1.1. Le privilège donné à l’apprenant et non au code

L’obstacle essentiel de l’apprentissage de la langue provient du fait qu’il s’agit, pour l’élève, de maîtriser à la fois un code et un véhicule de sens. Sur cette donnée, les chercheurs en pédagogie se sont souvent affrontés et parfois violemment. Les uns affirmant la nécessité d’un code pour l’accès au sens et les autres défendant la suprématie du sens sur l’instrument linguistique. L’approche globale plaide, sans ambiguïté, pour l’entrée par le sens, d’après elle, indispensable car synonyme de compréhension. Clairement, la découverte du code est ramenée à une fonction secondaire dès lors que l’enfant est capable de tirer une intelligence de l’écrit. « ‘On ne peut comprendre un texte que si on le lit d’abord pour trouver du sens; identifier les mots est inutile et inefficace’ »4 assure Deborah Lott Holmes. Franc Smith déclare, avec une plus grande insistance : « ‘j’affirme très souvent qu’il n’est pas possible que les enfants apprennent à lire par le truchement des règles de correspondance grapho-phonémique, lesquelles sont bien trop lourdes et trop peu fiables pour pouvoir être utilisées’ »5.

Contrairement à une opinion souvent répandue, l’orientation globale s’origine dans un lointain passé. Liselotte Pasques le rappelle par cette citation de Bossuet datant de 1673 : « ‘on ne lit point lettre par lettre, mais la figure entière du mot fait son impression tout ensemble sur l’oeil et sur l’esprit ’»6. Au-delà de cette référence historique, un renouveau de cette approche s’est enclenché aux alentours des années 70. A cette époque, la nécessité de prendre en compte le sens d’un texte contrebalançait des pratiques scolaires, fortement articulées autour de la découverte du code. Ce faisant, certains élèves maîtrisaient la combinatoire, c’est-à-dire l’association des lettres et des phonèmes, sans toutefois accéder à une prise suffisante d’informations. Ils déchiffraient selon un processus très mécanique et donnaient l’impression de bien lire à haute voix. Or, ils ne percevaient pas le sens de la lecture, trop attachés à oraliser de l’écrit.

Notes
4.

LOTT HOLMES Deborah in Comment les enfants apprennent à lire, ouvrage collectif, Edition Retz, Paris, 1980, 169 p, page 52.

5.

SMITH Franc, Comment les enfants apprennent à lire, Op. Cit., page 33.

6.

PASQUES Liselotte, Théories de l’écrit dans l’orthographe de l’académie, pp 35-45, in Pour une théorie de la langue écrite, ouvrage collectif édité par Nina Catach, 259 p, page 36.