Deuxième entretien

Je suis issu d’une famille d’ouvriers, on peut dire. Mon père était charpentier-menuisier, mère au foyer, qui travaillait un petit peu, qui faisait du travail un peu de ménage de repassage, des choses comme ça. J’ai 2 frères et une soeur, une soeur plus grande, 2 frères plus petits, qui n’ont pas fait d’études particulières. Les deux frères sont menuisiers aussi, et la soeur a fait des études de coiffure, mais n’a pas travaillé très très longtemps. Elle est mariée, elle a des enfants, elle s’occupe de sa famille. Donc, je suis originaire de M., un petit village pas très loin d’ici, donc ma scolarité je l’ai faite là-bas, toute ma scolarité primaire, à M., une petite école comme on avait à l’époque, et puis la grande école. Donc, c’était section enfantine je crois, à cette époque-là il y avait pas encore de maternelle. Alors c’était avec Mme B. chez les petits, et Mme S. chez les grands. Et y avait un personnage un peu particulier, qui était pas très loin d’ici, qui était un instituteur handicapé, qui faisait la classe des grands qui devaient faire le, je crois me souvenir, le CM1-CM2. Et je ne suis pas sûr d’avoir suivi des cours dans sa classe, c’est bizarre mais j’ai pas, j’ai peut-être fait une année dans sa classe, et puis je crois qu’il est parti à la retraite. Je me souviens qu’il avait une longue baguette pour aller taper sur les doigts de ceux qui étaient un peu loin (rire) lors de ses déplacements. Et donc oui, ma scolarité maternelle on va dire, en classe enfantine, je dois dire j’ai pas de souvenirs particuliers, pas du tout, à part l’école. Comme mes parents habitent toujours M., je la revois souvent, donc elle est restée dans ma mémoire. Euh, scolarité primaire avec Mme S., j’ai le souvenir de, ben de scolarité comme elle pouvait l’être il y a 30 ans, c’est-à-dire un peu sévère, un peu stricte, je me souviens avoir reçu quelques gifles, ou des choses comme ça, pas forcément méritées parce que j’étais un enfant très calme, très doux (rire) mais je pense que j’avais bavardé dans le dos, une histoire comme ça. Euh, qu’est-ce que j’ai comme souvenirs du, de l’école primaire ? Si je me souviens avoir redoublé une classe, ou en tout cas avoir fait un fin d’études ; ça se faisait encore à cette époque-là, parce que la maîtresse ne me trouvait pas mûr pour aller en 6ème. J’ai fait une année supplémentaire en fait à l’école, à l’école primaire, j’étais peut-être, enfin j’étais bon élève. J’ai jamais eu de difficultés dans mes études, sans être un élève brillant j’ai toujours eu de bonnes notes. Sur cette partie-là, primaire, j’ai pas, j’ai pas, vraiment vraiment, de souvenirs très très marquants je dois dire, soit sur ce que j’ai pu y faire. Si, moi, y a une chose qui m’a marqué, c’est le fait de ne jamais fait de sport (débit plus rapide). Et si, aujourd’hui, je m’occupe de sport, je pense que ce n’est pas pour rien (rire). A mon avis, c’est que le seul sport que j’ai dû faire, c’est du grimper à la corde, et je n’y arrivais pas. Alors ça, c’était pour moi une catastrophe. Donc j’ai souvenir de ça, d’une petite école avec un petit jardin derrière, et d’une ambiance assez sympathique. Peu d’élèves, il devait y avoir, deux, y avait deux classes, deux classes primaires et puis une classe, une section enfantine donc c’était...

  • C’était une classe enfantine ou la section enfantine dans la petite classe ?

  • Voilà, y avait trois maîtresses A la mairie, au centre là, y avait deux classes primaires, et puis y avait la petite école qui se trouve plus loin vers la salle des fêtes aujourd’hui. Scolarité primaire oui, j’ai à peu près que ses souvenirs-là. Quelques amis que je vois encore un tout petit peu, en tout cas un, que je rencontre en faisant quelques courses à pied à l’entraînement avec La foulée d’A., un ami qu’habitait très très loin de, en fait de l’école, qui venait tous les jours à pied ou en vélo, qui habitait Les E., tout au fond là, dans les bois, à la frontière. Je le vois encore quelques fois. Sinon ,pas d’autres choses, même en retournant à M. je vois pas grand monde, si le fils B. peut-être, le fils de la maîtresse. Et puis qui n’habite pas loin de chez mes parents, donc je l’aperçois. Pour le primaire oui, sinon je peux avoir quelques souvenirs, j’ai des souvenirs de, de cahiers de vacances, parce qu’on en propose toujours aux enfants, je me souviens que c’était une activité que j’aimais beaucoup. Donc, chaque fin d’année, j’avais droit à mon cahier de vacances. Et à cette époque-là, on les renvoyait et, s’il était bien fait etc., on avait des récompenses et autres. Ça, ça c’est quelque chose qui m’a marqué, je sais pas pourquoi, je m’en souviens chaque année quand on propose les cahiers de vacances aux enfants, et quand les enfants en réclament, ce qui est assez rare ... Enfin cette année, ils m’en ont réclamé. Voilà pour le primaire. On parle que du primaire hein ? le collège ...

