En ce qui nous concerne, dans notre pratique de psychomotricien, nous utilisons l’examen psychomoteur. Certes, il fait en partie appel - car toutes les épreuves ne sont pas étalonnées - à des étalonnages qui ne peuvent avoir qu’une valeur statistique. Le problème serait de les considérer comme des ’normes’, terme employé par Lapierre et Aucouturier. Il ne s’agit pas de normes mais de repères qui nous permettent d’évaluer les difficultés rencontrées par l’enfant, mais aussi ses capacités, ses acquis, et de savoir s’il y a lieu d’intervenir sur le plan thérapeutique. Qu’un enfant de trois ans dessine un ’bonhomme-têtard’ est tout à fait normal ; qu’un enfant de huit ans le fasse doit interpeller l’éducateur. On ne peut se passer de repères temporels quant au développement de l’enfant. La question qui se pose est celle du moyen d’intervenir pour aider l’enfant en difficulté afin de ne pas recréer, comme le disent Lapierre et Aucouturier, ’un apprentissage systématique au second degré, soumis aux mêmes tensions anxieuses de la part du maître’621 que celles qui existent pour les apprentissages du ’premier degré’ que sont les apprentissages scolaires.
Contrairement à Vayer, nous ne sommes pas favorables à la passation d’un examen psychomoteur à l’école. En effet, la plupart des épreuves supposent que l’enfant soit seul avec l’examinateur. Il est évident que le faire pour tous les élèves d’une classe prendrait beaucoup de temps. De plus, isoler les enfants qui présentent des difficultés pour leur faire passer un tel examen ne nous semble pas judicieux, notamment parce que cela les montre aux yeux de tous comme élèves en difficulté. Nous préférons une observation psychomotrice en situation ordinaire de vie de classe ou d’école. Cette observation se centrera cependant sur les mêmes éléments que l’examen psychomoteur : tonus musculaire, inhibition motrice, latéralité, équilibre, coordinations, dissociations, schéma corporel, espace, temps, projet idéo-moteur, graphomotricité.
Le tonus musculaire peut s’observer à l’école. En ce qui concerne le tonus de fond, il est aisé de remarquer une forte hypertonie : visage crispé, épaules relevées, etc. Une hypotonie marquée s’observe aussi aisément. Mais on prendra en compte l’âge de l’enfant en ce qui concerne les capacités posturales. En effet, elles sont sous le contrôle du cervelet qui termine sa maturation vers 7 ans. De plus, l’organisation du tonus de fond s’achève vers 11 ans.
En ce qui concerne le tonus d’action, on peut retrouver dans le mouvement une hypertonie ou une hypotonie, mais on peut observer aussi des syncinésies. On distingue les syncinésies tonico-cinétiques ou d’imitation qui consistent en des mouvements involontaires dans une partie du corps non concernée par l’acte volontaire et des syncinésies de diffusion tonique ou de raidissement généralisé qui consistent en une augmentation du tonus musculaire dans les parties du corps non concernées par l’acte volontaire. On considère que les premières doivent avoir disparu à 12 ans, du fait de la maturation du corps calleux qui permet une indépendance et une complémentarité des deux côtés du corps. Quant aux secondes, il est souhaitable qu’elles demeurent modérées, mais cette régulation dépend aussi de la maturation du système nerveux. Les syncinésies pieds-mains peuvent aussi s’observer à l’école, par exemple en éducation physique et sportive, en expression corporelle : elles consistent en une rotation externe de l’épaule amenant les mains paumes en avant alors que le mouvement volontaire est un écartement des pointes de pieds. Il existe aussi des syncinésies buccales, ou chiro-orales, qui consistent en des mouvements buccaux ou linguaux déclenchés par la motricité manuelle ; elles s’observent notamment dans l’écriture.
Les réactions tonico-émotionnelles peuvent s’observer dans diverses situations. Il s’agit par exemple des réactions toniques à un bruit fort. Mais il s’agit aussi des réactions de prestance qui sont liées au regard d’autrui sur soi. On voit ainsi des enfants qui, par exemple alors qu’ils récitent une leçon devant toute la classe, se raidissent ; parfois, ils se tortillent les doigts ou manipulent le bas de leur pull.
