Deuxième entretien

Oui, ben on va commencer par l’école. Alors ... des souvenirs d’enfance, enfin des souvenirs d’école lorsque j’étais petite. Ce sont plus (davantage) des images, notamment à la maternelle, des images de maîtresse. En fait, j’ai une image d’une maîtresse en noir, c’était des couleurs. Y avait une maîtresse en noir, apparemment c’était la directrice et je ne sais même pas si je l’ai eue. Donc apparemment, si c’était assez, elle devait m’effrayer un petit peu, celle-là (rire) ... Sinon dans les relations avec les maîtresses en maternelle, j’ai pas, peu de souvenirs, ni bons, ni mauvais sauf cette maîtresse qui semblait un peu m’effrayer. Des images comme dans la cour où elle devait me gronder. Après, avec les camarades, moi j’étais pas leader dans un groupe, je suivais. Donc quand le groupe allait bien, eh bien tout allait bien ; et quand le groupe allait mal, eh bien je me mettais sur le côté, j’attendais que ça revienne. Et voilà, en maternelle, c’est pas, c’est pas très clair en fait. Et même, ce sera pareil avec la famille, j’ai pas ... Ça doit s’analyser ça, mais (rire) ... (Téléphone) Voilà. Alors après, arrivée à l’école primaire, des souvenirs, moi j’ai des souvenirs en CP : une maîtresse très gentille mais moi j’étais un peu angoissée dans l’école. En fait, moi je sais pas tout à fait ce que je fais dans une école (rire) parce que j’ai toujours été, ça a été une horreur. L’école pour moi quand j’étais petite, quand j’y allais, je traînais les pieds et la lecture pour moi, semble-t-il, devait être assez difficile, j’avais du mal donc j’étais angoissée. Quand il fallait lire à haute voix, bon j’étais aussi timide. Et je me souviens d’une chose on ne me l’a pas redit c’est un souvenir personnel quand il fallait lire à haute voix, quand elle disait : “ prenez vos livres, on va lire ”, je me cachais sous la table, dans le casier comme si, je faisais comme ça comme si je cherchais le livre, comme si je le trouvais pas et je me disais : “ elle va bien, elle ne me verra pas ” alors que c’est, que ce sont ces enfants-là qu’on voit tout de suite, et qu’on interroge (rire). Donc ça, ça marchait pas mais je le faisais. L’autruche, c’était vraiment l’autruche. Après en CE 1 et en CE 2, j’ai eu la même maîtresse pour les deux cours et ... un plaisir à l’écouter cette fois-ci. J’avais plaisir à bon je crois que j’étais asssez bonne élève après quand la lecture s’est mise en place et elle nous racontait notamment tout, l’histoire, la géo, enfin tout l’éveil c’était çà : un peu des histoires en fait. Elle nous racontait vraiment des histoires, j’étais un peu en admiration devant cette maîtresse. J’ai rarement eu, après j’ai rarement retrouvé ça. Je crois que c’est elle le noeud, vraiment ce doit être à ce moment-là que je me suis dit “ je serai maîtresse ”. Peut-être comme tous les petits, quand on est petit, quand on commence à avoir un référent. Et, alors là, avec les copains, ben ça restait pareil, j’étais, j’étais pas intégrée dans une bande. On était deux ou trois petites filles, et puis on s’amusait ensemble, on n’habitait pas très très loin, donc on se revoyait après, on jouait ensemble dans la cour tranquillement. Et puis dans la classe, ben bon comme je n’intervenais pas trop, j’étais discrète, je passais, j’avais de bons résultats, j’étais considérée mais je restais très très discrète. Alors après, CM 1-CM 2, je n’ai aucun souvenir scolaire. Bon, je me souviens de ma maîtresse de CM 2 parce que je l’ai revue quand j’ai fait un stage, le premier stage je crois en responsabilité. Donc je suis allée dans l’école où j’étais et elle était là. Ça fait drôle d’ailleurs (rire) de retrouver sa maîtresse. Donc je me souviens très bien de son visage, j’ai aucun souvenir d’école avec cette personne, et même avec la maîtresse de CM 1. Et puis je retrouvais, bon, tout au long de la scolarité enfin primaire on va retrouver les mêmes copains donc ça restait le même groupe, on s’est toujours bien entendu. Alors au collège, au collège avec les profs ... c’est peut-être à ce moment-là que ma timidité, tout ce qui est ... ma discrétion, le fait que j’étais dans un coin est vraiment ressorti parce que là, ils me bougeaient les profs alors qu’avant, bon ils faisaient avec ce qu’ils avaient. Les enseignants nous connaissent, enfin à l’école primaire les enseignants parlent entre eux, savent très bien comment on fonctionne et bougent peut-être moins directement les élèves ou en tiennent compte. Voilà. Alors que là, bon ben allez, il fallait se bouger, il fallait ...

  • Et ça vous laisse quoi comme souvenir ?

  • Bon, pas de bons souvenirs hein, quand on, quand un prof commence à se moquer de vous