  • Si

  • Si on peut parler du collège. Pour en revenir à la famille, donc je suis d’une famille de, simple, je sais pas si on peut dire ça ; en tout cas, des gens simples avec des idées, avec des principes éducatifs, qui étaient bons je crois, mais qui ne m’ont jamais aidé dans mes études, je dirais. Soit qu’ils n’en ressentaient pas le besoin, enfin je sais pas. Donc, j’avais sans doute quelques capacités un petit peu supérieures à mes frères et soeur, c’est pour ça que j’ai pu aller jusqu’au bac, mais j’ai pas souvenir de mes parents m’aidant à faire un quelconque travail à la maison, à part me demander si je les avais faits ou pas. Enfin ça se passait bien donc. Ça s’est moins bien passé avec mes, mes frères surtout, mes frères et soeur même; ils ne sont pas allés très très loin, on n’a pas poussé énormément. Sinon, ensuite le passage au collège, un petit peu difficile je dirais, dans le sens où on passait d’un petit village à, à cette époque-là c’était V., on allait à V., collège en construction, c’est un peu curieux mais il ouvrait, donc y avait les bull dozer. Mais j’ai d’excellents souvenirs avec quelques professeurs qui m’ont ouvert un petit peu l’esprit sur, sur le théâtre, curieusement pas des souvenirs vraiment très, comment dire, de discpline ou scolaires mais sur d’autres choses. Une professeure d’anglais, qui s’appelait Mme G., et qui faisait venir des musiciens qui venaient chanter quelques chansons en anglais. Elle nous avait emmenés, j’ai dû aller pour la 1ière fois au théâtre à cette époque-là, une fois à Genève voir le Bourgeois gentilhomme. Donc là, je crois que, oui, de bons souvenirs dans ce sens là. Un peu moins bons dans les relations avec les élèves, parce que j’ai rencontré des élèves un peu plus, un peu plus difficiles. Je dirais que, à M. ou à la campagne, il y avait pas de problèmes particuliers et de, comment dire, de discipline ou de choses comme ça. Sinon, quand même l’avantage de se sentir un peu plus libre au collège, comme le ressentent les élèves aujourd’hui, mais avec le problème de déplacements un peu longs. On devait prendre le car à 7 heures 10 le matin, rentrer le soir à, à je mangeais à la cantine le soir on rentrait à 6 heures, oui 5 heures et demie. C’est tard hein ! Donc je trouvais les journées très longues quand même, par rapport à M. Sinon des relations avec les camarades au collège, non, j’ai souvenir de quelques enfants difficiles, avec qui je m’étais frotté et qui m’avaient marqué un peu, pas vraiment d’amis à cette époque-là. Si, peut-être un ami qui, bon la maman travaillait aux cantines, je sais pas si ça devait être un peu intéressé parce qu’à la récréation on avait droit, on allait toujours voir sa maman et elle nous payait un chocolat, on avait droit à une barre de chocolat ou une chose comme ça et je pense que c’était peut-être intéressé (rire). Sur la scolarité proprement dite, c’est vrai que les souvenirs sont un peu, un peu flous à part cette professeure d’anglais qui m’a laissé un très bon souvenir, bien que je n’aie jamais été très bon en anglais, en tout cas oralement. J’étais trop timide hein, j’étais très très réservé à cette époque-là, longtemps. Je crois que c’est vraiment, à partir du lycée, de la terminale secondepremière-terminale où j’ai réussi un petit peu à prendre le dessus. Sinon très timide. Timide, timide, mais j’arrivais assez bien à m’intégrer encore dans les groupes-classes ou autres. Soit je disparaissais certaines fois, soit je me faisais accepter assez facilement dans les groupes pour jouer au foot ou des choses comme ça, ça marchait pas trop mal. Lycée par contre, meilleur souvenir. Là, c’est à cette époque-là je crois, que j’ai découvert plein de choses en fait. La musique, par exemple. On n’écoutait pas à la maison, donc j’ai rencontré des camarades qui m’ont fait connaître des groupes de musique particuliers, qui m’ont fait écouter de la musique, on commençait à sortir un peu, à aller au cinéma des choses comme ça. J’ai dû même faire partie d’un groupe d’aumônerie, des choses comme ça vous savez ? Alors que je ne suis pas du tout chrétien, ni baptisé, ni croyant du tout, mais simplement le fait de, d’être avec des gens, de parler ; bon c’est l’époque où on parle un petit peu de grands thèmes de la vie donc j’ai assez apprécié cette période-là.

