Carole

Premier entretien

Ça fait déjà pas loin d’une quinzaine d’années... donc ... Ben là je suis en poste, je suis titulaire du poste depuis à peu près neuf ans. Donc c’est vrai que, depuis que je suis en poste ici, bon, disons le fait qu’on est une classe régulière, et d’apprendre aussi à connaître les parents et les enfants, parce qu’on a les cadets des aînés qui reviennent après, c’est vrai que, je dirai que ça va de mieux en mieux au niveau du déroulement. Par contre, c’est vrai que mes débuts n’ont pas été faciles. Donc, si je me remémore un peu mes souvenirs, ben comme tout le monde j’ai commencé à faire des postes de remplaçants, donc postes de brigade, stages, congés. Je ne me souviens plus tellement les durées et tout. Mais c’est vrai que, bon, au début en ayant des enfants et des postes pas toujours près du domicile, c’est vrai que bon, c’était une part déjà de difficultés de gérer et le travail d’école et les trajets, et les remplacements qui pouvaient varier. Par exemple, du matin en petite section de maternelle et jongler l’après-midi avec des CM 2 ; bon tout un travail d’adaptation auquel il faut s’habituer. Donc, déjà on peut citer ça comme un problème. C’est vrai que bon, maintenant avec du recul, je me rends compte que finalement c’était des efforts à fournir, et qui paient peut-être par la suite, parce que on y retrouve toujours quelque chose. Mais c’est vrai qu’au début c’était, c’était pas facile. Les collègues, je dois reconnaître que moi (ce que) j’ai toujours apprécié dans la profession, c’est l’aide des collègues des écoles dans lesquelles on se trouvait qui étaient toujours là. J’ai pas le souvenir d’avoir rencontré quelqu’un qui m’ait fermé sa porte ou, j’ai toujours rencontré des gens vraiment prêts à m’aider, à passer du temps même après la classe le soir pour me donner des conseils ou pour me guider un petit peu. Bon, d’autres mauvais souvenirs, c’était aussi par rapport aux classes dans lesquelles on était affecté. J’ai un souvenir de, bon, mises à part toutes les classes difficiles dans les zones, ZEP. Je crois que, maintenant peut-être, les remplaçants, peut-être pas les nouveaux mais ceux qui, qui se plaisent finalement dans ce métier de brigade parce que y en a quand même quelques uns qui ne veulent pas avoir une classe en responsabilité, et qui aiment justement rencontrer d’autres gens et tout, je pense que maintenant, bon avec l’expérience, ils se permettent peut-être des choses que moi je ne me suis pas permis au début, à savoir refuser un poste quand on se sent pas compétent pour le, pour l’accepter. Bon moi, en rentrant dans le métier, je crois que je n’ai jamais refusé un poste. J’y allais peut-être à contre-coeur, mais je faisais quand même l’effort de, d’essayer, bon. C’est vrai que des fois c’était pour des courtes durées donc. Mais à part ça, c’est vrai que j’ai le souvenir d’une classe aussi où j’ai été parachutée un petit peu à mes dépens comme ça. C’était une classe de gens du voyage. Donc je crois qu’actuellement elle n’existe plus, ces gens ont été intégrés dans d’autres classes ; mais à l’époque c’est vrai qu’ils étaient tous regroupés dans une classe où l’effecif était réduit c’est vrai, je crois qu’au maximum ils devaient être huit ou dix, mais sans distinction d’âge, hein, donc ce qu’on pourrait appeler classe unique de quatre ans à onze-douze ans. Et puis alors bon, quand on, quand on nous parachute dans des classes comme ça dont personne ne veut, et qu’on n’a pas l’expérience derrière... Bon, j’ai eu, là aussi c’est vrai, l’aide de deux conseillères pédagogiques qui étaient là pratiquement une fois par semaine, puisque c’est un remplacement de longue durée. Mais à par ça, bon ... pas de moyens dans la classe. En plus, bon une classe qui était déjà, au niveau géographique, excentrée par rapport aux autres bâtiments. Et puis bon, des difficultés avec les enfants, énormes, que je n’étais pas en mesure de gérer. Des enfants bon, turbulents, des enfants qui n’avaient aucun suivi scolaire. Il m’arrivait de me présenter dans la classe et de n’avoir aucun enfant ce jour-là. Bon, je crois qu’à l’époque y avait des problèmes avec la municipalité, et les parents géraient un peu, enfin faisaient un peu du chantage par rapport à l’école, c’est-à-dire que bon, si mes souvenirs sont bons, à l’époque ils réclamaient un terrain en herbe parce que le terrain qu’ils avaient, en goudron, était, l’été, très chaud. Evidemment, il y avait une petite guerre avec la municipalité, et du fait qu’ils n’arrivaient pas à avoir ce qu’ils voulaient, et bien ils faisaient du chantage avec l’école : “ et bien puique c’est comme ça on mettra pas les enfants à l’école ”. Donc nombre de fois je me suis déplacée, faire mes 60 km, pour rien, pour trouver classe vide. Bon, je sais aussi que le samedi c’était régulier, ils ne venaient pas. Donc, j’avais demandé une dérogation à l’inspecteur de travailler chez moi, ou tout au moins à mon école de rattachement pour préparer ma classe au lieu de faire ces km alors que je savais pertinemment là c’était un accord je savais qu’ils ne venaient pas. Bon, j’ai jamais eu l’autorisation. Enfin plein de petites choses comme ça qui faisaient que c’était pas facile. Bon, dans les autres mauvais souvenirs, bon c’est vrai qu’après quand on a vécu des choses comme ça et qu’on tombe dans une classe comme je suis actuellement, c’est vrai qu’après on trouve les enfants faciles, même s’il y a toujours, dans une classe de 30, un ou deux enfants à problèmes, on trouve que c’est quand même bien agréable, donc faut positiver dans ce sens-là peut-être ? Mais je crois que, envoyer des jeunes sans expérience dans des classes comme ça au début, je ne sais pas non plus, parce que des erreurs j’en ai faites, donc je sais pas tellement, au niveau des enfants, où est l’intérêt. Bon, c’est sûr que, ils avaient quelqu’un qui les surveillait, qui était là, mais je sais pas tellement ce que j’ai pu leur apporter, parce que c’était vraiment un enseignement ... je n’étais pas à la hauteur. Il fallait vraiment faire un enseignement individuel et, je veux dire, en sortant de l’école normale, j’avais aucune ... D’ailleurs non, j’avais même pas fait mon année de formation, c’était l’époque où on faisait une année sur le terrain et ensuite, on faisait la formation à l’école normale. Donc, j’avais même pas le peu de théorie que ... mais, même avec ça, je sais pas si ça m’aurait, si ça m’aurait aidée. Bon y a eu aussi les stages en IMP, alors qu’il y a des gens quand même qui sont qualifiés, qui ont des diplômes pour enseigner, bon ...