La capacité d’inhibition motrice est la capacité à modérer le tonus musculaire et à inhiber le mouvement. L’hypertonie est une insuffisance d’inhibition motrice, mais nous n’y reviendrons pas puisque nous venons d’en parler. Les coordinations et les dissociations nécessitent aussi une inhibition motrice concernant le tonus musculaire et le mouvement. Nous en parlerons plus loin. Mais la capacité d’inhibition motrice peut s’observer dans des exercices spécifiques. Ainsi, par exemple, on peut demander aux enfants de réaliser un mouvement donné à l’arrêt du métronome ; cet exercice demande de l’attention et d’inhiber le mouvement jusqu’à l’arrêt du métronome. L’arrêt de la marche ou de la course au signal de l’enseignant est un autre exercice permettant de constater la capacité d’inhibition motrice. Certains jeux réalisés en éducation physique peuvent aussi le permettre ; ainsi en est-il par exemple du jeu ’Jacques a dit’. Tout geste demande aussi un contrôle corporel qui est de l’ordre de l’inhibition motrice.
L’enseignant peut observer certains éléments de latéralité, essentiellement la latéralité d’utilisation. En effet, s’il peut avoir une petite indication de latéralité neurologique à travers le ballant dans la marche, il ne va pas faire une étude comparative de l’extensibilité des deux moitiés du corps. En ce qui concerne la latéralité d’utilisation, spontanément les enseignants l’observent dans l’acte graphique. Mais il est fondamental de ne pas s’y limiter puisqu’il existe des faux gauchers qu’il est important de distinguer des vrais gauchers. L’enseignant peut observer la latéralité manuelle dans de nombreuses situations, la latéralité podale particulièrement dans les jeux de ballon et le saut. La latéralité oculaire peut être observée dans les exercices de visée, mais ceux-ci posent question parce qu’elle fait intervenir la motricité palpébrale ; le sighting 622 est plus fiable puisqu’il se fait en vision binoculaire, mais il n’est pas aussi aisé à réaliser en classe. La latéralité fonctionnelle peut être recherchée si l’enfant hésite sur le choix d’un côté. Il s’agit donc de repérer le côté le plus efficace.
On prendra en compte que la latéralité s’établit peu à peu. La plupart des auteurs considèrent qu’elle est établie à 6-7 ans, mais d’autres pensent qu’elle se met en place jusqu’à 12 ans.
L’équilibre s’observe particulièrement en éducation physique et sportive. En ce qui concerne l’équilibre statique, il est possible de demander aux enfants de rester immobile sur les deux pieds joints ou sur un pied, yeux ouverts puis yeux fermés, de se tenir accroupi ou sur la pointe des pieds ; certains auteurs ont indiqué des références d’âge pour ces exercices. Ainsi, par exemple, Koupernik et Arfouilloux623 indiquent 3 ans comme âge pour l’équilibre sur deux pieds, les yeux ouverts, les talons joints. Ozeretski et Guilmain624 indiquent 4 ans pour le même exercice les yeux fermés, durant 15 secondes. Pour eux également, 6 ans est l’âge de réussite pour l’équilibre sur un pied, autre genou fléchi à angle droit, bras le long du corps, pendant 10 secondes. Brunet et Lézine625 donnent 2 ans 6 mois pour l’équilibre sur un pied, autre genou fléchi, pendant un instant.
Il ne s’agit pas pour nous ici de donner tous les repères d’âge car ce travail n’est pas destiné à être diffusé en l’état auprès des enseignants. Cela nous permet de montrer que des références d’âge peuvent nous sembler cohérentes : ainsi l’équilibre sur les deux pieds les yeux ouverts à 3 ans et les yeux fermés un an plus tard. Mais d’autres références nous questionnent : par exemple, l’équilibre sur un pied à 2 ans 6 mois selon Brunet et Lézine et à 6 ans selon Ozeretski et Guilmain ; même si les critères sont légèrement différents, l’écart d’âge est très important. Cela permet de relativiser les repères d’âges, en tout cas de ne pas les prendre comme des normes absolues. L’enseignant a, de toute façon, recours à la comparaison des élèves de sa classe, à condition qu’il ait le souci de tenir compte de leur âge car être dans une même classe ne signifie pas nécessairement avoir le même âge.
