Deuxième entretien

Je crois que je vais prendre chronologiquement. D’abord, on est venu dans la région parce que j’étais assez malade, malingre, un vrai petit crevard, je devais avoir 4 ans. J’avais une pleurésie, une coqueluche. Ça se soignait assez mal. Et comme ma grand-mère avait évacué dans la région : ici c’est le bon air, alors faut venir avec les enfants. C’est comme ça qu’on a déménagé d’une région que j’aimais beaucoup parce que j’y aimais les, ma mère étant très jeune c’est plutôt une tante qui m’avait élevée. Et ça a été assez difficile de changer de, de région, et puis surtout que bon j’étais, je me souviens de cette maladie qui me faisait souffrir parce que je m’étouffais, des choses comme ça. Et après j’ai passé quelques mois à, euh, dans une ferme aux V. Alors là, j’avais de très bons souvenirs, avec .. ; c’est une dame qui recevait des enfants un peu en convalescence. Et là, je me souviens d’avoir bien crapahuté avec les petites chèvres, dans les billes de bois où je perdais mes crayons de couleur régulièrement.(rire) Je n’aimais pas le petit déjeuner au lait de chèvre, je me souviens de cette chèvre (rire) mais euh, je, je, j’ai de bons souvenirs là. Bon, après on finit par s’y faire mais dès que les vacances étaient là, alors je quittais l’école le soir, on me mettait dans le train à 11 heures et ½ avec la famille et je retournais dans, dans le Nord où on m’avait élevée. Et je revenais je crois, le matin de la rentrée parce que le train arrivait à 7 heures du matin à B., et je pouvais être à l’école à 8 heures ½. (rire) C’est-à-dire que, des vacances ici, j’en ai pas beaucoup passé. Bon euh, j’ai pas, j’ai pas de souvenirs très, très tristes ou très gais. C’était les réunions de famille, les, les plus gaies, les seuls endroits où je mangeais vraiment, parce qu’autrement on avait assez de mal à me faire manger. Oui, je me souviens de séances épiques où on faisait semblant d’aller chercher un, un commissaire de police qu’était de la famille pour me faire manger, où on me punissait parce que je mangeais pas. Et puis euh, après on a du mal à perdre 3 kg (rire) alors c’est un peu fort de café. Non autrement, les vacances là, quand je repartais pendant les vacances dans le Nord, j’ai ma tante qui m’avait élevée. Et je sais qu’après, euh, cette maladie, j’ai pris l’école en route, une école avec une, une maîtresse je sais pas si ça existait vraiment ailleurs assez dure, qu’avait des grands ongles rouges, et qui avait sa pile de cahiers tous les matins, et qui passait auprès de chaque enfant pour leur tirer les oreilles et les cheveux, parce que sur le cahier c’était pas comme elle voulait, bon. Alors, c’était la terreur dès le matin mais euh, c’est tout. Je ne me souviens pas d’autres ... J’ai pas de souvenirs marquants de, d’école toute petite. Après euh, après on a eu une maîtresse, longtemps à B., qu’était une maîtresse déjà un peu âgée et on chantait beaucoup, on nettoyait nos tables à la cire, le sol aussi toutes les fins de semaine, et puis elle, elle marchait de long en large dans la classe, elle pensait à je sais pas quoi, et puis nous on s’amusait bien sous les tables (rire) à nettoyer, à cirer. C’était des classes à plusieurs cours, alors je me souviens que, quand les élèves du certificat d’études faisaient des dictées ou apprenaient des choses en sciences, nous qui étions un peu plus petits, on avait vraiment l’oreille tendue comme des voyeurs et on, parce qu’on savait, bon pour certains, qu’on ferait pas ce qu’ils ont fait, vu qu’on allait passer un concours pour entrer en 6ème encore à l’époque. Alors on se disait que ça, euh : ça, c’est dommage (rire) on en parlera pas ! Le 1er concours, le 1er examen c’était le concours d’entrée en 6ème. Je me souviens un peu de ça, le départ au petit matin, la trouille, un parent d’élève qu’avait, un des rares qu’avait une voiture assez grande pour emmener les 4-5 à T. Puis, oui les années de collège, c’était, c’était agréable aussi, j’ai de mauvais souvenirs là.

