III.1.3011Sentiment de culpabilité et mélancolie

Or, si la constitution de l’objet objectif se donne dans l’expérience subjective comme une perte de l’autre, irreprésentable, puisqu’au stade narcissique primaire perdre l’autre équivaut pour le moi à ne plus pouvoir se trouver, nous pouvons être confrontés à une problématique mélancolique, le deuil de l’objet ne pouvant s’envisager dans une perspective de déplacement de l’investissement qui au contraire s’intensifie dans l’identification à l’objet perdu, pour le conserver.

Je suis bien consciente que cette formulation peut être discutable, mais elle se réfère à l’interrogation que S. Freud formule en 1923, dans Psychologie des masses et analyse du moi, lorsqu’il tente de différencier les mécanismes qui sont à l’oeuvre dans l’identification de ceux qui organisent l’état amoureux 423, l’intensification que je souligne portant sur la fixation à l’objet que le mouvement implique plus que sur l’aspect purement économique : “‘Dans le premier cas, le moi s’est enrichi des propriétés de l’objet, s’est, selon l’expression de Ferenczi’ ‘, ’ ‘“’ ‘introjecté’ ‘”’ ‘ celui-ci ; dans le second cas, il est appauvri, il s’est abandonné à l’objet, a mis celui-ci à la place de sa partie constitutive la plus importante. Cependant, en considérant les choses de plus près, on remarque bientôt ’ ‘qu’une telle présentation fait miroiter des oppositions qui n’existent pas’ ‘. ’ ‘Il ne s’agit pas économiquement d’appauvrissement ou d’enrichissement’ ‘, on peut aussi décrire l’état amoureux extrême comme celui où le moi se serait introjecté l’objet. Peut-être une autre différenciation touche-t-elle bien plutôt à l’essentiel’ ‘. ’ ‘Dans le cas de l’identification’ ‘, ’ ‘l’objet s’est perdu’ ‘ ’ ‘ou a’ ‘ ’ ‘été abandonné’ ‘ ; il est alors ré-établi dans le moi ; ’ ‘le moi se modifie’ ‘ partiellement selon le modèle de l’objet perdu. Dans l’autre cas, ’ ‘l’objet est resté’ ‘ ’ ‘conservé et est surinvesti’ ‘ en tant que tel de la part et aux dépens du moi. Mais ici aussi se lève une hésitation. ’ ‘Est-il donc certain que l’identification présuppose l’abandon de l’investissement’ ‘ d’objet, ne peut-il y avoir identification, l’objet étant conservé ?’ ‘ Et avant de nous engager dans la discussion de cette question épineuse, l’idée peut déjà poindre en nous qu’une autre alternative inclut l’essence de cet état de choses, à savoir : ’ ‘l’objet est-il mis à la place du moi ou de l’idéal du moi’ ‘ ’ ‘?’”.

L’histoire d’Anaïs m’a permis d’interroger une configuration psychique dans laquelle la réorganisation autour du conflit primaire a d’abord sollicité un noyau mélancolique dans le moi oscillant, pour s’en défendre, entre épisodes à tonalité maniaque ou dépressive, sur fond de sentiment de persécution.

J’en présenterai les principaux éléments cliniques, qui permettent de se représenter comment les défenses, sollicitées en terme de projection ou de retournement de la pulsion agressive, ont pu se réorganiser autour de la reconnaissance par l’objet de l’altérité, de sa capacité à concevoir des espaces psychiques suffisamment différenciés.

Cette position de l’objet semble fonder l’alternative qui va permettre au sujet de sortir de la circularité compulsive, qui cherche à libérer le moi d’une relation à l’objet éprouvée comme une emprise, position élaborée dans le transfert, dont les particularités seront examinés plus loin, et qui vient questionner ce que S. Freud soutient en 1923424  à propos de la mélancolie et sa liquidation dans la manie :

‘“Il y a, comme on sait, des hommes chez qui le sentiment global de l’humeur oscille de manière périodique, allant d’un abattement excessif à un bien-être exalté, en passant par un certain état intermédiaire, et ces oscillations surviennent, certes, avec des amplitudes de grandeur très diverse, allant de ce qui est à peine décelable jusqu’à ces extrêmes qui, sous forme de mélancolie et de manie , interfèrent de façon hautement torturante et perturbatrice dans la vie des intéressés. Dans les cas typiques de cette altération de l’humeur cyclique des c irconstances occasionnantes extérieures ne semblent jouer aucun rôle déterminant.”’