  • Ah d’accord, c’était

  • Oui c’était de l’ordre des moqueries, ça devenait un petit peu de la moquerie. Bon c’est vrai que j’étais un peu, sans doute, pataude, ou je devais pas bouger quoi. Et puis bon, moi j’ai rarement fonctionné ... Souvent un enfant a du mal à agir, on le bouge, on le titille jusqu’à ce que ça vienne. Moi, ça marche pas, ça. Plus on va aller me chercher, plus je vais rentrer dans ma coquille. Donc ça, peut-être ils s’en étaient rendu compte de cet aspect en primaire, chose qu’ils n’avaient pas. Alors pas tous les profs. Je me souviens notamment d’un prof d’histoire, lui était comme ça, il était un peu comme ça avec tout le monde. Hein, toujours un peu provocateur. Et ben la provocation avec moi ça marchait pas. Et plus je rentrais en moi et plus il cherchait à ... Donc, bon ça s’était pas très bien passé avec lui. Sinon, les autres profs, euh. J’ai le souvenir d’une prof de maths qu’était aussi quelqu’un de très timide, de très mal à l’aise. Enfin même, en tant qu’élève même au collège comme ça on arrive à voir et c’est qu’on se disait : “ la pauvre, elle est pas bien ”. On sentait qu’elle était pas à l’aise quand elle nous parlait. Donc ça allait bien toutes les deux (rire), on s’entendait bien. Mais bon, après dans la classe, au niveau de l’intervention de ce que je pouvais faire dans la classe, c’était nul, y avait pas d’intervention, je ne prenais jamais la parole, je restais assez dans mon coin. Ça, c’était dû aussi, enfin c’est dû à un manque d’assurance, même si je savais les réponses je disais rien. Et puis, oui au collège ... Bon, sinon avec les, les autres du même âge, bon ça allait bien, on (ne) joue plus, on commence à discuter, ça devient intéressant, chacun commence à donner des avis sur les choses ... d’adultes, alors on se prend tout de suite au sérieux et ce sont de bons souvenirs. Après le lycée, alors avec les enseignants je commençais à être assez critique (rire) comme on doit l’être à cet âge-là. Mais euh ... Alors moi j’ai fait une seconde comment on appelait ça ? scientifique ou S. Ensuite, j’ai dû faire une première scientifique aussi. A ce moment-là, on devait uniquement choisir en terminale peut-être. Oui, j’ai fait deux premières. Donc la seconde ça a été à peu près, j’ai pas vu de transition, enfin ça s’est bien passé. Et la première S, donc là j’étais avec des scientifiques et je me suis rendu compte que je n’étais pas scientifique du tout. Bon mon frère avait fait un bac C, mes parents se sont dit : “ on va aller dans la même lignée ”. Donc je passais des heures et des heures bon j’étais assez studieuse je passais des heures et des heures et des heures d’études à la maison pour me retrouver avec 2 ou 3 de moyenne. Et là, alors vraiment, c’était l’échec total pour moi. J’étais incapable de faire quoi que ce soit. Je ne m’étais pas du tout remise en question en me disant : “ peut-être que tu t’es trompée de filière ”, je me disais : “ non t’es nulle ”. Alors bon, au mois de janvier, on a vu après avec le professeur principal pour faire en sorte de changer de filière. Mais là, alors là, à ce moment-là, j’ai eu, j’ai changé de position dans la classe. Avant j’étais quand même une assez bonne élève ; même si j’étais très discrète j’étais une élève assez bonne. Là, je devenais un cancre. Donc je me retrouvais au fond de la classe, j’avais changé de place, un peu euh... ça s’est fait très lentement. Et puis au moment où j’ai sû que j’allais de toutes façons refaire une première, eh bien je me suis mise à bavarder avec les copines, à me faire remarquer : “ oui ! vous avez fini de parler ! ”  Donc je prenais pas la parole devant tout le groupe mais je discutais, je papotais dans mon coin, chose que je faisais pas avant. Mais ce qui m’avait frappée un moment donné, c’est qu’un jour je me suis rendu compte que je me retrouvais au fond, à côté du radiateur, l’image-type du cancre (rire) ! Et je me suis dit : “ oh ben tiens ! ” Je l’ai bien pris mais c’est vrai que là, à ce moment-là, ça faisait bizarre. Après j’ai fait une première A1. Alors en A1, on était pas très nombreux en mathématiques, on devait être un petit groupe de douze ou treize et puis je refaisais en fait un peu le programme mais j’étais donc très à l’aise. Et là, alors, je menais le groupe. C’est quelque chose que je ne connaissais pas. En plus j’y prenais énormément de plaisir parce que, et ben on m’écoutait, on regardait ce que je faisais, j’étais ? Et j’avais, j’ai gardé, enfin un très très bon souvenir de la prof de mathématiques. J’ai regretté après de ne pas être retournée dans le lycée pour la voir, discuter un peu parce que vraiment j’ai aimé apprendre avec cette prof. Je l’ai eue après en terminale, bon j’avais eu une bonne note en maths, on s’était revues après, elle m’avait dit qu’elle avait été contente, qu’elle, de toutes façons, avait eu confiance en moi. Là, je me retrouvais avec quelqu’un qui avait confiance en moi aussi. Ça c’est important parce que, même si on travaille bien, à un moment donné on est tellement peu sûr de nous qu’on donne une image. En fait les autres retransmettent cette image alors qu’elle non, pas du tout. Donc ça, ça m’avait ...

  • Ça aide

  • Oui, voilà. Et c’est à peu près à ce moment-là bon c’est aussi une question de maturité que j’ai commencé à prendre un peu sur moi, à me dire : “ ben, ma petite faut que tu t’y mettes quand même quoi ! Faut parler. ” Notamment ben, quand il fallait faire des exposés, ben je prenais sur moi, je voulais pas du tout mais y avait une partie de moi-même qui levait le doigt alors que non, et après je me disais : “ mais qu’est-ce que tu es allée faire ! ” Et à ce moment-là en tout cas au lycée je me souviens très bien des réflexions des enseignants quand ils parlaient avec les parents, mais les parents c’était : “ oh ben on n’aurait jamais cru ça d’elle, hein ! Elle nous a épatés, vraiment ! ” Et ça, ça m’a ... ça m’a suivie jusqu’à l’Ecole normale. Le dernier rapport d’une prof d’Ecole normale c’est enfin pas le rapport écrit mais quand on a parlé toutes les deux elle m’a dit : “ Ben dis donc, chapeau, vous m’avez vraiment agréablement surprise ”. Et j’ai dit : “ mais non ”. D’ailleurs à ce moment-là, je me suis un peu révoltée, je lui ai dit : “ mais non, vous allez pas faire comme les autres ! Vous regardez un petit peu, enfin vous êtes dans le métier les autres aussi étaient dans le métier mais ”...

  • Vous étiez choquée parce qu’en fait ils vous faisaient pas confiance a priori ?

