b) le concept de charge cognitive

A la manière des tenants de l’approche graphique, les défenseurs de l’apprentissage métalinguistique mettent en avant l’intérêt de commencer cette découverte le plus tôt possible dans la scolarité. Cette précocité, bien qu’elle soit parfois rejetée par les enseignants, pourrait intervenir, selon eux, dès les classes maternelles. L’enjeu n’a rien à voir avec la volonté de faire des têtes bien pleines; il s’agit avant tout de préparer au mieux les élèves à la découverte du « lire-écrire », dans les meilleures conditions et avec le souci que le plus grand nombre, si ce n’est tous, puisse être à même de réussir. Cela signifie, lorsque l’on ne croit pas le tout petit capable d’entamer la découverte du « lire-écrire », que l’école n’anticipe pas suffisamment cette activité avant l’entrée en primaire.

Nous observons en effet aujourd’hui, que ce soit sur la langue écrite ou sur la langue orale, un travail extrêmement mesuré de la part des élèves, au cours de la scolarité maternelle. En d’autres termes, la préparation au « lire-écrire » n’est pas pleinement mise en oeuvre alors que la découverte reste concentrée principalement sur la classe de C.P. En conséquence, quelques enfants ne supportent pas l’exigence qui ne manque pas de se manifester à l’occasion de leur passage en primaire. Outre la discipline et les contraintes qui se modifient et se font plus présentes, ce sont les exigences en matière de travail qui deviennent nettement plus élevées. L’accentuation des difficultés d’une classe à une autre est sans doute souhaitable afin de créer une certaine émulation chez les élèves, mais le passage entre la grande section et le cours préparatoire demeure en réalité infranchissable pour bon nombre d’élèves en raison de l’incapacité, de la part de l’institution, à reconnaître une continuité absolument indispensable.

Cet obstacle, pour lequel l’école est grandement responsable, montre combien la précocité des apprentissages reste encore éloignée de la réalité. Pourtant, il pourrait s’avérer judicieux de croire à l’opportunité d’équilibrer la charge cognitive lors de l’apprentissage du « lire-écrire ». Evoquer le concept de charge cognitive, c’est renvoyer à la complexité et à l’importance des efforts demandés au cours de l’initiation à la lecture: « ‘si l’installation des capacités métalinguistiques nécessaires à la manipulation de l’écrit est précocement faite à l’oral, elle n’est plus à faire lors de l’apprentissage de la lecture. La place prise en mémoire de travail par cette installation pourra être consacrée à d’autres composants de l’activité lecture. De plus, la probabilité qu’un apprenant se retrouve dans un état de surcharge cognitive qui mettrait en péril la possibilité d’apprendre s’en trouvera diminuée’ »92.

Notes
92.

GOMBERT Jean Emile, Le rôle des capacités métaphonologiques dans l’apprentissage de la lecture, pp 55-62, in Les entretiens Nathan, Actes 2, sous la direction d’Alain Bentolila, Editions Nathan, 1992, 252 p, page 58-59.