Deuxième entretien

C’est assez pointu comme question, parce que c’est plutôt orienté personnel non ? Alors que, jusqu’à maintenant ça l’était pas trop. Bon, ceci dit, je vais quand même vous répondre en partie aux questions parce que je vois pas pourquoi, non c ’est vrai. Y a une anecdote qui me revient à l’instant là, quand vous me dites ça. Je suis fils d’ouvrier, et lorsqu’en CP j’étais chez une maîtresse à l’époque à l’école à A., elle s’appelait Melle C., j’avais eu un mois où j’avais mal travaillé. Et mon père, qui est décolleteur, décolleteur, qui travaillait donc sur des outils, des meules, qui passait me prendre à 11 heures et demie et qui me remontait à l’école parce qu’on habitait sur la route de B. donc (il n’) y avait que cette école je me souviens, il m’avait apporté une meule en disant : “ ben écoute, si tu travailles pas bien, et bien tu seras rémouleur ”. Ça avait flashé, j’en ai encore le souvenir maintenant (rire), j’avais six ans. Le mois suivant j’avais travaillé mais j’en avais beaucoup pleuré de cette affaire-là (rire). Et puis, une autre affaire qui me revient parce qu’après j’ai, j’ai eu un parcours, je vous l’ai dit, j’ai fait pas mal de choses mais j’avais quand même cette fibre, l’envie de devenir enseignant. Lorsque j’étais en 4ème, j’étais en 4ème au lycée à A., avec un professeur d’italien j’avais choisi la langue : italien comme deuxième langue elle avait organisé, cette dame qui était un professeur de Genève, qui avait les moyens quoi, elle personnellement elle vivait très bien, je me rappelle elle avait beaucoup de bijoux, ça frappe parce qu’ils brillaient par exemple -, elle avait organisé un voyage à Venise pour des vacances de Pâques. Et là, il fallait payer, on n’était pas à l’époque des sorties, des voyages scolaires comme ça. Ça commençait mais il fallait payer, il fallait payer un prix fort, y avait pas des subventions qui étaient demandées. Et moi, quand j’étais retourné chez moi pour présenter la chose à mes parents, j’avais dit à mon père, j’avais dit : “ ben voilà, y a quelque chose qui existe, j’aimerai bien y participer ”. C’était en 4ème, on était déjà un petit peu plus évolué. Et mon père m’a dit : “ nous, on peut pas te payer ça, c’est pas possible, c’est trop cher ”. J’en avais pleuré là encore, j’étais en 4ème, et ça, ça m’avait ça fait partie des mauvais souvenirs mais j’ai toujours cette idée-là quand je fais quelque chose au niveau de l’école, au niveau des groupes, des sorties. On va faire une sortie en Camargue, on fait de la voile, je veux absolument que tout le monde y participe parce que, être resté sur la touche, ça laisse un goût amer, de quelque chose qui passe mal avec le prof après. Seuls pouvaient y aller l’élite. Et je me rappelle, ceux qui pouvaient y aller. Ben, y avait un fils d’avocat, y avait un fils de directeur de société, y avait des gens qu’avaient des sous. Et moi je pouvais pas y aller, comme 3 ou 4 autres aussi. Alors ça, ça fait partie des, des, des choses que je garde profondément ancrées en moi. Alors là, hein, c’est vrai. Autrement, bon en 6 ème, là, peut-être la 1ère colle qui fait un peu drôle quoi (rire). Bon, ça, j’avais pas bien apprécié, j’avais trouvé que c’était injuste. Bon, une chose banale quoi. Ça laisse pas un goût de, non de quelque chose qui vraiment. Après tout, on en rigole après réflexion en ayant mûri mais en ayant mûri voyez, y a toujours ces expériences-là qui frappent. Quand on nous élimine par, parce que là j’avais senti qu’il y avait une différence par, selon le milieu. Et puis si, quand j’ai fait deux ans de fac en maths et physique, quand je suis arrivé en fac à Lyon, quand je me suis inscrit, je me rappelle, j’étais passé vers une secrétaire