0112.1. Les premières indications

Nul ne peut mettre en doute pourtant l’existence du problème concernant l’absence de réussite dans le « lire-écrire » mais, à ce stade de la réflexion, aucune piste sérieuse d’explication ne s’impose véritablement. Un phénomène important, ici les difficultés dans le « lire-écrire », ne se manifeste toutefois pas en l’absence de la moindre rationalité, sans que la moindre cause ne puisse être détectée. Il s’avère inconcevable qu’on ne puisse pas repérer, même furtivement, des indices préalables. En d’autres termes, les défaillances sérieuses, observées en CP, possèdent nécessairement leur propre genèse ; elles ne naissent pas subitement dans leur totalité. Il convient, en conséquence, d’activer le moyen de les identifier en se fixant sur leur origine, sur des indications initialement imprécises mais pertinentes qui expliqueraient leur émergence.

Nous doutons néanmoins. Notre préoccupation serait-elle sans issue, enfermée dans un problème sans solution? N’existerait-il pas, dans notre esprit, un acharnement ou une sorte de zèle intellectuel à vouloir comprendre et résoudre l’échec de cette population ? L’obstacle s’avère redoutable. La situation n’est probablement pas aussi simple au point que nous puissions reprendre les arguments, classiques et rassurants, qui accompagnent le discours des enseignants sur les obstacles de la réussite. Il y aurait, sans aucun doute, à reconsidérer ou à abandonner les références sur la maturité, le langage ou le milieu social qui ne donnent aucune information significative au regard de notre population. Les élèves qui nous préoccupent ne sont pas issus de milieux défavorisé, s’expriment correctement et ne montrent pas un comportement instable. Ils questionnent pourtant l’école sur leur situation. Comment se fait-il que rien ne puisse attirer l’attention des enseignants de fin de maternelle sur l’éventualité des difficultés futures? N’y a-t-il pas dans le déséquilibre entre l’aisance verbale et les faiblesses sur l’écrit, des éléments de pertinence à dégager ?

Tableau n°1 :Recueils d’informations sur notre population de recherche, à partir de cr i t ères d’observation habituellement utilisés pour expliquer les raisons des difficulté d’apprentissage dans le «  lire-écrire». 
Champs d’analyse Maturité Langage Milieu social
Caractéristiques
de
l’observation
Il s’agit principalement d’une appréciation de la personnalité de l’enfant face aux apprentissages. Le langage est évalué selon la prise de parole en groupe et l’acquisition du vocabulaire. Deux domaines sont pris en compte: la culture et le niveau socio-économique.
Conséquences pour
notre population
Aucune lacune, du point de vue de la maturité, ne se manifeste dans notre population. Il est noté une bonne capacité dans la verbalisation en comparaison des faiblesses dans la maîtrise de la langue. Il n’existe pas de pauvreté socio-économique et, sur le plan culturel, le livre est généralement un outil bien installé.

Sur l’évolution insatisfaisante de l’apprentissage du « lire-écrire », signalée en CP, les élèves de notre population étonnent tout à la fois leurs anciens enseignants et leurs parents. Les enseignants, n’ayant jamais soupçonné de réelles lacunes, précisent parfois, qu’au contraire, ces élèves leur apparaissaient véritablement bien prêts pour le CP. L’attitude est marquée de surprises, voire d’incrédulité sur les difficultés. Les parents ne comprennent pas qu’ils n’aient jamais été mis au courant d’une quelconque faiblesse. Tout apparaît soudain, au point qu’une sorte de suspicion s’abat sur le phénomène: on met en cause l’exigence abusive de l’enseignant de CP ; l’enseignant de GS est critiqué pour ne pas avoir assez bien préparé les élèves à la lecture ; les faiblesses de l’enfant finissent pas être, à tort, considérées comme mineures ou temporaires; la méthode de lecture soulève de nombreuses critiques ; les justifications empruntent, au bout du compte, de nombreuses voies contradictoires. Toute la panoplie des relations tumultueuses entre l’école et les parents semble se décliner sans qu’intervienne la moindre explication pertinente. En définitive, l’identification du problème, à savoir les difficultés dans le « lire-écrire » à partir du CP, ne s’accompagne d’aucun élément convaincant et rationnel sur ce qui accable notre population. Qui sont ces individus? En quoi sont-ils différents des autres enfants en difficulté de lecture en CP? Comment peuvent-ils berner à ce point la vigilance des enseignants ?