0114.2. Métalinguistique et métacognition

Deux aspects sont considérés dans une orientation métalinguistique: l’un procédural renvoie à l’effet de contrôle sur l’utilisation du langage et l’autre descriptif s’applique à la conceptualisation du langage. Ce dernier aspect n’est pas sans évoquer les positions développées par Britt Mari Barth86 sur l’accès au savoir. A l’opposé d’un enseignement magistral, cet auteur préconise une pratique pédagogique qui laisse à l’élève une part importante de découverte, par élaborations successives de concepts. Ainsi l’objet du savoir est appréhendé progressivement en fonction de la capacité que possède l’élève à réactualiser telle ou telle de ses connaissances. De manière similaire, l’approche métalinguistique invite l’apprenant à analyser le langage afin de saisir son utilisation, d’énoncer des concepts de plus en plus précis pour, au bout du compte, le perfectionner. Appliqué au « lire-écrire », conceptualiser revient à nommer les différents éléments de la langue, aussi bien de la langue orale que de la langue écrite. C’est réellement pouvoir repérer, identifier et définir sans ambiguïté un phonème ou une lettre ou encore une phrase et maîtriser les relations entre ces concepts. Sur ce point, la situation de notre population témoigne de défaillances directement centrées sur le fonctionnement linguistique. La langue pose de grandes difficultés, non pas dans sa fonction de transmetteur d’idées, mais en tant qu’instrument de transmission.

Gérard Chauveau et Eliane Rogovas-Chauveau optent aussi pour une pédagogie conceptuelle en défendant l’idée qu’il ne suffit pas d’apprendre à lire et à écrire, mais qu’il convient aussi d’apprendre sur le « lire » et sur « l’écrire »: « ‘l’enfant doit saisir comment fonctionne notre système écrit, ce qu’est l’activité de lecture et quelle est la manière d’apprendre à lire’ »87. Autrement dit, il est essentiel d’aller au-delà d’un apprentissage qui s’apparente à de l’assimilation pour atteindre aussi une compréhension de la langue en tant qu’objet d’étude. Cette démarche « ‘aide l’apprenant à considérer l’écrit et la lecture comme des objets de réflexion et de recherche, à prendre du recul par rapport à son activité sur/avec l’écrit, à se regarder faire’ »88. Cette direction convient parfaitement au questionnement de cette recherche, pour lequel la compréhension du fonctionnement de la langue occupe une place essentielle.

Si la découverte des concepts du langage entre dans une logique métalinguistique, l’observation même de son langage constitue un vecteur d’apprentissage. L’élève est invité à analyser, entre autres, sa manière d’exprimer des idées, sa capacité à énoncer correctement, sa compétence en matière d’expression et d’explicitation du sens. C’est le fonctionnement entier de son langage qui est objet d’enquête. En ce sens, la dimension métalinguistique reprend les caractéristiques de la métacognition que l’on peut associer à une forme d’auto-régulation en situation d’apprentissage. Jean Emile Gombert précise, à cet égard : « ‘l’activité métalinguistique ne renvoie pas au langage sur le langage mais à la cognition sur le langage et fait partie intégrante des activités métacognitives ’»89.

En définitive, les caractéristiques de l’approche métalinguistique s’appuient sur deux axes:

Notes
86.

BARTH Britt-Mari, L’apprentissage de l’abstraction, Editions Retz, Paris, 1987, 192 pages.

87.

CHAUVEAU Gérard, ROGOVAS-CHAUVEAU Eliane, les chemins de la lecture, Op. Cit., page 110.

88.

CHAUVEAU Gérard, ROGOVAS-CHAUVEAU Eliane, les chemins de la lecture, Op. Cit., page 111.

89.

GOMBERT Jean Emile, Le développement métalinguistique, Editions Presses Universitaires de France, Collection Psychologie d’aujourd’hui, Paris, 1990, 295 p, page 20.