Simon

Premier entretien

Oui, ben moi, j’enseigne depuis 20 ans. Oui, en venant j’ai regardé un peu la question. 20 ans, ça fait pas mal d’années dans cette école, ça doit faire 15 ans, 15 ans dans cette école. Je m’y suis installé parce qu’on y est bien, parce que c’est un quartier plutôt agréable, ou c’était un quartier plutôt agréable jusqu’à maintenant, donc on n’a jamais eu de gros problèmes que ce soit avec les enfants, ou les parents même si on a rencontré des difficultés. Et puis, et puis surtout les relations entre collègues sont très bonnes. J’envisage dans quelques années de prendre la direction quand le directeur s’en ira, c’est-à-dire que je suis vraiment installé ; j’habite sur place ou pas très loin, au centre ville, donc y a pas de problème. Ma formation : je suis... donc j’ai passé par l’école normale. J’ai passé le concours en seconde à cette époque-là on le passait en seconde et puis deux ans de formation à l’école normale. On n’a jamais été très satisfait de ce qu’on a pu y faire, mais je me demande si la seule formation, enfin la meilleure formation, c’est quand même, c’est quand même dans la classe. Bien sûr, y a des bases à apprendre, y a un peu de psychologie à apprendre mais, vraiment, le côté pratique, je crois que c’est dans la classe qu’on l’apprend, c’est dans les relations avec les collègues. Je crois que, vraiment, sa pratique on la forme au fil des années en piquant à droite, à gauche des idées, des renseignements dans des revues pour instituteurs, ou entre collègues. Et puis, ce qui est intéressant depuis quelques années c’est qu’on travaille beaucoup plus ensemble alors que, quand on a commencé, c’était chacun sa classe, chacun son niveau, il n’y avait pas de, il n’y avait pas de, comment dire ? peu de relations entre nous. ll y avait des relations de vie quotidienne de l’école, mais y avait pas de relations pédagogiques je dirais. Ce qui n’est pas le cas actuellement. On a été obligé, en quelque sorte c’était un petit peu forcé au début, et puis finalement on y prend goût et on trouve ça intéressant. Voilà, en gros ce que je pourrai dire. Pour la formation, je n’ai pas l’impression que la formation soit bien bien meilleure actuellement.

  • Parce que vous avez des stagiaires parfois ?

  • Oui j’ai eu des stagiaires. J’ai eu aussi des normaliens enfin on dit plus normaliens oui des PE 2, hein, qui sont venus me remplacer lors de stages que j’effectuais à l’EN. Je crois que, moi, je reste persuadé que la formation il faut la faire, on la fait surtout en classe, sa pratique on la fait là, on la construit là. Sinon, quand même j’ai essayé d’améliorer ma formation avec des stages de formation continue. Donc j’ai dû en faire 15-16 semaines sur ... on a droit à 36 je crois, dans la carrière. Maintenant, c’est un peu plus difficile parce que, comme il n’y a pas un gros, il n’y a pas de grosses possibilités de formation, on a du mal à partir en stage. Et c’est vrai que c’est, ces stages ont été utiles parce qu’on partait de... Enfin, disons que nous, nous avions déjà un peu de recul par rapport à l’EN où, en fait, on n’a pas vu de classe ; enfin on en voit un petit peu en stage mais tant qu’on s’est pas coltiné à la classe vraiment, c’est difficile. Par contre, les stages en EN peuvent être très intéressants, simplement sur le fait qu’on a le temps de réfléchir un petit peu sur sa pratique. Ce qu’on a du mal à faire dans le quotidien. Parce qu’entre la famille, les réunions, les choses comme ça, c’est beaucoup plus difficile. Les difficultés actuelles, moi je pense que c’est un peu le manque de temps, vraiment, parce qu’on nous demande beaucoup, on nous demande : faut réfléchir sur notre pratique, on nous demande beaucoup de réunions pour mettre au point un certain nombre de choses dans la vie de l’école et dans notre pratique pédagogique. En fait, on a du mal à trouver le temps, le temps nécessaire.

  • Et vous n’avez que des bons souvenirs avec les élèves ?