  • C’est qui qui s’occupait de ça ?

  • Alors je pourrai pas vous dire. Je me souviens avoir suivi quelques camarades qui m’ont proposé ça : “ si tu veux on se réunit ”. Et comme je pouvais prendre le car, soit à 5 heures, ou à 6 heures, des choses comme ça, je devais rester une heure ou une heure et demie et on se réunissait surtout chez les amis en fait. C’était pas à l’aumônerie particulière, mais c’était quand même à l’initiative un petit peu de, donc là des ... Une bonne ambiance de classe, une seconde très agréable et puis j’avais beaucoup apprécié cette fois le, la filière. J’étais en 2nde AB, plutôt Sciences économiques ; après j’ai continué en Bac B. J’ai bien apprécié cette filière-là parce que c’est une filière qui parle quand même du, voyez qu’est plus ouverte, on parle de la société, des sondages, de la ... C’était quand même, on comprend un peu mieux la société, je trouvais ça très bien. Donc là, 3, 3 bonnes années, je pense. J’ai passé le concours de l’EN en 3ème, je ne l’ai pas eu, je l’ai repassé en 2nde et donc là, j’ai été admis, 10ème je crois sur 30, ils en prenaient une trentaine, une quarantaine chaque année. Et donc, je me souviens avoir passé avec un ami qui est instituteur à R. là maintenant, avec qui on a bien sympathisé, que je vois toujours. Et donc le bac, j’ai surpris un peu mon monde parce que tout le monde était persuadé que je l’aurais tout de suite, et j’ai quand même passé (rire) l’oral de rattrapage, mais il me manquait pas grand chose en fait. Peut-être, par manque de confiance, j’ai dû rater deux-trois épreuves parce que j’ai eu du mal, j’ai dû me faire violence pour aller à l’oral de rattrapage, vu que ma timidité n’a pas arrangé les choses. Mais enfin, je suis timide mais, quand faut y aller faut y aller, dirais-je. Donc là, j’ai pas tellement eu le choix. Et puis bon, j’ai toujours fait un peu les choses pour mes parents. Je crois que mon père, qui était quelqu’un de très renfermé qui montrait jamais ses sentiments, a été assez fier quand j’ai, enfin pour lui qui vient d’un milieu modeste, instituteur ça a toujours été quelque chose, une promotion importante. Bien qu’aujourd’hui on soit pas énormément ... hein ! (rire). Oui, oui, on baisse un petit peu mais ... Pour lui, ça a toujours été une promotion, donc je pense que, pour moi, c’était important de réussir. Important de réussir le bac dans la mesure où, sans le bac, je rentrais pas à l’EN. Puisqu’à cette époque-là il fallait, on n’entrait plus après la 3ème hein, comme ça a pu se faire. Et puis deux années d’EN magnifiques je dirais, puique deux années, deux années sans travail. Je crois qu’on peu le dire comme ça, vraiment par rapport à la terminale où y a quand même du travail, surtout à la maison, à faire. Des découvertes à l’EN, mais peu de travail. J’ai pas souvenir d’avoir ouvert très souvent mon sac après que les cours soient terminés. Donc année agréable, on était, j’étais interne la 1ière année, j’avais pas encore de voiture donc je me souviens de ça, j’ai passé le permis la 2ème année. Mes quelques amis avaient des voitures, donc une vie assez agréable parce qu’on était quand même payé, pas grand chose à cette époque-là, je ne me souviens pas, pas énormément, mais c’était largement suffisant, c’était une indépendance, oui oui, totalement, totalement indépendant oui. Donc là, content de rentrer à la maison le week end pour se reposer, je crois que je rentrais deux jours, je dormais deux jours, je posais un sac de linge et je repartais (rire). Et la vie se faisait la semaine, voilà. Donc les cours, et puis le reste du temps, les soirées à jouer ou à sortir quand on pouvait. La 1ière année un peu moins, la deuxième année un tout petit peu plus. Première année voilà, puis là de nouveau moi toujours ce qui a compté dans ma vie ça fait un peu bilan ça c’est les rencontres en fait. J’ai toujours recherché le contact avec des personnes, et c’est toujours ce contact-là qui m’a enrichi, qui enrichit hein ! Et donc là la 1ière année assez, très agréable, 2ème année un tout petit peu difficile au début, puisqu’on a passé trois mois dans les classes. Là, on s’est aperçu de ce qui allait nous arriver. J’étais ici d’ailleurs, je me demande si j’étais pas dans cette classe, non ça a un tout petit peu changé. Mais en fait, j’ai fait, c’est un hasard, j’ai un stage trois mois dans cette école, dans une classe de perfectionnement. Et là, j’ai découvert des choses hein, des choses dont on ne nous avait jamais parlé jusque là. Peu de maternelle, et pas du tout de ces classes un peu spécialisées. J’ai été très surpris, par contre j’ai bien aimé les enfants, j’ai eu des problèmes, je dirais pédagogiques, en tant que débutant. Tomber débutant dans une classe de perfectionnement c’est quand même pas l’idéal. C’est pas l’idéal, parce qu’on a trop de problèmes pédagogiques pour arriver à bien comprendre les enfants et autres. Mais ça s’est, dans l’ensemble, bien passé quand même. Ça s’est bien passé, et puis y avait un collègue ici, y avait deux classes de perfectionnement, une petite, une grande. J’avais les petits, non les grands, et lui avait les petits donc, il m’a beaucoup aidé. Donc encouragé quand c’était nécessaire, parce que c’était pas très facile et, bon ... Donc après, on est retourné au bout de trois mois, donc en janvier à l’EN. Y a eu un semblant de révolution, on leur a dit : “ on (ne) veut plus que vous nous racontiez ce que vous avez fait la 1ière année, mais on aimerait bien que vous nous parliez, que vous nous donniez un petit peu des billes, comme on dit, pour, pour être capable d’enseigner la 2ème année ”. Alors là, ça a été un peu plus difficile, on a été en conflit un petit peu avec les professeurs qui nous ont accordé une sorte d’autogestion de nos cours en disant : “ Bon ben si vous voulez travailler... ” Alors on avait choisi des thèmes : la lecture au CP, des choses comme ça, “ et puis si vous avez besoin de nous on sera là ”. Et c’est parti un petit peu en eau de boudin parce que notre volonté a très vite faibli (rire) à ce niveau-là, et puis ça a éclaté un petit peu comme ça. Mais enfin la 2ème année s’est pas mal passée, et ensuite on est entré dans la vie active plus délicate. Moi, j’ai dû faire, la 1ère année j’ai dû faire deux mi-temps. Donc un mi-temps à l’école LF., et un mi-temps à l’école d’A. Là-bas, j’avais un je sais plus les classes des CE 1 je crois, à LF. et un C 1CE 2 à A., dans un garage sous la Mairie, je me souviens. C’était pas ... avec un enfant très, très perturbé. L’année n’a pas été très mauvaise, mais c’était un peu, un peu difficile quoi.