  • Voilà. Oui. Voilà, c’est ça. L’image que je donnais ne correspondait pas à ce qu’après ils voyaient de moi. Au début ça fait plaisir mais après on se dit : “ mince ”. Moi, ça m’a assez collé ce genre de choses de me dire : “ j’en ai marre de, d’avoir à donner une image. Ils ont qu’à me prendre comme je suis ”. C’est un peu plus compliqué que ça mais quand on est jeune c’est ce qui se passe on se dit : “ mais mince mais qu’ils me prennent comme je suis. Et ben, s’ils creusent, ils trouveront. A eux de faire la démarche ”. Voilà, j’en avais assez de faire moi la démarche. C’était difficile de faire cette démarche alors que quelqu’un qui a des facilités pour lui c’est même pas une démarche, c’est normal, c’est un plaisir d’aller vers les autres, voilà c’est naturel. Et pour moi ça ne l’était pas. Et je sais toujours pas si ça l’est (rire). Et donc voilà, j’avais un prof de français en première c’est lui aussi notamment qui avait dit à mes parents. Bon, j’avais fait un exposé sur Sartre, je sais pas, à ce moment-là je, j’étais branchée et bon c’était un peu philosophique, enfin je restais dans l’explication de texte, y avait des propos un peu philosophiques et puis j’avais dû bien me débrouiller et c’est vrai de voir aussi qu’on fait un exposé et que les autres écoutent, ça, ça fait aussi bizarre

  • Oui, mais ça, c’est positif

  • C’est positif, voilà. Alors que l’autre c’était pris négativement, oui. Et donc, ben ... Après c’est vrai que, après ... fallait que je passe par là et après les profs changeaient de vision par rapport à moi. Et après en philo, c’était pareil. En terminale, les profs nous regardent aussi par rapport à notre travail écrit c’est vrai que je me débrouillais bien à l’écrit mais alors, à l’oral ! en philo, alors incapable ! Et en plus, y avait, c’était pas une admiration du prof, je sais pas trop comment expliquer, c’était, enfin quelqu’un que je mettais vraiment au-dessus de moi. Donc ... (interruption) Le prof de philo oui, voilà. Alors ... oui, m’exprimer sur une feuille comme ça, à tête reposée, chez moi, en réfléchissant bien à ça, ça allait. Mais alors dès qu’il m’interrogeait il m’a pas interrogée plusieurs fois, il m’a interrogée une fois. Parce que bon il, voyant que ce que je faisais c’était ... tenait la route, il avait sans doute envie, et je le comprends, d’échanger un petit peu avec moi. Mais alors il a essayé une fois, mais le blocage, mais je disais n’importe quoi, j’arrivais pas à aligner deux mots, ça l’avait un peu, un peu surpris. Il s’était dit : “ quand même, au bout d’un moment, en la mettant à l’aise ”. Mais bon, c’était le groupe, y a un groupe, y avait des gens qui regardaient et ça alors, ça, c’était difficile. Alors au lycée avec les autres lycéens, j’avais peu, peu, très peu de contacts avec eux, j’avais une ou deux copines comme ça ou des copains, de classe comme ça. Oui, voilà. Sinon on se voyait pas, j’étais assez seule quand même. J’avais une copine que je voyais souvent avec qui je faisais des choses à côté mais sinon c’est pas une période, on peut pas dire que j’ai rencontré grand monde. Alors après, la faculté. Alors là, je suis allée à Grenoble, je quittais la famille et vraiment j’ai un excellent souvenir. Mais ce sont les deux années d’études de ma vie les meilleures. Ah oui, vraiment. Vraiment, vraiment. D’abord par rapport au contenu. Donc je suis partie, j’avais fait un bac A1 littéraire, j’avais pas du tout envie de continuer en, dans la littérature. Je n’avais pas du tout envie de passer des, d’aller aussi en philo. Les langues c’était pas du tout mon truc donc c’était pas la peine d’envisager ça. L’histoire-géo c’était pareil. Je savais déjà que je voulais quand même présenter l’Ecole normale, il fallait trouver quelque chose, je trouvais rien du tout. Tout d’un coup, pouf, au hasard comme ça, allez psycho. Ma mère m’a regardée avec des yeux bizarres : “ t’es sûre ? Qu’est-ce que tu vas faire avec ça ? ” Alors qu’avant je ne m’étais jamais ... je pense ... si inconsciemment je pense que je suis toujours dans une démarche d’analyse. Soit j’analyse ce que je fais moi, soit de toutes façons, ça on me le dit souvent, j’analyse trop ce que disent les autres. Mais en fait je m’étais pas rendu compte tout de suite que je faisais, que j’étais dans cette façon de faire. Mais alors oui ces deux années, très très intéressantes. Vraiment j’ai, j’ai pris du plaisir à apprendre alors que ça faisait un moment que je supportais. Oui j’apprenais parce qu’on m’avait dit : “ faut apprendre, si tu veux aller plus loin t’es obligée de passer par là ”  alors que là ... Bon peut-être aussi parce qu’on mûrit à un moment donné, mais j’étais intéressée parce que je faisais. Et ... oui, c’était ... Bon la relation avec les profs elle est particulière parce que c’est souvent du cours magistral, on arrive à voir les profs comme ça de temps en temps à côté mais c’est très limité. Puis les autres étudiants c’est pareil : on est en amphithéâtre, on est beaucoup donc on arrivait à être deux-trois, un tout petit groupe comme ça, et puis à échanger mais j’avais trouvé ma place là-aussi. Enfin vraiment j’ai de très très bons souvenirs. J’avais fait énormément de démarches pour aller à droite, à gauche, vers des U.V. supplémentaires, faire du sport, je m’étais trouvé un appartement. Donc, j’avais grandi. Et c’est vrai que voilà, c’est une autre étape et je me suis un petit peu plus rassurée, et j’ai plus (davantage) pris confiance en moi. Mais, mais en tous cas au niveau du contenu, c’était très très intéressant. J’ai un peu regretté de ne pas avoir continué. Bon après le DEUG j’ai présenté l’Ecole normale, j’ai, et puis j’ai eu le concours et j’ai arrêté là. Mais je m’étais toujours promis de reprendre et puis d’aller un peu plus loin. Mais là, ouh ... je sais pas (rire). Et puis quand on est sorti du système, c’est difficile, hein ! sans doute de reprendre. Donc on verra, enfin je sais pas, peut-être plus tard ... mais oui, ces deux années-là vraiment ... ont été très bonnes pour moi. Et puis après ben y a l’EN, tout ce que je vous ai dit. Donc c’était pas des années extraordinnaires. Des bons souvenirs : ben les stages. Et puis les mauvais souvenirs ... les mauvais, on peut pas dire qu’il y ait eu vraiment de mauvais souvenirs, c’est, c’était : voilà j’étais là, j’attendais