  • Vous êtes allée en IMP ?

  • En IMP, IMPro ...

  • Vous avez fait beaucoup dans l’enfance inadaptée en fait ?

  • Beaucoup ... non. Disons qu’en durée, ça n’a pas duré très longtemps mais c’est vrai que j’y ai passé quand même quelques semaines.

  • Quelques rudes semaines ?

  • Ben c’était dur hein ! Je crois que bon, quand on rentre dans ce métier, c’est vrai que, je pense qu’il faut quand même certaine vocation au départ. Ça, peut-être qu’on découvre après qu’on l’a, ou qu’on ne l’a pas. Mais entre des enfants, soit qui ont des problèmes psychologiques, voire moteurs puisqu’en IMP y avait aussi des gens ... bon c’est autre chose. C’est une autre forme d’éducation. Moi je vois, j’ai vécu avec les collègues, puisqu’ils vivaient vraiment en vase clos, je crois qu’il y avait même certains collègues qui logeaient le soir à l’IMP, et qui s’occupaient aussi des repas et tout ; bon j’ai admiré beaucoup ces gens, moi ça m’a donné l’effet d’une grande famille. Mais non, moi j’étais pas faite pour ça et je, c’est pas ce que j’ai choisi au départ, c’est pas ce que je voulais. Ça demande d’autres qualités, au niveau nerveux, au niveau ... que je n’avais pas. C’était pas, c’était pas ce que je recherchais. Et puis bon, je crois que maintenant ça a pas beaucoup évolué, on envoie toujours les gens comme ça. Mais peut-êre que bon ... Comme je vous disais tout à l’heure ces gens qui ont plus d’expérience derrière eux se permettent peut-être de refuser les postes ou ... Mais enfin je suis certaine quand même qu’il y a des gens parachutés dans des classes pour lesquelles ils sont pas adaptés.

  • Vous pensez que les jeunes quand ils démarrent ils peuvent difficilement refuser aussi ?