L’équilibre dynamique peut être observé en récréation et, bien sûr, en éducation physique et sportive. Il concerne la marche, la course, les différents types de sauts, monter et descendre un escalier. Ici encore, on peut disposer d’étalonnages.
Les coordinations et les dissociations comportent plusieurs catégories.
Tout d’abord les praxies, ensemble de coordinations dirigées vers un but. Il s’agit par exemple de se laver et se sécher les mains ou le visage, d’enfiler ses vêtements, de lacer ses souliers. Des repères d’âges ont été donnés pour l’acquisition de ces différentes praxies, notamment par Illingworth626 et Gassier627.
Ensuite, les coordinations larges, avec trois sous-catégories :
les coordinations dynamiques générales : marche, course, saut, grimper, reptation, etc. On observe la façon dont l’ensemble des segments corporels s’organise pour obtenir ou non une harmonie et une efficacité du mouvement.
Les coordinations membres supérieurs - membres inférieurs. Par exemple, main droite à l’épaule droite, bras gauche étendu horizontalement en avant, marcher en inversant la position des bras à chaque pas ; cette épreuve, non étalonnée, est proposée par Soubiran et Coste628. Autre exemple : marcher en frappant dans les mains à chaque pas. On recherche la simultanéité et la bonne réalisation des mouvements.
Les coordinations main droite - main gauche : assis à une table, frapper sur celle-ci avec les deux mains simultanément ; même exercice en frappant alternativement le paume et le dos des mains. C’est encore la simultanéité qui est recherchée.
Les dissociations larges comportent deux sous-catégories :
Les dissociations membres supérieurs - membres inférieurs : par exemple, frapper une fois dans les mains, puis un pied au sol, puis à nouveau dans les mains puis l’autre pied au sol, etc. Il s’agit de bien alterner les mouvements des mains et des pieds, sachant que le mouvement le plus aisé est la coordination.
Les dissociations main droite - main gauche : par exemple, frapper les deux mains sur la table, puis la main gauche, puis à nouveau les deux mains, puis la main droite, etc. Autre exemple, contracter un bras en gardant l’autre détendu.
Les coordinations et dissociations fines concernent d’une part la motricité faciale, d’autre part la motricité digitale :
La motricité faciale est examinée par l’imitation de mouvements bilatéraux (coordinations) ou unilatéraux (dissociations) du visage. Cela a donné lieu à une épreuve conçue par Kwint et revue par Mira Stambak629 avec l’aide de Roger Perron. Dans cette épreuve, l’enfant a la possibilité de vérifier l’exactitude de son imitation dans un miroir. La réussite sans contrôle visuel permet de savoir quelles sont les parties du corps dont l’enfant maîtrise consciemment la motricité, capacité qui repose sur l’expérience antérieure. En effet, ’lorsque le mouvement est simple ou habituel, nous pouvons nous dispenser du contrôle visuel, les afférences proprioceptives nous suffisant pour nous donner la certitude que le mouvement effectué est bien celui que nous nous sommes imposé’630.
La motricité digitale peut s’examiner par diverses épreuves : opposition du pouce aux autres doigts, pianotage sur une table, lever digital. Cette dernière épreuve que l’on doit à Rey a été étalonnée par Mira Stambak631. Le lever digital est difficile et la réussite est attendue vers 9 ans pour les trois premiers doigts et vers 14 ans pour l’annulaire et l’auriculaire.