à l’époque, voyez en 69, oui c’est ça, qui m’avait dit quand elle avait vu le nom des parents : décolleteur, elle me dit : “ Ah décolleteur, c’est ferrailleur ? ” Bon, elle était peut-être de Lyon, elle savait peut-être pas bien ce qu’était le décolletage mais ça, ça frappe aussi. On se dit : “ ben tiens, il doit pas y en avoir beaucoup de fils de décolleteurs en fac ” (rire). J’en rigole un petit peu maintenant mais sur le moment j’avais accusé un peu le coup, j’avais quand même dit : “ ben dis donc, soit elle est pas bien évoluée, soit vraiment y a ... ” Voilà. Je vois pas autre chose. Là, vous me prenez un peu à brûle-pourpoint. Autrement, la scolarité s’est toujours assez bien passée. J’ai, bon j’étais, assez bon élève, sans prétention mais ça marchait pas trop mal jusqu’à la 2ème année de fac. L’idée, la 2ème année de fac que j’ai pas voulu refaire s’explique un peu parce que je voyais ma mère qui était, qui faisait des ménages, et puis mon père qui faisait des heures aussi supplémentaires, j’avais un frère qu’était en terminale. Fils d’ouvrier, on avait pas droit aux bourses parce que, là encore y a une forme d’injustice, parce qu’il dépassait un certain plafond alors que j’avais une copine qui était à N. dont les parents tenaient un café et avaient une ferme, elle, elle avait droit à tout. Je trouvais, y avait une forme d’injustice. Un peu là, justice-injustice, ça me touche beaucoup hein ! Voilà. Mauvais souvenirs, c’est les seuls, je, non je vois pas autrement. Les punitions, les punitions j’en ai pas eu, j’ai vu des copains qu’étaient punis alors moi ça me faisait rire. Je me souviens du ramoneur qui passe chez moi maintenant, un nommé B., et puis qui me disait : “ Oh, toi t’étais bon à l’école mais tu te rappelles le nombre de coups de règle que j’ai pris avec Mr M. ”. Bon à l’école des H. parce que j’ai commencé à l’école des H. l’année où ils l’ont ouverte, c’est-à-dire en 1960, oui, en CM 2. C’est tout. Autrement non. Des bons souvenirs, ben, oui, j’étais fier, quand y avait encore des distributions de prix je me rappelle, j’ai eu souvent des prix d’excellence, je reconnais. C’était, ça faisait la fierté de mes parents en même temps, et puis moi je bûchais pour y arriver vraiment. Je me battais avec un, j’étais dans une classe et j’ai suivi longtemps un copain de la route de B. qui est instituteur maintenant du côté d’A., Et avec ce Jean Marc on était à cheval, soit premier, soit deuxième l’un et l’autre. On était en primaire alors, c’était un petit peu à l’arraché qu’on se disputait les places, y avait une certaine émulation, c’était pas mal. Je suis pas vraiment déçu du résultat parce que de toute façon mes parents ils disaient bien hein : “ que tu sois premier ou deuxième, pour nous ça n’a pas d’importance. L’important c’est que tu travailles bien ”. 6ème, 5ème, 4ème, sans trop de difficultés. En bon souvenir, j’aimais bien en terminale, parce que j’étais assez bon en maths, j’aimais bien, j’allais à l’école de E. parce qu’on était un bon groupe de copains et de copines. Et puis à l’école d’E. y avait Mme G. qui était la directrice, j’étais avec son fils en classe. Et on faisait les devoirs de maths ensemble, et de physique ensemble. Souvent, mes devoirs ils passaient un petit peu partout, ça marchait pas trop mal, quoi ! Et puis après en étant (téléphone) . Oui, après je trouve que j’avais fait un bac D, donc faire maths-physique c’est-à-dire un DEUG A, c’était devenu trop dur. C’est à la fois bien et pas bien d’être bon parce que, ou d’avoir des satisfactions parce que, parce qu’on a un peu de facilités mais si on choisit mal sa section et bien on se fourvoie, et puis on a le risque de pas y arriver quoi. Non, je vois pas autrement.

