3.3. Le problème

La population est constituée d’élèves en difficulté d’apprentissage de langue, au cours du cycle 2. Les faiblesses relevées ont la caractéristique d’être inattendues, importantes et isolées à la seule discipline du français. Revenons, avec plus de détails, sur ces traits :

  1. inattendues car, à aucun moment de la grande section, un pronostic de difficulté n’a été énoncé ou un risque quelconque d’échec n’a été formulé ;

  2. importantes dans la mesure où les faiblesses s’installent durant plusieurs années scolaires, sans qu’une aide ne porte remède ;

  3. disciplinaires, c’est-à-dire uniquement centrées sur l’acquisition du « lire-écrire » et non globales.

D’autre part, la situation de défaillance échappe souvent à l’analyse effectuée par les enseignants. Ce point apparaît capital. Les arguments classiques, au sujet de l’échec scolaire, n’opèrent aucun ancrage sur notre population de recherche. On ne peut pas retenir une carence de la maturité ou une appartenance à un milieu social défavorisé ou encore un langage déficient. Du point de vue de la communication orale, ces enfants accèdent une conversation pertinente et cohérente, élaborent des phrases précises, formulent correctement des idées. Rien dans le comportement de l’enfant n’interpelle directement l’enseignant.

Le passage d’un stade verbal avec l’expression orale à un stade graphique avec la présence d’un code, affecte particulièrement les élèves de notre population. La langue ne semble exister qu’à travers le langage et tout se passe comme si cette existence se réalisait contre l’introduction d’un code. Autrement dit, les leçons consacrées à la découverte des premières relations entre les sons et les lettres ou celles abordant les écrits fonctionnels ébranlent particulièrement une conception de la langue, entièrement sous la tutelle des idées et du message oral. L’écrit, avec ses contraintes graphiques et ses lois linguistiques, représente un obstacle important et, parfois, soulève la contestation et le refus comme si l’enfant voulait en rester à une fonctionnement langagier. Quand nous évoquons l’écrit, il s’agit aussi bien des activités de lecture où l’élève est confronté à des mots ou à des textes, que des premières productions écrites.

Au terme de cette première investigation, consacrée à l’énoncé d’un contexte scolaire posant problème, dressons un tableau-synthèse faisant apparaître la population visée et les questions soulevées :

Figure n°6Enoncé des questions alimentant notre recherche et caractérisation de notre population de recherche
Qui est concerné par cette recherche ? Les élèves de cycle 2 : GS, CP, CE.1.
Quel âge ont-ils ? Les sujets sont âgés de 5 à 8 ans.
Qu’est-ce qui pose problème ? L’apprentissage du « lire-écrire ».
Dans quelle discipline ? La langue française.
De quelle difficulté
s’agit-il ?
Le passage à l’écrit s’avère particulièrement défaillant alors qu’aucune manifestation sérieuse de faiblesse n’apparaît en expression orale.
Quelle est la singularité
de la difficu
l té ?
Elle n’est pas perçue dès le départ, en maternelle, mais apparaît brutalement lors des premières activités consacrées à l’écrit, en début de CP.
Quel est l’environnement qui empêche la prévention de la difficulté ? - Le diagnostic habituel de l’échec n’opère pas : les arguments de la maturité, du milieu social ou du langage n’offrent aucun indice.
- Les élèves développent, dans d’autres disciplines, de bonnes compétences.

A la lecture de cet inventaire, une question initiale s’impose : comment améliorer l’efficacité de l’enseignement de la langue afin que ces élèves, qui réussissent dans d’autres matières, puissent accéder également à une maîtrise satisfaisante du « lire-écrire » ?