  • Vous aviez un point de vue très critique

  • Oui, voilà, j’attendais en fait quelque chose qui ne venait jamais. Mais j’ai pas eu de très très mauvais moments, hein, c’était, voilà c’était sans arrêt à se demander ... Et puis, il faut dire aussi que peut-être les stages étaient ... on attend des choses mais on sait pas non plus expliquer ce qu’on attend. Moi je me souviens enfin ... Après, a posteriori quand on analyse, c’est vrai que peut-être si j’avais eu plus de souhaits, ou si j’étais allée voir un peu plus les profs, peut-être que j’y aurais trouvé mon compte. Mais, eh bien une enseignante qui est arrivée en, dans la classe des grands en cycle III, qui était sur la liste d’attente, la liste complémentaire. Donc elle, elle avait rien fait, ni première année, ni deuxième année, rien ? et ben elle était là et, à chaque fois que j’allais la voir : “ ça va ? ça va pas ? t’as besoin de conseils ? tu veux qu’on voit quelque chose ? ” Et bien non, jamais rien. Mais en fait c’est parce qu’on sait pas, on sait que ça va pas mais on sait pas, on sait pas ce qu’il faudrait. Donc c’était sans doute ça ; j’avais une angoisse parce que ça allait pas tout seul. Même les stages, ce sont des bons souvenirs après. Mais sur le moment j’étais nouée hein ! Parce qu’il faut passer devant le bon pas les stages en responsabilité mais quand on est en tutelle, ben y a un enseignant qui nous voit, y a le professeur, y a d’autres normaliens qui sont là aussi, donc moi le regard de l’adulte est encore un peu difficile. Bon ça va de mieux en mieux mais le regard des enfants ça va très très bien, je gère. Quand ils sont un petit peu plus grands je gère d’une autre façon, c’est vrai que c’est pas mon truc les très grands mais euh. Enfin j’ai pas la même, bon c’est pour tout le monde pareil mais j’ai pas de problème, j’ai pas de mal, j’ai pas de problème avec les enfants alors que gérer un groupe d’adultes, c’est plus difficile pour gérer des réunions avec des parents d’élèves ... Bon ça va de mieux en mieux mais je peux pas dire que je sois très très à l’aise. Et puis j’y prends pas plaisir, donc ... Alors que, voilà, notamment mon stage en responsablité, le stage terminal, bon ben avec les enfants ça s’était très très bien passé, du coup ça a fait avaler un peu la pilule. En fait, quand les profs venaient me voir, bon ça passait quand même parce que j’étais tellement bien avec les enfants que j’arrivais à les oublier un petit peu. Mais c’est vrai qu’un stage en maternelle, la maîtresse était ... un peu froide extérieurement, et puis on était trois au lieu de deux, les petits étaient petits donc on voyait un peu plus les adultes (rire), donc elle était assez critique, donc de nouveau elle m’avait mise un peu ... elle me redonnait encore moins confiance en moi et c’est vrai qu’avec elle, ben j’étais assez angoissée. Mais ce sont quand même des bons souvenirs parce que j’ai appris des choses. J’ai appris que j’étais pas capable de ça, ou là il fallait que je m’améliore. Bon, c’est vrai, quand on vous fait des critiques, quand elles sont négatives, bon ben ça remet en question et forcément c’est pas d’emblée très agréable. Mais après on se dit : “ c’est que comme ça qu’on va progresser ”.

  • Y a peut-être aussi la manière de la faire la critique

  • Voilà. Tout-à-fait. Alors c’est vrai que je sais pas si après il faudra en reparler mais c’est vrai que toutes ces choses-là, j’y pense souvent avec les enfants, la façon dont moi j’ai avancé. C’est vrai que quand on en parle aussi avec les parents, bon pas tous les parents, des parents que je connais où des collègues, je, je fais toujours le parallèle avec ce que j’ai vécu moi, notamment les enfants timides, ou qui ont du mal. Bon ben moi je fonctionne assez, enfin on présente des livres, on essaie de faire des exposés aussi, on essaie de parler devant le groupe et y en a deux-trois quand ils passent et ben je suis aussi nouée (rire). Je me dis : “ hou lala, si, les voyant extérieurement, s’ils agissent, s’ils fonctionnent comme moi j’étais quand j’étais petite, oh ! ça doit, ça doit être dur ! ”. Et, ben petit à petit, en fait ils arrivent à parler et y a une petite qui me fait vraiment penser à moi, qui bouge pas. Très studieuse, on la pose là, elle ne bouge pas. On lui dit : “ faut être sage ” et ben elle ira pas voir les copains pour parler et, chaque fois qu’elle fait une présentation de livre, qu’elle récite sa poésie, on voit qu’il y a un travail derrière immense, immense et je parle souvent avec la maman. Elle me dit que la petite ne veut pas se donner le droit à l’erreur, donc il faut, il faut arriver, il faut travailler jusqu’à être le plus efficace possible. Et elle y prend pas plaisir, du tout. Bon là, il va falloir qu’on revoit ... Je me disais : “ du fait que maintenant elle parle, ça doit être plus simple ” mais apparemment c’est pas encore simple. Il va falloir aussi voir de ce côté-là aussi. Ce genre de choses, c’est vrai qu’on le faisait pas nous quand on était petit. C’est pas du tout une critique, c’était l’enseignement qu’était comme ça. Même faire un petit peu de théâtre, ce sont des choses qu’il faut apprendre aussi. Si dans la famille justement, c’est pas quelque chose qu’est mis en valeur ou si l’enfant n’a pas naturellement de, pas un tempérament comme ça à s’extérioriser, ben c’est à nous aussi de l’amener à le faire. En tout cas dans l’école. Après ... à lui de voir ! Voilà. Sinon ..;

  • Et en famille ?