  • Vous étiez à

  • A B., oui, oui, parce qu’il y avait un collège, un cours complémentaire qui a été démoli, dont j’ai raté la démolition parce qu’on pouvait prendre des pierres. Il était en très belles pierres de taille, et je ne l’ai su qu’après, j’en aurais bien pris une de mon cours complémentaire parce qu’il y avait quand même des tas de choses qui se passaient hein ! (inaudible) Je me souviens qu’on a eu un prof tout jeune qui devait être à son 1er poste maintenant, qui après a été directeur de l’école à, instituteur à SC, la famille O.

  • G.. ?

  • Oui. Le 1er prof qui m’a appris une chanson, puis quand on se revoit (rire), il se souvient sûrement aussi de son 1er poste. On était en 3ème, bon certainement pas désagréable, parce qu’on était encore des colonies bien calmes à côté de ce qu’on voit maintenant. Il doit se souvenir de son 1er poste comme moi je me souviens du mien. Oui, après ? Après, ça a été le départ, si je me souviens de l’année de 3ème parce qu’il fallait bosser plein d’heures après les cours pour nous faire passer le concours d’entrée à l’école normale. Alors là, à bosser fort. Ah oui, Ou la la, c’était... J’ai réussi. Pour finir, le passer en 3ème c’était pas très, très agréable à l’époque, parce que on se trouvait avec des filles qu’avaient fait une seconde, et qu’avaient fait une autre seconde en préparation de l’EN ; alors j’étais un petit peu larguée au départ. Oh, on en est sorti quand même (rire). Là aussi, c’était des belles années, un petit peu dans un cocon mais avec des professeurs qui étaient, qui faisaient tout pour nous sortir un petit peu de notre, de notre cocon. On avait quand même des, des presque soixante-huitards (rire) à l’EN. C’était ; c’était assez vivant. Moi je crois que ça avait bien ... soudé un corps d’instits. Je sais pas si maintenant ils ont le temps de former une promotion quoi. Voilà, autrement après, après c’était larguée dans la vie avec un mari (rire), un poste, un (inaudible).

  • Et vous étiez fille unique ?

  • Non, moi j’ai des frères et soeurs, un frère et deux soeurs. Et puis, on est tous resté dans le quartier, dans le, on est resté dans le pays. Personne (n’) a plus voulu repartir dans le Nord. Tous les gens du Nord qui viennent ici (rire) aiment pas trop en repartir. Oh, et puis on finit par faire, faire son trou.

  • Et vous vous entendiez bien avec vos frère et soeurs ?

  • Oui. Oui, oui. C’est les parents qu’étaient un peu terribles, qu’ont fini par se séparer. Ça a été assez cauchemardesque. Et puis euh, maman est morte assez vite et mon père il y a un an, juste un an.

  • La période de la séparation a été difficile

  • Oui. Moi, à la même période j’ai quitté le pays pour aller à V. où j’ai suivi mon mari. Donc (soupir) c’était un petit peu avec, avec du recul hein, un peu loin, ce qui fait que je gardais le contact avec mes deux parents. Mais mes soeurs ont choisi l’un ... et puis n’ont plus eu tellement de rapports avec l’autre.

  • En fait vous étiez déjà toutes grandes ?

  • Oui, j’étais l’aînée. On était tous grands mais, oui, sauf ma petite soeur qui avait encore 15 ans et qui a, qui a beaucoup pris, sûrement, dans, dans la figure à cette période, parce que c’est elle qui est restée avec ma mère, quasiment jusqu’au bout de sa maladie. Et puis après, elle n’a pas voulu venir vivre avec nous, elle a voulu aussi rester ici où il y avait encore ma grand-mère, alors elle avait choisi de rester. Mais on se voyait, on se suit, ça se passe bien malgré le modèle parental (rire).