  • Vous aviez le sentiment d’avoir été formé à l’EN ?

  • Non. Pas du tout. Pas du tout. Si, je me souviens quand même d’avoir eu une bonne formation, en tous cas une bonne idée des choses en psychologie, donc sur la connaissance de l’enfant. Là ça avait été intéressant, et en Education physique avec Mr T. et puis un professeur de psychologie qui s’appelait P. qui lui, nous avait bien, nous avait parlé un petit peu de comment on pouvait gérer une classe, gérer un groupe, les individualités, les choses comme ça, dans un groupe tout en travaillant avec le groupe de normaliens, et puis la connaissance des enfants : à quel âge on peut acquérir telle et telle chose. Ça, pas trop mal je dirais. Pas trop mal. Et puis, comme on n’y connaissait rien ... donc autant de plus. Le reste, non, pas grand chose. J’ai pas appris vraiment à faire classe, j’ai pas appris à faire une fiche de préparation, j’ai pas appris à faire une progression. Et ça, j’aurais aimé, j’aurais aimé. Et ben après, on a appris sur le tas, mais on perd un peu de temps peut-être. Y avait peut-être quelques raccourcis au début, qui seraient nécessaires. Aujourd’hui, quand on voit les normaliens qui passent, j’ai l’impression que ça a l’air un peu plus, je sais pas, un peu plus sûr quoi, peut-être au niveau de la formation. Nous, je sais pas, on arrivait peut-être, pourtant on était loin de mai 68, mais c’était encore assez vague : “ on vous dit pas comment on peut faire la lecture au CP, vous le découvrirez vous-même donc on vous donne de grandes idées mais ... ” Ce qui manquait c’était surtout la pratique quoi. C’est vrai que c’est en classe qu’on apprend le mieux, mais il me semblait quand même qu’on aurait pu avoir un peu plus de facilités au début. On a bien eu quelques semaines de, d’observation, de stages en observation dans les classes d’application mais bon ... Disons qu’on voyait un maître faire classe, c’est à peu près tout. Mais on savait pas comment il l’avait préparée, où il avait pris ses renseignements, quel livre on pouvait utiliser. Un petit peu tout ça, ça nous a manqué au début. Voilà. Ensuite ...

  • Et dans la famille ... ?