  • J’ai beaucoup de bons souvenirs parce que je suis quelqu’un qui voit plus le positif que le négatif, donc je retiens le bon, et je dois un peu occulter le reste. Oh les bons souvenirs, qu’est-ce que je pourrai vous citer : j’ai fait des échanges avec des classes italiennes, donc on est allé passer une semaine en Italie, on a reçu les enfants italiens ici, des enfants de la région de Turin.

  • Ils parlaient français ?

  • Oh, ils parlaient un peu français, nous-mêmes nous avons fait un peu italien, un peu d’initiation à l’italien. Ça, ça fait partie des excellents souvenirs. On l’a pas continué parce qu’après il y avait des problèmes financiers. Les bons souvenirs je crois que c’est les rapports entre collègues. Quand on est dans une école où tout va bien, on vient, on vient ... je suis content de venir en classe, je suis content de voir les collègues. Les bons souvenirs c’est, oui, en général c’est l’élève, les élèves aussi hein ! Qu’est-ce que je pourrai vous donner comme exemple un peu concret ? Oui, dans la pratique de tous les jours, quand on arrive à adapter un petit peu le, adapter sa pratique au niveau des enfants, ça peut être agréable. Cette année j’ai deux classes, j’ai des CM 1, j’ai deux classes, deux niveaux très différents. Y a de très bons élèves qui pourraient presque être en CM 2, et puis des élèves qui ont beaucoup de difficultés, et quasiment moitié-moitié de la classe. Et quand on arrive à mener ça, ça peut-être un souvenir agréable. C’est pas tous les jours (rire), on y arrive pas tous les jours, bien sûr. C’est pas toujours facile. Les mauvais souvenirs, c’est peut-être les enfants qui changent, le ... comment dire ? le ... au niveau de l’attitude, de l’attention, des choses comme ça ; les enfants ont une attitude différente d’il y a une quinzaine d’années on va dire. Et puis là, ils sont , on a du mal à capter leur attention, c’est beaucoup plus difficile maintenant. C’est beaucoup plus difficile de ... bon y a des problèmes de ... comment dire ? d’éducation, d’éducation qui n’a pas été faite à la maison, donc c’est plus difficile à mener aujourd’hui je crois, qu’il y a un certain nombre d’années. Les enfants sont, sont plus ouverts d’une certaine manière mais difficiles à canaliser. Très intéressés, enfin tout dépend des années, mais dans l’ensemble ils sont assez intéressés, mais capter leur attention ça reste un exercice passablement difficile et délicat, même si on n’enseigne plus comme il y a 15 ans. On a changé dans la pratique. Y a plus le, le, la classique leçon, leçon suivie d’exercices pratiques. On adopte d’autres schémas pédagogiques pour arriver à ce qu’on veut obtenir. Voilà. Des exemples plus précis dans les bons moments ou dans les mauvais. J’ai le souvenir de quelques mauvais moments, de rapports avec les parents qui, en général ces mauvais moments se transformaient enfin disons que très vite on clarifiait les choses mais c’est vrai que les parents réclament beaucoup en général de l’école, en particulier ils réclament ce qu’ils devraient faire eux, l’éducation ; donc on a quelques fois des problèmes avec des parents que l’on est obligé de convoquer, à qui on est obligé d’expliquer un certain nombre de choses quoi, le rôle de l’école, leur rôle. Donc ça, ça peut être, ça a pu, de temps en temps, poser des problèmes, quelques parents à qui il a fallu expliquer exactement les choses. Ça, ça peut faire partie des mauvais moments, les parents un petit peu mauvais coucheurs, je dirais. On peut avoir aussi dans l’école, on a quelques parents qui sont, qui cherchent absolument la petite bête, comme on dit, hein, qui cherchent la faute oubliée ou des choses comme ça, bon des choses peu intéressantes, mais c’est irritant. Et puis, quand on remet un peu en cause notre pédagogie aussi, ça peut être désagréable.

  • Ça arrive souvent ?