  • Mais la 1ère fois que vous êtes venue, vous êtes venue en colonie, en vacances, en séjour de santé ?

  • Mais c’était un vrai déménagement hein ! On ne venait pas, mes parents ne venaient pas pour, seulement pour quelques, quelques mois hein ! Je sais plus exactement. Je crois qu’effectivement, ils m’ont laissée un moment avec la grand-mère pour partir. Et puis ils ont dû repartir pour déménager.

  • Mais les épisodes avec le lait de chèvre dont vous parlez au début ?

  • C’était là haut, un petit village qu’est là haut qu’on voit encore, qui s’appelle LC. Et là, je devais avoir 5 ans. Comment ils s’appellent ces gens-là ? C’est des gens qui prenaient des enfants un petit peu en convalescence, parce qu’on n’avait guère trouvé mieux que l’altitude pour les coqueluches hein ! J’ai entendu parler de ... voyages en avion, ça calme les toux paraît-il. Et après on est resté. Et c’est après que, pendant les vacances, aussitôt que les vacances arrivaient, on partait, je retrouvais mes racines. Chez une tante. Une tante à histoires, à chansons, à vieilleries, mais pleine de gentillesse, pleine d’attentions. Non c’était, ce serait bien que tous les enfants aient comme ça un pôle d’affection bien solide. Oui. C’est dans une petite ville, c’est pas loin de Valenciennes. C’était une petite ville. Mais c’était une maison, y avait un grand jardin, c’était une grande maison que mon oncle avait monté brique par brique après ... je crois même à la guerre. Il vivait avec, y avait sa soeur qu’habitait une maison, c’était des grandes maisons mitoyennes, alors on était chez l’un, chez l’autre, tout le temps. Ça se réunissait, les voisins. C’est là que j’ai vu que ceux qui s’amusaient le plus c’était pas les jeunes, c’était pas les gens les plus jeunes les plus drôles (rire). Non c’était

  • Y avait les fêtes là-bas l’été ... 

  • Oui mais pas, on n’attendait pas les fêtes et le 15 août pour voir les Gilles de Benche, y avait toujours une occasion, y avait toujours une occasion d’échanger les tartes et le café. Je sais pas si c’est encore comme ça, il y a longtemps que j’y suis pas retournée. Mais j’ai pas trouvé en Haute Savoie ce genre de convivialité. Et puis, le grand ménage de tous les samedis matins. Les maisons sont nettoyées de fond en comble tous les samedis matins, à grande eau hein ! On pataugeait dedans à pieds nus, on poussait l’eau dehors, les carrelages (rire), la poussière, les carreaux, tout. Tout y allait comme on ferait à Pâques (rire). Ça s’appelait : faire le samedi. Alors on faisait le samedi. Ça m’a pas quittée d’ailleurs, parce que comme le samedi-après-midi, c’est un des rares jours de libre, alors on fait aussi le ménage pour (rire) la semaine.

  • C’est une tradition

  • Oui, mais là c’est un peu par commodité hein parce que, on le fait presque aussi parfois le dimanche matin.

  • Et vous aviez des copains, des copines ?

  • Ben oui. Yen a que j’ai depuis 37 ans, depuis le cours complémentaire, puis après à l’école normale, oui. Oui, des copains aussi, qu’on retrouve des fois, fleuriste : ah c’est toi... (rire) Ah ben oui. On en a perdu mais on en a retrouvé.

  • Et quand vous étiez petits vous étiez très surveillés ou plutôt libres ?

