La notion de globalité revient chez la plupart des auteurs pour définir l’éducation psychomotrice. Ainsi, pour Vayer, elle est ’un mode d’abord global de l’enfant, c’est un état d’esprit’398. C’est donc la conception éducative de l’enseignant qui est ou non psychomotrice. Lorsque Vayer, avec Roncin, délaissera le terme psychomoteur parce qu’il ’a été victime de son succès et réduit à désigner certaines activités particulières’399, c’est encore du fait de ce souci de conception globale de l’enfant ’appréhendé dans son unité fonctionnelle’400. Lagrange, qui a davantage voulu faire un ’essai de simplification et de synthèse’401 qu’apporter du nouveau, affirme que l’éducation psychomotrice est ’une attitude d’esprit face aux problèmes de l’éducation dans son aspect global’402. Pour De Meur et Staes et De Lièvre et Staes, elle est aussi un regard englobant qui perçoit les interactions constantes entre la motricité et le psychisme et entre l’individu et le milieu, mais elle est aussi une technique. Ce regard englobant est également exprimé par Donnet pour qui l’éducation psychomotrice reconnaît ’l’enfant globalement dans une rencontre du corps, du mouvement et leur signification affective’403.
Nous pouvons constater que cette notion de globalité est utilisée pour qualifier parfois l’enfant, parfois le regard qu’on lui porte, parfois l’éducation. Si l’enfant est considéré comme une unité, dans sa globalité, il est certain que l’éducation psychomotrice ne peut être une discipline d’enseignement isolée, juxtaposée à d’autres qui ne seraient pas psychomotrices. Elle concerne nécessairement toute l’éducation. Elle est ’une formation globale, affective, pratique, intellectuelle’404 et il est tout à fait inconcevable que se côtoient ’une éducation qui soit psychomotrice et une qui ne le soit pas’405.
Cependant, il faut bien que l’éducation psychomotrice se traduise dans le concret et qu’elle s’inscrive dans le temps, un temps qui est pris à l’école sur une ou plusieurs disciplines. Ou bien il faut aboutir, comme le dit Arnaud à ’la disparition de toutes les disciplines et à la reconnaissance d’une seule discipline, qui est l’éducation psychomotrice’406. C’est le point de vue de Vayer, en tout cas pour l’école maternelle, ’champ d’application idéal de l’éducation psychomotrice [qui] ne doit pas [y] être considérée comme une discipline à part ou comme une activité à côté des autres activités, elle doit être l’activité éducative de l’enfant’407. En ce qui concerne l’école élémentaire, elle ’doit constituer le dénominateur commun à toutes les activités médiatisées par l’adulte,’408 car elle est la ’base de la dynamique de l’éducation’409. On retrouve des propos similaires chez Lapierre et Aucouturier qui préconisent une ’éducation à base psychomotrice’410. Lagrange affirme que l’éducation psychomotrice ’ouvre ses portes à l’interdisciplinarité’411 ’en s’imbriquant dans les acquisitions scolaires pour leur servir de support et inversement’412. Donnet adopte une position moins tranchée : d’une part, elle précise qu’à l’école maternelle, la psychomotricité se limite à des séances spécifiques, d’autre part elle reconnaît que sa pratique psychomotrice a eu une incidence sur toute sa pratique professionnelle d’enseignante. Le regard qui conduit à prendre l’enfant en compte dans toutes ses dimensions, dans sa globalité, ne peut donc se cantonner dans les séances spécifiques dites de psychomotricité.
VAYER, P. : Le dialogue corporel, Doin, Paris 1971, 2ème éd. 1976, p.181.
VAYER, P. et RONCIN, C. : Les activités corporelles chez le jeune enfant, P.U.F., Paris 1988, p.12.
id. p.11.
LAGRANGE, G. : L’éducation globale, Casterman, Paris 1974, p.11.
id. p.39.
DONNET, S. : L’éducation psychomotrice de l’enfant, Privat, Toulouse 1973, p.17.
LAGRANGE, G. : op. cit. p.229.
VAYER, P. : L’enfant face au monde, Doin, Paris 1972, 2ème éd. 1978, p.193.
ARNAUD, P. : Les savoirs du corps, Education physique et éducation intellectuelle dans le système scolaire français, Presses universitaires de Lyon, Lyon 1983, p.40.
VAYER, P. : 1976, op. cit. p.202.
VAYER, P. : 1978, op. cit. p.74.
id. p.71
LAPIERRE, A. et AUCOUTURIER, B. : La symbolique du mouvement, épi, Paris 1975, p.13.
LAGRANGE, G. : op. cit. p.227.
id. p.39.