconnais. Mais le nombre est important, 440 enfants c’est quand même 18 classes, c’est 25 maîtres avec des mi-temps, parce qu’il y a des mi-temps à gérer, des postes rattachés, une RAD, c’est les réseaux d’aide aux enfants en difficulté. Y a un psychologue scolaire, y a un poste d’infirmière aussi. Ça fait un paquet de gens qui gravitent autour de l’école ou dans l’école. Faut être assez structuré et rigoureux parce que, quand on passe l’information ça passe pas de la même manière que dans une petite école.

  • Et sur les enfants ?

  • La population est complètement différente.

  • Vos bons souvenirs sur les enfants, ici, avant ou

  • Oui. Moi je reconnais qu’on pouvait faire facilement plaisir aux enfants dans des coins défavorisés, plus facilement que dans des coins ici, nantis où justement les enfants auraient tendance à faire la fine bouche en disant : “ mais ça, on peut l’avoir autrement ”. Et puis je venais encore, moi je vous l’ai dit, je vous ai expliqué que je venais de L., où à L. c’est encore nettement plus favorisé parce que quand je suis parti de L. pour venir, pour tomber à G., où j’étais instituteur, où j’ai pris une direction, et bien je me souviens à L. c’était un coin sélect où les parents avaient tendance à nous prendre un petit peu pour des gens inférieurs à qui on ... Fallait garder sacrément son poste pour pas se faire marcher dessus. Et puis notamment, je me rappelle une fois, j’avais organisé un voyage en Bretagne d’échange sur 5-6 jours, et puis réciproquement il fallait que les familles ici acceptent de recevoir. Y avait un père d’élève qui avait pas voulu laisser partir son fils en me disant : “ de toute façon nous, on est déjà allé à Disney-World ”, donc d’un air de dire que Disney-World c’était nettement mieux que la Bretagne, hein ce que je proposais. Bon. Et à l’inverse, quand on est à G. dans un coin défavorisé, les gamins vivent ça d’une manière complètement différente, ils attendent qu’on leur propose quelque chose. Je faisais du ski de fond avec ces gamins la journée aux P. mais j’ai plus de satisfaction à faire ce que j’ai fait à G. avec des enfants de la S. que de le faire avec des enfants de V. parce que ceux de V. bon, ils sont vite blasés. Ils peuvent le faire donc c’est pas vraiment un problème. Alors que de l’autre côté, quand on met des petits Magrebins au skating par exemple, et puis qu’ils se débrouillent très bien, et bien le gamin il est sacrément fier. Et bon, on sait que ça passe que par l’école, ça passera pas par les parents. Ici on sait que d’autres choses passent par les parents et qu’ils font presque la fine bouche, hein ! Donc y a tout qui est en rapport. Ceci dit, ça va quand même, je dirais quand même ça va un peu mieux parce qu’il y a plus de suivi, de la part des gens bien qu’on s’aperçoive aussi que ça commence à être touché. Y a des petits problèmes dans certaines familles, ou des gros problèmes socio-économiques, puis des familles éclatées, alors y a quelques difficultés. Mais en fait, c’est encore rien en comparaison de ce que j’ai connu sur G. C’est un peu le début de G., y a donc plus de 10 ans, que je commence à ressentir un peu ici. C’est rien, c’est, ça se gérait encore facilement puisque je faisais ça sans décharge. Puis c’est vrai, à l’époque quand je parle sans décharge, y avait quand même moins de paperasse administrative. Parce qu’au niveau administration, on a été bombardé. Comme je disais y avait les maîtres-directeurs, mais à la suite de ça, ça (?) a été abrogé par Monory, on est passé au système projet d’école puisque la gauche est arrivée et on nous a donné des choses intéressantes mais ils ont donné aussi du boulot ! C’est vrai, les livrets scolaires, des choses qui n’existaient avant, c’est