2.4. L’accès indirect au code

La confrontation de l’élève avec l’écrit, en priorité avec des textes, n’exclut pas entièrement des activités centrées sur le code. Toutefois, le départ n’en est jamais l’étude d’un son particulier mais, très souvent, il est demandé aux enfants de comparer des mots afin d’extraire des propriétés particulières ou des règles de fonctionnement de la langue. La démarche est inductive, centrée sur une rencontre régulière de l’écrit avec lequel on finit par identifier des propriétés. Prenons l’exemple du mot « CHAMEAU » que l’élève aurait, par imprégnation, visuellement mémorisé. En utilisant une démarche par comparaison, le travail pourrait alors consister à le retrouver une série de mots ressemblants. Il s’agit là d’une activité qui s’enclenche plutôt tardivement, de toute évidence après que l’élève se soit familiarisé avec l’écrit.

Voici l’exemple d’un exercice :

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Figure n°11 Identification d’un mot par comparaison selon l’approche idéo-visuelle

Cette reconnaissance idéo-visuelle, basée à la fois sur la silhouette du mot et sur la signification, peut aussi évoluer uniquement sur une activité basée sur des traits visuels saillants. En d’autres termes, l’analyse porte sur la composition graphique du mot. Le livre de lecture « La sorcière et moi »11, un des rares manuels de l’approche globale, axe une partie de la découverte sur cette confrontation visuelle. Ainsi, l’exercice12 suivant (figure n°12) est proposé aux élèves débutants lecteurs. L’enfant, par comparaison, sera amené à identifier le mot en isolant les traits caractéristiques sans pour autant, et c’est essentiel, avoir dépensé toute son énergie dans une activité de combinatoire.

Figure n°12 Identification du mot par repérage des traits visuels saillants selon l’approche globale
Entoure le mot juste dans chaque liste
voyage espace longtemps
voyege
veyage
voyade
noyage
voyage
noyade
espèce
aspace
aspèce
espace
esbace
esgace
lengtemps
lontenps
longtemps
longtemp
longtemps
longtomps

Cette orientation pédagogique, très marquée par un contact exclusif et visuel avec l’écrit, évolue sur deux courants assez opposés. Le premier, défendu par Jean Foucambert et Franc Smith, milite, rappelons-le, pour un accès direct au texte. Le second installe le mot comme le support de découverte initiale ; cette position est notamment reprise par les défenseurs de l’apprentissage précoce. Sur ce point particulier, Ragnhild Söderbergh écrit dans son ouvrage ‘«’ ‘ la pratique de la lecture précoce est fondée sur des mots entiers et signifiants ’»13. Considérant le mot comme le plus petit élément de sens, les auteurs qui se recommandent de l’apprentissage précoce, défendent son exploitation par imprégnation visuelle dès le plus jeune âge, avant même que l’enfant ne soit scolarisé : « ‘l’enseignement de la lecture n’exige pas une capacité de parole préalable de la part de celui qui apprend’ »14 affirme Rachel Cohen. Elle complète son propos en justifiant sa démarche par la nécessité de stimuler le jeune enfant : « ‘la qualité et le nombre de connexions dépendent de la teneur de notre action pédagogique, de la qualité des expériences vécues par l’apprenant, du type de stimulations offertes par l’environnement et l’expérience, et du nombre d’associations établies ’»15.

Notes
11.

BOUYSSOU Georges ROSSANO Pierre, La sorcière et moi, Edition Retz, Paris, 1988,122 p.

12.

BOUYSSOU Georges ROSSANO Pierre, La sorcière et moi, Op. Cit., page 51.

13.

SODERBERGH Ragnhild, in Apprendre à lire avant de savoir parler, de Rachel Cohen et Ragnhild Söderbergh, Albin Michel, Paris, 1999, 199 p, page 24.

14.

COHEN Rachel, in Apprendre à lire avant de savoir parler, de Rachel Cohen et Ragnhild Söderbergh, Albin Michel, Paris, 1999, 199 p, page 117.

15.

COHEN Rachel, in Apprendre à lire avant de savoir parler, de Rachel Cohen et Ragnhild Söderbergh, Albin Michel, Paris, 1999, 199 p, page 124.