  • On est une famille qui montre pas trop ses sentiments, qui se fréquente, je sais pas si on peut, bizarre hein ! un peu bizarre à dire on se voit souvent, on va aller toutes les semaines voir nos parents et on se retrouve là-bas, mais en dehors de cela on ne se voit pas beaucoup. Tout en s’appréciant, tout en sachant que, s’il y a quoi que ce soit, ben les uns, les autres, on est là pour s’aider. Petit, j’ai pas de c’est bizarre ça je me souviens un tout petit peu de ma soeur qui a 3 ans de plus. Donc à l’école primaire, elle me protégeait un petit peu mais sans plus. Au collège, elle était passée avant moi, on a fait une année ensemble, ce qui m’a permis d’avoir un petit peu des repères assez vite dans, au début, dans le collège. Mon frère, donc le 2ème, celui qui a deux ans de moins que moi, euh ..., je sais pas, c’est bizarre j’ai pas beaucoup de souvenirs avec lui à l’école. Pas du tout même. Pas du tout. Pourtant, deux ans de moins on a été forcément dans la même classe, mais alors là, j’ai aucun souvenir. Bizarre ! Oui, oui, j’ai pas de souvenir du tout. Et puis l’autre il a 10 ans de moins donc là c’est plus difficile.

  • C’est peut-être que c’était un peu “ ni bien ni mal ”

  • Oui, oui. Non ça se passait sans, sans trop de problèmes. On était comme tous les frères et les soeurs. Avec mes frères et soeur, quand les parents étaient pas là, on s’entendait très bien, et quand ils étaient là on se débrouillait pour les faire chevrer (rire), on se disputait ou autre, comme je peux voir mes enfants faire aujourd’hui, il me semble. Sinon, j’ai pas non, j’ai pas vraiment de souvenirs particuliers à cette époque-là. Peut-être quelques souvenirs de sorties que mes parents faisaient. Enfin ils avaient des amis, donc ils allaient manger les uns chez les autres et là on retrouvait des enfants de notre âge et bon ... J’ai pas d’autres souvenirs particuliers.

  • Et pas de problèmes de santé ou de choses comme ça

  • Non.

  • Et pas de grand-père, d’oncle, tante

  • Grand-père, grand-mère sont morts, y en a un qui est mort l’année de ma naissance, du côté de ma mère. J’ai un grand-père qui est toujours vivant qui a 92 ans, qui habite M., qui lui a, avec qui on a toujours eu de bons rapports. A cette époque-là y avait encore une arrière grand-mère qui avait aussi 93 ans, qui a dû mourir à 93-94 ans, qui venait assez régulièrement à la maison. La mère de mon père a vécu quelques temps à la maison, pas très longtemps avant de décéder. J’ai pas beaucoup de souvenirs avec la grand-mère, pas beaucoup de souvenirs. J’ai l’impression que c’était pas, que ça a pas été une partie importante, enfin si, sûrement importante mais pas très marquante, je dirais. Vraiment ce qui, là où j’ai eu l’impression de, de démarrer, c’est la fin du collège, c’est le lycée. C’est au lycée qu’il y avait l’ouverture d’esprit, les copains, tout ça. Ça a commencé là. C’est avec les pairs de la classe qu’il y a eu démarrage et ouverture, plus qu’avec la famille. Avec la famille, pas d’ouverture du tout je dirais hein, pas d’ouverture du tout. Mes parents n’allaient pas au cinéma, on n’allait pas au spectacle, enfin bon y a longtemps quand même, hein ! 35 ans, forcément c’était pas. Y avait pas. Y avait pas de télévision, en tout cas pas tout de suite, on l’a eue assez tard. Mais une enfance, je dirais heureuse, sans ... Pas choyé mais pas malheureux, pas maltraité, non, non non. Avec quelques principes d’éducation qu’étaient peut-être pas si mals. Peut-être un petit peu trop de soumission, bon ce qui a été un peu difficile après dans la vie au niveau du caractère. J’ai peut-être tendance très vite à, à me soumettre, on peut dire un peu comme ça. Pas un caractère très ..., pas à poigne.

  • Soumisson aux parents ?

  • Soumission aux parents, oui. Comme ça pouvait se faire, je crois, beaucoup enfin beaucoup ... beaucoup je sais pas, mais encore assez à cette époque-là. Les enfants on les écoutait pas ou très peu.

  • C’est ce qui vous reste ?

  • Oui, c’est ce qui me reste là-dessus.

  • Pas d’écoute ?

  • Oui. Pas beaucoup d’écoute. Et je vois, même encore aujourd’hui, j’ai du mal à avoir une conversation, avec mon père surtout. Ma mère si, plus facilement. Mais avec mon père qui, bon, c’est comme ça, c’est pas autrement. Et puis je cherche même pas à le contredire, souvent j’ai pas du tout la même opinion mais bon, on laisse un peu, on laisse un peu aller parce que c’est le père. Enfin je sais pas, ou ... Parce qu’on cherche pas à, spécialement à se fâcher, à se fâcher ou autre.

