4. Quel type d’écriture apprendre ?

Les propositions faites aux enseignants varient considérablement d’un auteur à l’autre. Il en est ainsi en ce qui concerne le choix du type d’écriture à enseigner aux enfants. Allessandrini déplore ’l’inconséquence d’un laisser-aller aboutissant à l’inadéquation des outils scripteurs actuels avec un apprentissage d’ailleurs réduit à sa plus simple expression’94. Pour lui, l’origine du problème de la pédagogie de l’écriture ne fait aucun doute : ’Il est patent que la situation bascule avec l’avènement du stylo à bille [...] Personne ne prit la peine de proposer un modèle d’écriture actualisé prenant en compte ses limites et ses possibilités’95. D’où sa proposition d’un modèle d’écriture qui se veut adapté au stylo à bille. On retrouve ce souci d’uniformisation en ce qui concerne les majuscules cursives chez Octor et Kaczmarek : en effet, ils déplorent les diverses écritures des Q, T et Z. Valot préconise l’apprentissage des majuscules typographiques parce que les autres sont trop compliquées.

Les autres auteurs ne remettent pas en cause le modèle d’écriture actuel mais se préoccupent de son apprentissage par les enfants, chacun à sa façon. L’apprentissage de l’écriture script est délaissé par la plupart des auteurs ; seule Calmy le suggère, mais en fin d’apprentissage de l’écriture cursive et parce qu’elle peut être utilisée à des fins décoratives, notamment pour les titres.

Dans les modèles précis des lettres cursives, on trouve aussi des désaccords entre les auteurs. Ainsi, par exemple, les petites boucles du o, du r, du z, du b, du v et du w, sont préconisées par certains auteurs comme Octor et Kaczmarek, Rieu et Kerouedan, ainsi que Hebting, alors qu’elles sont considérées comme surcharges inutiles par Calmy ou Berthet. Il existe aussi un désaccord entre les mêmes auteurs pour le trait d’attaque des lettres que l’on trouve pourtant pour le t, et seulement pour le t, chez Berthet. Celle-ci met en évidence le risque de déformation du e si on utilise le trait d’attaque. Calmy souligne que ’c’est le trait final d’une lettre qui constitue le trait d’attaque de la lettre suivante’96 et que ’la liaison varie selon les lettres juxtaposées dans le mot’97.

Commentaires

L’intention d’Allessandrini est certes louable : trouver un modèle d’écriture adapté à ce nouvel outil qu’est le stylo à bille. Mais il faudrait d’abord montrer que le modèle précédent n’est pas adapté à cet outil, ce qui est loin d’être évident. Il semble bien, en effet, que l’on puisse réaliser avec un stylo bille toutes les lettres telles qu’on les réalisait avec la plume. Certes, on ne retrouvera pas, la plupart du temps, les célèbres pleins et déliés, mais cela n’affecte nullement la lisibilité du texte. Allessandrini ne montre pas davantage en quoi le modèle qu’il propose convient particulièrement au stylo à bille. Enfin, on voit mal comment l’usage de son modèle pourrait être généralisé, d’autant plus que sa pertinence n’est pas démontrée. Le même problème se retrouve dans le souhait exprimé par Octor et Kaczmarek d’uniformisation des lettres majuscules cursives aux formes diverses, à un degré moindre cependant. En effet, une équipe d’école peut décider de l’apprentissage d’une forme pour chacune de ces lettres qui sont, de plus, peu nombreuses. Sans doute faut-il qu’elles présentent tout de même les autres formes afin que les enfants puissent les lire s’ils les rencontrent. On peut cependant penser que, si la lecture est bien acquise, ils les déduiront du contexte, c’est-à-dire du mot dans lequel elles se trouvent.

Les enseignants doivent choisir de faire apprendre les lettres avec ou sans leur petit trait d’attaque et leurs éventuelles petites boucles. On peut constater que les deux auteurs qui les rejettent sont les seules qui argumentent leur choix.

Notes
94.

ALLESSANDRINI, J. : ABC de la lettre. Retz, Paris 1987, p.95.

95.

ibid.

96.

CALMY, G. : op. cit. p.37.

97.

ibid.