  • Oui, mais on n’avait pas tellement besoin de l’exercer, parce que les parents n’ayant pas de voiture, en fait on s’en allait pas tellement et puis on vivait ici hein ! et à tous les trois on se faisait un cinéma pas possible autour de la maison avec les frère et soeurs. On sortait pas tellement hein, on n’avait pas tellement, ni les moyens, ni l’occasion. Et puis moi, je me suis trouvée assez vite loin de la famille, en étant interne à A. hein ! C’était à 16 ans. Mais on sortait pas tellement, on prenait le train pour aller au cinéma avec des copains du coin, c’était bien, il était pas question mais je me rappelle même pas avoir eu envie d’aller danser. Si, y avait les bals, y en avait plus que maintenant hein, et si on pouvait aller au bal avec des copains et des copines, et au cinéma le dimanche après-midi, mais c’était bien à peu près tout ce qu’on faisait. Et puis le temps des loisirs en fait, je le passais pas ici, donc euh, je me souviens pas que ça m’ait jamais manqué ou qu’il y ait eu des discussions à ce sujet. On était sage pour finir.

  • Y avait pas des périodes construction de cabanes ou des choses comme ça ?

  • Ah oui, ça, ah oui. Des périodes construction de cabanes, mais même avec les chaises dans la cuisine, on se faisait des cabanes, avec les draps sur les tables, on se faisait des cabanes, avec les rideaux on se déguisait, et tous les trois on chantait des tas de chansons. Y avait à l’époque des livrets avec les paroles de tous les chants qui passaient à la radio à la mode, je sais pas si ça existe encore, et alors là, on avait un de ces répertoires à nous trois, tel que ma mère était souvent obligée de nous gronder plusieurs fois la nuit, le soir,(rire) pour qu’on arrive à se taire et s’endormir. Oui, on a eu des périodes cow boy, des périodes indiens. Mon frère avait eu une carabine à Noël . D’abord ça permettait de le surveiller parce que ma mère avait pas très confiance dans les trouvailles du frangin, il valait mieux être avec lui quand il avait sa carabine(rire) à petits plombs. Oui. Quels mauvais souvenirs j’ai ? Pas tellement en fait. Souvent je me dis que, pour l’instant, jusqu’à présent on a eu encore assez de chance parce que y a pas eu d’enfants malades, handicapés, drogués, on n’a pas eu un ... à supporter tout ça à part les frasques de mes parents, on n’a pas tellement de mauvais souvenirs. A l’école j’étais une élève, bonne élève, on n’a pas tellement, on n’a pas tellement été sur mon dos. On a un souvenir avec un professeur d’Anglais qu’est maintenant à Lyon, MC., qui a eu un poste assez important, on a failli lui écrire pour le féliciter, on avait de très bons rapports avec lui. C’était un homme très très cultivé, plein d’entrain, et je me souviens d’un devoir d’anglais qu’on avait... moi je travaillais bien en anglais, et puis il avait l’air de trouver que les devoirs qu’on lui rendait, ils étaient pas assez concis, pas assez ci, pas assez là, alors on avait, on avait chiadé ce devoir d’anglais avec une copine, c’est vrai qu’on l’avait réduit quoi, on l’avait présenté écrit en script et puis il nous avait flanqué 6 et on n’a jamais compris (rire) pourquoi. Je crois que c’est la grande injustice de ma carrière d’élève que bon .... Un jour peut-être, on aura l’occasion de s’en expliquer. On a gardé aussi des, quelques relations avec le prof de philo qui est à Grenoble maintenant, et puis CL., je sais pas si vous l’avez eue, on a des nouvelles de temps en temps. On a revu quasiment tous les profs à l’occasion d’une rencontre des anciennes. Alors voilà quelque chose que je voulais pas faire. Et puis y a 6 ans, y a une fille qu’a organisé ça. Alors comme j’étais ici, mon mari m’a dit : “ mais si, faut y aller, t’en parles souvent, c’est quand même important, c’est des souvenirs ”. On en parle parce que j’ai gardé des contacts surtout avec une, une des filles, et puis d’autres que je vois encore à (incompréhensible). Alors oui, on y va, on y va. Et puis pour finir c’était, c’était très sympathique de les retrouver toutes. Y en a une qui est venue de Tours exprès. Et puis 5 ans après, G a remis ça. Alors on y est allé, elle a dit : “ cette fois vous aurez une surprise ”. Y avait même la directrice de l’EN qui était venue de Lyon, le professeur de Maths, comment elle s’appelle, B.. Alors ça m’a fait quelque chose parce que quand même, combien de temps ? 