  • Non, ça n’arrive pas souvent. Ça arrive pas souvent. Ça arrive d’autant moins souvent qu’on est un homme dans l’éducation, bizarrement. Ma collègue ... ici on le voit, c’est très net parce que j’ai une collègue avec qui je travaille beaucoup en CM 1 là. Très souvent, elle a plus de, de mamans, de personnes qui viennent, qui viennent, pour une raison ou pour une autre, poser des problèmes ou poser des questions simplement un peu appuyées, alors qu’ils ne viennent pas me voir. Et pourtant, je n’ai pas une réputation d’être quelqu’un de sévère ou autre. Mais, rien que le fait d’être un homme je crois, a l’air d’être, a l’air de modifier un petit peu la la vision des choses. Sinon les bons côtés, je les ai cités tout à l’heure, des exemples très précis, bon y avait l’Italie. Je crois quand même que les bons côtés, c’est les côtés qui sont un tout petit peu extra-pédagogiques, dans la mesure où ça sort un petit peu de la vie de la classe. C’est une classe de neige, il y a trois ans, que l’on refera cette année, où on a d’autres rapports avec les enfants parce qu’on les a toute la journée, parce qu’on a le temps, on est finalement pas pressé par un programme, par ... et donc on a le temps de les connaître et discuter avec eux. Ça c’est intéressant. Et, quand on peut le faire en début d’année, ou assez vite dans l’année, eh bien les rapports avec les enfants changent. Personnellement, je m’occupe de, donc de sport à l’école, le mercredi, de l’USEP sur le secteur. Là aussi, ce sont des bons moments, ce sont des bons moments avec les enfants parce qu’on les voit un petit peu en dehors, parce que bon, ce sont des rencontres sportives où on arrive à faire passer un certain nombre de valeurs, où on essaie de faire passer un certain nombre de valeurs, ou de contrer certaines valeurs qui auraient tendance à prendre le dessus dans la société. C’est aussi des bons moments avec les collègues. Des collègues, pas seulement de l’école, c’est l’occasion de se voir entre collègues d’autres écoles et même d’autres, enfin disons d’autres villes du département, puisqu’on se rencontre lors de départementales, on fait même des stages ensemble sur un thème sportif ou autre. Donc là, ce sont, je crois que ce sont des bons moments. Et puis, les rapports même avec la municipalité ou autres peuvent être, peuvent être agréables. Ici on est dans une ville où on est plutôt favorisé, où la municipalité, dans le conseil municipal y a des gens, pas mal d’enseignants ne serait-ce que le maire et puis d’autres. Et donc, bon c’est vrai que ça facilite bien des choses, évidemment. Pas toujours mais (rire) ... dans l’ensemble c’est beaucoup mieux pour ça. Les bons moments sont ceux qui vont venir j’espère (rire). J’espère quoi que ... Mais bon on perd, je perds pas tellement la foi. Y a quelques années je voulais partir de cette école en me disant : “ faut que je change un peu ”. Et puis, finalement, le fait de recommencer à travailler, de commencer à travailler ensemble fait qu’il y a autre chose entre les gens et donc y a un peu un renouveau. Et puis, c’est vrai que la nouvelle politique pour l’école nous a bougés un petit peu, a bougé nos pratiques, a bougé nos rapports. Et ça, c’était pas une mauvaise chose. C’était pas facile à faire dans les classes, et ça a permis quand même ...

  • Le projet d’école c’est pas mal ?

  • C’est pas mal, mais ça a été quelque chose de très difficile au départ parce qu’on n’avait pas l’habitude, parce qu’on savait pas trop ce qu’on voulait, parce que l’administration nous demandait des choses, et nous a pas forcément aiguillé dans la bonne direction tout de suite hein ! On nous demandait d’avoir un projet, mais c’était très très vague. Quand on y a réfléchi, il nous a toujours manqué peut-être le temps pour la réflexion, pour se dire : “ voilà, on aimerait faire ça ”, et partir d’un manque sur l’école. Cette année, on part sur un nouveau projet qui a été un peu plus réfléchi, je dirais, et puis qui, qui fait un peu l’unanimité des collègues. Alors que les précédents projets étaient plutôt des projets proposés par l’inspection, ou autre, auxquels on s’est rattaché, mais sans vraiment avoir une grosse motivation.

  • Et là, c’est quoi ?