J.L. Donnet425 se questionne de la même façon sur le mécanisme de la transformation de la haine en amour qui se ferait, selon S. Freud “indépendamment de l’objet” (Le moi et le ça). Et il souligne que “‘la quête par Freud ’ ‘d’un mécanisme purement interne, absolument indépendant de l’objet’ ‘, ’ ‘repose peut-être sur le même malentendu qui lui fait parfois postuler la pulsion de mort’ ‘ contre la frustration externe’ ‘, alors qu’elle exige la réponse objectale intriquée-intriquante [et que] l’intrication pulsionnelle convenable requiert le temps d’intrication symbiotique, fondateur du principe de plaisir’ ‘ ’ ‘“’ ‘tempéré’ ‘”’ ‘ par l’objectalisation’”.

Cette position de l’objet semble donc, au contraire, essentielle, en ce qu’elle va permettre, ou non, que le sujet puisse retrouver un sentiment d’identité suffisant, à l’intérieur duquel l’objet ne se présente plus comme une attraction inéluctable vers laquelle il se sent entraîner et pour laquelle, dans l’espoir de s’en dégager : “Il cède tout à tour aux vertiges de la mégalomanie triomphante et au désespoir d’une déréliction sans remède 426.

Comme le fait remarquer Jean Michel Quinodoz, manquait-il à S. Freud de “‘disposer à ce moment là d’une théorie des affects suffisante susceptible de résoudre la question de l’élaboration des affects de deuil’ ‘ applicable au transfert ?’” 427

Et, pour situer les éléments cliniques dans la perspective de cette recherche, je voudrais reprendre un aspect de la métapsychologie qui invite à reconsidérer la question de la position subjective du fantasme dans son rapport à l’objet objectif, afin d’interroger ce qui vient alimenter le mécanisme de projection, qui se repère dans plusieurs affections, (notamment et aussi bien dans la paranoïa que dans l’accès mélancolique dont les auto-accusations constituent des hétéro-accusations dirigées contre un objet introjecté confondu avec soi-même428) et mieux saisir comment S. Freud a pu se dégager, en 1915, de la position théorique de 1911, développée dans Le président Schreber, qui tend à nous faire considérer le délire de persécution comme un leurre pour le sujet429 : “‘C’est ainsi que la proposition je le hais se transforme, grâce à la projection, en cette autre : ’ ‘“’ ‘Il me hait (me persécute)’ ‘”’ ‘, ce qui alors justifie la haine que je lui porte. Ainsi, le sentiment interne, qui est le véritable promoteur, fait son apparition en tant que conséquence d’une perception’ ‘ extérieure : ’ ‘“’ ‘je ne l’aime pas - je le hais - parce qu’il me persécute’ .

Perspective qui nous permet d’interroger la projection de la haine dirigée sur l’objet à un autre niveau que celui qui consiste à la considérer seulement comme la conséquence de l’attribution à l’objet, par le sujet, de son propre mouvement agressif interne. Ce qui permet de s’intéresser plus particulièrement au mouvement de maîtrise que constitue le renversement passif/actif contenu dans la projection, renversement initié dans la transformation de l’affect qui s’observe dans le délire de persécution, rattaché en 1911 par S. Freud au processus du refoulement430.