30 ans ont passé, plus que ça. Alors ça, ça fait un choc. On se dit : “ ben dis donc, moi aussi, on prend le même chemin et on va aussi, ils doivent aussi nous compter les rides sur le nez ! ” ... Même G. était là, M. est venu aussi, on a fait chanter à G. les chants italiens (rire), en italien, la prof de musique, qui a aussi une chorale a côté d’A., elle était là avec son cahier, son cahier de, de notes de l’époque. Alors, mais j’ai été étonnée qu’ils se souviennent tous de cette, cette promotion, ils se souvenaient de nos noms et de nos prénoms, c’était sympa. B. émue aux larmes, alors elle qui était un petit peu, alors qu’elle le voulait certainement pas elle faisait un peu régner une espèce de tension dans la classe avec ses maths ou euh ... Par contre j’ai pas un souvenir de grande pédagogie de sa part, elle s’adressait plutôt à des gens qui connaissaient, qui suivaient bien quoi, elle savait pas tellement ou elle avait pas envie, ou elle pensait que ça servait à rien d’essayer de rattraper ceux qui étaient un petit peu en arrière, ou elle s’est pas rendu compte qu’il y avait des niveaux très différents dans, dans cette promotion. On était quand même 4 ou 5 à venir directement de 3ème, on était un petit peu des gamines hein ! A côté de ces grandes flles qui avaient connu une vie de lycée, moi j’étais au cours complémentaire, moi je mangeais chez moi à midi, j’étais pas interne..... Et c’était une autre mentalité de la part de ces filles qui étaient au lycée d’A., qui savaient comment euh on truandait pour rentrer après l’heure. C’est des trucs qui ne me seraient jamais venus à l’idée, naïve comme c’est pas possible. Alors, B. était un petit peu, un petit peu stressante. Et puis, mais jamais elle n’a dit quoi que ce soit sur quelqu’un, elle criait pas hein ! Simplement on la sentait très distante. Alors du coup on comptait ses tics parce qu’elle disait toujours : “ n’est-ce pas et par conséquent ”. Alors des fois on était tellement largué qu’on finissait par ne faire que compter ses “ n’est-ce pas ” et “ par conséquent ”. Mais c’était pas du tout, on n’était pas du tout chahuteur ou méchant. On était une promotion bien sage et elle n’avait rien à nous dire du point de vue de la discipline hein ! Mais euh, quelques fois c’était, c’était un peu dur, on comprenait pas, pas rapidement les subtilités de l’arithmétique, c’est pas facile. Et puis bon, on avait des notes, moi j’avais des notes pas très, très... Mais ça ne m’a pas dégoûtée des maths, c’est quelque chose que j’aime bien. Et les, je regardais quelques fois après les épreuves qu’on donnait au brevet ou tout ça. Par contre ça m’a servi parce que j’ai dit : je ne traumatiserai pas les enfants avec les maths s’ils réussissent pas parce que les parents font déjà encore maintenant un tel truc avec l’orthographe alors qu’on fait plus de dictée comme avant et les maths, oui, j’ai eu deux trois enfants : “ oui, moi je suis mauvais en maths ”. Alors j’acceptais pas, j’ai toujours essayé de, de, de ne jamais dramatiser trop des maths qu’on ne rate pas. On a le droit de se tromper, on est là pour se tromper, on n’est pas là pour passer le bac dans une semaine. Oui, essayer de savoir à quel moment on se trompe. Alors j’ai toujours beaucoup insisté quand on faisait, enfin, parce que chaque fois qu’on a des choses à corriger : “ comment t’as fait ? ” “  Qu’est-ce que t’as pensé ? ” “ En calcul mental, comment toi tu calcules ? ” “ Comment toi tu fais ? ” “ Mais qu’est-ce que tu pourrais donner comme truc à untel ? ” “ A quel moment ça va pas ? ” Alors ils arrivent à dire : “ ben moi c’est les nombres que je retiens pas ”. Ou alors : “ pendant une fois ou deux est-ce, on peut les écrire au tableau, est-ce que ça t’aide ? ” Mais pas, mais pas euh, pas dire : “ bon ben t’es nul, t’es nul ”. Jamais dire ça. Jamais dire à quelqu’un qu’il est nul.