  • Alors en famille, donc moi je suis, j’ai un grand frère qui a six ans de plus que moi. Et il est parti de la maison, il avait 17 ans et demi. Donc, j’ai pas beaucoup de souvenirs vraiment avec lui. Bon, déjà, c’est un garçon. Quand j’étais petite, ben lui c’était le foot, le foot, donc je n’ai pas de souvenirs de jeux avec lui. Et puis, ben comme il est parti j’avais à peu près dix ans, dix-onze ans, je me souviens d’un grand frère, voilà, que j’observais plus (davantage) que je pouvais jouer avec lui. Si, j’ai une image d’un jeu, bon ça m’a marquée parce que y a eu un accident à l’issue mais c’est la seule, la seule image que j’ai de nous deux en train de jouer. Donc, on était dans sa chambre, on jouait, on jouait aux Indiens et aux, oui aux Indiens, et donc aux cow-boys et aux Indiens sans doute ; et il était le cow-boy, moi j’étais l’indienne (rire) hein! attachée, ficelée. Et puis, à un moment donné il m’a dit : “ allez, maintenant débrouille-toi, évade-toi, détache-toi ! ” Mais comme j’étais pas très, un peu pataude comme je dis, et qu’on était à côté, devant un radiateur et ben bing ! je me suis retrouvée le nez sur le radiateur, je me suis ouvert l’arcade sourcilière, enfin, voilà. Je me souviens toujours, enfin je pense que la seule fois où on a dû jouer, et oui alors maintenant en y repensant, l’image que j’ai, que je peux garder de lui c’était à la fin je sais ce qu’on faisait mais à la fin c’était toujours : soit je pleurais, soit j’allais voir mes parents en disant : “ oui, il m’embête encore ”. Y a quelque chose qui va pas, voilà. C’était toujours ... j’étais traumatisée, la victime, toujours victime de son grand frère. Pas de, voilà, on peut pas dire qu’il y ait eu de complicité vraiment, c’est comme ça. Sinon avec les parents, ben ... Alors ma mère m’a redit, y a pas très longtemps, parce que là j’ai une petite nièce qui fait les quatre cents coups et qui est assez capricieuse, ma mère m’a redit, y a pas très longtemps : “ toi, tu faisais pas de caprices ”. Et apparemment, j’ai pas eu vraiment d’interdits. Mais j’étais tellement rangée qu’en fait j’en avais pas besoin. Et puis on me disait une fois les choses et puis ça passait. Je devais être très sage. Bon, j’ai pas, effectivement de souvenirs de grosses mésententes entre, en tout cas en tant qu’enfant de moins de dix ans par exemple. Je ne me souviens pas du tout, du tout de gros problèmes avec mes parents. Bon, puis après par contre, ben j’étais toute seule à la maison, alors là ben c’est ... On est mal déjà parce qu’on a du mal à s’extérioriser, on est mal à la maison parce qu’on est tout seul, bon mes parents travaillaient, donc je devais être effectivement très pénible...

  • Ils faisaient quoi vos parents ?

  • Alors, ma maman est employée de bureau dans une mairie, et puis mon papa était magasinier dans une usine de métallurgie. Oui, ils étaient très présents, ils ont toujours vraiment tout fait pour nous, ils se sont vraiment ... pas dire sacrifiés, mais ils ont mis toujours en avant leurs enfants. Parce qu’en plus, mes parents sont du Midi et donc on n’a pas de famille ici, on n’a pas ... La famille est dans le Midi, on peut pas y aller tous les week ends. Tout ce qui est cousins-cousines, c’est tout dans le Midi donc c’est pendant les grandes vacances. Et, effectivement, des fois je me dis : un autre enfant dans la famille ça aurait amené un petit peu plus de jeux. En fait je me suis rendu compte que je suis rentrée très très rapidement dans le monde d’adultes. Bon, y a plein d’enfants qui sont comme ça mais ... Enfin je suis rentrée dans ce monde sans ... sans être active dans ce monde : j’étais là, posée, l’enfant posée dans un monde d’adultes.

  • Et vous n’aviez pas assez d’amies à côté pour

  • Voilà. Oui. Oui et puis bon, rapidement j’ai eu ce réflexe de rien dire, même aux copines, parce que ... on se rend compte après, enfin on va chez les gens bon j’avais toujours des copines qu’avaient plein de frères et soeurs et une bande de copains immense et j’étais en décalage avec ces personnes-là. Bon, certaines pouvaient écouter sans doute mais quelques fois je pense qu’on n’aurait pas compris ce que je disais. On m’aurait dit : “ ben attends, t’es toute seule et ben va, sors ! ” Donc bon ben, j’allais les voir et puis ça restait comme ça. C’est vrai que je me suis pas trop confiée, oui. Et puis ... voyez, les cousins-cousines, chez nous c’est ... y a beaucoup d’écart entre mes parents et leurs frères et soeurs, donc moi je suis plus de l’âge des mes petits cousins, petites cousines donc ben ... Pas tout-à-fait encore, je suis entre les deux voilà. Mon frère il est à peu près de l’âge de ses cousins-cousines et il a pu garder des contacts, des liens. Moi j’étais entre les deux, donc, ben, oui, j’arrivais pas à trouver bien ma place. C’est vrai que, même à l’heure actuelle ... Et puis ils sont loin, bon on se voit pas très très souvent ... Mes cousins, cousines ont dix ou quinze ans de plus que moi; bon c’est vrai que, à la limite ça se voit moins mais à ce moment-là bon ils étaient pratiquement parents au moment où moi je faisais mon adolescence quoi, donc et encore donc c’est difficile. et puis après, ben, les petits cousins, petites cousines, ben, ils étaient trop petits, voilà. C’était agréable, à la limite j’allais les voir, j’étais la grande qui gardait. Alors vraiment

  • Vous étiez la nounou

  • Voilà, voilà.