Alors qu’en 1915 S. Freud travaille à la rédaction des articles qui vont constituer la Métapsychologie, il va questionner, en particulier dans Communication d’un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique, la relation entre homosexualité et paranoïa qu’il a proposée en 1911 au sujet du Président Schreber : “‘Ce que mes amis et moi-même avions pu observer et analyser avait jusqu’alors confirmé sans difficulté la relation entre la paranoïa et l’homosexualité. Le cas présent ici témoignait du contraire de la manière la plus tranchée. En transformant immédiatement l’aimé en persécuteur, la jeune fille paraissait se défendre d’aimer un homme ; quant à l’influence de la femme, à la révolte contre une liaison homosexuelle, on n’en trouvait trace.’ ‘”’ ‘ (p. 212)... ’ ‘“’ ‘Ce que nous avons appris de nouveau met tout d’abord un terme au doute concernant la nature morbide de la suspicion. Il n’est pas difficile de reconnaître que la supérieure aux cheveux blancs est un substitut maternel,’ ‘ ’ ‘que l’homme aimé est mis, malgré sa jeunesse à la place du père, et que c’est la puissance du complexe maternel qui contraint la malade à supposer contre toute vraisemblance des rapports amoureux entre ces partenaires si différents. Mais du même coup se volatilise l’apparente contradiction avec’ ‘ ’ ‘l’attente que nourrissait la doctrine psychanalytique, à savoir ’ ‘q’un lien homosexuel excessivement fort se présente comme la condition du développement d’un délire de persécution’ ‘. Le persécuteur originaire , l’instance à l’influence de laquelle on veut se soustraire n’est pas, même dans ce cas, l’homme, mais la femme’.”431

Amenant ainsi la question de la formation du délire de persécution propre à la paranoïa sur le terrain de la fixation homosexuelle primaire à l’objet maternel, S. Freud rencontre le processus régressif d’identification à l’objet, qui se retrouve et qu’il décrit la même année, dans Deuil et Mélancolie, comme tentative d’élaboration des mouvements pulsionnels liés à la problématique de la perte de l’objet.

Bien que l’issue du conflit et les modalités de transformation des motions agressives soient modifiées par la position que le moi peut soutenir dans chacune de ces deux organisations symptomatiques, il semblerait que nous puissions travailler la projection et le retournement de la pulsion (processus qui se superposent dans le parcours du développement pulsionnel et rencontrent notamment la question de l’organisation anale primaire432 de la pulsion), en contrepoint de la menace identitaire que fait peser sur le moi le passage incontournable de l’identification à l’objet sur le trajet qui l’amène à s’en différencier :

‘“Premièrement, l’identification est la forme la plus originelle de la liaison de sentiment à un objet ; deuxièmement, par voie régressive, elle devient le substitut d’une liaison d’objet libidinale, en quelque sorte par introjection de l’objet dans le moi”.433

Et je voudrais plus particulièrement m’intéresser ici aux conséquences de la fixation à l’objet, que la régression va impliquer, dans les processus d’intériorisation, comme ombre portée de l’objet sur le moi.434 : “‘Car quand l’ombre de l’objet tombe sur le moi, elle menace de se superposer à lui, de se confondre avec lui dans une indifférenciation narcissique primaire, elle menace de disparition la différence moi/non moi et avec elle tous les systèmes de différenciation du moi. Le fantôme de l’objet menace d’abord la différence et la différenciation du sujet. Mort et identité s’appellent l’une l’autre. La perte de la différence, de l’altérité’ ‘ de l’objet est au détour de l’intériorisation ; l’identité moi/non-moi commence à apparaître alors comme la première préfiguration psychanalytique de la mort, comme la première forme de l’interprétation de la question de la mort de soi’ ‘. La première forme de la mort de soi sera celle issue de la perte de la différence avec l’objet, celle de l’inceste réalisé, celle de l’indifférenciation, de l’interdit non advenu ou détourné.’”435

Cette régression peut donc interdire une suffisante différenciation au sein de la psyché, dans l’inversion du “processus progrédient”, considéré par S. Freud au fondement du développement de la relation à l’objet. Processus qui se manifeste, partant de l’identification primaire, dans le déploiement des mouvements pulsionnels, au cours de la découverte de l’extériorité de l’objet, dans les diverses voies qui vont donner au sujet la possibilité de s’attacher affectivement à celui-ci :

“‘Un tel remplacement de l’amour d’objet par identification est un mécanisme important pour les affections narcissiques [...]. Il correspond naturellement à la régression’ ‘ allant d’un type de choix d’objet’ ‘ au narcissisme originel. Nous avons ailleurs exposé l’idée que ’ ‘l’identification est le stade préliminaire du choix d’objet’ ‘ ’ ‘et la première manière, ambivalente dans son expression, selon laquelle le moi élit un objet’”.436

