4.1. Notre langage comme lieu d’apprentissage

Deux termes sont associés pour qualifier ce courant: linguistique et méta. Si de ces deux mots, le premier témoigne véritablement d’une claire référence théorique, le second dévoile, quant à lui, une dimension plus obscure.

En fait, la fonction méta renvoie à une construction ou une élaboration nouvelle entreprise par le sujet lui-même et cela de manière délibérée. Le savoir linguistique n’est plus seulement amélioré sous l’influence de l’enseignant ou d’un support quelconque, il s’élabore de l’intérieur grâce à une réflexion personnelle menée par l’apprenant. La spécificité de ce courant métalinguistique se dévoile, dans ces conditions, sur la ‘«’ ‘ capacité du sujet à réfléchir intentionnellement et consciemment sur le langage ’»81. On comprend à la lecture de cette définition, ouverte à la conjugaison du sujet et de la langue, la filiation explicite entre la métalinguistique et le champ psycholinguistique. Sur la capacité métalinguistique, Gérard Chauveau précise : « ‘c’est l’aptitude à réfléchir sur les aspects formels et fonctionnels de la langue et l’aptitude à manipuler délibérément certains traits de la langue ou du discours : syntaxe, phonologie, structure, cohérence...’ ».82

Parce qu’il existe, de la part de l’élève, un retour sur soi à propos de l’utilisation du langage, cette mise à distance de son propre fonctionnement aboutit à une prise de conscience progressive du concept de langue. Margarida Alves Martins précise à cet égard que « ‘le fait de produire ou de recevoir des discours oraux ne signifie pas - et n’implique pas nécessairement - qu’il y ait pensée sur le langage; l’usage du langage est une chose différente de la conscience réflexive sur celui-ci’ »83. C’est la raison pour laquelle on évoque la conscience métalinguistique comme pour insister sur l’idée d’une élucidation maîtrisée par l’apprenant. John Downing rapporte que Mattingly fut l’un des premiers, en 1972, à se servir du concept de conscience linguistique: « ‘un enfant ayant une conscience linguistique bien développée devrait parvenir plus aisément à la clarté cognitive dans sa compréhension des concepts spécifiques et fonctionnels qui interviennent dans l’enseignement de la lecture’ »84. Cela signifie que la dimension métalinguistique s’intéresse à la capacité, pour un enfant, à sérier les connaissances de son langage à travers d’une part, les éléments qui le composent et d’autre part, l’utilisation qu’il en fait.

« ‘Est métalinguistique l’activité réflexive du sujet sur les objets langagiers, leur nature, leur fonction et leur manipulation: le sujet traite le langage comme un objet de pensée en mettant en oeuvre des processus cognitifs de gestion consciente, de réflexion et d’auto-contrôle intentionnel’ »85. Cette définition témoigne de la dimension d’auto-construction de son propre langage, suggérée par l’approche métalinguistique, mais aussi de cette possibilité d’analyser le langage comme élément de connaissance.

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Figure n°31La piste métalinguistique parmi d’autres

Notes
81.

DEMONT Elisabeth et GOMBERT Jean Emile, pp 11-22, in Eduquer et Former, Décembre 1995, n°3-4, page 11.

82.

CHAUVEAU Gérard, Comment l’enfant devient lecteur, Retz, Paris, 1997, 192 p, page 119.

83.

ALVES MARTINS Margarida, Conceptualisations enfantines sur la langue écrite, conscience phoném i que et apprentissage de la lecture, pp 73-82, in L’enfant apprenti lecteur, sous la direction de Gérard Chauveau, Martine Rémond et Eliane Rogovas-Chauveau, Op. Cit, page74.

84.

DOWNING John , FIJALKOW Jacques, Lire et raisonner, Op. Cit, page 40.

85.

DEMONT E., GAUX C., FAUCHER C., GAUTHEROT S., GOMBERT J.E., Développement métali n guistique et acquisition de la lecture, page 182 in « Illettrisme » en questions, sous la direction de J.M.Besse, M.M de Gaulmyn, D. Ginet et B. Lahire, Editions Presses Universitaires de Lyon.