Si la psycho-cinétique est une méthode générale d’éducation, et c’est bien ainsi que Le Boulch la définit en 1966, la question des fins qu’elle poursuit ’se ramène [...] à un petit nombre d’indications. Le but suprême est d’élever l’enfant aussi près que possible de la perfection humaine’342. Il est bien difficile de dire ce qu’est la perfection humaine ; d’aucuns diront qu’elle n’est pas de ce monde. Mais on peut admettre que c’est ce que vise Le Boulch : ’Le but que nous assignons à l’éducation est de favoriser un épanouissement humain qui permette à l’homme de se situer et d’agir dans le monde en transformation’343. L’éducation psychomotrice qu’est la psychocinétique doit donc contribuer à atteindre ce but.
Pour ce faire, elle se donne les objectifs généraux suivants :
’une meilleure connaissance et acceptation de soi.
un meilleur ajustement de la conduite.
une véritable autonomie et l’accès à la responsabilité dans le cadre de la vie sociale’344.
La résolution des difficultés scolaires et, mieux, leur prévention peuvent certes contribuer à cet épanouissement et aider la personne à s’adapter au monde. La psycho-cinétique est, à ce sujet, ’la pièce maîtresse de l’édifice pédagogique qui permet à l’enfant de résoudre plus facilement les problèmes actuels de sa scolarité’345. En 1971, Le Boulch précise qu’elle ’aboutit à des possibilités « d’apprentissage rapide » dans le respect du développement de l’enfant’346. Propédeutique aux apprentissages scolaires, la psychocinétique prépare aussi aux apprentissages sportifs, aux loisirs, à la vie professionnelle. Elle devrait se situer antérieurement par rapport à l’éducation physique et sportive qui serait le domaine de professeurs spécialisés. Elle développe en effet ’toutes les aptitudes motrices et psychomotrices’347 alors que ’la pratique sportive globale ne développe que très imparfaitement les facteurs psycho-moteurs et même les facteurs d’exécution nécessaires à la maîtrise corporelle’348
Quand Le Boulch conçoit la psychocinétique pour le jeune enfant d’âge préscolaire, il affirme qu’elle doit ’assurer le développement fonctionnel tout en tenant compte des possibilités de l’enfant et aider son affectivité à s’épanouir et à s’équilibrer par l’échange avec son environnement’349. La notion de développement est mise au premier plan pour le jeune enfant, développement qu’il faut favoriser en s’appuyant sur ce qu’il en est déjà. Il s’agit donc de prendre en compte le développement existant pour l’aider à se poursuivre au mieux. Pour la période de l’école maternelle, il est nécessaire de ’permettre à l’enfant d’atteindre son épanouissement sur le plan du vécu corporel global aboutissant à une aisance dans l’exercice de la motricité spontanée prolongée par l’expression verbale et graphique’350. C’est ’sous ses deux aspects : expressif et praxique’351 que la motricité doit se développer et devenir aisée.
La prévention des difficultés scolaires demeure un objectif de la psychocinétique dès l’école maternelle qui doit préparer le passage à l’école élémentaire dans les meilleures conditions pour l’enfant. Pour cela, elle doit ’aider l’enfant à disposer d’une image du corps opératoire à partir de laquelle pourra s’exercer sa disponibilité’352.
Si l’école maternelle est concernée par le niveau sensori-moteur et le niveau de la structuration perceptive de l’organisation du comportement, l’école élémentaire est, en plus, concernée par ’le niveau de la représentation mentale qui débouche sur la symbolisation et la conceptualisation’353. Les dernières fonctions mises en jeu ne remplacent pas les précédentes mais les complètent.
En 1998, Le Boulch précise que la psychocinétique cherche à ’redonner la priorité à l’action et faire du mouvement le fil directeur du développement [...] autour duquel se forgera l’unité de la personne corporelle et mentale, affective et intellectuelle’354. Il n’en néglige pas pour autant la fonction symbolique dont l’épanouissement sera également favorisée à partir de l’action motrice. Si, jusqu’alors, il avait mentionné un objectif de prévention ou de remédiation vis-à-vis des difficultés scolaires, il affirme aujourd’hui que ’l’objectif, à court terme, est la lutte contre l’illettrisme qui est une première urgence et le respect de la créativité de chacun’355.
La mise en oeuvre de la psychocinétique devrait aussi, à plus longue échéance, se traduire par :
’le passage de la passivité à plus d’esprit d’initiative ;
l’amélioration de l’intérêt pour l’étude et pour l’effort en général ;
le développement de la capacité d’attention ;
la possibilité de coopérer et de dialoguer’356.
Et Le Boulch conclut : ’Plus généralement, une meilleure situation relationnelle devrait s’instaurer à l’école, ayant comme conséquence la baisse de l’agressivité’357. La lutte contre la violence est devenue un sujet d’actualité et un objectif de l’éducation psychomotrice.
A la fin de l’école primaire, l’enfant devrait avoir atteint un équilibre qui ’se traduira concrètement par la conquête progressive de l’autonomie motrice dont dépend la possibilité :
de disposer d’une motricité globale susceptible de répondre efficacement et sans réflexion aux situations d’urgence ;
de contrôler le niveau d’énergie mis en jeu dans l’action par le réglage de son tonus et le contrôle de ses réactions émotionnelles ;
d’intervenir intentionnellement pour modifier un détail d’un automatisme déjà acquis, en vue d’améliorer son efficacité’358.
Il devra aussi avoir acquis une capacité de transposer sa propre orientation spatiale chez autrui. Cette décentration contribuera à la socialisation dans la mesure où il pourra comprendre le point de vue d’autrui. Il situera mieux l’ensemble d’une configuration et les mouvements de ses différentes parties.
Ces objectifs ne s’atteindront pas par un entraînement précoce. Ce sont des objectifs de la fin de scolarité primaire.
C’est par des moyens concrets adaptés aux possibilités des enfants que ces finalités et ces objectifs peuvent être atteints. Nous l’avons dit, la psychocinétique est une science appliquée. Elle est donc concrète. Mais elle comporte aussi une théorie qu’a élaborée Le Boulch. Nous allons d’abord en présenter les éléments essentiels afin de mieux comprendre ensuite les moyens concrets employés.
BUISSON, F. : op. cit. p.1900.
LE BOULCH, J. : 1966, op. cit. p.16.
ibid.
id. p.27.
LE BOULCH, J. : 1971, Vers une science du mouvement humain, p.23.
LE BOULCH, J. : Face au sport, E.S.F., Paris 1977, 2ème édition 1978, p.43.
id. p.36.
LE BOULCH, J. : 1981, op. cit. p.12.
id. p.128.
ibid.
id. p.16.
LE BOULCH, J. : L’éducation psychomotrice à l’école élémentaire, E.S.F., Paris 1984, p.34.
LE BOULCH, J. : 1998, op. cit. p.17-18.
id. p.18.
ibid.
ibid.
id. p.223.