  • Peut-être parce que vous sentez que c’est pas utile, que ça ne servira à rien

  • Oui, oui oui, un peu, y a ça aussi. Oui, c’est un peu ça. Oui, oui oui, c’est sûrement ça. Et je dirais que ça a pas été, c’était peut-être pas un modèle d’éducation dans le sens où effectivement on était un peu trop soumis. Donc, ensuite, dans la vie il faut, j’ai eu du mal très souvent à me faire mon opinion moi-même. Et même encore aujourd’hui, facilement avec moi le dernier qui parle a raison. Faut que ... Mais bon, maintenant je connais, maintenant je sais. Donc je me méfie de moi-même et je prends mon temps pour , pour prendre une décision ou autre. Mais euh, mais je pense quand même que ça a dû venir un peu de l’éducation parce que je vois que mes frères et soeur peut-être pas la soeur, la soeur elle a pris plus d’indépendance assez vite, elle s’est plus vite rebellée, rebellée, moi un petit peu mais un peu moins et les deux autres frères très soumis, même encore aujourd’hui. Jamais ils diraient quelque chose qui irait dans le sens contraire. Moi, je l’ai fait, maintenant je (ne) le fais plus parce que voilà j (e n’) en ressens plus la nécessité. Je l’ai fait un peu presque, ben à l’époque du lycée, quand j’ai découvert qu’il y avait un peu autre chose. A ce moment-là oui, j’ai un peu rué dans les brancards, et je me souviens avoir pris une gifle alors que j’avais 18 ans, quelque chose comme ça, parce que j’avais contredit mon père ; j’étais parti. J’avais dû rester 15 jours, finalement j’ai habité chez ma soeur qui était déjà partie et qui habitait A. Et puis ma mère m’a demandé de revenir, je suis revenu quoi. Enfin bon, c’était à cette époque-là. Maintenant on se rebelle peut-être un peu plus tôt, à cette époque-là c’était un petit peu plus tard. Vers 17-18 ans on avait besoin de prendre le large, moi c’est bien tombé parce qu’après à l’EN ... j’étais loin, puis assez indépendant.

  • Et quand vous étiez à la campagne, vous aviez des jeux

  • Ah oui, oui, oui. Enormément. Ah oui, j’ai d’excellents souvenirs de parties de luge. J’ai habité à deux endroits à M., vers le, comment ça s’appelait, vers chez D., vous savez vers chez B., la petit épicerie, la cour qui est derrière. Il fallait même monter un petit peu ; les D. à cette époque-là avaient encore une étable, donc c’est un petit peu par là derrière, c’est vraiment tout près de l’épicerie. Là, on l’appelait la cour des miracles derrière, ça forme une petite cour comme ça et puis fallait remonter encore un petit morceau de ruelle et on habitait une vieille maison qui avait été retapée qu’on louait là. Et là, oui d’excellents souvenirs, on avait un jardin, en plus avec des poules, des lapins, des choses comme ça. Et puis derrière, y avait une bonne pente, on faisait de la luge, vraiment des parties très agréables, sinon on faisait de la luge en descendant depuis la route du haut, Le C., là on descendait vers l’église jusqu’en bas quasiment. Oui, oui avec les copains, des jeux très agréables. Et puis ensuite, mes parents ont construit, donc en montant à M. en direction de B., donc ensuite, on a déménagé là-haut. Là, même chose, on a retrouvé les copains et, juste derrière, il y avait une carrière qui avait été, comment dire, la végétation avait repris dans cette carrière, mais y avait encore un gros rocher, une grotte dessous. Là, on a fait des parties sans arrêt, des cabanes, des choses comme ça. Et, un peu plus loin, y avait vraiment une carrière qui faisait un petit peu canyon de western, alors là on y a passé des journées, des cousins venaient jouer ; là on y a passé des journées à jouer aux cow boys et aux Indiens. Ah oui, oui, des vrais plaisirs. Et puis, à la tombée de la nuit on se cachait, on lançait des pommes pourries sur les voitures qui passaient, des choses comme ça (rire). Non des, oui oui, non, les jeux dans la campagne oui, beaucoup. C’est ce qui me restera le plus de cette partie de ma scolarité primaire. Après moins. Après le collège, bon ben, les copains n’étaient plus les mêmes, après j’ai perdu de vue un petit peu les amis, on se retrouvait peut-être un tout petit peu le mercredi ou le jeudi à cette époque-là, un peu moins, je devais travailler un peu plus, enfin je sais pas c’était peut -être un peu différent mais là, oui. On allait aux champignons avec justement celui qui habitait Les E., j’allais souvent le voir, on allait aux champignons ensemble, des choses comme ça, on allait jouer chez lui. Voilà au niveau des jeux, bon ça n’a pas manqué hein.

