3.2. Quentin et la production d’écrit

L’insuffisance de compréhension, à propos des difficultés à l’écrit, concerne Quentin. Scolarisé en CE.2, comme Hélène mais dans une autre école, cet enfant éprouve de réelles faiblesses lorsqu’il s’agit de transcrire un texte. Contrairement à Hélène, Quentin est resté une année supplémentaire en CP. Il a suivi une longue rééducation orthophonique sur environ une centaine de séances. Pourtant, rien n’explique véritablement le phénomène. Quentin est d’un milieu familial stable, plutôt stimulant sur le plan culturel avec un bon niveau socio-économique. Cet enfant sportif est actif sans être instable; il participe aux activités collectives et son application au travail s’avère satisfaisante. Aucune faiblesse d’origine psychologique ne perturbe un comportement qui se montre, en fait, équilibré. Il correspond, en résumé, à l’élève classique qui, sans être un premier de la classe, paraît à même d’accéder au « lire-écrire » dans de bonnes conditions. Cette hypothèse semblait d’autant plus plausible que Quentin manifestait, dès la grande section, une bonne réussite en mathématiques et dans des domaines comme la psychomotricité ou l’éducation physique.

Or, l’activité de production d’écrits s’apparente, chez lui, à une véritable épreuve, tant les erreurs sont importantes et nombreuses. Voici un écrit, réalisé par ses soins, à l’occasion de l’inauguration du « Stade de France ». Redoutable technicien, occupant une place de capitaine dans son club, Quentin se passionne pour le football.

Tableau n°4 Recueil de la production de Quentin, élève de CE.2
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Il son mi 3 sant de quonstrucquesion un spquètaqule mervéillieu. des jands qui été supandu a des corde.

A la différence d’Hélène, Quentin a réalisé toute sa scolarité maternelle et primaire dans l’école. De ce fait, des informations plus directement accessibles étaient envisageables sans qu’il soit nécessaire de contacter des collègues d’une autre école. Néanmoins, comme pour le cas de Hélène, il ne fut pas simple de comprendre le parcours de cet enfant et, encore moins d’approcher les raisons de ses faiblesses actuelles. Une certaine gêne tout d’abord, comme si l’école se sentait coupable, puis une réelle incompréhension ont sans cesse accompagné le débat autour de cet élève. L’évocation de remplacements successifs a été avancé mais aucun argument très sérieux n’a véritablement émergé. La difficulté de Quentin, au cours des quatre années de la grande section au CE.1, n’a jamais été objectivée de manière sérieuse.

Pas un seul élément habituel de l’échec ne pouvait être avancé. Quentin n’était pas né en fin d’année, il témoignait d’une maturité incontestable et ses parents lui donnaient une éducation à priori satisfaisante. Seul le langage laissait percer quelques confusions de sons sans toutefois obérer son expression orale lors des jeux collectifs, en particulier. Pourtant, la lecture de son texte souligne, à l’évidence, les obstacles auxquels Quentin se confronte lors d’une production d’écrit. Visitons d’un peu plus près le travail de Quentin en dégageant des points positifs et négatifs :

Tableau n°5Quelques éléments d’appréciation du texte de Quentin
Eléments positifs Eléments négatifs
Analyse générale 1. Le texte de Quentin est lisible en dépit des erreurs commises.
2. Le sujet traité apparaît nettement au lecteur.
1. La lecture du texte est perturbée par les nombreuses erreurs commises.
2. L’écrit est limité en longueur pour un élève de CE2.
3. Peu d’idées sont abordées.
Structure des phrases 1. Le texte comporte un titre et quelques phrases.
2. La segmentation des mots est satisfaisante.
1. La construction des phrases reste approximative.
2. Quentin utilise un langage parlé pour décrire le spectacle.
Orthographe 1. Sur 21 mots que compte le texte, quatre sont sans erreur : de, un, des, qui.
2. Le chiffre 3 est transcrit sans inversion graphique
1. Aucun nom commun n’est bien orthographié.
2. c’est pratiquement chaque mot écrit qui met Quentin en difficulté

Dans tous les compartiments de l’analyse du texte, Quentin fait preuve de réelles insuffisances. Par leur ampleur, les erreurs relevées expriment l’existence de difficultés anciennes, comparables à celles que pourrait connaître un enfant de CP ou de GS en découverte de l’écrit. Au lieu d’exprimer une construction progressive de l’écrit, la réalisation de Quentin renvoie plutôt à une multitude de strates d’incompréhension :

  1. le respect du son n’est pas toujours atteint (spquètaqule)

  2. l’orthographe lexicale est approximative qu’il s’agisse du choix de la bonne graphie comme dans jands ou de la transcription de la lettre muette (stad).

  3. des erreurs se manifestent en grammaire (des corde) et en conjugaison (été au lieu de étaient)

Quentin se heurte à une organisation particulièrement défaillante de la langue alors qu’à ce stade de la scolarité, les bases instrumentales sont considérées comme acquises. Un décalage se creuse, par conséquent, entre l’attendu des compétences de début CE.2 et les compétences réelles de cet élève de sorte qu’aucune aide n’est véritablement entreprise pour Quentin. En définitive, comme pour Hélène, apparaît, en cycle 3, une situation d’échec par rapport à l’écrit qui est restée dans l’ombre trop longtemps.