Vous faisiez quoi comme jeux quand vous étiez

Comme jeux quand j’étais gamin ? Je me souviens d’un train électrique que mes parents m’avaient offert, un train à piles. Ça m’avait fait très plaisir, ce train électrique parce que c’est vrai que, pour une famille pas toujours favorisée, un train électrique ça représentait quelque chose de bien, oui. J’ai jamais manqué de rien, hein ! Non j’étais, les parents ont toujours fait le maximum. Et puis, mon père avait une petite maison à A., qu’il a toujours. Une petite maison, une maison quoi ! Donc il voulait arriver aussi à un certain niveau. Et pour lui, par exemple, avoir des enfants qui ont eu tous les deux le bac on est deux frères, bon mon frère a deux ans d’écart avec moi c’est un peu une promotion, une satisfaction. Ça représente quelque chose pour lui. C’est dingue ce que ça a donné comme idée parce que ... Oh, il est pas, c’est pas une fierté au point d’être une prétention mais quand même, il a , il a ce petit côté d’avoir réussi une éducation pour ses enfants. On a dû se débrouiller tout seuls parce que c’était pas toujours, je pense qu’on était pas les seules familles où ça se passe, hein, c’est ... Maintenant, avec les nôtres, avec mes enfants, d’une part je suis plus exigent et je trouve qu’ils ont des facilités que moi j’avais pas des facilités parce que je peux aider, je l’aide en seconde, je reconnais, je fais les maths et la physique avec lui, encore faut pas le laisser tomber pour parce qu’il a besoin d’être un petit peu stimulé, il est un peu ... pas lymphatique mais il aurait tendance à se contenter du minimum. Je crois que c’est un peu un signe des temps maintenant (rire) les élèves bûcheurs, c’est dur à trouver, hein ! Ça existe mais ... Vous en avez un je pense ?

  • J’ai cru comprendre que dans la classe, c’était plutôt l’exception (rire)

  • Enfin bon, on est derrière. Je me souviens que, quand je devais faire les devoirs, dès la quatrième c’était tout seul et c’était pas toujours simple. Je demandais bien des conseils à ma mère, qui avait qu’un certificat d’études et elle était brillante en français par contre, elle était brillante en français, ça valait le coup de (téléphone). C’est vrai que (le travail de directeur), c’est une fonction finalement assez prenante et bon ...

  • Je parlais aussi des jeux que vous faisiez

  • Et bien figurez-vous que, figurez-vous que là, j’ai comme demi-décharge, puisque je suis en demi-décharge administrative maintenant, je travaille à mi-temps, 12 heures par jour, c’est comme ça le mi-temps (rire) ? J’ai une petite, une grande puisqu’elle a deux ans de plus que moi, mais qu’était une voisine de quartier, qu’habitait la maison à côté de chez mes parents. Puisque nous habitions, mes parents habitent toujours, elle, elle a repris la maison de ses parents, vers M. vous voyez où c’est sur la route de B. Et bien, on jouait, on faisait des parties de ballon prisonnier, le soir, en été quoi. Oh puis peut-être même dès la fin février. Et bien je la retrouve, figurez-vous, depuis deux ans, c’est ma collègue qui assure ma demi-décharge. C’est sympa ! Parce qu’on se trouve comme ça (rire). Surtout qu’on s’entendait très bien, ça vaut le coup. Le hasard de la vie parfois hein ! Autrement ... J’ai toujours été, ah, j’ai une passion : la mécanique. J’aime bien tout ce qui est automobile, tout ce qui est, c’est bizarre hein ! Mais j’adore bricoler tout ce qui est mécanique, tout ce qui est .. Alors déjà tout gamin, j’aimais bien les mécanos, j’aimais bien ce genre de choses-là. Et maintenant je fais mon entretien de voiture, moi tout seul, je passe pas par les garages, sauf si c’est une boîte de vitesse où quelque chose comme ça. Je vais pas quand même, j’ose pas me lancer dans... et il faut du temps. C’est vrai que je fais beaucoup comme ça avec mes mains, ça, j’aimais bien tout ce qui était jeux de construction . Par contre, les jeux de construction, les chalets en bois, les jeux comme ça... j’aimais pas tellement les jeux de société. Oh, j’ai bien joué au Monopoly, j’aimais me dépenser dehors ou jouer avec ces petites voitures là, vous vous rappelez, y avait les dinky-toys, des choses comme ça, alors là j’ai eu fait des... Je me souviens là encore, là chez moi, avec des copains c’étaient des après-midi de jeux comme ça. Tranquille finalement. Pas tellement le jeu, ou alors des jeux de ballon mais pas tellement ... les jeux de société j’ai jamais été branché. D’ailleurs, j’aime pas jouer aux cartes par exemple. Je joue pas. J’ai été à l’armée, je pensais apprendre à jouer aux cartes, j’ai même pas appris à jouer aux cartes. C’est pas mon sport favori. Ça me pompe (rire). Non je suis pas patient. Par contre, au niveau, par exemple travail manuel avec les enfants, j’aime moyennement faire. Ça dépend quand, j’aime bien faire mais je trouve que là on, c’est tellement de boulot de préparation, j’ai eu fait des choses peut-être trop, trop recherchées, des dessous de plat, des choses comme ça. Parce que, coller des carreaux sur du novopan avec de la colle, c’est des petites choses faciles à faire, mais là on s’aperçoit qu’on a des dégourdis et on a des “ manches ”. Et ça demande un tel boulot de préparation : découper à angle avec la boîte à onglets et tout que, (soupir) j(e n)’ai plus le temps. J’évacue ça, je ne sais pas. Je (ne) fais plus. Et puis j(e n)’ plus la patience. Quand je vois certains, en vieillissant peut-être qu’on perd un peu de patience ? aussi en même temps dans ce métier là, justement. Je supporte moins le bruit par exemple. Je suis plus ... oui je vois les petits jeunes, ils arrivent à travailler, ceux qui nous arrivent d’IUFM, c’est très bien, ils arrivent à travailler avec du bruit, ça les gêne pas, moi j’avoue que je (ne) peux plus, je peux pas. Voilà. Qu’est-ce que j’ai d’autre à vous dire ?