devenu de plus en plus complexe et ça prend de plus en plus de temps hein ! Et bon, l’idée du projet d’école c’est intéressant parce que chaque école a son projet, c’est bien, c’est bien mais c’est souvent décidé à Paris. Et puis, quand il s’agit de le mettre en place à la base, et bien on s’aperçoit que c’est pas toujours tout simple, ça nous prend du temps, c’est de la paperasse, bon des discussions, faut que les gens aient envie. Moi je pars du principe que si parce que l’idée me convient, je rejette pas tout si on monte un projet pour ne pas l’utiliser alors c’est cloche ça, ça veut rien dire du tout. Si on monte un projet, et bien on s’en sert parce qu’on n’a pas travaillé dans le vide. Alors ici on aurait tendance à faire un petit peu des projets pour qu’on s’en serve pas. Alors que la différence G., c’est que si on fait un projet, on s’implique dedans, sachant que la solution elle passe par nous et on le met en place. C’est plus dynamique, c’est plus ... Je crache pas dans la soupe mais je peux vous dire une chose, c’est que l’école de G. par rapport à l’école de V., j’estime que j’ai 5 ans de retard à V. par rapport à ce que j’ai pu mettre en place sur G., parce qu’on avançait beaucoup plus facilement. Au niveau des collègues, les livrets scolaires et le travail en équipe se jouaient mieux à G. qu’ici. Y a des choses très bien dans ce qui a été mis en place avec le principe de travailler par cycles. Moi je travaillais bien par cycles sur G., c’est tellement facile, on décide un programme de travail au début de chaque demi-trimestre, on évalue ensemble sur le demi-trimestre ou dans la période du demi-trimestre entre 2 maîtres ou 3 maîtres, on se met des exercices en commun, on sait qu’on peut construire une grille de travail qui va nous servir cette année mais l’année prochaine aussi ce sera plus facile. Et bien ici, chacun, tout le monde a des talents, des compétences mais chacun préfère jouer dans son petit jardin sans vouloir les mettre, on trouve que c’est pas forcément utile. Et ça bouge depuis cette année. Et l’année passée j’étais arrivé à me dire, dans le cycle III ça bougeait dans le cycle II parce que j’ai un collègue qui est, qui a la haute direction et qui était un maître de CP donc il est IMF donc il a fait bouger mais dans le cycle III il a essayé aussi dans le cycle III, il a dit : “ j’arrive pas à les faire bouger ”. Alors moi, on s’y met à deux, on noyaute le système, c’est-à-dire moi j’ai des CM 2, on essaye de faire jouer les tentacules pour arriver à faire l’attirance de tous les CM 2, et puis lui il a les CE 2, il fait la même chose et on espère que les CM 1 seront obligés de s’impliquer. C’est pas facile, c’est un boulot de longue haleine ça, on n’y arrivera pas, sur quelques années je pense mais pas avant. Et puis que dire d’une grande école comme ça ... (on manque d’effectif en personnel) parce que B. (un collège) c’est 450 gamins mais on n’a pas l’infrastructure qui va avec alors qu’eux ils peuvent avoir un conseiller d’orientation, deux-trois secrétaires, etc. Nous, on est deux directeurs, point, c’est tout. Alors là, l’ordinateur ça marche à tour de bras, tout est informatisé bon parce que je suis assez passionné de ça et puis quand je suis arrivé dans cette école, il y avait un directeur qui utilisait pas l’informatique. Maintenant les directeurs, il faut qu’ils passent à l’informatique. Autrement, on (ne) peut plus y arriver sans ça. C’est comme pour gérer une entreprise uniquement par des fiches comptables qui sont jamais à jour, avec l’ordinateur on est sûr que tout est à jour. Et puis, la saisie est très longue mais le gain de temps après, on se récupère hein. Au niveau des gamins bon, ben on fait des choses assez