Chapitre 1 :
Deux élèves de l’école primaire, Hélène et Quentin, en grande difficulté face au « lire-écrire »

Notre étude se centre sur les quelques élèves qui, durant l’année de cours préparatoire, éprouvent des difficultés dans la découverte de la langue. Enseignant spécialisé sur un regroupement d’adaptation1, les signalements des élèves connaissant des faiblesses en lecture est fréquent et bien plus nombreux que celui ayant trait aux mathématiques. Le « lire-écrire » demeure un objectif emblématique de la scolarité élémentaire et le CP (cours préparatoire) reste la seule classe reconnue des parents et aussi de beaucoup d’enseignants pour cette acquisition. Notre recherche s’inscrit dans cet environnement particulier à la fois, de forte sensibilité à la pression des résultats et, en lien avec l’âge des enfants, de cette ambition pédagogique d’accéder à l’autonomie conférée par la lecture.

La spécificité des élèves, retenus dans notre population de recherche, renvoie au fait que leurs faiblesses sont totalement inattendues. Globalement, leur parcours scolaire de 3 à 6 ans s’est déroulé de manière satisfaisante et les difficultés importantes et réelles qu’ils vont connaître en CP s’accompagnent alors d’une incompréhension et d’un certain malaise de l’équipe enseignante. Nous ne voulons certes pas ignorer les enfants qui présentent très tôt des risques sérieux de difficulté dans le « lire-écrire », mais il est très étonnant de voir certains élèves sombrer dans la défaillance scolaire sans que rien, auparavant, n’ait pu être repéré ni entrepris par l’école. Nous pensons que cette réflexion, menée sur une population ciblée, ne sera pas sans retentissements positifs pour tous les élèves concernés par l’apprentissage du « lire-écrire » ; s’affirme ici notre positionnement de chercheur tant il est vrai que notre démarche vise à apporter des données nouvelles à l’enseignement de la langue. Au fond, si notre population de recherche s’offre comme un axe de questionnement, c’est précisément en raison de l’impuissance et l’incrédulité des enseignants à l’égard précisément des faiblesses de ces élèves. Pour chaque promotion, trois ou quatre enfants connaissent des lacunes dans le « lire-écrire » alors que leur parcours laissait présager une évolution intéressante.

A première vue, la définition de cette population s’apparente à un exercice plutôt ardu tant elle se cache derrière l’anonymat. L’expérience des enseignants, attentifs aux lacunes plus ou moins marquées de leurs élèves, l’attente des parents quant à la réussite en lecture, l’existence des structures d’aide pédagogique, la participation des intervenants extérieurs comme les psychologues ou les orthophonistes pourraient constituer des sources d’information au service d’une clarification de notre population. Or cette richesse partenariale ne met en réalité pas à jour l’existence des difficultés de notre population, sauf quand les lacunes deviennent massives, évidentes, incontestables. Tout se passe comme si le système scolaire ne reconnaissait pas notre population de recherche tant celle-ci s’écarte des données habituellement retenues pour décrire les élèves en difficulté. Son évolution négative et subite, au cours d’un parcours scolaire et la responsabilité de l’école qu’elle engage ne plaident pas en faveur de la clarification aisée de sa définition. Nous nous proposons en conséquence de comprendre mieux le contexte qui accompagne notre population afin d’en préciser les caractéristiques spécifiques.

Notes
1.

Cette structure offre l’originalité de ne pas posséder de groupe classe. Généralement, l’enseignant spécialisé intervient sur plusieurs écoles d’un secteur et prend en charge plusieurs groupes de 3 ou 4 élèves signalés en difficulté. Cette aide pédagogique est temporaire : elle dure souvent 45 minutes par séance de travail et se déroule sur une quinzaine de semaines. Le travail de concertation et de collaboration entre l’enseignant de la classe et l’enseignant spécialisé constitue un point capital.