  • Là, c’est “ arts platiques ” . C’est arts plastiques parce que c’est pas très développé sur l’école. On faisait bien un petit peu chacun un peu quelque chose, mais sans grande réflexion, sans programmation vraiment. Et donc là, bon on dispose d’une salle. Y a aussi le fait que l’école soit restructurée qui nous a redonné de l’élan. C’est vrai aussi. Donc ça a redonné un peu d’élan, ça nous a permis de, oui de voir un petit peu ce qui allait, ce qui marchait, ce qui marchait moins bien. Et donc là, ça a l’air, je pense que c’est un projet agréable, c’est un projet agréable. Les bons moments sont ceux-ci, oui. Moi, moi toujours ce qui m’a plu, et on m’a proposé plusieurs fois d’être conseiller pédagogique ou autre, en tous cas d’essayer de l’être je sais pas si j’aurais réussi mais ce qui est plaisant dans l’enseignement, c’est d’enseigner (rire), je dirais. C’est-à-dire, c’est les rapports, c’est avoir des enfants, c’est avoir une classe. Ce qui est très pesant, les mauvais moments je dirais maintenant, je crois que c’est tout ce qui est extrascolaire, dans le sens le travail extrascolaire, c’est-à-dire les corrections, c’est les préparations où on y passe beaucoup de temps, bon ça, ça me pèse un peu. Ça me pèse un peu, j’ai une famille, y a plusieurs enfants, et je crois qu’eux aussi ça leur pèse. Ça leur pèse parce que, parce qu’on n’est pas ma femme est enseignante aussi, institutrice donc on l’est tous les deux, on a des réunions qui se croisent, nos enfants sont seuls et ça, ça devient très pesant. Alors, d’un côté on sent qu’on a besoin de temps de réflexion donc, et puis de l’autre côté ce temps de réflexion, de plus en plus c’est du temps de réflexion qui est pris sur notre temps libre, on va dire comme ça. Et c’est très, c’est pesant. Je crois que c’est ce qui pèse le plus.

  • C’est les réunions c’est les travaux ... les corrections, les ...?

  • C’est les deux. Les réunions elles peuvent être très, je dirais que maintenant elles sont un peu plus intéressantes dans la mesure où, où ... où on sait les faire, un peu mieux. Avant on perdait beaucoup de temps pour peu de chose même si, dans une réunion, y a forcément un petit moment de, de perte. Maintenant, on arrive un peu plus à cerner ce qu’on veut faire, et à être un peu plus efficace, mais le reste aussi est, est pesant. La partie agréable, c’est l’enseignement, et puis tout ce qui est à côté peut enfin pas tout ce qui est à côté parce que je viens de dire le contraire avant mais voyez ce que je veux dire, voilà c’est ce que les gens ne voient pas en gros hein ! Quand on parle d’enseignant on se dit : “  ben c’est bien ils arrivent à 8 heures et demie, ils partent à 4 heures et demie et puis voilà ”. Ça ce sont les enfants qui le font, ce ne sont pas les enseignants. Et puis on part pas à 4 heures et demie, on n’arrive pas à 8 heures et demie hein ! Jamais.

  • Et les enfants vous leur donnez beaucoup de devoirs le soir ?