Pour ce qui concerne la mélancolie : “‘L’identification narcissique’ ‘ avec l’objet devient alors le substitut de l’investissement’ ‘ d’amour, ce qui a pour succès que, malgré le conflit’ ‘ avec la personne aimée, ’ ‘la relation d’amour n’a pas à être abandonnée’”.437 Pour ce qui concerne la paranoïa : “‘Nous apercevons de quelle manière la patiente s’est libérée de ’ ‘l’allégeance homosexuelle’ ‘ ’ ‘vis-à-vis de sa mère : par un petit bout de régression’ ‘ ; au lieu de prendre la mère comme objet d’amour elle s’est identifiée à elle, elle est devenue elle-même la mère’”.438

Ainsi, dans l’une et l’autre de ces affections, la régression organise une modification dans le moi . Elle produit un écrasement du mouvement pulsionnel, en rabattant sur le pôle narcissique (identification narcissique indifférenciée à l’objet : je suis l’objet que j’ai pris en moi) les investissements objectaux (identification primaire à l’objet pris comme idéal du moi : je suis comme l’objet que je désire être) et entraîne ainsi une collusion entre l’identification du moi à l’objet saisi comme idéal et l’identification du moi à l’objet indifférencié, moi idéal du narcissisme primaire, figés l’un et l’autre dans la confusion qui en résulte. (Nous pouvons saisir ici la différence soulignée par A. Ciccone entre l’objet incorporé, enkysté dans le moi, sur la base d’une identification projective et l’objet introjecté qui produit une modification dans le moi sur la base d’une identification introjective qui permet “une moïfication” de l’objet : objet vivant et différencié du moi à l’intérieur du moi)439.

C’est notamment à partir de l’analyse de la répartition de la libido individuelle dans la masse que S. Freud440 est amené, en 1921, à propos des deux grandes masses artificielles que constituent l’armée et l’église, à “différencier entre identification du moi et remplacement de l’idéal du moi par l’objet” : dans l’armée, l’individu prend pour idéal le chef et s’identifie à ses semblables dans la soumission à l’autorité ; dans l’église, il est exigé du fidèle qu’il aime le Christ comme son idéal et qu’il s’identifie à lui pour aimer les autres comme lui le fait : “ ‘L’identification doit venir s’ajouter là où le choix d’objet’ ‘ a eu lieu, et l’amour d’objet là où existe l’identification’”.

S. Freud a déjà suggéré en 1914 de distinguer idéalisation du moi et idéalisation de l’objet,441 et vraisemblablement le glissement de sens que l’on peut relever dans le texte de 1914 entre idéal du moi et moi idéal est un effet de cette différenciation fondamentale, qu’il dégage sans la théoriser plus avant dans ce texte, entre le narcissisme primaire et le narcissisme secondaire, héritier de la symbolisation primaire442 : “‘Ce narcissisme qui est apparu en faisant rentrer les investissements d’objet, nous voilà donc amenés à le concevoir comme un état secondaire construit sur la base d’un narcissisme primaire que de multiples influences ont obscurci’” (à propos du délire des grandeurs).

Il est intéressant de redécouvrir cette distinction pour saisir ce que nous pouvons entrevoir du noyau organisateur du conflit primaire qui anime les défenses dans l’idéalisation narcissique, du moi et/ou de l’objet. Si, dans la rencontre avec l’objet, l’expérience incontournable de l’altérité, qui fonde le sentiment d’identité, est éprouvée non comme un manque mais comme une perte de l’objet ; lorsque cette expérience est perçue, sous l’influence d’un sentiment primaire inconscient de culpabilité, comme l’effet de sa destruction.

Il me semble que nous retrouvons implicitement cette différence, entre ce qui relève d’un éprouvé de manque et ce qui appartient au registre d’une expérience de perte, dans ce qu’Albert Ciccone443 développe à l’intérieur des contextes cliniques qui renvoient à ce qu’il appelé “L’économie du manque” : économie qui paraît plus travailler la problématique de l’objet éprouvé comme détruit et perdu pour la symbolisation, pour des sujets qui n’ont pu accéder à un statut psychique suffisamment différencié.

