2.1 Des pré-requis ?

A l’exception, donc, de Casteilla, les auteurs consultés préconisent une ’préparation’ à l’écriture, la mise en place de ’pré-requis’, le développement de ’préalables indispensables’ et la réalisation de ’pré-apprentissages spécifiques’. Cette diversité de mots ou d’expressions recouvre une diversité de conceptions. Parle-t-on de savoirs ou de capacités indispensables pour commencer l’apprentissage de l’écriture, c’est-à-dire de ce qui a été nommé pré-requis, ou des moyens de les acquérir ? Il est clair qu’il existe là une confusion chez plusieurs auteurs.

Ainsi, le titre même du chapitre ’Préalables indispensables à l’écriture. Préparation du corps, de l’équipement grapho-moteur’77 montre que les deux registres sont confondus par Berthet. Le contenu de ce chapitre le confirme : ainsi, après avoir indiqué qu’il est nécessaire de travailler sur le schéma corporel, l’organisation dans l’espace, les rythmes, la dominance latérale et la représentation mentale, Berthet indique les ’conditions nécessaires pour la mise en place de l’écriture’78, conditions qui se limitent à la coordination oculo-manuelle et une bonne régulation tonique. Que conclure ? Qu’il est nécessaire de travailler l’organisation du schéma corporel, l’organisation dans l’espace, les rythmes, la dominance latérale et la représentation mentale, mais que ces éléments ne sont pas indispensables, ce qui est en contradiction avec le titre même du chapitre ? Suit un second chapitre de ’pré-apprentissages spécifiques’ qui traite de la motricité fine manuelle, de la trace graphique et de la ’nécessité d’une maturité intellectuelle et affective’. Les trois éléments sont mis sur le même plan ; or, si l’on peut considérer la motricité fine et la trace graphique comme objets d’apprentissage, encore que, de toute évidence, ils ne sont pas du même ordre, la maturité intellectuelle et affective ne peut en aucun cas en être un.

Un autre exemple de cette confusion nous est donné par Hebting. Ainsi, il parle de ’pré-requis souhaitables’79, expression qui est ambiguë puisqu’un pré-requis est, par définition, indispensable et pas seulement souhaitable. Il inclut à ces pré-requis l’éducation du membre supérieur dans le schéma corporel, avec mobilisation de l’épaule, du bras, de la main par reproduction de mouvements, avec verbalisation d’actions, symbolisation par schéma ou dessin. Le pré-requis n’est donc pas ici une capacité, mais une éducation qui se fait par des actions, une verbalisation et une représentation symbolique de ces actions. Les autres pré-requis indiqués consistent bien en des savoirs et savoir-faire : structuration de l’espace, structuration du temps.

Commentaires

Il est donc bien difficile de connaître les capacités indispensables à l’enfant pour qu’il puisse apprendre à écrire. La notion de pré-requis, qui tend à disparaître aujourd’hui de l’école, paraît bien mal définie, en tout cas en ce qui concerne l’apprentissage de l’écriture. Mais la notion de pré-acquis, qui lui a succédé dans le langage d’enseignants et de conseillers pédagogiques, n’est pas d’une fonctionnalité plus grande ! La complexité des capacités que l’on cherche à développer chez l’enfant pour le préparer à cet apprentissage y est certainement pour quelque chose. Qu’il s’agisse du schéma corporel ou de l’organisation spatio-temporelle, on ne se situe pas, en milieu scolaire, sur le plan de la mesure. Il est bien difficile de savoir quel est le degré d’acquisition de ces éléments par l’enfant.

La complexité de l’acte d’écrire lui-même rend aussi bien difficile l’identification de pré-requis. Par contre, il est évident qu’il met en jeu bien des capacités que l’on peut chercher à développer pour elles-mêmes, avant même le début de l’apprentissage de l’écriture, mais aussi au cours de celui-ci.

Notes
77.

BERTHET, D. : op. cit. p.21.

78.

id. p.52.

79.

HEBTING, C. : op. cit. p.18.