  • Non, très peu. De toutes façons maintenant c’est fini hein ! On n’a plus le droit de leur en donner écrits. On en donne très très peu. On se met d’accord avec les parents en début d’année, en faisant une réunion, en leur disant : “ on en donne un minimum, ça vous permet un petit peu de suivre ce qu’ils font, de mettre le nez un petit peu dans leur travail sans... Il faut pas que ce soit non plus trop compliqué, trop long, trop difficile parce que nous, quand on a fini notre journée on en a assez, eux je pense que c’est un petit peu pareil. En leçons on donne, récitation, poésie, donc des choses plutôt pas écrites. Très peu d’écrit le soir. ” Là (l’interdiction) c’est un peu plus strict, disons qu’on y fait plus attention, on y fait plus attention. Et puis on y fait plus attention depuis deux-trois ans où on a reçu des consignes un peu, un peu plus, un peu plus fermes, mais j’étais assez pour depuis longtemps moi, j’ai jamais donné beaucoup. Mais la pression des parents faisait que ... voyez dans une école comme ça, il suffisait que le collègue, comme on ne se voyait pas tellement, il suffisait que le collègue en donne beaucoup, c’était le bon instit hein ! Celui qui donnait beaucoup de devoirs hein ! Et donc celui qui n’en donnait pas, alors on se faisait un petit peu grignoter comme ça, involontairement. Mais bon, moi ça m’a jamais trop posé de problèmes qu’on me dise, enfin on me l’a jamais dit devant (rire). Et puis, j’ai toujours su expliquer pourquoi, donc ... Mais des bons moments, on en a eu d’autres, ça me revient comme ça. On a fait toute l’école, y a quelques années, peut-être quatre-cinq ans, un grand spectacle musical. Mais voyez, bon les bons côtés, c’est quand même les côtés un petit peu extra, extra-pédagogiques je crois. C’est un petit peu en dehors de l’apprentissage. Un petit peu, même si l’apprentissage en lui-même peut être intéressant et gratifiant mais bon ... c’est vrai que les mauvais je vais sûrement en trouver pleins plus tard mais ... Mais je vous dis, j’oublie assez vite les, les mauvais moments. Et puis y en a pas, y en a pas tant que ça, y en a pas tant que ça. Et puis on oublie vite je crois. Y a quand même, par moments, des ambiances de classe un peu difficiles ou autres. Là, y a quelques jours les enfants étaient très excités, et c’est vrai qu’on finit la journée sur les genoux un petit peu. Et ça c’est, bon ça peut être pesant et, quand on n’arrive pas, je pense que, quand on est débordé, la plupart du temps on n’arrive pas bien à couper. Quand on sort de classe on y pense encore longtemps. Quand on est, quand on a déjà un petit peu de bouteille, on arrive mieux à faire la part des choses en disant : “ ben voilà ça s’est mal passé et puis c’est fini et puis demain ce sera un autre jour ”. Donc ça, c’est pas facile à, c’est pas très facile au début. Au début on a un peu de mal là-dessus.

  • Et, quand ça s’est mal passé, vous arrivez parfois à trouver les raisons qui vous permettent d’améliorer ?

  • Oui, oui, oui, on peut trouver, on arrive à trouver les raisons. Des fois y a peu de choses, il suffit d’un changement de temps par exemple ça paraît un petit peu tout bête mais la neige ça existe mardi soir c’était je sais pas, y avait ... mais on s’est retrouvé en récréation l’après-midi, tout le monde a dit: “ mais je sais pas ce qu’ils ont aujourd’hui, ils sont très très excités ”. Y a des choses comme ça. Il peut y avoir des individus qui posent problème dans certaines classes, certaines années. Donc, c’est ce qui fait que ...

  • Vous en avez eu beaucoup, d’enfants qui posaient des problèmes ?

  • Oh on en a bien ... On en aurait ici de plus en plus, dans ce quartier-là qui était plutôt un quartier un peu favorisé parce que c’était des petites villas donc a priori des gens qui n’avaient pas de problèmes trop d’argent, ou de choses comme ça. Et donc, jusqu’à quelques années, on n’avait pas trop trop de difficultés. Maintenant y a les immeubles, HLM et autres, donc y a des familles un peu plus en difficulté. Et puis, depuis quatre-cinq ans quand même, je crois que c’est général, y a de plus de familles qui sont dans des situations noires, noires.

  • Et là, vous en avez ?