extraordinaires. Là, y a quand même des moyens différents parce que ... on a des moyens de faire parce qu’il y a des parents là je vais partir en Camargue trois jours, y a des projets quand même qui existent depuis des années, les CM 2 par exemple font de la voile, c’est une activité payante, c’est pendant le temps scolaire mais bon, on n’a pas beaucoup d’absentéisme, généralement tout le monde participe. Il faut qu’on se décarcasse pour trouver les sous, la mairie nous en donne une partie elle donne 150 F. sur les 600 F. que ça coûte. Le reste, on demande une participation aux familles, on va vendre des sapins à Noël, on va à la foire, on fait des tas d’actions, des boules de Noël, des décorations. Faut que les instits se prostituent entre guillemets pour arriver à faire entrer un peu d’argent, mais, bon. Y en a qui marchent, y en a qui marchent pas. Ici y a un petit peu ce qui se passe, un petit peu, oui, manque de solidarité je trouve. Parce que c’est vrai que ce serait pourtant facile moi j’aime bien la cohérence qui existe au niveau d’un cours ou d’un cycle ou d’un ... je trouve que ça joue parce que c’est plus facile après quand, oh je m’ennuie pas hein, quand y a les parents qui sont pas d’accord ou qui demandent pourquoi tel instit veut pas faire, moi je les renvoie vers l’instit et puis ils se débrouillent avec eux. Parce que c’est son problème, s’il veut pas être cohérent, bon ben d’accord mais il gère le problème tout seul, j’ai pas à le gérer pour lui. Bon, la mairie paie le ski de fond entièrement, c’est des budgets énormes, bon 72 000 F. l’année passée ça a coûté, ski de fond gratuit. C’est pour ça que je dis : y a quand même des possibilités énormes, même par rapport à G. où on demandait une petite participation financière. Là c’est tout gratuit et vous avez des enfants qui font la fine bouche ! Parce que c’est trop facile. Quand ça devient tout gratuit, ça devient presque dévalorisé, c’est ... bon. Nous, on demande 200 F. par exemple pour une semaine de voile, y a des écoles qui demandent beaucoup plus alentour hein, j’avais mon fils qui était à B., l’an dernier ils demandaient 350 F. pour le même séjour, bon. Ça paie, du moment que les parents paient, moi j’essaie de rester à un seuil raisonnable parce qu’on s’aperçoit aussi que ... y a des problèmes socio-économiques qu’arrivent petit à petit hein ! Toutes les familles sont pas non plus nanties.

  • Est-ce que vous recevez parfois des stagiaires ?

  • D’IUFM, oui, oui. Alors on en reçoit en stage d’observation, parce que moi je suis pas IMF mais j’ai mon collègue qui est IMF là. Alors lui en ce moment il en a deux, en stage de situation et puis il les laisse un peu prendre la classe à certains moments. Et puis il les reçoit après en situation c’est plutôt le mois de juin, mai-juin c’est leur 2ème ou 3ème stage, ils ont un stage par trimestre, oui. Alors là, il les laisse un peu plus faire. Alors lui, il a, il a un tiers de décharge en tant qu’IMF et un quart de décharge parce qu’il a 8 classes et non 10 comme moi, donc ça fait un quart. Jusqu’à 9 classes, ça fait un quart. En fait il est perdant avec ce qu’il fait, parce que si vous faites le total ça fait 4/7, 4/7 c’est plus qu’un demi, il est perdant sur des heures mais bon ... il est aussi passionné. Là, les stagiaires elles viennent d’arriver. Y a quelques années quand j’étais à G., on faisait partie d’un réseau de stage. Là encore, cette solidarité avait joué sur toute l’école, on était bien disposé à devenir réseau de stage et on avait été répertorié sur un petit bouquin de l’Education nationale, on a reçu même une année 19 stagiaires, c’était énorme, c’était vraiment énorme. Du moment qu’on est preneur alors ils étaient contents de nous les envoyer. Et puis après y a eu ce système de prof d’écoles je vous parle de ça, y a quand même trois quatre ans y a eu des profs d’écoles. Moi je sais que j’avais passé le concours parce que je suis instituteur, donc j’ai passé le concours. Et puis ce concours, c’était un concours interne mais comme tout concours je l’ai pas eu. Y a un nombre de places, ils en avaient pris 22 la 1ère année j’ai passé la 1ère année en disant : “ c’est un peu flou, faut que je le passe ”. 