  • Et avec votre frère, comment ça se passait ?

  • Ben, ça se passait bien, on s’entendait bien. Lui, il devait être instituteur et en fait il a terminé enfin il termine, il a un travail il était pris pour entrer dans l’enseignement, il a passé le concours d’EN après le bac, et puis il a, il est rentré à l’OMS. Il a changé complètement, oui il a jamais fait d’enseignement, il a un autre salaire que moi (rire). Mais bon. C’est même pas une question d’envie, il a fait ce choix-là, tant mieux pour lui !

  • Et vous aviez beaucoup d’amis autour de vous ?

  • Si, j’avais pas mal de copains sur la route de B., que j’ai retrouvé, là encore ici. L’année passée; le président des parents d’élèves était un gars de la route de B. avec lequel j’étais bien copain quand j’étais bien copain ..., copain disons, parce que des fois on avait des anicroches avec celui-là (rire). mais et puis on ... bon, et puis en adulte pas, on s’entendait très bien, ça s’est beaucoup amélioré (rire). Alors jusqu’à l’année passée parce que j’ai eu son fils en classe, son fils est parti au collège en sixième, il (n’) a plus le droit d’être président, il a remis son mandat. Oui, y avait bien ... Ah si, y avait des jeux, oui y avait des jeux qui n’existent plus, justement maintenant. Parce que on n’ose plus faire faire ça à nos gamins. C’était, par exemple je parle comme ça, hein c’était le jeu vous allez peut-être (rire) trouver bizarre et vous dire : “ celui-là, il est un peu farfelu ” c’était le jeu du... A l’époque, on attachait un porte-monnaie avec du fil de nylon, on mettait ça au milieu de la route et puis on attendait de piéger les passants, ou bien les gens à vélo et on se faisait plaisir avec des petites grands-mères qui s’arrêtaient, qui faisaient demi tour pour un porte-monnaie par terre. Nous, on était derrière un transformateur, on tirait (rire). Des trucs de gamin, quoi. Un jour on s’est fait suivre, pister par quelqu’un qu’a pas lâché le porte-monnaie, le fil, on est parti à toute allure ! C’étaient des jeux méchants quand même au fond, c’étaient des jeux un petit peu, un petit peu ... On n’ose pas le faire, on n’oserait pas que nos gamins fassent ce genre de jeu pour la bonne et simple raison que y a beaucoup plus de circulation maintenant qu’il y en avait à cette époque-là. Sur la route de B. on est toujours obligé de dire à nos enfants : “ faites attention, etc. en traversant, en ci, en ça ”. En vélo ou en mob., on a toujours peur qu’ils se fassent accrocher. Et c’est vrai. Alors qu’il y avait pas une circulation qu’était aussi importante qui le permettait. On le mettait au milieu de la route, on regardait s’il y avait personne, on plantait le décor et puis on riait tout ce qu’on pouvait derrière le transformateur quand on en avait piégé un. Voilà. Alors là, c’étaient des jeux d’équipe. Ou autrement, j’allais jouer, qu’est-ce qu’il y avait ? Y avait des saules parce que quand l’école des H. a été construite, ils n’en ont construite qu’une seule tranche. 1960. Derrière l’école, y avait la fromagerie, y avait pas du tout la zone du P. Je suis un véritable A. Bon, c’est peut-être pas un critère parce que véritable, véritable, ça fait un peu là encore prétentieux, sachant qu’il y a des mélanges de partout, et que c’est de ça qu’on s’enrichit, alors qu’il y en a d’autres qui prêchent le contraire. J’ai pas la prétention de vouloir être le pur et dur hein ! Mais on allait derrière donc cette fromagerie, y avait des saules, toute la zone du P., c’étaient des petits ruisseaux, des champs, des saules, et on jouait dans ces arbres creux. C’était sympa, la bande, hein, bande de copains, de bons copains, je reconnais.