  • Et au collège ça s’est bien passé, vous avez pas eu de problèmes ?

  • En fait j’ai jamais eu de problèmes avec l’école. Ben non. Oui, des profs, y en a qu’on trouvait bien, y en a qu’on aimait beaucoup, quasiment passionnément. C’était une fille au Cours complémentaire à B. dont c’était aussi un des premiers postes. On l’a eue pendant 4 ans mais euh, si on voulait faire une sortie, on est même allé à la Dent d’Oche avec elle, c’était, c’était toujours elle qu’il nous fallait. La musique, la bibliothèque, enfin on faisait du français aussi mais on aimait bien cette fille-là, toute la classe l’aimait bien. Elle habite à B., maintenant on se rencontre des fois. Elle est en retraite (rire). Et elle était pas tellement plus âgée que nous à l’époque, je sais pas comment ils arrivaient. Ils arrivaient au cours complémentaire, ils faisaient comme nous hein ! Moi j’aurai pu y rester parce que le 1er poste qu’on m’a alloué c’était donc un poste dans un collège pour faire de l’anglais, de l’histoire, de la géographie, des 6ème et des 5ème. Je l’ai peut-être dit, ça la dernière fois. Bon ben je voulais une classe unique mais j’aurai pu rester. C’est comme ça que des tas de, de , de filles de la promotion qui sont restées après dans les collèges. Et puis il faut qu’elles aillent jusqu’à 60 ans, elles en plus, maintenant. Donc, (rire) pas de regrets, pas de regrets. Quand on voit comment les enfants sont difficiles au collège, oh ! la,la. Heureusement, j’aurais pas tenu le coup moi.

  • Et quand vous êtes arrivée ici, vous n’avez plus eu de problèmes de santé ?