  • Et là, on en a. Cette année j’en ai plusieurs, des parents au chomage, enfin des choses très difficiles à vivre pour les enfants, donc la classe est le dernier de leurs soucis. Pas tous d’ailleurs, y en a qui arrivent bien à surmonter ça. Mais y en a à qui ça pose beaucoup de problèmes, qui ont des bonnes raisons, bien sûr. Et là je dirai que les solutions on les a pas, c’est pas nous qui les avons. Alors on peut faire, je sais pas, on fait de notre mieux, mais en sachant bien que c’est une petite goutte d’eau dans quelque chose de bien bien vaste. Et les situations familiales un petit peu, alors y a les situations professionnelles comme ça ; et puis les situations familiales, les familles éclatées quand même c’est pas, ça donne pas des enfants épanouis la plupart du temps. Et ça y en a de plus en plus. On a une classe, y a trois ans, y avait 32, y avait déjà le nombre ils étaient 32, et y avait 50% de familles, de familles éclatées comme ça. C’était trois jours chez le papa, deux jours chez la maman, donc ils oubliaient les affaires d’un côté, de l’autre, le papa venait dire que la maman avait pas fait, enfin voyez les situations inextricables. Alors là au milieu, nous on fait ce qu’on peut, et puis les enfants aussi surtout. Mais bon, on essaie toujours de faire avancer les choses, évidemment avec les maigres moyens que l’on peut avoir. Enfin les maigres moyens, faut pas exagérer mais je dirai : “ il nous manque toujours du monde, hein ! Il nous manque du monde dans les écoles, on aurait un ou deux instits de plus dans cette école, on pourrait mettre sur pied du soutien ou des choses comme ça. ” On le fait, mais sans le personnel, donc c’est plus difficile, c’est pas, c’est moins efficace.

  • Ce que vous souhaiteriez en fait c’est des instituteurs supplémentaires pour du soutien ?

  • Oui, oui. Pas des emplois jeunes. Bon, on sera très content d’accueillir ces gens-là, ils nous seront très utiles, mais on aurait préféré quand même des enseignants à qui on pouvait confier un groupe, qui pourraient faire de la pédagogie, parce que les emplois jeunes, on pourra pas leur confier, on pourra leur confier un groupe mais ce sera à nous de préparer et autre. Ça sera toujours un plus hein ! Bien sûr. Mais bon ! Voilà, sur ... C’est déjà pas mal ! (rire). Voilà pour ce qui concerne ce métier. Moi personnellement j’ai toujours voulu faire ça donc je suis bien là-dedans. Même s’il y a des jours où (rire) je ferais bien autre chose. Mais bon, j’ai pas de lassitude encore bien que je sois là depuis longtemps, bien que je fasse la même classe depuis dix ans. Je dirai que je n’ai jamais fait deux années de suite la même chose, on a toujours des enfants différents, enfin voyez, et puis on a changé, on travaille à plusieurs. Tout ça fait que ça a redonné un petit peu de vie à la pratique.

  • Quand j’ai arrêté de travailler il y a quinze ans, les discussions pédagogiques entre les collègues, y avait rien.

  • Non non y avait rien, non non. Petit à petit. Mais c’est pas encore formidable je dirai hein. Même ici. On s’entend bien entre deux collègues mais ... y a deux CM 1, on travaille très bien ensemble. Déjà avec les CM 2 on, de temps en temps on prend des décisions qui ne sont pas toujours suivies. Ça vient, ça vient, ça a pas été facile. Ça a pas été facile parce que ça a été vraiment le grand changement pour les enseignants hein. De mettre enfin je sais pas de parler de leurs pratiques, de dire qu’ils n’y arrivaient pas ou qu’ils ne savaient pas faire, c’est pas toujours facile de se remettre en cause. C’était une remise en cause donc, voilà, c’est un peu compliqué, c’est encore un peu compliqué avec certains qui, qui ont du mal à s’ouvrir. Mais bon, petit à petit on voit quand même les bienfaits des choses. Les échanges de service par exemple, c’est vraiment quelque chose de très agréable. Je fais pas de sciences, c’est ma collègue qui fait sciences, elle fait musique dans les deux classes, je fais sport dans la sienne. Ça permet quand même d’avoir moins de travail, d’un autre côté de faire mieux ce que l’on fait, de ne pas abandonner quand même la polyvalence parce que moi, je crois que c’est très important, mais un petit peu en déléguant certaines choses, en partageant certaines choses. Et puis ici, quand même au niveau municipal on est assez gâté parce qu’on a, au Sou des écoles, on a des animateurs, et on peut profiter d’animateur musical, d’animateurs sportifs qui viennent nous aider dans certaines pratiques sportives, musicales donc ... c’est vrai que ça aide bien quoi ! On n’est plus tout seul (rire).