C’étaient des jeux de la campagne.

Oui, c’était ... En fait A. ne s’était pas développé autant, et on était tout de suite dans les champs, et on avait encore cet esprit de campagne. Vous savez, la route de B., après y avait encore un lotissement de maisons en montant sur V. et puis on était tout de suite à V., c’était pas étendu comme ça. Y avait peut-être plus de “ dépense ” qu’on retrouve effectivement à la campagne. Moi quand j’ai commencé, à L. par exemple j’étais surpris que certains enfants, trois filles d’un fermier qui descendaient je trouvais ça bien elles descendaient de B., ça fait un bout depuis L. en descendant par les sentiers, par la forêt. Une, parfois avait rencontré, rencontré des sangliers, et la gamine est rentrée avec un petit peu, un petit peu effrayée mais. Ça lui était arrivé, je me rappelle, de raconter ça. Mais ils se dépensaient ces gamins-là, et nous je pense que c’était aussi de la même manière ou une forme de dépense, nos parents faisaient pas trop attention, et on devait être moins pénible que maintenant, ou alors j’ai vieilli beaucoup au point de trouver, d’avoir ma patience qui s’émousse !

  • Mais c’est vrai qu’ils avaient peut-être plus de facilités pour jouer dehors que maintenant et pour se dépenser

  • Et puis y avait pas la télé hein ! Parce que moi, la télé, mes parents l’ont eue en 69, après le bac, 70, après le bac, oui. Ils voulaient pas de télévision tant qu’on avait pas fait nos études, tant qu’on avait pas passé le bac. Et je me rappelle, on allait quand même voir la télévision, les émissions du mercredi, donc j’avais 13-14, 12-13 ans par là, j’allais voir chez un petit grand-père de la rue d’à côté qui voulait bien nous recevoir. Il était gentil, mes parents le connaissaient. Voilà comment on voyait, on se tenait bien tranquille avec mon frère. Je me rappelle, moi j’étais émerveillé par ça.

  • Et vous aviez des cousins, des oncles, de la famille que

  • Oui, oui. Des cousins, un peu, oui. Oui. Si, un peu. Des cousines, j’en ai deux qui sont dans l’enseignement. Parce qu’on est une famille d’enseignants. Y a 19 enseignants chez moi du côté de mon père, du côté de ma mère alors ça paraît bizarre, d’être fils d’ouvrier mais après beaucoup se sont orientés, je crois que c’est aussi, c’est aussi une promotion hein. Je vois la soeur de ma mère ils ont deux filles, une qui est institutrice à l’école du C., l’autre à l’école du S., j’étais avec elle quand j’étais directeur à G. On s’est retrouvé comme ça mais, si, quand on était gamin, la deuxième, qui a été à l’école du S. a à peu près mon âge donc on faisait des tours de vélo autour de l’église parce que c’était pareil, on pouvait, voilà, c’était le genre de jeu : les tours de vélo autour de, voilà. Chose qu’on n’ose plus faire faire à nos gamins maintenant. Ou alors bon, les petits du quartier du P. qu’on voit tourner en vélo mais les nôtres ... on les confine dans les endroits sans risque, hein ! Et on leur enlève l’initiative peut-être. Parce qu’on a peur. Parce que ... enfin moi je trouve, je me bats un peu avec ma femme des fois pour dire : “ n’insiste pas trop, laisse un peu de liberté ”. Je trouve que c’est vrai, que c’est en confinant trop, que finalement les enfants sont trop assistés. C’est tout juste si des fois on va pas leur mettre la chaise sous les fesses et puis, résultat, ils se confortent dans leur langueur. Bon.