Plusieurs exercices ont été étalonnés pour observer les coordinations oculo-manuelles : réalisation de tours de 4 ou 6 cubes, d’un pont ou d’un escalier avec des cubes, enfiler une aiguille. Mais on peut examiner les coordinations oculo-manuelles dans des exercices d’enfilage de perles, d’assemblage de vis et d’écrous, dans des jeux de construction, de découpage, etc. Le contrôle de l’oeil sur la main est important dans tous ces exercices et jeux. On peut considérer que le lancer-rattrape d’une ou plusieurs balles, mais aussi de sacs de graines, permet d’observer un autre type de coordination entre la vue et la motricité manuelle.
Quant aux épreuves de lancer de précision, nous les appelons plus volontiers exercices d’adresse. Ils peuvent concerner aussi bien les membres inférieurs que les membres supérieurs. L’effecteur n’est pas dans le champ visuel puisque le regard se centre sur la cible qui est éloignée.
Le schéma corporel et l’image du corps sont examinés à travers quatre types d’épreuves :
Le dessin du bonhomme en est la plus classique. Plusieurs variantes ont été utilisées : dessin du bonhomme, dessin de soi ; utilisation de la mine graphite seule ou, en plus, des crayons de couleur. Il s’agit, dans tous les cas, d’observer la façon dont le personnage est construit, son degré d’élaboration. Cette épreuve a été étalonnée par plusieurs chercheurs. Le dessin du bonhomme permet de savoir quelle perception l’enfant a de son corps car l’enfant dessine ’non seulement ce qu’il voit, mais ce qu’il sait et ce qu’il ressent’632, vraisemblablement même davantage ce qu’il sait et ce qu’il ressent que ce qu’il voit.
La réalisation d’un bonhomme à partir de segments découpés permet de percevoir aussi l’intégration du schéma corporel sans mettre en jeu les capacités graphiques de l’enfant. Cependant, généralement, les pièces à assembler représentent des segments assez grands du corps, comme la main dans son ensemble. La précision est de ce fait moins importante que celle apportée par le dessin du bonhomme.
L’imitation de gestes. L’enfant doit imiter des gestes que l’adulte réalise devant lui. Bergès et Lézine ont élaboré un test633 qui comporte, dans une première partie, une imitation de mouvements simples des mains et une imitation de mouvements des bras ; la seconde partie de ce test comprend une imitation de mouvements complexes mettant en jeu les mains et les doigts, et une épreuve dite des ’contraires’ qui reprend les mouvements de bras de la première partie que l’enfant doit imiter en non-miroir (on lui demande de faire ’le contraire’ de ce que fait l’examinateur). L’imitation de gestes suppose la perception de la forme finale, mais aussi la perception des mouvements qui y aboutissent. Cette ’appréhension visuo-kinétique [...] va se référer à un schéma moteur déjà acquis’634. L’imitation de la direction des gestes ’implique la mise en situation du corps propre de l’enfant comme référence dans l’espace’635, et ceci ’par référence à l’expérience motrice déjà acquise du sujet’636. C’est vers 10 ans qu’apparaissent les premières réponses systématiques en non-miroir mais, dès 6 ans, l’enfant devient capable de réaliser volontairement les gestes de cette façon car ’la réversibilité sort de sa gangue kinétique, et l’on aborde le stade opérationnel’637.
L’épreuve main-oeil-oreille, que l’on doit à Head638, est aussi une épreuve d’imitation de gestes. L’enfant doit, en effet, imiter les mouvements que l’on exécute devant lui, mais on lui précise qu’il doit respecter le côté utilisé par l’examinateur, c’est-à-dire utiliser sa main droite si l’examinateur utilise sa main droite.
L’imitation des mouvements unilatéraux est plus aisée que celle des mouvements controlatéraux car ceux-ci exigent une très bonne perception de l’axe du corps. C’est ce qui peut expliquer aussi la différence d’âge de réussite entre cette épreuve sur consignes verbales (7 ans) et l’épreuve de Piaget qui consiste à montrer sa main droite et sa main gauche (6 ans), donc les extrémités distales. L’imitation dans l’épreuve de Head est réussie à 9 ans.
