L’apprentissage à proprement parler de l’écriture varie considérablement d’un auteur à l’autre. Calmy affirme, comme Chaumin et Lassalas, l’importance de l’observation et précise que ’ce serait une erreur grave que de ne pas observer soigneusement, non seulement le graphisme enfantin, mais surtout l’enfant en train d’écrire’89. L’attention sera ainsi portée sur la posture et les attitudes de l’enfant, sur la liberté de mouvement du poignet et sur la tenue de l’instrument. Mais il est bien difficile de savoir ce que Calmy fait de cette observation de l’enfant qui écrit. En effet, elle affirme qu’il faut faire confiance à l’enfant : ’s’il a envie d’écrire, s’il garde le goût d’écrire, il finira par écrire bien’90. Elle craint pourtant qu’on lui fasse une trop grande confiance, d’où la nécessité de l’observation pour éviter qu’il ne prenne de mauvaises habitudes. Mais, comme il est très difficile d’observer individuellement les enfants d’un groupe, ’le seul remède est de procéder parallèlement (et non pas à la place) aux copies globales à des exercices analytiques perceptivo-moteurs’91. L’enseignante passera derrière chaque enfant lors de l’écriture dirigée d’une lettre et fera refaire en cas de besoin. Si Casteilla pense aussi qu’il ’faut contrôler la manière d’écrire du jeune enfant et rectifier cette manière chaque fois que nécessaire’92, il ne parle que du mouvement de progression qui doit se faire par rotation autour du coude. Valot, quant à lui, se réfère aux propos de M. Auzias relatifs à l’évolution de la posture et des mouvements d’inscription. Si Octor et Kaczmarek se prononcent en faveur d’une observation de l’exécution du tracé, c’est dans une perspective d’évaluation des acquis et en vue d’une remédiation ; mais ils n’indiquent que partiellement ce qu’il s’agit d’observer. Hebting utilise aussi l’observation de l’enfant ’afin de s’assurer que des habitudes correctes s’installent’93. Quant à Rieu et Frey-Kerouedan, ils se limitent à la latéralité.
Quelques auteurs sont donc favorables à l’observation de l’enfant en train d’écrire ; mais les éléments à observer diffèrent d’un auteur à l’autre et restent très généraux : posture, tenue du crayon, mouvements de progression et d’inscription, latéralité. Les enseignants ont certainement besoin de davantage de précisions pour effectuer une observation de l’enfant engagé dans l’acte d’écriture. Il est bien évident que se limiter à l’observation de la latéralité est très insuffisant. Mais affirmer qu’il faut se préoccuper de la posture, de la tenue de l’instrument et des mouvements de progression et d’inscription, ne suffit pas. Il faut savoir quoi observer pour chacun de ces éléments.
Observer chaque enfant d’un groupe n’est certes pas évident. En cela, nous sommes tout à fait d’accord avec Calmy. Mais les contradictions à propos de l’observation de l’enfant en train d’écrire sont particulièrement fortes chez cet auteur. En effet, elle préconise la confiance à l’enfant qui finira par bien écrire à la seule condition qu’il conserve le goût d’écrire tout en soulignant qu’on ne peut lui faire une confiance absolue car on ne peut le laisser prendre de mauvaises habitudes ! De plus, on ne voit pas à quoi sert l’observation si le seul remède consiste à faire pour toute la classe des ’exercices analytiques perceptivo-moteurs’. Il est vrai que Calmy indique la nécessité pour l’enseignant de passer derrière chaque élève lors de l’écriture d’une lettre. Mais est-ce plus facile d’observer l’enfant dans un groupe lors des exercices dirigés que lors de la copie globale ? Nous ne le pensons pas. Car il ne s’agit pas d’observer la trace laissée mais l’acte graphomoteur.
Si cette observation est nécessaire, nous pensons qu’il faudrait aussi que l’enseignant sache observer l’enfant bien au-delà de l’acte graphique pour mieux comprendre ses difficultés éventuelles d’écriture et y proposer des remédiations pertinentes. Car des manques, des troubles, concernant des fonctions psychomotrices peuvent retentir sur les capacités d’apprentissage de l’écriture. C’est une observation psychomotrice complète qui est indispensable pour mieux appréhender les difficultés graphiques que rencontre un enfant. Nous reviendrons sur ce point.
L’observation ne peut être une finalité ; elle n’est qu’un outil, qu’un moyen. Elle doit donc déboucher sur une action. Pourtant, il est bien difficile de comprendre comment les prescriptions pratiques de la plupart des auteurs consultés s’appuient sur l’observation de l’enfant.
CALMY, G. : 1980, op. cit. p.29.
ibid.
id. p.31.
CASTEILLA, A. : op. cit. p.80.
HEBTING, C. : op. cit. p.35.