III.2.1-1011La théorie parentale du soin
Julien

Certains parents que nous rencontrons ont cependant cette capacité à transformer en “théorisation du soin” (emprunt que je fais à R. Roussillon) les projections indifférenciées de leurs blessures sur leurs adolescents. Celle-ci, malgré ce qu’elle contient de leur souffrance narcissique, est le signe d’un investissement positif envers leurs enfants. Malgré les empiétements psychiques qui en résultent, elle se manifeste malgré tout par l’intérêt qu’ils portent à leurs adolescents ; elle sollicite en eux une préoccupation qui les amène ainsi à consulter ou à demander de l’aide. Lorsque ces parents s’adressent au juge des enfants, il s’agit plus, à travers leur demande d’aide spécifique concernant la remise en ordre de la famille, que l’on rétablisse un droit qui ne leur est pas reconnu.

Je pense par exemple à la mère d’un adolescent de 14 ans, que celle-ci a amené en consultation en raison de son comportement agressif par rapport à la famille, et un échec scolaire important qui l’inquiétait beaucoup. Lors des entretiens que nous avons eus, elle a pu mettre en relation sa compulsion à faire travailler son fils (ce qui entraînait, de la part de Julien de plus en plus d’actes oppositionnels) avec le peu d’intérêt qu’elle avait ressenti de la part de ses propres parents pour ses études. Etudes pour lesquelles elle n’avait pas trouvé suffisamment de ressources en elle pour les mener à bien, “‘puisqu’elle ne réussissait pas comme son frère’” ; “‘elle ne se pardonnait pas de les avoir abandonnées’” et de n’avoir pu accéder à la profession médicale qu’elle envisageait adolescente.

Julien a commencé à organiser une défense antisociale au sein de sa famille sur un mode d’agression mineure, mais l’essentiel de ses passages à l’acte consistait en fugues, échec scolaire et automutilations qui, sans mettre directement sa vie en danger, signaient ainsi le retournement d’une partie de la pulsion agressive contre lui sur un mode masochique. Cette prise de risque psychique visait-elle à sauver quelque chose d’essentiel de son vrai self pris entre deux feux, en mobilisant un questionnement parental ? Cherchait-il à se dégager du mouvement inconscient de culpabilité qui s’organisait vraisemblablement sur une problématique primaire beaucoup plus complexe, engageant une relation d’emprise dont il n’avait pu se dégager suffisamment ?