  • Oui, oui, oui, oui, après j’ai jamais été malade. Je crois que j’ai pas eu un congé de maladie. Des congés pour les maternités et puis un après-midi à L. où j’avais très mal à la tête et j’ai dit à ma collègue : “ bon là, et puis comme les classes étaient très très loin l’une de l’autre, j’avais dit aux enfants qui peuvent rester chez eux de rester chez eux, et je te laisse les autres parce que là je suis rétamée ”. Autrement j’avais mal à la tête mais c’était que le mercredi. Oui, ça a toujours fait rire le médecin, il m’a dit : “ mais c’est très très connu, c’est parce que vous n’êtes plus occupée ” Oui, c’est ça, oui, 3 enfants, le boulot, le mercredi, oui ! on n’est pas occupé ! Mais si. Mais ça s’est passé, il m’avait dit : “ ça passera avec l’âge ”. C’est un peu vrai. Bon qu’est-ce que j’ai comme mauvais souvenir, moi ? Et ben, un voyage qu’on vient de faire, tiens ! Superbe voyage et puis j’ai eu dans le groupe que j’avais à surveiller en rentrant une bande d’énergumènes, des petits de CE 1 et de CE 2 et je me dis : “ je vais récupérer ça l’année prochaine ! ” (insiste) Grossiers, mal élevés, ne parlant que de fesses, de caca boudin, mangeant comme des porcs, pas élevés quoi ! Alors je dis cela : “ voilà des parents qui vont tomber de haut mais vaut mieux qu’ils tombent maintenant parce que moins dure sera la chute ”. Parce que ça risque pas de s’arranger. Ils n’imaginent pas du tout que leurs petits chérubins se conduisent comme ça. Alors y en a déjà eu deux que j’ai vus, à qui jai dit ce que j’avais à dire (rire) et effectivement ils sont tombés de haut. Y a une maman qui a changé de couleur et bon, ben quand même dans la conversation on apprend que le même gosse, et bien depuis 15 jours, ben il est infect à la maison. Ça aussi. Je vais pas dire que ça me console parce que il grandit pas que chez nous. A côté de ça pendant la visite des lieux, les explications du guide, le bateau, ils étaient impeccables. Mais dès qu’ils étaient dans une situation où ils se sentaient complètement débridés, ils recevaient pas du tout le message de l’adulte hein ! Alors j’étais effarée et la maîtresse qui est en bas, la maîtresse qui était là en stage de remplacement, qui était avec nous et qu’avait des plus grands, c’est le même topo. Mais ils arrivaient à se calmer. Mais les petits ils se calmaient même pas ! Alors, plus (+) la fatigue sans doute... Alors voilà le souvenir que j’ai du dernier voyage, parce que moi je comptais les étapes à rebours hein ! Je voulais surtout en rendre autant à leurs parents que j’en avais emmené. En plus y avait un truc en bateau, ça me faisait un peu peur. Alors moi c’est leur grossièreté. Ah ben écoute moi aussi, F. qui est une personne bien rangée : oh, cette fois ça m’a vraiment marquée ! Pourtant on entend le langage des enfants mais j’ai dit : “ mais est-ce que ? Qu’est-ce qu’ils voient ? Qu’est-ce qu’ils vivent  ? Qu’est-ce qu’ils entendent pour avoir des propos comme ça ? ” Déjà très très ados, mais ados bébêtes quoi ! (soupir) hein ! Qu’est-ce que ça va être ? Heureusement que pour ce qui est activités scolaires, ils ont une attitude encore un peu scolaire (rire). Avec les parents c’est... bon l’école c’est toute leur vie, c’est toute la vie, jusqu’à 20 ans on peut parler que de ça dans les familles. Alors on arrive encore à avoir un peu prise dessus. Mais j’imagine les mêmes olibrius à, au collège, dans un an, dans deux ans, on les reconnaît plus. On a fait une réunion avec le collège pour la constitution des classes. Y avait des collègues des villages à côté. Et bien ils ont un petit peu le même problème. Y a une fille qui m’a dit : mais c’était pas dans ma classe, j’ai que des CM 2, mais dans la classe de je sais plus qui au CE 2 un gamin est allé écrire au tableau : c’est les parents qu’ont toujours raison. Alors là, qu’est-ce qui faut faire ? Ils reproduisent quand même ce qu’ils entendent. J’imagine qu’ils peuvent quand même pas tout inventer, donc forcément ils l’ont entendu et c’est pas à l’école. Donc c’est forcément chez eux entre eu et puis ils se repassent vite l’information. Ça j’ai dit que je laisserai pas passer les problèmes d’impolitesse, de manque de respect. On les respecte, alors en échange on se respecte. On a un, des réunions de coopérative. Avant la 1ère on remet au goût du jour le contrat de vie qu’on a fait entre nous, ce qu’on appelle le règlement intérieur, c’est un peu pompeux mais c’est un peu ça. Donc chacun le respecte. Ils sont partie prenante tous ensemble, il suffit de dire : “ qu’est-ce qu’on a décidé ? ” Tout de suite ils savent. Mais l’année prochaine, faut absolument qu’on ait quelques lignes concernant la politesse, les mots grossiers, la retenue, je sais pas comment appeler ça. C’est quand même un travail familial, parental ça. On a un gamin qui dit des choses, que : “ tu sais pas ce qu’il dit mon père ? ” Et puis paf, l’instit qui était là, l’année passée dit : “ je veux pas le savoir. ben je vais te le dire quand même ”. Et puis c’était une injure pour le maître. Ils savent pas, deux trois comme ça, quand on peut dire, quand on (ne) doit plus dire. Il suffit de deux trois, là pour que ça déteigne sur des faux timides ou des moins timides qui vont en profiter. Je sais pas, je sais pas mais je trouve quand même qu’on n’a jamais eu une équipe comme ça de de...