Or, s’interroger sur les processus qui organisent le délire de persécution de la paranoïa nous invite à explorer les mécanismes de projection, qui installent une défense maniaque dans le moi et l’innocentent, dans le déni organisé pour se protéger de la perte, de tout sentiment conscient de culpabilité. Cette exploration nous intéresse d’autant plus que la défense maniaque est l’issue classique, retenue par S. Freud, de la mélancolie, “même si elle n’est pas nécessaire”.

Cette exploration va nous permettre de saisir comment le sujet peut sortir de l’alternative mélancolie/manie, lorsque “ ‘Le moi [...] stimulé à la révolte par le mauvais traitement de la part de son idéal, qu’il connaît dans les cas de l’identification avec un objet rejeté’ ‘”’ ‘, ’ ‘“’ ‘les reproches et agressions envers l’objet viennent au jour en tant qu’auto-reproches mélancoliques’”444, alors que “‘chez le maniaque, moi et idéal du moi’ ‘ ont conflué, si bien que la personne, dont l’humeur de triomphe et d’auto-félicité n’est perturbée par aucune autocritique, peut se réjouir de la disparition des inhibitions, des égards et des auto-reproches’”.

Mais revenons au texte de 1915, dans lequel S. Freud nous présente, à travers la situation clinique d’une patiente, la formation délirante paranoïaque qui amène la jeune femme à se défendre contre l’amour ressenti pour un homme, en déplaçant, transférant sur sa personne l’imago maternelle persécutrice, délire qui se développe autour “d’un vu” – elle a été photographiée avec son amant sur l’instigation de celui-ci – et “d’un entendu” – sur la base d’un indice perceptif auditif transformé en déclic d’un appareil photographique.

Dans la discussion que S. Freud nous propose, nous voyons comment se fait l’articulation entre l’échec de l’élaboration oedipienne des liens aux objets et la confusion primaire entretenue par l’identification narcissique à l’objet, dont témoigne le délire, déterminée “par les relations infantiles à l’image maternelle originaire445. La formation délirante étant issue à la fois du désir de se soustraire à l’influence du lien maternel excessivement fort et de l’impossibilité de s’en affranchir et se manifestant sous la forme d’un délire de persécution sous l’influence de l’instance surmoïque archaïque condensée sur l’imago maternelle :

‘“L’amour pour la mère devient le porte-parole de toutes les tendances qui, jouant le rôle de la conscience , veulent retenir la jeune fille, dès les premiers pas, sur la voie nouvelle et à plus d’un titre dangereuse qui la conduirait à la satisfaction sexuelle normale, et réussit effectivement à troubler la relation à l’homme”. (p. 213)’

Ainsi bien avant 1931, alors que sa réflexion sur la féminité l’amène à formuler l’hypothèse d’un fond primaire à l’organisation oedipienne de façon beaucoup plus catégorique – “‘La phase préoedipienne de la femme atteint par cela une importance que nous ne lui avions jamais attribuée jusqu’ici. Comme cette phase permet toutes les fixations et tous les refoulements auxquels nous ramenons l’origine des névroses ’ ‘il semble nécessaire de revenir sur l’universalité de la thèse selon laquelle le complexe d’OEdipe est le noyau des névroses’ .446 – S. Freud peut nous proposer que “ce complexe maternel non dominé” entraîne une fixation à l’objet de la relation archaïque, qui, en interdisant la construction d’une identité différenciée, semble déjà constituer pour lui le fond sur lequel va se déployer l’ensemble des manifestations symptomatiques. La paranoïa la mélancolie et la manie pourraient alors se manifester paradoxalement comme des modes d’élaboration de cette relation archaïque, qui s’est donnée comme une emprise de l’objet sur le moi.