  • Je sais pas, c’est peut-être qu’on joue là-dessus, en disant : bon, de toutes façons ils sont obligés de passer par cette phase pour faire leur formation et tout. Mais je sais pas si c’est une bonne chose parce que, même pour les enfants, quand on repense après aux bêtises, je veux dire des choses toutes bêtes mais bon, quand on n’a aucune formation, et moi du jour au lendemain, ayant travaillé dans le privé avant, j’ai quitté mon travail le vendredi soir, le samedi matin j’étais parachutée dans une classe, toute seule ! Bon ben, même si on a des enfants, je veux dire quand on en a un ou eux qui correspondent à la classe d’âge à laquelle on est confronté, je veux dire au niveau de l’enseignement, c’est quand même pas, ça s’improvise pas, y a quand même des choses à apprendre, des bases à avoir. Bon la formation à l’EN, on dit l’IUFM maintenant, y a eu du bon certes ; maintenant avec du recul, je me rends compte aussi que ce qu’on nous apprenait ça nous sert, mais peut-être que ce qui faudrait c’est que ce soit axé sur des choses plus pratiques parce que finalement bon, la théorie c’est bien, lire dans les bouquins et tout, mais ça on peut peut-être le faire en parallèle avec ... quand on exerce. Je pense que, même à entendre des jeunes qui sortent maintenant, ce qu’ils réclament c’est des choses vraiment terre à terre, des outils de travail qui puissent leur servir dès qu’ils sont confrontés à une classe.

  • Parce que vous avez des jeunes en stage de temps en temps ?

  • Dans la classe oui. C’est fréquent qu’il y ait des gens qui viennent assister, bon voir comment se débrouille une classe de maternelle. Donc là, ils sont en observation, donc ils regardent simplement. Après on essaie un petit peu de leur ... mais c’est pas non plus facile parce que, ben quand les enfants sont là, surtout en maternelle c’est pas évident d’expliquer en même temps ce qu’on fait, et de gérer la classe hein, parce que, bon les enfants profitent du moindre moment où on n’est plus sur eux pour, pour soit arrêter de travailler, soit faire un peu de chahut, donc c’est pas évident. Moi ce que j’ai aimé à l’IUFM, et peut-être où j’ai le plus appris, c’est ce qu’on appelait les stages avec les maîtres d’application. Donc, c’était en principe sur des durées de trois semaines, la première semaine on était en observation. Donc, on regardait vraiment comment la classe se passait, comment le maître ou la maîtresse s’y prenait. La deuxième semaine, on préparait des séquences bien précises avec le maître ou la maîtresse d’application, et on les mettait en pratique devant elle, donc après y avait un bilan de ce qui avait été bien, de ce qui avait été moins bien, on en parlait, on essayait de rectifier le tir. Et la troisième semaine, on assurait toute la semaine, vraiment seule, et là c’est vrai que ... Je regrette qu’il y ait pas plus de temps libre pour ces stages comme ça, parce que c’est que là, enfin moi personnellement, j’ai appris beaucoup de choses, j’ai appris beaucoup de choses. Et puis la correction, entre parenthèses, était vraiment immédiate donc c’était vraiment du travail, on avançait, on avançait. Un mauvais souvenir, enfin mauvais souvenir, non c’est pas un mauvais souvenir mais bon j’ai appris depuis. A l’époque, les profs de l’IUFM se proposaient pour venir nous filmer pendant une séquence en nous disant que, bon c’était un petit travail, qu’après en se revoyant on voyait les erreurs. Effectivement, ce qui est vrai puisque j’ai vu la cassette, c’est flagrant, y a des choses flagrantes dont on ne se rend pas compte mais qui à l’image apparaissent. Mais j’ai appris par contre, y a pas très longtemps, qu’ils utilisaient après ces cassettes pour les jeunes qui arrivaient et bon, c’est vrai que ça peut apporter quelque chose aux étudiants. Mais je pense que la moindre des choses aurait été, quand ils nous filmaient de nous dire le but, hein ! L’objectif c’était pas uniquement pour nous, mais c’était après aussi. C’est pas toujours très agréable, je veux dire, de savoir que, régulièrement, on est repassé sur un écran de télévision et que bon, tout le monde s’en donne à coeur joie pour ... Bon là, c’est vrai que ... j’avais pas, avec du recul tellement apprécié... Mais enfin bon, si ça peut servir à quelqu’un, bon ... Pourquoi pas ? Mais au moins le dire, au moins prévenir, enfin dire l’objectif du travail. Bon, les rapports avec les enfants, ben voilà ... Hein, suivant la classe à laquelle on est confronté bon, c’est vrai que (soupir) ça se passe plus ou moins bien. Les collègues non, je reconnais que j’ai toujours, je suis toujours bien tombée, j’ai toujours gardé beaucoup de connaissances un peu partout. Des gens ... je crois que les collègues sont quand même prêts à donner un peu ce qu’ils savent, c’est quand même un métier où on apprend à partager, et puis à pas garder tout pour soi. J’essaie maintenant de le faire un petit peu avec les gens qui viennent, tout en mettant quand même des réserves, en leur disant que ce que je fais c’est, c’est, c’est cuisine, je veux dire c’est la, ma réflexion mais que de toutes façons je pense que, même à cinquante cinq ans je me poserai encore des questions, et la réponse on l’aura jamais quoi ! Il faut, y a tellement une part de personnalité aussi dans le, dans ce qu’on fait passer que, bon tout le monde ne peut pas y trouver tout ce qu’il veut. Après bon, chacun adapte un petit peu à sa façon.