  • Est-ce que c’est ce qui manque maintenant ?

  • C’est ce qui manque maintenant. Surtout pour les enfants des villes. Et puis on n’ose pas, on n’ose un peu moins les laisser sortir, enfin je veux dire : à cette époque-là c’est vrai qu’on sortait jusqu’après la nuit tombée voilà et puis on revenait à 7 heures du soir et puis ça allait tout bien. J’ai l’impression que les parents s’en faisaient pas plus que ça. Tandis que maintenant on hésite un peu plus hein ! Même à la campagne, peut-être. Et c’est vrai que les jeux de plein air, maintenant ça manque, ça manque beaucoup. Maintenant les enfants on les emmène un peu à droite à gauche, mais bon ça remplace pas. Avec les parents, c’est pas avec les copains, c’est autre chose hein ! Ben jusque-là encore, ils suivaient bien, maintenant un peu moins. Mais maintenant je me dirais : “ finalement c’est plus simple parce que, parce qu’ils ont pas besoin de nous quoi ”. Ils arrivent, la fille elle va faire quelques tours en ville et autres, le garçon il appelle deux copains et c’est chez les uns, chez les autres et j (e n)’ai plus à me dire : “ il faut qu’ils sortent aujourd’hui, qu’ils fassent quelque chose ”. Ils organisent eux-mêmes donc ... Oui, oui, ça va bien. Mais y a encore le petit qui a encore besoin de nous, il a 4 ans. Lui, c’est nécessaire de le sortir, de le mettre un peu en plein air. Donc on fait un peu des promenades, des choses comme ça. Voilà, je crois que c’est à peu près tout. En fait les parents ils nous ont toujours laissé un peu d’indépendance. Ça paraît bizarre, assez contradictoire d’ailleurs, mais bon, quand on voulait faire les choses, ils nous laissaient faire les choses. Et on a l’impression qu’ils s’en faisaient pas trop. Alors je sais pas si, si vraiment ils, on se rend pas compte (étant) gamin. Moi j’avais, j’ai toujours eu l’impression qu’ils se faisaient pas de souci pour nous. Bon, j’ai changé un peu d’avis là, bien sûr. Qu’ils se faisaient pas de souci, qu’ils nous laissaient faire un petit peu ce qu’on voulait ...

  • Peut-être qu’ils faisaient confiance ?

  • Peut-être. Peut-être bien. Sûrement. En tous cas ils devaient plus me faire confiance, ils me faisaient plus confiance à moi qu’ils pouvaient faire confiance à ma soeur mais bon, c’est parce que c’était une fille, donc là ça a posé vite des problèmes avec mon père et les deux autres garçons en tous cas pas les deux autres non, le petit dernier, celui qui a 10 ans d’écart avec moi, lui il a fait à peu près tout ce qu’il voulait assez facilement parce qu’il est arrivé quand même 10 ans plus tard, enfin 8 ans plus tard que le dernier. Mais celui qui vient juste derrière moi , il est un peu tête brûlée, donc c’est vrai que, il a dû être plus surveillé. Moi, comme j’étais soi-disant l’intellectuel de la famille, donc (rire) un intellectuel ça doit réfléchir avant de faire des choses je suppose, donc c’est vrai qu’on m’a toujours fait un peu confiance. Quand je disais : “ je vais là ” ou “ j’ai envie de faire ça ” ... Y a eu un voyage en Angleterre au collège, pourtant ça a dû poser des problèmes à mes parents pour le financer, ben ils m’ont dit oui. Quand fallait aller au théâtre à Genève, bon c’était oui. Enfin y a toujours eu ... L’année du bac, on a dû aller passer 10 jours pendant les vacances de Pâques en Espagne avec 4-5 amis, on est parti en train, ça a duré des heures de voyage, etc. ils m’ont dit oui et sans même me dire : “ attention etc. ”. Je sais pas, ils m’ont fait confiance. Et puis après à l’EN, on avait fait un échange avec une EN de Dublin. Ça, c’était intéressant, oui. Donc on est resté un mois à Dublin et on était une quinzaine je crois. Et donc, y a une quinzaine d’étudiants irlandais qui sont venus un mois à B. Ça leur a fait une différence (rire). Passer de Dublin à B. et de B. à Dublin ça a beaucoup changé. Surtout que nous à B. y avait une quarantaine de normaliens. C’était la 2ème année qu’était ... donc y avait les deux ans donc ça faisait un maximum de 70 à 80 étudiants, et à Dublin y en avait 1000. On est arrivé, moi j’ai découvert un petit peu l’ambiance universitaire à ce moment-là, parce que c’était quasiment l’université. Mais c’était 1000 étudiants qui se destinaient quand même à l’enseignement. C’était pour toute l’Irlande, je crois bien. En tous cas, c’était ... Il ne devait pas en avoir beaucoup comme ça. Donc c’était très particulier comme ambiance, évidemment très catholique, donc moi ça m’a toujours, ça me, ça me choquait, ça m’a choqué évidemment, n’étant pas catholique du tout, peut-être un peu anticlérical comme toute ma famille. Ça vient du grand-père surtout, le grand-père qu’est toujours vivant et puis euh . Mais bon, ce qui donne une bonne ouverture de l’esprit sur la civilisation, j’avais trouvé ça, très très bien. Et pas de travail du tout en plus (rire). Je sais pas pourquoi on y est allé parce que, enfin si ça a été très enrichissant personnellement mais qu’on nous ait payé le voyage, remboursé etc. pour nous envoyer là-bas, d’ailleurs ça s’est pas refait donc (rire) peut-être que les retombées n’ont pas été formidables. Mais bon, on en a profité nous. C’est peut -être un peu dommage que ce, que ça n’ait pas continué. Non ça c’était pas mal.