‘“Lorsque la mère inhibe ou arrête l’activité sexuelle de sa fille elle remplit une fonction normale, ébauchée par les relations infantiles, qui possède de fortes motivations inconscientes et a trouvé la sanction de la société. Il revient à la fille de s’affranchir de cette influence, et de décider sur la base d’une motivation plus large et plus rationnelle la mesure dans laquelle elle se permettra la jouissance sexuelle ou s’en frustrera. Si au cours de cette tentative de libération elle succombe à une maladie névrotique, généralement c’est qu’il existe un complexe maternel excessivement fort, ou du moins non dominé, dont le conflit avec le nouveau courant libidinal se résout suivant la disposition utilisable, en telle ou telle forme de névrose”. (S. Freud 1915 - p. 214)’

Selon quelles modalités le sujet peut-il se libérer de ce qui se donne comme une emprise de l’objet, et se réorganiser autour du conflit primaire, dans une configuration psychique où la problématique de la culpabilité aura cessé de renvoyer à un écho mélancolique dans le moi qui oscille entre épisodes à tonalité maniaque ou dépressive, c’est la question à laquelle cette jeune femme de vingt deux ans, Anaïs, m’a confrontée.

Notes
423.

S. Freud 1923 - Etat amoureux et hypnose in Psychologie des masses et analyse du moi in O. C. XVI - opus cité - p. 51 - 52

424.

S. Freud 1923 - Un stade dans le moi in Psychologie des masses et analyse du moi - O. C. XVI - opus cité - p. 70

425.

J. L. Donnet 1995 - Les pulsions du Surmoi in Surmoi I - opus cité - p. 69

426.

A. Green 1973 - L’affect et les deux topiques in Le Discours vivant - opus cité - p. 273 : contrairement à ce que soutient l’auteur à propos de la division interne du moi qui, si on réintroduit le rôle de l’objet, ne peut pas être rabattue sur un simple effet de sa structure.

427.

J. M. Quinodoz 2000 - Mélancolie maniaque : quelle issue ? in L’idéal transmis - R. F. P. - n° 2000 - p. 1828

428.

Selon l’intuition de S. Freud en 1917 et souligné par J. M. Quinodoz - opus cité supra

429.

S. Freud 1911 - Le Président Schreber in Cinq psychanalyses - PUF 1979 - 9e édition - p. 308 

430.

S. Freud 1911 – Le Président Schreber in Cinq psychanalyses – opus cité p. 311

431.

S. Freud 1915 - Communication d’un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique in Névrose psychose et perversion - PUF 6e édition - mai 88  - p213

432.

A. Green 1993 - L’analité primaire in le Travail du négatif - annexes 4 - pp. 388 à 398 : A. Green note comme un trait particulier ’le repli sur la pensée comme position inaliénable’, qui renvoie à ’une défense acharnée du territoire subjectif.’

433.

S. Freud 1923 - L’identification in Psychologie des masses et analyse du moi - O. C. XVI - opus cité

434.

R. Roussillon 2000 - Collectif opus cité - L’invention de la pulsion de mort - p.73

435.

R. Roussillon 2000 - Collectif opus cité - L’invention de la pulsion de mort - p.73

436.

S. Freud 1917 - Deuil et Mélancolie in O.C. XIII - PUF 1988 - p. 268 - S. Freud avait déjà exposé cette idée en 1914 dans Pour introduire le narcissisme

437.

S. Freud 1917 - Deuil et Mélancolie - opus cité - p 268

438.

S. Freud 1915 - opus cité - p. 216

439.

A. Ciccone 1999 - La transmission psychique inconsciente - Dunod - p. 24 à 31

440.

S. Freud 1921 - Psychologie des masses et analyse du moi - O. C. XVI : - p. 73.

441.

S. Freud 1914 - Pour introduire le narcissisme - opus cité : p. 99 : ’L’idéalisation est possible aussi bien dans le domaine de la libido du moi que dans celui de la libido d’objet.’

442.

S. Freud 1914 - Pour introduire le narcissisme - opus cité - p. 83 

443.

A. Ciccone 1999 - La transmission psychique inconsciente - opus cité p. 105 à 134

444.

S. Freud 1921 - Un stade dans le Moi in Psychologie des masses et analyse du moi - O.C. XVI - PUF - p. 72

445.

S. Freud 1915 - opus cité - p. 214

446.

S. Freud 1931 - Sur la sexualité Féminine in La vie sexuelle - PUF 1989 - 8e édition