  • Et des bons souvenirs ?

  • Des bons souvenirs ? Oh y en a aussi certainement. Y a , y a toutes les satisfactions qu’on peut avoir au quotidien, je veux dire d’un enfant en difficulté et puis tout d’un coup ben, le petit déclic se fait et puis, et puis il se met à démarrer ou à, en maternelle ne serait-ce qu’à aimer l’école, à venir, à venir de bon coeur à l’école, à faire avec plaisir ce qu’on lui demande. C’est vrai que, encore pas plus tard qu’il y a deux ans en arrière, bon, j’ai récupéré un enfant vraiment asocial, vraiment, qui pourtant, avait déjà fait une année d’école, mais qui n’avait aucune réaction d’enfant, qui avait vécu en collectivité, et je reconnais que le premier trimestre a été une horreur parce qu’il était méchant avec les autres, il se bloquait quand moi je lui parlais, quand je lui demandais quelque chose. Il réagissait à la limite comme un petit animal, et puis, petit à petit, et bien il s’est, il s’est ouvert aux gens, il s’est ouvert aux autres, à l’adulte, aux autres copains. Et c’est vrai que, bon je le revois maintenant à l’école primaire, et ça me fait plaisir de le revoir parce que c’est un gamin qui s’est complètement épanoui au contact des autres. J’irai même plus loin en disant que, bon on a beaucoup travaillé avec les parents qui, au départ, étaient assez, enfin on sentait une réticence un peu au niveau de l’école et tout, des gens qui eux-mêmes étaient assez moi je l’ai toujours mis sur le compte de la timidité mais qui sont assez froids disons, et bon ben c’est des gens maintenant, qui sont ouverts, qui, quand il y a un problème, osent aller en parler, osent aller au-devant des gens, des maîtresses, des maîtres actuels. Et c’est vrai que là, je pense qu’on a fait une thérapie, pas seulement pour l’enfant mais aussi pour la famille. Bon, ben y a toutes les satisfactions en maternelle, les enfants qui sont persuadés en nous quittant que la maîtresse de CP ben ce sera nous, quoi ! Bon ben là, intérieurement on leur dit : “ Bon ben non, tu auras quelqu’un d’autre ” mais quelque part ça fait plaisir parce qu’on se dit :  “ S’ils réclament ça c’est qu’ils ont quand même passé des bons moments ”. Voilà. Sinon, l’année dernière on a mis en place, c’est la première fois que je, que je faisais ça avec une collègue de moyens-grands aussi à côté, donc un départ en classe de neige. Donc beaucoup, beaucoup de travail tout au long de l’année pour mettre en place ce projet, mais finalement des liens après, au retour de cette classe, très très serrés aussi bien au niveau des enfants, mais aussi au niveau des parents qui, vraiment, se sont impliqués dans le projet et qui sont... C’est vrai qu’on avait des relations en fin d’année plus amicales que ce qu’on a pu connaître, bon quand on fait la classe sans projet particulier. Bon, ceci dit je me lancerai pas chaque année à faire des choses comme ça parce qu’au niveau du temps, l’investissement personnel c’est énorme, énorme, énorme. Mais enfin beaucoup de satisfactions de ce côté-là. Mes satisfactions ? Ben tout bêtement de voir les frères cadets, les frères et soeurs cadets qui arrivent, bon ben, c’est vrai que ça nous rappelle quand l’aîné était là. Il faut pas tomber dans le piège de les comparer, je veux dire, de dire : “ ben oui ... ” Les parents ont souvent tendance à le faire, c’est ... Pour moi, bon ben même s’ils font partie de la même famille, c’est des enfants à part entière et ben on recommence le travail, et puis même s’il est moins attentif, même si ... bon il faut, il faut (les) prendre comme ils sont quoi, je veux dire. C’est des individus autres et puis ... Mais c’est vrai que bon, souvent, surtout en maternelle, les enfants, ben du fait qu’on leur parle de leur grand frère, de leur grande soeur qu’ont déjà travaillé dans cette classe, bon ça les sécurise un petit peu, et puis c’est vrai qu’on a quand même la chance ici d’être dans, je dirais d’avoir à faire à des enfants quand même privilégiés. On