22 sur 118 qu’on était présenté. Et puis je me suis dit, je l’avais dit à l’inspectrice : “ alors bon je l’ai pas eu mais au vu des notes, j’avais trouvé qu’elles étaient vraiment ... ” j’avais dit : “ écoutez, moi, on est réseau de stage jusqu’à maintenant, on a toujours pris des stagiaires et j’ai fait du bon boulot avec eux, avec les IUFM 1ère année. J’avais dit, moi je suis pas d’accord de former des profs d’écoles alors que je ne suis qu’un instit et puisque je suis refusé au stage de prof d’écoles. Il faut quand même être logique. Bon je demande pas qu’on me le donne, mais au vu de la note j’estime que je suis, bon, vraiment je suis fort déçu de la note donc je vois pas pourquoi je continuerai dans ce sens-là ”. Et puis l’année suivante, et bien je suis parti à V. alors mais j’avais marqué le coup parce que c’est vrai qu’on peut en avoir sec. Bon, elle m’avait dit : “ mais vous en faites pas, c’est un concours ”. C’est vrai qu’un concours y a des places limitées. Mais franchement, quand on met ces systèmes-là, on fait des aigris aussi, hein ! Faut savoir, en haut c’est facile : ils pondent des textes là-bas au Ministère et puis bon, quand on les applique à la base, et bien on s’aperçoit pas du décalage qu’il peut y avoir. Alors ici j’en ai pas. J’en prends pas. Il y a l’IMF qui prend en situation des élèves de l’IUFM, et puis y a une collègue qui en prend aussi, mais elle en a bien moins, voilà. Autrement les autres sont pas trop demandeurs mais c’est vrai que pour l’avoir expérimenté je trouvais qu’on pouvait faire du bon travail avec ces gens-là aussi. Et puis c’est intéressant. Et je me souviens d’un qui avait fait une enquête sur le travail de groupe que je faisais en classe j’aime bien travailler en groupe en classe donc moi j’ai la classe à mi-temps maintenant et c’est intéressant quand même de faire des groupes, du travail de groupe, c’est enrichissant, et puis changer un peu la disposition traditionnelle c’est très traditionnaliste ici hein bon, y a du bon mais on peut de temps en temps bouger aussi hein ! On n’est pas toujours obligé ... Et puis je dis pas que le moderne c’est forcément la réussite mais je me souviens d’un collègue qu’avait fait après 8 jours dans ma classe, qu’avait fait un super rapport sur le travail en groupe et une enquête auprès des gamins : les gamins appréciaient beaucoup le travail en groupe. Et puis l’année passée, j’ai eu une année difficile, une 1ère année c’est assez difficile parce qu’on a le recul d’avant, on peut pas sans arrêt dire auprès des collègue d’ici, du nouveau poste : “ ben je faisais comme ci, je faisais comme ça ” parce qu’on va finir par se faire mal voir, par se faire rentrer dedans, on peut pas tout transposer, j’avais déjà entendu ça quelque part. On peut pas tout transposer ce qui existait là-bas, chaque école est spécifique hein ! Donc faut se faire un peu à ... Mais se remettre en cause c’est pas toujours simple non plus. Et maintenant je pense pas que je vais me remettre en cause souvent dans les 8 ans qui me restent parce que j’ai aussi l’envie d’être, non pas tranquille on n’est jamais tranquille, on n’est jamais tranquille parce que le matin j’ai déjà plein de bouts de papier sur mon bureau le matin quand j’arrive, bon j’ai un ordre du jour