Nommer et montrer diverses parties du corps. En situation d’examen psychomoteur individuel, il est demandé à l’enfant de nommer les parties du corps touchées par l’examinateur. Dans une classe, cela n’est pas possible de la même façon. L’enseignant peut donc demander aux enfants d’indiquer par écrit les parties du corps sur une représentation graphique. Cela présente, bien sûr, l’inconvénient de nécessiter la maîtrise de l’écrit. Auparavant, un travail en atelier peut cependant permettre un examen de ce type mettant seulement l’oral en jeu. Il est plus facile de faire montrer les parties du corps nommées par l’adulte mais, dans une classe, le risque d’imitation des enfants entre eux est grand.
L’identification de l’image spéculaire se fait habituellement par la reconnaissance de soi dans le miroir, mais peut se faire également sur photographie. L’expérience du miroir a fait l’objet de nombreux travaux. S’identifier dans le miroir suppose la conscience de soi.
L’organisation spatiale constitue un élément important de l’observation psychomotrice. Nous la divisons en quatre catégories :
L’orientation spatiale : on cherche à savoir comment l’enfant s’oriente dans l’espace corporel et extra-corporel. Certaines épreuves du schéma corporel auraient donc pu se trouver incluses dans cette catégorie, par exemple l’épreuve main-oeil-oreille de Head. Cela n’a rien d’étonnant puisque, nous l’avons souligné, schéma corporel et espace sont étroitement liés. C’est à partir du corps propre que l’on se situe dans l’espace. D’où la progression suivante de l’examen de l’organisation spatiale :
L’espace corporel : on demande à l’enfant de montrer une partie de son corps située devant, une autre située derrière, une en haut, une en bas, une à droite, une à gauche. En ce qui concerne l’orientation droite-gauche, on renouvelle l’exercice après avoir fait faire un demi-tour à l’enfant.
’Pour savoir qu’un objet est en avant ou à droite, il me faut d’abord savoir que j’ai un avant et une droite’639. Piaget a montré que l’orientation droite-gauche sur soi est acquise à 6 ans. Bergès, qui a imaginé de reprendre cette épreuve après retournement de l’enfant a constaté qu’elle était alors réussie à 7 ans. Cela demande d’avoir intégré que le corps est référence pour l’orientation dans l’espace.
La situation de l’objet par rapport à moi : on demande à l’enfant de situer un objet par rapport à lui en disant s’il est devant, derrière, à gauche, à droite, etc.
La situation de moi par rapport à l’objet : on demande à l’enfant de dire où il se trouve par rapport à un objet ou de se placer de la façon qu’on lui indique par rapport à un objet (devant, derrière, sous, à gauche, etc.). On lui demande aussi de situer la main droite et la main gauche de quelqu’un situé face à lui.
L’enfant ne peut se situer que par rapport à des objets orientés. Se situer par rapport à des objets qui ne sont pas orientés nécessite une réversibilité de la pensée : ’Je suis devant le ballon, donc le ballon est derrière moi’. Situer droite et gauche sur une personne en vis-à-vis est, d’après Piaget, réussi à 8 ans.
Situer des objets entre eux : Piaget proposait de placer trois objets alignés de gauche à droite devant l’enfant à qui on demande de croiser les bras et de dire si tel objet est à droite ou à gauche de tel autre.
Nous avons conservé l’appellation de cette épreuve telle qu’elle a été formulée par Piaget. Cependant, il faut signaler que, les objets n’étant pas orientés, le repérage se fait à partir du corps propre. Puisque l’enfant a les bras croisés, il lui faut se repérer à des parties du corps plus proches de son axe. Cette épreuve met donc en évidence la capacité de l’enfant à se repérer à des parties proximales du corps de façon volontaire. Selon Piaget, elle est réussie à 10 ans.
Situation des objets entre eux, réellement cette fois : on peut demander aussi à l’enfant de situer des objets entre eux, l’un étant orienté et les autres ne l’étant pas, puis de situer entre eux deux objets orientés.