n’a pas trop de problèmes de, d’enfants immigrés, pas trop de problèmes d’enfants, bon au niveau je dirais familial, bon mises à part les familles qui s’éclatent un petit peu, les problèmes de divorce, etc., bon c’est des enfants qui ont quand même une éducation à la maison qui tient, qui tient la route. Donc, même s’il y en a deux ou trois par classe, c’est vrai que c’est pas la majorité. Bon, au niveau de la langue, pas d’enfant en difficulté énorme, donc ça nous permet aussi de faire un travail intéressant. Au niveau de l’école bon, très très bonne entente au niveau du groupe. C’est une petite école, on n’est que quatre mais c’est peut-être pas non plus le critère, c’est pas parce qu’on n’est pas nombreux que (rire) ... Mais bon, un effectif, des collègues qui restent stables, donc c’est vrai que chaque année on avance et c’est bien agréable, c’est bien agréable. Mais en fait les mauvais souvenirs, c’est vrai qu’ils s’oublient vite, hein, de toutes façons parce que bon, dès que la situation se stabilise, c’est vrai qu’après y a beaucoup de choses liées aussi au fait de bouger donc ... Bon on les oublie mais c’est pas, on ne regret ... enfin moi je ne regrette pas d’être passée par là parce que je me rends compte que finalement ça a été quand même très enrichissant parce qu’on rencontre beaucoup, beaucoup de monde, beaucoup d’écoles, beaucoup de fonctionnements différents, beaucoup d’enfants différents et bon, avec du recul, c’est quand même positif quelque part, quelque part. Maintenant la classe roule ici, mais c’est vrai que chaque année je demande quand même des stages de formation, parce qu’on a vite aussi tendance après à s’enfermer dans son petit, pas sa routine parce qu’on essaie quand même d’évoluer mais c’est vrai que des fois le fait de, de rencontrer d’autres collègues en stage, bon y a toute la partie théorique que les professeurs peuvent nous apporter mais y a aussi tous les temps morts entre les cours qui nous permettent de discuter : “ ben toi tu fais quoi ? Et tu fais ça comment ? ” Et c’est très très enrichissant. C’est vrai que, même maintenant, même pendant le temps des cours, les professeurs souvent nous laissent une demi-journée sur le stage pour justement confronter un peu. Et c’est vrai que c’est aussi enrichissant que le reste hein, quelquefois.

  • Et vous avez fait quoi comme stages ?

  • Oh ben là j’en ai fait beaucoup parce que chaque année j’en demande et je sais pas, les collègues qui me disent qu’elles n’ont jamais droit aux stages, moi je crois que chaque année je pars au moins une semaine. Ben stage, souvent on essaie quand même de lier par rapport à notre projet d’école. Donc on a commencé par tout ce qui était lecture, ensuite tout ce qui était langue orale, tout ce qui est production d’écrit, arts plastiques. C’est vrai que, bon y a aussi les stages, les stages d’école hein, qu’on nous impose par rapport aux stages, aux projets d’école. Mais bon j’en suis revenue toujours plus ou moins satisfaite. Bon je crois que j’arrive maintenant, au début c’était assez, quelquefois c’était assez démoralisant parce qu’on revenait avec un peu le sentiment de dire : “ mais alors ce que je fais dans ma classe, c’est tout à reprendre, c’est tout à refaire et tout. Ce qu’on nous a dit, ben là ça colle pas du tout ”. Mais je crois qu’il faut assister aux stages et puis prendre aussi ce qu’on a envie d’y prendre sans pour autant tout modifier la façon de faire parce que ... Je veux dire, si on a une classe qui roule, faut pas non plus tout casser sous prétexte qu’on nous a dit que là non fallait pas ... Je crois qu’après y a aussi une grande question de logique et puis de, d’affectif. Je veux dire : si on nous propose des choses et puis qu’on se sent pas capable ou prête à les faire, peut-être qu’on les fera quelques années plus tard, ou qu’on le ressortira plus tard mais faut aussi faire comme on le sent. Je crois que c’est un métier aussi où il faut ...