  • Mais quand vous étiez au collège c’était

  • C’était mixte. C’était mixte, alors on avait aussi nos préférences et des petits mots qui circulaient. On était quand même discret. J’en ai un qui m’a dit, il se colletait avec un autre : “ ça suffit, arrêtez de vous bagarer, on n’est pas sur un terrain de foot ! Oui mais il dit des choses sur ma fiancée ! ” Alors j’ai pas demandé qui était la fiancée : “ tu règleras tes problèmes à 4 heures ½, pas ici (rire). Il dit des choses sur ma fiancée ! ” Voilà. Mais on s’aperçoit que, on peut avoir de l’attachement très fort à n’importe quel âge ! Mais je sais pas pourquoi, je trouve que tout ça manque de discrétion.

  • Est-ce le manque de discrétion qui vous gênait ou le manque de respect ?

  • Ben les deux parce qu’ils savent pas s’arrêter, ils savent pas à quel moment ils doivent être entre eux, dire des choses dans l’intimité, que les autres n’ont pas besoin d’entendre. C’est les deux à la fois. Et puis surtout, si on leur dit : “ ça suffit, tu t’arrêtes, tu fais autre chose, tu parles d’autre chose ” parce qu’ils se disaient des mots oui, ben ils savent pas s’arrêter, ils n’obéissent pas, dans cette circonstance-là ! A l’école, c’est pas du tout comme ça, hein ! Non, non, pas tout le temps mais quand on surveille la récréation on en entend de belles aussi. Mais ils savent qu’ils sont surveillés, qu’ils sont dans un lieu aussi spécial, et j’aimerai bien qu’ils fassent aussi cette différence quand on sort ensemble. Sinon on (ne) sort plus. Donc le nombre. Je pense peut-être plus nombreux aussi. Ça, plus les classes sont nombreuses, plus les classes sont nombreuses dans une école, bon bien sûr, plus les problèmes sont multipliés.

  • Donc les mauvais souvenirs à l’école, c’est le dernier voyage ?

  • Alors là, oui (rire). J’y pense souvent je dis : c’est pas vrai. Pourtant on les a ; il a pas plu, il a fait un temps comme ça mais il faisait encore assez beau. Alors on avait un grand temps d’attente entre le repas et le rendez-vous avec le guide. Alors on est allé en ville, on est allé acheter des cartes postales, ils ont trimballé leur bazar, ils étaient déjà peut-être un peu fatigués. Mais ça s’est passé très bien, on a visité des choses, ils ont écouté, on a partagé les groupes, ils ont été euh, ils ont été corrects et puis y a eu un petit moment de débridement, voilà, qu’avait pas lieu d’être. Et puis ces propos qu’ils tiennent, je trouve que c’est trop tôt. Ça fait aussi partie de l’éducation de savoir à quel moment on, on peut dire pour être entendu et puis à quel moment on dit rien parce que tout le monde a pas besoin de, d’être au courant de certaines choses, de tas de choses. Je pense que, je crois que les parents parlent peut-être très librement et peut-être beaucoup trop, que les enfants ont pas forcément besoin d’entendre, qu’ils comprennent à leur façon. Et puis, en même temps, on veut qu’ils soient un petit peu au fait de certaines choses de l’actualité, donc ils ouvrent les yeux et les oreilles, donc je sais pas. Rééduquer, on va pas pouvoir rééduquer les parents dans ce domaine. Oui, puis ce sont pour la plupart des gens jeunes, les parents, ils sont pleins de vie, pleins d’enthousiasme. Est-ce qu’ils considèrent que c’est normal que, qu’on raconte n’importe quoi devant les gosses ? En tout cas, c’est commencé tôt parce qu’en CE 1, c’est pas bien grandelet hein !