Si un seul objet est orienté, il a valeur de repère absolu. Si deux objets sont orientés, on obtiendra des situations d’opposition si les orientations sont contraires (face à face, dos à dos), d’alignement si les orientations sont identiques (l’un derrière ou devant l’autre, côte à côte ou à côté de), de convergence ou de divergence si les orientations sont différentes. Il est certain que la capacité à situer les objets les uns par rapport aux autres exige une bonne orientation sur le corps propre. En effet, c’est le moi corporel qui, se projetant sur les objets, permet d’en appréhender l’orientation.
La capacité de structuration de l’espace s’évalue à travers plusieurs épreuves.
On demande à l’enfant d’évaluer en combien de pas normaux il va effectuer une distance donnée. Il vérifie puis juge si son évaluation était ou non satisfaisante.
On lui demande ensuite de parcourir à nouveau cette même distance, mais en faisant un nombre de pas qu’on lui indique. Il doit ensuite apprécier sa performance et, si elle n’est pas correcte, estimer ce qu’il aurait dû faire.
L’enfant doit, dans cette épreuve, structurer l’espace en fonction de ce qu’il estime être la longueur de ses pas. Mais on observe aussi s’il ajuste sa motricité en fonction de ses prévisions et, dans l’affirmative, s’il le fait tôt au cours de son déplacement ou au dernier moment. On observe aussi, bien sûr, les capacités d’équilibre et le tonus musculaire.
Réaliser un parcours représenté schématiquement. Le schéma peut être fait sur plan horizontal ou vertical. Dans ce dernier cas, l’enfant doit effectuer une transposition d’un plan à l’autre, ce qui exige une mobilité de la représentation mentale. Le schéma peut être laissé sous les yeux de l’enfant durant tout l’exercice ; s’il est sur feuille ou ardoise, on observe alors si l’enfant en modifie l’orientation en cours de parcours. Mais on peut aussi exiger une mémorisation préalable du parcours à effectuer.
Schématiser un parcours effectué. L’enfant choisit lui-même son parcours, sachant qu’il devra ensuite le représenter.
Cet exercice est nettement plus difficile que le précédent. Il demande non seulement des capacités de structuration spatiale, mais aussi la mémorisation du parcours réalisé puis sa transcription (sur plan horizontal ou vertical).
Il est intéressant de voir si l’enfant évalue bien ses capacités puisque c’est lui qui choisit le degré de complexité de son parcours. Certains enfants oublient, dès qu’ils sont dans l’action, qu’ils vont devoir le dessiner ensuite.
On peut voir aussi si l’enfant se crée un projet idéo-moteur ou s’il élabore son parcours au fur et à mesure.
La réalisation du parcours et sa schématisation peuvent être faites par deux personnes différentes. Dans ce cas, la difficulté est moindre puisque l’orientation du dessinateur ne change pas. Des aspects relationnels entrent aussi en jeu : mettre ou non son camarade en difficulté. Mais celui qui effectue le parcours doit pouvoir vérifier l’exactitude de la représentation.
- Structuration de l’espace graphique :
Copie de croix (+ et x) et de figures géométriques : cercle, carré, rectangle avec diagonales et médianes, losange, cercles sécants, cercles adjacents, figures complexes. Certains items ont été étalonnés par H. Santucci640 : croix + réussie à 4 ans pour 80% des enfants, à 6 ans pour 100% ; croix x réussie à 5 ans pour 75% des enfants, à 6 ans pour la quasi totalité ; cercle réussi à 3 ans ; carré réussi à 6 ans, mais les angles ne sont pas toujours corrects ; rectangle avec diagonales et médianes réussi à 6 ans pour 64% des enfants ; losange réussi à 6 ans pour les 2/3 des enfants ; cercles sécants et adjacents réussis à 6 ans.
Les figures complexes permettent d’évaluer la perception des éléments fondamentaux de la figure : verticales, horizontales, obliques, angles, figures simples qui la composent.
La structuration de l’espace graphique peut aussi être évaluée à travers le dessin libre. Celui-ci permet aussi d’observer l’existence ou non d’un projet préalable, la qualité du geste graphique, l’impulsivité éventuelle, l’investissement de l’espace de la feuille.