  • Je reviens sur votre frère, la liberté était peut-être bien accordée en fonction d’une estimation des

  • Ah oui, oui c’était ça, c’était sûrement ça. Et je vois, j’ai un peu, forcément j’ai un peu cette attitude-là avec mes enfants. Pas soumission par contre, évidemment, pas du tout parce que ce serait pas, enfin pas plutôt le contraire mais en tous cas j’ai essayé, pas d’être comme ça mais de faire confiance. De faire confiance, de pas être trop sur eux alors que mon épouse c’est un petit peu le contraire. Pour les devoirs elle vérifie alors tous les deux on se complète pas trop mal. Parce que moi je laisse plus les choses ouvertes et qu’elle, de temps en temps elle remet les choses en place, donc finalement on se complète bien.

  • Et au niveau expérience est-ce négatif de leur faire confiance ?

  • Non. Non non, non non. Au contraire. au contraire parce que si on fait pas confiance on aura forcément le mensonge ou des choses comme ça de leur part. J’aime mieux qu’on me dise les choses même si elles sont pas toujours très agréables à entendre. Mais c’est vrai que ma femme qui fait moins confiance, eh bien ma fille aurait plutôt tendance à lui mentir sur certaines choses. Y a pas longtemps encore, je sais plus pourquoi, effectivement elle a pas raconté la même chose aux deux. Moi elle m’a dit la vérité, à mon épouse elle a dit autre chose parce qu’elle s’est dit que ça passerait pas sinon.

J’ai envie de revenir sur l’école, sur les cycles. Les cycles ça nous permet de prendre notre temps. Et ça tombe bien parce qu’avec les cycles ça nous permet un peu de prendre notre temps. Et bon, on a 3 ans pour faire les choses et voilà. Avant on était très bousculé sur, enfin on était, je sais pas si on l’était mais en tout cas on se sentait un petit peu bousculé sur les choses. On disait : “ il faut qu’on fasse ... le passé simple, le machin, le truc ”. En conjugaison, des choses comme ça, on faisait des temps qui ne, qui ne servent à rien de faire. Ça marchait avec les quelques bons élèves de la classe, les autres on les mettait plus ou moins en échec et puis voilà, c’est tout. Bon aujourd’hui on se dit : “ Hein, subjonctif présent ... ou certains temps comme ça, ils les maîtriseront au collège. Même s’ils les découvrent au collège ... Que nous on le travaille un petit peu oralement comme ça, ben c’est bien suffisant, qu’on en écrive quelques uns si on en a besoin, qu’on les recherche dans le livre de conjugaison, et puis voilà, c’est tout. Moi je crois qu’il faut aller doucement sinon. Enfin, faut prendre son temps, prendre le temps de faire les choses, de les faire correctement et bien. On avait tendance à aller trop vite parce que ? Parce que le programme était fait comme ça. C’est vrai que le programme est encore un peu lourd mais au sein du cycle on peut quand même s’arranger pour ...

  • Ca dépend des collègues aussi

  • Oui oui. Et puis comme la formation est moi je dis que la formation des instituteurs est pas bonne et que la formation continue n’est pas meilleure, c’est vrai qu’on a encore de grosses disparités, hein, entre collègues d’une même école ou d’écoles différentes. On demande ça, ils demandent ça, quand le gamin passe d’une école à l’autre, on a des surprises, c’est vrai. Et en général ceux qui bougent, qui bougent beaucoup c’est, c’est les enfants qui ont des familles pas trop stables et effectivement, c’est pas ... Et s’ils ont déjà rencontré une notion et qu’ils n’ont pas réussi, c’est pas la bonne solution.