Tous les auteurs cités sont préoccupés de façon évidente d’influencer la pratique des enseignants en conseillant, en indiquant des modalités concrètes de travail pédagogique auprès des enfants. La finalité est toujours l’apprentissage. Mais Valot envisage aussi, d’une part de prévenir la dysgraphie et, lorsque ce n’est pas possible et que le trouble est installé, de remédier à ce qui gêne le plus l’enfant. Tout en se situant dans le cadre scolaire, Valot parle de rééducation. Il distingue une phase de préparation qui comporte un volet psychologique et un volet somatique. Le premier prend en compte la distance à l’enfant et permet la parole, le second se préoccupe des aspects perceptifs et moteurs de l’acte graphique.
Casteilla parle aussi de la ’mauvaise écriture’ qu’il considère, avec Vinh Bang, comme une inadaptation scolaire. D’où une attitude compréhensive : ’Il est préférable de ne pas punir l’enfant dont l’écriture est défectueuse : une telle écriture est révélatrice de troubles que l’on se doit d’analyser et de corriger par des conseils, des modèles, une surveillance accrue...’121. Il faut également éviter d’utiliser l’écrit comme moyen de punition car ’c’est le moyen assuré de gâter l’écriture de l’enfant’122. On retrouve là le volet psychologique de Valot et les moyens concrets d’action. Si Casteilla n’emploie pas le terme de rééducation, même pas celui de remédiation, en est-il si loin pour autant ? Il affirme cependant que ’‘l’enfant qui présente des anomalies trop grandes doit être signalé soit au psychologue soit au médecin. En effet, les anomalies trop grandes peuvent provenir de troubles pathologiques qui ne sont pas du domaine du scolaire.’’123.
Valot se montre, à ce propos, en accord avec lui : ’Le praticien non spécialiste qu’est généralement l’instituteur se montrera circonspect et réservé en matière de « rééducation ». Il ne cherchera pas à traiter les causes présumées de la dysgraphie mais seulement à remédier aux dysfonctionnements les plus douloureux et les plus incapacitants’124.
Pour ces deux auteurs, l’enseignant peut, dans une certaine mesure, aider des enfants qui rencontrent des difficultés au cours de cet apprentissage, tout en demeurant sur le registre de la pédagogie. Mais ce sont les seuls qui envisagent, en tout cas explicitement, de le faire.
La psychomotricité, née conjointement dans le champ de la médecine et celui de l’enseignement et ayant continué jusqu’à aujourd’hui à s’y impliquer, est concernée par cette question. En effet, d’une part les troubles de l’écriture sont traités en rééducation ou thérapie psychomotrice, d’autre part l’éducation psychomotrice en milieu scolaire participe, entre autres choses, à favoriser l’apprentissage de l’écriture. Elle intervient donc sur le plan éducatif qui comporte la prévention des troubles, mais aussi sur le plan rééducatif ; cependant, dans ce dernier cas, c’est le psychomotricien qui se trouve concerné. Si la psychomotricité est davantage utilisée par l’enseignant, peut-être la prévention sera-t-elle meilleure et le besoin de rééducation moins important. Peut-être aussi l’enseignant peut-il se servir de certains outils concrets de rééducation du psychomotricien dans le cadre scolaire pour aider les enfants en difficulté dans leur apprentissage de l’écriture.
Nous avons pu constater les incohérences des manuels d’apprentissage de l’écriture. En désaccord entre eux, les auteurs se contredisent aussi parfois eux-mêmes. Comment, dès lors, les enseignants peuvent-ils trouver dans leurs ouvrages des éléments pour construire une pédagogie de l’écriture cohérente ?
Pourtant, il est bien des aspects de ces écrits qui ne sont pas dénués d’intérêt. Nous sommes bien d’accord avec eux sur la nécessité de savoir quand commencer l’apprentissage de l’écriture. L’observation, que certains d’entre eux préconisent pour cela, nous semble fondamentale. Encore faut-il savoir quoi observer et la psychomotricité, nous le verrons, peut être utile pour cela. Il est donc important de connaître les capacités à développer avant et pendant l’apprentissage de l’écriture. Ces capacités sont, le plus souvent, des fonctions psychomotrices. Il est donc nécessaire de connaître le développement psychomoteur, ainsi que de maîtriser les concepts psychomoteurs, ce qui n’est pas le cas des auteurs consultés, nous l’avons vu.
Il est aussi indispensable de connaître le contenu de l’enseignement de l’écriture. Cela suppose une bonne connaissance des éléments mis en jeu dans cet acte complexe qu’est l’écriture, afin de savoir observer l’enfant en train d’écrire et de l’aider à progresser. Cette connaissance permet également de déterminer la pertinence du concept même de graphismes de base. Elle permet enfin de choisir avec discernement les outils, les supports et surtout une méthodologie de l’apprentissage. L’apport de la psychomotricité nous paraît loin d’être négligeable dans la constitution de cette connaissance.
Mais la psychomotricité se situe d’une part sur le plan rééducatif ou thérapeutique, d’autre part sur le plan pédagogique. Nous avons pu constater que certains exercices utilisés en rééducation sont préconisés dans certains manuels d’apprentissage de l’écriture. Nous avons vu aussi que deux auteurs préconisent une rééducation dans le cadre scolaire. Il nous faudra donc revenir sur la délimitation des champs éducatif et rééducatif et sur le passage d’un champ à l’autre.
CASTEILLA, A. : op. cit. p.85.
ibid.
ibid.
VALOT, C. : op. cit. p.27.