011d) un dispositif pour appréhender la relation entre l’oral et l’écrit

Le fonctionnement linguistique ne se réduit pas à l’existence des relations entre les phonèmes et les graphèmes même si celles-ci occupent une place dominante. La description d’un plurisystème et la nécessité d’installer un « filtre linguistique »131 incitent à développer une compréhension de la relation entre la langue orale et la langue écrite, avec autonomie et interdépendance. Ce point revêt une importance primordiale si l’on souhaite éviter toute dépendance phonographique pour laquelle le comportement de l’élève revient à écrire ce qu’il entend et uniquement cela. Pour autant, ce concept de filtre linguistique sort de la conscience phonographique, telle que nous l’avons définie. En effet, elle souligne la spécificité de la langue orale et celle de la langue écrite sans se limiter à une correspondance systématique. En d’autres termes, la compréhension attachée à la différenciation des deux langues se met en place lorsque la maîtrise phonographique est installée, sans pour autant que l’élève n’érige cette dernière comme une règle absolue et intangible. On s’aperçoit ici de la difficulté de la découverte : il est nécessaire d’implanter une compréhension phonographique (relations entre l’oral et l’écrit) tout en permettant à l’enfant d’être sensible aux spécificités de l’oral et de l’écrit.

Nous n’aborderons pas directement, pour la résolution de notre problématique, cette question de la rupture. Prenons seulement l’exemple de la lettre muette, cet élément singulier de la langue écrite. Une difficulté, dès lors qu’un travail de conscience phonographique est entrepris, réside dans l’implantation d’un concept étranger à la correspondance entre l’oral et l’écrit. Comme son nom l’indique, la lettre muette ne renvoie à aucune réalité sonore. Une question se pose alors : comment permettre une compréhension, par l’élève, du fonctionnement lexical de la langue ?

En appui sur une conscience phonographique déjà installée, une sensibilisation à l’existence des lettres muettes s’articule à partir d’une activité d’analyse entre le monde des sons et le monde des lettres. Pour reprendre l’exemple du mot » chat », progressivement l’élève attribue aux lettres c et h le phonème « ch » et à la lettre a le phonème « a », de telle sorte qu’il mette en évidence une lettre sans « musique », la lettre t. Cette prise de conscience s’effectue en reprenant la démarche mise en oeuvre pour la conscience phonographique.

message URL FIG32.gif
Figure n°42 Implantation d’une conscience lexicale par la mise en évidence de la lettre muette

Soulever la conscience lexicale revient à exprimer le danger à se satisfaire de la seule conscience phonographique. Au demeurant, si la conscience lexicale ne prend forme qu’en contact avec l’écrit, la conscience phonographique qui draine, avec elle, une compréhension significative du fonctionnement linguistique, se met en place sans l’intervention de la langue écrite, en l’absence de signes alphabétiques.

Notes
131.

La notion de filtre linguistique est introduite dans le chapitre 1 de la partie 2 de ce mémoire. Il renvoie à la nécessité d’instaurer entre la langue orale et la langue écrite une autonomie de chaque langue mais également une interdépendance.