L’apprentissage systématique des lettres est préconisé par tous les auteurs consultés à l’exception de Calmy. Celle-ci s’oppose en effet à l’écriture de lignes de lettres parce que ce n’est pas suffisamment attractif pour l’enfant, parce que ’l’écriture doit rester un moyen d’expression et être le moins possible un exercice d’automatisme à un âge où il s’agit surtout de séduire l’enfant aux techniques scolaires pour qu’il ne s’en lasse pas avant l’heure’111. Elle préconise la copie globale libre au cours de laquelle ’il faut encourager l’enfant à écrire et valoriser la plus petite réussite dans le sens de la ressemblance au modèle, sans pénaliser celui qui écrit mal’112. Elle se montre cependant favorable à des séances de copie lettre à lettre d’une phrase, écrite également lettre à lettre au tableau par l’enseignant, devant les enfants. Au cours de cette écriture au tableau, l’enseignante donne le sens de la phrase et, pour chaque lettre, attire l’attention des enfants sur la forme, la taille, la trajectoire, ’en un mot, elle fait une traduction verbale du geste moteur’113. Lorsque les enfants effectuent leur copie, l’enseignant passe derrière chacun d’eux et se montre attentif à la façon dont chacun réalise chaque lettre, demandant, au besoin, de rectifier. Calmy n’exclut donc pas la nécessité d’une méthode d’apprentissage de l’écriture.
D’autres auteurs, comme Berthet, mais aussi Octor et Kaczmarek ainsi que Hebting, attachent beaucoup d’importance à l’apprentissage systématique des lettres et des liaisons. Casteilla estime également que ’si l’on donne à reproduire à des débutants le dessin d’un mot de plusieurs lettres, ils le font n’importe comment : ils commencent parfois par une lettre du milieu ou de la fin, reviennent au début... etc. Ils arrivent à reconstituer la graphie du mot, mais ils n’apprennent pas à écrire. Il est donc nécessaire de suivre une méthode pour le tracé de la lettre, et la liaison des lettres entre elles pour former un mot’114. Mais admettre qu’il faut respecter une méthodologie ne conduit pas tous les auteurs à adopter la même. Ici encore, nous nous trouvons face à des différences, voire des divergences.
Rieu et Frey-Kerouedan proposent de faire réaliser des parcours correspondant aux différentes lettres pour les représenter ensuite graphiquement, ce qui conduit à reproduire la lettre. Ce sont les premiers à inciter à l’utilisation de la motricité globale pour un apprentissage systématique des lettres ; Berthet, Calmy, Octor et Kaczmarek, les suivront sur ce point. Calmy propose en outre de faire représenter aux élèves des parcours réalisés par leurs camarades ; mais il ne s’agit pas ici d’apprentissage des lettres. Hebting propose aux enfants d’essayer de représenter la forme de la lettre avec leur corps. On trouve aussi des propositions de représenter les lettres en grand dans l’espace avec le bras chez Hebting et chez Berthet. C’est chez cette dernière que l’on trouve la plus grande variété de propositions d’intériorisation des trajectoires des lettres : lettres rugueuses sur lesquelles l’enfant repasse, l’exercice étant fait les yeux ouverts puis fermés ; les lettres de grande dimension repassées au tableau et sur feuille, la reproduction des lettres en pâte à modeler, les lettres intégrées dans une guirlande pour travailler la liaison. Les autres auteurs utilisent quelques-uns de ces exercices. Berthet suggère aussi, pour l’enfant qui n’a pas acquis la trajectoire, de lui donner le modèle à main guidée, sans visibilité, tout en commentant le geste au fur et à mesure de son déroulement, puis de lui donner le modèle sous forme visuelle cinétique commentée, enfin uniquement par le modèle visuel statique. Octor et Kaczmarek font reproduire la lettre étudiée, les yeux fermés.
Valot met fortement l’accent sur l’analyse perceptive de la lettre étudiée. Il fait remarquer que les lettres s’inscrivent dans une bande que certaines dépassent par en haut ou par en bas et qu’elles s’inscrivent dans un carré. Il fait observer aux enfants qu’elles sont en nombre fini et leur demande de les classer par sous-ensembles. Il fait aussi remarquer les signes diacritiques. Pour lui, le modèle magistral sur le cahier est inutile. Ce n’est pas l’avis d’autres auteurs, comme Hebting qui insiste sur la nécessité de le faire à droite pour les gauchers, afin qu’ils puissent le voir lorsqu’ils écrivent. La nécessité d’un modèle de qualité au tableau fait l’unanimité.
La méthodologie employée est donc, le plus souvent, un ensemble plus ou moins hétérogène issu de diverses méthodes plus formalisées, plus structurées. ’Pratiquement, dit Calmy, chaque méthode contient une part de vérité éducative efficace, qu’il ne faut pas négliger’115. Le problème du praticien est donc de trouver et retenir cette part de vérité de méthodes qui ont été élaborées à partir de conceptions opposées. Ainsi, si les méthodes synthétiques partent du postulat que ’l’écriture est un art d’imitation et non d’expression’ et que les méthodes globales partent du postulat inverse que ’l’écriture est un moyen d’expression’116, il paraît bien difficile pour l’enseignant d’adhérer aux deux points de vue. Par contre, ’le respect de la tradition d’exécution’117, sur lequel insistent les premières méthodes et l’importance du sens du texte à écrire, sur lequel les secondes mettent l’accent, sont moins incompatibles. Il y a donc des conceptions différentes de l’écriture dont découlent des pédagogies différentes ; mais, le plus souvent, les pratiques d’enseignement sont un mélange d’éléments en provenance de diverses méthodes.
CALMY, G. : op. cit. p.45.
CALMY, G. : op. cit., p.29.
id. p.32.
CASTEILLA, A. : op. cit. p.28.
CALMY, G. : 1980, op. cit. p.21.
ibid.
ibid.