établi parce que je travaille à mi-temps mais très souvent j’arrive pas à le suivre parce que j’ai toujours des rangements autres, des choses qui arrivent, un maître absent, quelqu’un de la Mairie, toujours des tas de choses à régler qui, sur lesquelles on compte pas forcément et puis qu’arrivent hein ! Alors je sais pas si j’ai répondu à beaucoup de choses ? En conclusion je suis pas mécontent du statut de directeur que j’ai, on peut dire qu’à l’heure payée par exemple, en indemnités de direction je touche, pour une école de 10 classes, 1400 F. à peu près de plus, mais à l’heure payée je suis nettement moins payé par exemple qu’un plombier parce qu’à l’heure du plombier à 180 F. de l’heure, ou de l’électricien, et bien j’ai vite épuisé mes 1400 F. Ce qui fait qu’à la fin d’une semaine, ben si je dois me, rester confiné dans ma classe, le boulot s’empile puis ça sera une catastrophe. Alors les heures on les (ne) compte plus. Quand on parle de 35 heures maintenant, moi je rigole parce qu’avec mon collègue on se dit : “ ben 35 heures tous les deux, va falloir prendre un 3ème directeur parce qu’on n’est pas prêt d’y arriver ! ” (rire) Aux horaires c’est facilement moi je suis plutôt, puisque je pose mon gamin au lycée, disons que je viens à partir de 8 heures 10 à peu près et puis je reste à l’école y a toujours quelqu’un, y a toujours un directeur jusqu’à 7 heures 7 heures et demie. C’est facile, hein ! avec toutes les réunions qui vont avec. Quant à lui, il est plutôt du matin, ça lui arrive très souvent d’être là à 6 heures et demie. Et puis entre midi et deux, on essaie de faire la coupure entre midi et deux. C’est pas facile hein, ça fait un nombre d’heures impressionnant, je trouve que c’est impressionnant. Et puis si on se laisse dépasser par le travail, c’est une catastrophe pour se remettre à flot. Après on a une peine inouie à refaire surface. Alors bon ... Alors s’il y a pas une reconnaissance alors je sais pas vers quoi on va mais à mon avis avec les nouveaux textes de notre Ministre et les nouvelles responsabilités qu’on nous donne, parce qu’on nous en donne de plus en plus, l’habilitation des projets ça (ne) va plus être l’IEN qui va faire ça, ça va être le directeur, il va en prendre encore un peu plus sous le bonnet, je crois penser ou savoir qu’on va aller vers un statut de chef d’établissement, on va aller vers un statut comme ça, hein. Et puis avec les nouveaux emplois jeunes, je me demande s’il va pas y avoir un changement : les maîtres vont rester dans leurs classes et les emplois-jeunes, comme ça doit déboucher sur des emplois, est-ce que ça va pas être eux qui vont prendre en charge tout ce qui est activités sportives, un peu travail à la manière allemande l’après-midi, des activités ... Je sais pas mais ... et puis le directeur qui devient là le manager par dessus. Parce que le directeur, c’est déjà par nature un animateur. Alors faut déjà, il est animateur, il doit devenir policier, il est administratif, il commence à en faire beaucoup le directeur ! Et puis pour le salaire, et bien c’est pas bien valorisant. Et 11 ans après je me dis : “ je sais pas si je prends pas une place de zilien dans quelques années parce qu’au salaire, comme je le disais au début, et indemnités, bon après tout, nos gamins c’est maintenant qu’on a besoin d’argent parce que nos gamins commencent à réclamer. Quand on sera à la retraite on sera peut-être bien nantis, après tout tant pis pour les ... ce qui compte pas pour la retraite mais on a l’argent tout de suite. C’est peut-être voir à courte vue mais bon, des fois on sait pas bien ce qu’il faut faire parce que je doute ça m’arrive de douter plus d’une fois ! et de me dire : “ qu’est-ce que je fais ? Je continue ou pas ? ”