Jeux de construction. Outre la structuration spatiale, on y observe l’existence ou non d’un projet idéo-moteur, l’impulsivité ou l’inhibition éventuelle, la qualité de la motricité fine, de la coordination oculo-manuelle, la patience, la persévérance, l’initiative...
Jeux d’encastrement, puzzles, etc. Mêmes observations que précédemment, mais ce qui doit être fait est imposé par le jeu.
L’investissement de l’espace s’observe dans de multiples situations : le dessin, les jeux sur la cour de récréation, l’éducation physique et sportive, etc.
Il s’agit de percevoir si l’enfant ose se risquer dans l’espace. Certains enfants restent auprès des enseignants durant les récréations ou passent leur temps adossés à un arbre ou un mur parce qu’ils sont trop insécurisés pour affronter l’espace.
L’occupation de l’espace. L’enseignant demande à un groupe d’enfants d’occuper un espace donné en s’y répartissant le plus régulièrement possible.
Si cette épreuve concerne le groupe, c’est qu’il concerne les individus qui le composent. Qu’un groupe occupe de façon régulière un certain espace nécessite en effet que chacun de ses membres prennent en compte la position et le déplacement des autres.
L’organisation temporelle comporte deux volets : la situation dans le temps et la structuration temporelle.
La situation dans le temps. On peut demander à l’enfant :
son âge, sa date de naissance ;
si on est le matin ou l’après-midi (réussi à 5 ans) ;
le jour auquel nous sommes (réussi à 6 ans), le mois (réussi à 7 ans), l’année (réussi à 8 ans), la date du jour (réussi à 7-8 ans) ;
l’organisation du calendrier : jours de la semaine, mois de l’année.
après quelques activités, ce qu’on a fait avant ou après l’une ou l’autre d’entre elles.
La connaissance de la structuration du temps au niveau du calendrier est une aide pour s’y situer, mais l’enfant peut aussi indiquer la date parce qu’il se fie à des repères proches (par exemple, savoir qu’on est jeudi parce que hier on était mercredi).
La structuration temporelle concerne le rythme. L’adaptation à un tempo est proposée par Soubiran et Mazo641, les autres épreuves ont été élaborées par Mira Stambak642.
Adaptation à un tempo. On met le métronome à 60 pulsations par minutes et on demande à l’enfant de frapper dans ses mains en même temps, à la même vitesse. On recommence ensuite à 80 puis 120 battements par minute. L’épreuve est reprise, l’enfant devant cette fois marcher au tempo indiqué par le métronome.
L’adaptation est plus difficile en marchant qu’en frappant dans les mains. Si l’on veut savoir si l’enfant perçoit correctement le tempo, c’est donc le frapper de mains qui est le plus efficace ; il permet aussi de voir si l’enfant présente une impulsivité et s’il peut la dépasser plus ou moins rapidement. L’adaptation par la marche permet de percevoir l’impulsivité ou l’inhibition, la coordination de l’ensemble du corps, l’intégration corporelle du tempo ou l’essai d’ajustement au coup par coup, l’investissement de l’espace.
Reproduction de structures rythmiques. On demande aux enfants de reproduire des structures rythmiques de 6 à 8 coups.
Mira Stambak a relevé l’âge de réussite en fonction du nombre de coups des structures : 3-4 coups à 6 ans, 5 coups à 8 ans, 6 coups à 10 ans ; 7 coups entraînent un échec pour 50% des enfants de 12 ans.
Certains enfants ayant des difficultés dans l’apprentissage de la lecture présentent un retard à ce type d’épreuve. Les dysorthographiques ont généralement un léger retard. Nous n’en déduisons pas que les difficultés rythmiques sont la cause des difficultés en lecture ou en orthographe. Mais on cherchera à développer les capacités rythmiques, même si on ne sait pas vraiment quel retentissement on peut en attendre sur les activités scolaires.