  • Vous avez des exemples de choses qu’on vous conseillait et puis...

  • Des exemples précis ? (soupir)

  • Je sais pas, en lecture

  • Non en lecture c’est vrai que bon, souvent ... Ce que j’essaie de faire en revenant d’un stage, c’est, tant que c’est chaud, de mettre tout de suite en pratique. Puis, moi après, je fais mon tri d’une année sur l’autre. Bon ben ce qui, ce qui marche pas c’est peut-être aussi parce que je l’ai mal mis en application, donc il faudrait que je ressaye quelques années plus tard de le refaire mais d’emblée je fais un tri. Je dis : “ Ben, ça oui, ça je suis prête à l’essayer ”. Des exemples précis c’est dur à donner parce que c’est tellement riche, bon ... on en ressort je veux dire avec une tête ... pleine à craquer, des dossiers, des notes plein le cartable. Donc là ça serait, j’aimerais bien en donner, en trouver hein mais c’est pas évident. Mais c’est vrai que j’essaye maintenant de tout de suite mettre en application et puis de faire mon tri pour déjà alléger parce qu’on est un peu envahi aussi par la paperasse. Donc garder ce qui me semble intéressant, et puis laisser un peu de côté le reste. Puis de toutes façons, on peut pas tout non plus faire. Avec les directives actuelles on est quand même tenu plus ou moins à un programme. Donc je suis en grande section, donc y a quand même des choses précises. Bon, on peut pas non plus se permettre de tester tout comme ça. Donc, chaque année on essaye d’accorder un petit peu dans un domaine précis, d’innover un petit peu, puis de reprendre ce qui a marché les autres années, d’essayer de tester d’autres choses, et puis voilà. On cuisine un peu comme ça, on cuisine un peu comme ça. Et puis bon, le travail aussi en équipe. Bon je veux dire on partage tout. Dès qu’il y a une bonne idée, la collègue nous la transmet, elle l’essaye après, on l’essaye ou alors on essaye en commun. Ça c’est aussi, c’est aussi énorme, c’est aussi énorme. C’est pas partout, c’est pour ça que je dis quand même que je reconnais être quand même dans un milieu assez privilégié de ce côté-là.

  • En fait vous avez eu de la chance avec les collègues dans toute votre carrière ?

  • J’ai pas le souvenir d’avoir rencontré quelqu’un qui ait refusé d’aider ou, bon j’ai beaucoup bossé de mon côté. Et puis, peut-être aussi que c’est moi qui, qui faisait l’effort aussi, d’aller demander, d’aller vers les gens. Mais non, j’ai pas le souvenir d’être tombée sur quelqu’un qui m’ait dit : “ Ben écoute, ça c’est ton problème, c’est ta classe, débrouille-toi ” ou ... J’ai toujours rencontré des gens vraiment prêts à donner de leur temps ou des documents, ou de me guider ou, s’ils avaient pas le temps d’en discuter de me donner des, des références ou ... Non je reconnais. Et c’est vrai que c’est un côté du métier qui m’a beaucoup plu en rentrant, c’est que, c’est cette ambiance quand même chaleureuse. Bon je sais que ça ne se passe pas toujours pareil, y a des problèmes dans certaines écoles, je plains les collègues qui travaillent dans ces conditions où on fait la récréation, y en a un qui regarde au nord, un qui regarde au sud. Je crois que je serais dans une école comme ça, je préférerais changer parce que je vois pas comment on peut travailler en équipe dans des conditions comme ça. Si c’est pour rentrer le matin, fermer la porte de sa classe, vivre toute sa journée de travail avec des enfants, on a quand même besoin, c’est quand même un métier où il faut, c’est dur je veux dire d’être, de se mettre au niveau des enfants toute la journée, il faut quand même qu’il y ait des temps à côté où on puisse même sans parler toujours boulot je veux dire qu’on puisse un peu déconnecter.