  • Ils faisaient les nounous quand vous étiez petite et vous l’étiez avec vos petits cousins-cousines mais y avait jamais

  • Non, on n’a jamais vraiment ... J’ai juste une petite cousine qui a, elle, six mois de moins que moi, donc la période ... douze à quinze ans, elle venait par exemple passer un mois de vacances ici, moi je passais l’autre mois de vacances avec elle et c’était bien, on se retrouvait. Là, j’avais quelqu’un qu’avait mon âge. Et puis bon, ben après, on s’est moins vues et puis on n’a pas du tout les mêmes tempéraments. Voilà, petit à petit, ça s’est dénoué un petit peu. Et puis, ben mes oncles et tantes ...pareil ... là ils sont, ils ont tous, dix ou quinze ans de plus que mes parents donc c’était ... J’y pensais y a pas très longtemp parce que, c’est vrai que quand une année se passe on fait des fois un peu le bilan, et je voyais mes oncles et tantes vieillir c’est vrai que maintenant ils ont presque tous soixante-dix ans et un couple, un oncle et une tante, je me disais ... En fait j’ai toujours eu une image, une image de personnes âgées de ces gens-là. Même quand ils avaient peut-être cinquante ans, pour moi c’étaient déjà des vieilles personnes. Je les ai jamais, j’ai jamais eu de contacts avec eux comme des gens avec qui j’aurais pu faire des choses, des activités, ou ... On allait les voir, on mangeait chez eux mais c’était déjà des papys, des mamies. Alors que maintenant je me dis : ben, ils ont soixante-dix ans, ça fait pas très longtemps je veux dire, y a vingt ans ils étaient quand même capables de faire les choses mais ... Mais je les ai toujours vus comme des personnes plus âgées, plus âgées que mes parents, âgées quoi.

  • Moi ce que j’entends c’est qu’il y a pas de liens privilégiés

  • Non. Ma grand-mère oui. Ma grand-mère. Ma grand-mère paternelle qui était toute seule puisqu’elle a été veuve très tôt. En fait, mon père a perdu son père à l’âge de neuf ans. Alors j’allais en vacances, quand j’allais de toutes façons dans le Midi, c’était chez ma grand-mère, puisque mes grands-parents maternels sont décédés j’avais sept ans. Et puis on les voyait, c’est vrai moins souvent. J’ai toujours, toujours, toujours passé mes grandes vacances avec cette mamie qu’avait un caractère horrible (rire) parce que ben oui, elle était aigrie, elle était seule depuis l’âge de trente-cinq ans, elle avait ramé, elle avait fait des ménages, enfin au niveau financier ça n’allait pas tout seul. Bon je pense que quand mon père a eu dix-huit ans, il a dû partir, même avant. Elle a été toute seule rapidement, puis bon, ben c’est son caractère, elle est comme ça, c’était une personne qu’était jamais contente, elle avait jamais ce qu’il lui fallait. Mais ... donc on se ... Pas petite, petite c’était vraiment très affectif, une relation très tendre. Mais plus tard, quand j’ai eu l’âge de poser des questions, de pouvoir faire un petit peu, d’avoir des jugements sur ce qu’il y avait, on a eu des discussions assez houleuses. Et puis même, dès que j’ai commencé à avoir dix-huit ans, bon, j’allais quand même la voir toutes les vacances, elle commençait à me dire ce que j’avais à faire et là je m’affirmais un petit peu lui disant : “ hé mamie, tu me dis que je sais pas faire ci et ça mais laisse-moi un petit peu te prouver que je peux le faire ”. Mais c’était quand même, malgré tout, ben c’est un peu comme après. J’ai des, les relations que j’ai eues avec mon père, c’est sa maman alors je pense qu’on a dû reporter nos relations comme ça. Plus maintenant mais y a encore peut-être quatre ou cinq ans, avec mon père on, c’était un conflit perpétuel mais tellement empreint d’amour. Enfin, on était, oui, on s’engueulait tout le temps mais ... les gens qui nous connaissent disent : “ c’est extraordinaire comme vous vous aimez ! ” Mais on n’arrêtait pas de s’engueuler.

  • Trop liés ?