Compréhension du symbolisme des structures rythmiques. On présente aux enfants deux points rapprochés et deux points plus distants l’un de l’autre, représentant deux coups proches et deux coups plus éloignés. On leur demande comment ça se frappe. S’ils ne le savent pas, on explique le symbolisme. Puis on demande de frapper dans les mains quelques structures présentées par écrit.
Le symbolisme est compris sans explication vers 9-10 ans, avec explication à 7 ans.
L’exécution de structures représentées graphiquement est difficile pour les enfants dyslexiques.
Le projet idéo-moteur. Il s’agit de faire réaliser aux enfants une séquence motrice complexe leur demandant une représentation mentale ordonnée préalable des différentes actions à effectuer. Un deuxième aspect de cette rubrique consiste à demander aux enfants d’élaborer eux-mêmes une telle séquence.
Réaliser une séquence motrice complexe sur ordre demande une attention à la consigne, une mémorisation, une représentation mentale puis l’exécution. S’il y a échec, on cherchera à situer l’étape qui l’a provoqué.
Créer une séquence motrice demande une initiative. On évaluera si l’enfant établit un projet d’ensemble ou s’il décide des actions partielles de la séquence au fur et à mesure.
Cette observation psychomotrice nous permet de mieux percevoir les capacités et de mieux comprendre les difficultés de l’enfant. Elle ne se suffit pas à elle-même. Elle vient compléter les informations dont l’enseignant dispose par ailleurs et les autres observations qu’il peut faire, par exemple sur le plan comportemental et langagier, pour lui permettre de mieux adapter ses propositions pédagogiques à l’enfant. L’intérêt de l’observation psychomotrice est de repérer des éléments sur lesquels il peut agir, mais qui ne concernent pas directement les apprentissages intellectuels tout en pouvant les favoriser.
ibid.
épreuve qui consiste à prendre tenir une feuille, les bras tendus devant soi, et à regarder quelque chose, les deux yeux ouverts, par le trou d’un centimètre environ percé au milieu de cette feuille, puis à rapprocher la feuille du visage sans perdre de vu l’objet visé.
KOUPERNIK, C. et ARFOUILLOUX, J.-C. : Neurobiologie et neurologie du développement, in Traité de psychologie de l’enfant, tome 2, Développement biologique, P.U.F., Paris 1970.
cités par MASSON, S. : Généralités sur la rééducation psychomotrice et l’examen psychomoteur, P.U.F., Paris 1983. Cités aussi par PICQ, L. et VAYER, P. : op. cit.
cités par PICQ, L. et VAYER, P. : op. cit.
ILLINGWORTH, R.S. : The development of the Infant and Young Child, Ninth Edition, London 1987. Traduction française : Développement psychomoteur de l’enfant, Masson, Paris 1990.
GASSIER, J. : Développement psychomoteur de l’enfant, les étapes de la socialisation, les grands apprentissages, la créativité. Cahiers de puériculture, 7, Masson, Paris 1982, 3ème édition révisée 1990.
SOUBIRAN, G.B. et COSTE, J.-C. : op. cit.
STAMBAK, M. 1960, in ZAZZO, R. : Manuel pour l’examen psychologique de l’enfant, I, Delachaux et Niestlé, 5ème édition revue et augmentée, Paris 1979, pp.121-137.
id., p.136.
id. pp.137-145.
ROYER, J. : La personnalité de l’enfant à travers le dessin du bonhomme, Editest, Bruxelles 1977, p.83.
BERGES, J. et LEZINE, I. : Test d’imitation de gestes, Masson, Paris 1972, 2ème édition 1978.
id. p.3.
ibid.
op. cit. p.4.
op. cit. p.7.
GALIFRET-GRANJON, N. : Test de Head ’Main-OEil-Oreille’ in ZAZZO, R. op. cit. pp.57-85.
LAPIERRE, A. et AUCOUTURIER, B. : 1973, op. cit. p.134.
in ZAZZO, R. : op. cit.
SOUBIRAN, G.B. et MAZO, P. : La réadaptation scolaire des enfants intelligents par la rééducation psychomotrice, Doin, Paris 1974, p.45.
in ZAZZO, R. : op. cit. pp.241-260.