  • Et des grands-parents ? Importants ou pas ?

  • Ben les grands-parents, j(e n)’ai plus que les deux grands-mères, je n’ai pas connu les grands-pères, alors. Oui, ça se passait bien. Elles nous gardaient comme ça. Y en avait une qu’habitait près de l’église, alors ça allait bien. Y avait aussi la garde comme ça qui se faisait quand ... On était plus quand même, on était plus (davantage) dans les familles. Maintenant on utilise, moi, j’utilise maintenant les gamins commencent à être grands, le dernier est en sixième on utilise plus les services des grands-parents, c’est vrai, si on les a sur place, que je pense, ils les utilisaient. De la même façon que, faut dire que parce que les femmes travaillaient moins. Peut-être, y a aussi ça. Changement de société, hein ! Oui. Je crois que j’ai fait le tour de la question. Les grands-parents oui, d’un côté ou de l’autre ça se passait bien, hein ! Les cousins qu’on voyait de temps en temps. Et puis sans problème, on aimait bien s’amuser aussi. Et c’était surtout le quartier, c’était la vie sur le quartier. Et on avait fini les devoirs le soir parce qu’il y avait toujours des devoirs à cette époque-là on finissait les devoirs, je les faisais consciencieusement, ça marchait pas trop mal, et puis après j’aimais bien sortir pour aller voir la copine qu’est maintenant ici, et y avait toute une équipe hein ! On se mettait d’accord d’un jour à l’autre pour faire la prochaine partie de ballon prisonnier, ça, c’était le jeu.

  • Les devoirs ils étaient interdits depuis décembre 56

  • Peut-être mais on en a toujours eu. Et puis, quand les gamins arrivent 6ème, le gros problème. Enfin j’ai proposé à la réunion de parents justement : qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on donne un petit peu, une conjugaison, une table de multiplication comme ça ?. Ça vient à la place d’une leçon ou d’un devoir. Bon, parce que y a quand même le passage en 6ème où ça fait un gros saut et là ils, en principe les professeurs n’hésitent pas trop hein, ils en donnent assez facilement. Alors, généralement, on a plutôt les parents qui disent oui. Ceci dit, pour les faire faire, on a plutôt les parents qui les font pas faire hein ! Non, ici j’ai une population où les gens sont consciencieux et s’occupent bien de leurs gamins mais à G. par exemple, à G. c’était le HLM : “ nous n’avons pas les mêmes valeurs ” là, une certaine culture, bon.

  • Et puis ils pouvaient peut-être pas aussi

  • Ils pouvaient peut-être pas. Non mais y avait aussi, y a pas que des cultures différentes, y a aussi des familles en détresse, françaises et qui se démobilisent aussi. Qui se démobilisent parce qu’on voyait, ils se démobilisent hein. Je sais pas s’ils peuvent pas ou s’ils ... Un rien, ils se noient dans un verre d’eau. Et c’est vrai qu’on n’a pas le droit, on n’a pas le droit de le faire. Alors donc on n’exige pas comme ça, on va chercher à mettre en place des structures. Là, je travaille par exemple, je travaille bien moins avec les maisons de quartier parce que ça se justifie moins, et puis c’est pas une demande de la part des instits alors que, sur G., les solutions passaient souvent par nous et fallait agir. On se mettait en rapport avec la maison de quartier pour montrer qu’il y avait un lien, maison de quartier, la maison de quartier-l’école, pour donner un coin tranquille aux gamins qui pouvaient pas le faire, par exemple, chez eux parce que les enfants sont trop nombreux, ou parce que la maman peut pas aider. Ou parce qu’il y a démobilisation. On trouvait un palliatif. C’est vrai que c’est comme ça, souvent par ces solutions, qu’on aidait les cas difficiles. Les solutions passant par les maîtres. Voilà.