  • Je pense oui. Bon, mon frère ça serait, on serait aussi dans cette relation-là de, d’être incapable de mener une discussion à bout parce qu’à un moment donné y en a un des deux qui se fâche mais c’est différent parce qu’on n’a pas vécu ensemble. Puis enfin là, mais on est très liés, enfin moi j’ai beaucoup d’amour pour mon frère mais on n’est pas capables, enfin quand on est tous les deux dans une pièce, on a du mal, on n’a pas de ... je sais pas, le petit truc qui fait qu’on est, qu’on se dit plein de choses ou ... Donc, alors avec ma grand-mère, ben voilà, c’était comme ça. Et puis, à la fin de sa vie, elle est venue habiter chez mes parents puis c’est moi qui ... Enfin, c’est avec moi que ça passait le mieux. Mon père ben, c’était quand même son fils, c’est difficile, elle avait du mal ; la belle-fille n’en parlons pas (rire). Et pendant donc les trois années où elle a été ici, ben je portais en fait, j’ai porté hein un peu ma grand-mère, j’ai porté un peu les problèmes, j’ai essayé d’arrondir les angles. Et puis ben, la dernière, les derniers six mois où elle était à l’hôpital, c’est moi qui gérais aussi bon ben mes parents étaient bien là mais quand elle (ne) voulait plus manger, c’était moi qui allais, qui essayais de faire en sorte qu’elle mange. C’est vrai qu’à un moment donné on retombe un peu dans l’enfance, donc j’avais peut-être la façon de dire les choses simplement. Peut-être aussi par rapport au métier qui faisait qu’à un moment donné ça passait. Mais jusqu’au bout, jusqu’au bout oui, mon père en tout cas s’est un petit peu, enfin m’a déléguée tous les pouvoirs pour m’occuper d’elle. Et c’est vrai que, bon, mes grands-parents maternels je les ai perdus j’étais trop jeune, j’ai pas compris ce qui se passait. Et puis en plus, bon, ma mère est partie rapidement, donc je l’ai pas vue pleurer. Et puis c’est pas quelqu’un qui s’extériorise, donc je n’ai pas sans doute su voir le chagrin. La mort pour moi, apparemment ça a dû passer comme ça. Non jusque là, après j’ai pas perdu de ... Enfin si, j’ai perdu un cousin qu’était jeune mais que je connaissais pas, donc ça doit pas faire. Et là, alors, le fait de l’avoir accompagnée jusqu’au bout, ça a été terrible, terrible, terrible, enfin jusqu’au bout ... En plus non, pas jusqu’au bout parce que la dernière semaine je suis un peu fâchée avec le milieu hospitalier parce qu’on nous a pas tout dit, on a ... donc psychologiquement, je crois qu’il faut, on a besoin d’être autant préparé que le malade même si, c’était que ma grand-mère, on pourrait nous dire : “ attendez on peut pas s’occuper des petits enfants, ça fait beaucoup ” mais ... on n’a pas sû trop nous ... nous on n’a pas demandé non plus d’aide mais moi, par exemple, j’aurais bien aimé lui dire au revoir, enfin. Et même si on me dit : “ elle souffre, faut l’endormir ”, moi je suis sûre qu’ils sentent encore une présence et bon, ben ... La veille de sa mort on est allé la voir, elle était dans un état c’est pas très gai tout ce que je vous dis dans un très mauvais état et j’ai pas supporté ça, donc je suis pas restée. Je pense que c’est ça aussi que j’ai du mal à admettre, le fait de pas être restée, de ne pas avoir parlé. Mais cette image qu’elle donnait de la mort. Et puis bon, ben maintenant voilà, le lendemain elle était morte et puis voilà. Et c’est vrai que, comme les liens étaient très étroits avec elle, là, ça a été dur.

  • Et c’est pas encore digéré ?

  • Non. Non. Bon. En plus, dans la famille on n’en parle pas, j’arrive pas à trouver quelqu’un avec qui je peux en parler. Bon, mon père, alors on se fait du souci pour lui, parce que lui aussi, la relation était très étroite avec sa maman. Sa maman c’était ... Je pense qu’on a tous les trois, le même profil. En fait, la génération elle s’est poursuivie comme ça : ma grand-mère, mon père et moi. Donc, peut-être aussi pour ça qu’on est très lié, et puis comme on se ressemble on sait. C’est aussi pour ça que maintenant les relations avec mon père sont beaucoup plus agréables, je me suis rendu compte que, comme il était ben enfin j’ai essayé d’analyser parce que je suis comme ça et puis je me suis dit : et ben c’est pas la peine d’essayer de changer, il est comme ça, t’es comme ça. Et puis bon maintenant nos relations vont bien mieux, j’accepte et c’est aussi le fait d’accepter qu’on a des parents qui sont peut-être pas forcément l’idéal ... et moi j’ai mis du temps à l’accepter ça. Plus je grandissais et moins j’acceptais de ne pas retrouver une image idéale du père en fait. Je la cherchais tout le temps. Et puis au bout d’un moment on fait le deuil de cette image et puis ça va mieux. Oui, non, tout le monde ... Je sais que mon frère aussi a eu beaucoup de chagrin mais c’est passé ...

  • Ça n’a pas été dit

  • Non. Ça n’a pas été dit, ça n’a pas été verbalisé. Rien. C’est un petit peu, en fait, si on regarde dans notre famille, c’est-à-dire nous quatre, mes parents et moi, et mon frère, mes parents, mon frère et moi, on a du mal à verbaliser les choses. Je pense que c’est pour ça qu’il y a des conflits ; c’est qu’à un moment donné si on était plus (davantage) en communication on arriverait à faciliter les choses. C’est ce que j’essaie de, de reprendre avec les enfants, travailler plus la communication, et avec mon ami notamment. Je me dis que c’est quelque chose d’important qui résout sans doute pas mal de, enfin qui résout pas tout mais qui aide, qui permet d’avancer quelques fois plus rapidement que si on reste dans son coin. Voilà. Bon, ben nous on a fonctionné comme ça jusque là ; bon, y a des moments maintenant où c’est vrai qu’on prend peut-être plus le temps, mon père est à la retraite, ma mère va l’être cette année, je pense qu’on arrivera petit à petit à prendre plus de temps pour parler. C’est vrai qu’avant, quand on était petit, ils travaillaient tous les deux ...

  • Mais c’est pas la raison

  • Non, c’est pas la raison. C’est vrai que voilà, on peut se dire que s’il avait voulu, que si on était parti dans cette démarche, on aurait trouvé le temps, voilà. Tout-à-fait. Mais bon, il faut le gérer comme ça. Quand on regarde dans les générations d’avant, eh bien mon père il fonctionnait comme ça avec sa maman, et ma maman avec ses parents comme elle était la petite dernière ses parents étaient déjà bien âgés et puis voilà on parlait pas. Ce sont deux familles où on ne parle pas. On ne dit pas si on n’est pas bien, on n’a pas le droit à l’erreur ; de toutes façons on n’a pas le droit de dire qu’on n’est pas bien, on doit suivre ... Moi je me souviens, ma mère c’est ... l’image qu’elle a toujours donnée c’est quelqu’un qu’allait bien alors qu’après, quand on est plus grand et quand on parle, et bien oui elle a eu des moments où ça allait pas, et nous on n’a jamais rien vu parce qu’il fallait donner une image de quelqu’un qui suivait la route ... Elle était aussi du Midi, tous les deux du même village.

  • Et il n’y a pas eu non plus de problèmes liés à la maladie

  • Non. Y a eu le décès de mes grands-parents quand j’étais petite mais qui ne m’a pas touchée. Après, mais j’étais déjà bien grande, j’étais en faculté, quand mon père a eu son infarctus, donc ... Ben là oui, ça a commencé à remettre un peu en question. Oui, ben jusque là, la maladie ou la mort pour moi c’était quelque chose qui était un peu étranger en fait, ça ne faisait pas partie de notre quotidien ou de notre vie. Et donc après il a été bien malade, il a été opéré du coeur, il a été en invalidité, il n’a plus travaillé, donc ... Et puis après, y a eu la maladie de ma grand-mère qui a eu un cancer et là oui. Alors après on ... là, la mort elle a été présente, hein, dans ces moments-là ça remet en question la famille, le fait qu’on n’a pas des parents éternels, et puis par rapport à nous aussi : la mort ben oui, un jour on n’y sera plus non plus. Et puis ben donc il faut peut-être essayer de voir si on fait quelque chose de notre vie, voilà. Ben ça fait grandir en fait. Et avant c’était vraiment, oui, quelque chose qui ne faisait pas du tout, du tout ... qui nous était étranger. Tout-à-fait. Bon, tant mieux dans un sens parce que c’est pas très agréable . Oui, c’est vraiment la mort de mes grands-parents quand j’étais petite ... Je me souviens de mon frère qui est venu me chercher est-ce que c’était pour ma grand-mère ou pour mon grand-père ? pour ma grand-mère venu me chercher à l’école. Apparemment ce devait être ma mère qui devait venir, je sais pas, je devais avoir ... Ben non, normalement je devais avoir sept ans, j’ai l’image de la maternelle, mais non je dois mélanger sans doute deux choses. Et puis j’ai même pas l’image de ma mère me disant : “ tu vas être obligée de rester avec ta tante ” parce que j’avais une tante qui habitait à ce moment-là en HS. Alors que bon, je pense que j’étais vraiment collée dans les jupes de ma mère donc ça a dû être quand même difficile de la quitter. Mais j’ai pas du tout, ça m’a pas marquée en tout cas, et puis je (ne) me souviens que d’une chose c’est que, à ce moment-là chez ma tante j’avais attrapé des poux. Alors là, c’était une catastrophe, j’étais allée voir la maîtresse et je lui ai dit : “ tu sais maîtresse, j’ai des poux. Bon, y a aussi ma grand-mère qu’est morte mais j’ai des poux hein ! ” Bon ça, c’est quand on est petit mais ... Après j’ai eu quand même, j’ai le souvenir, puisque mon grand-père est mort à peu près une année après, donc il fallait le garder, il fallait, il pouvait pas vivre tout seul. Je me souviens de discussions d’adultes par rapport à ça. Bon, des déchirements un petit peu familiaux : “ mais si toi tu le gardes etc. ”, enfin tout se qui se passait ... Sinon comme je le disais, j’ai été, j’ai été rapidement dans un monde d’adultes. Mes vacances quand j’étais avec ma grand-mère ... Bon, on allait à la mer et après on allait voir ses copines, et je passais une à deux heures avec les copines de ma mamie (rire) à écouter les cancans et les dernières choses qui pouvaient se dire sur le voisin, la voisine, ça, c’était extraordinaire ! Alors des fois j’y prenais plaisir, c’était marrant d’écouter... Les dernières années c’était plus dur. Là, je devais avoir treize-quatorze ans, bon j’avais toujours un livre, j’avais toujours quelque chose à faire mais ça commençait à être un peu pénible. Ma grand-mère, c’était quelqu’un, en tout cas dans le village, elle était connue, elle brassait beaucoup, elle parlait beaucoup, ça n’allait jamais elle était jamais contente. De toute façon tous les voisins la connaissaient. Oui, elle par contre, elle s’extériorisait alors que bon, mon père lui, il parle à personne, lui c’est avec tout le monde qu’il est comme ça. Lui, il s’était extériorisé dans le sport, voilà. Ça a été un joueur de foot, c’était une passion extraordinaire, c’était là qu’il s’extériorisait. Mais en dehors, non, mais ma grand-mère oui...

Je pense que j’aurais aimé échanger avec mon professeur de philo mais j’étais pas prête à ce moment-là à échanger des idées mais ... Oui, c’était vraiment ... pas prête parce que déjà j’arrivais pas à dire les choses et parce que, oui pour moi cette personne était vraiment sur un piédestal. Elle était vraiment au-dessus Et encore maintenant, quand je considère qu’une personne est au-dessus de moi, eh bien j’ai du mal à entrer en contact avec cette personne. Ou, peut-être aussi dans le sens inverse, je me dis : “ toi, à côté, t’es rien du tout, t’es toute petite, tu vas pas .. ”. Ça vient pas de l’autre ça, ça vient de moi. C’est moi qui, d’abord c’est moi qui me fait cette image-là de la personne parce que tout le monde n’est pas tout blanc, tout noir. Et puis même une personne très intelligente se met vraiment à notre niveau, donc c’est pas du tout une excuse. Dire que tu peux pas rentrer en contact avec elle, c’est pas vrai. Oui, de toute façon la barrière, dans ma vie la barrière qui a freiné les relations c’est ça : à chaque fois moi me disant : “ ben t’es pas capable, donc tu parles pas, tu (ne) bouges plus, t’embête personne et ... ” Mais bon, ça c’est quelque chose qui commence à changer.