1. L’organisation de l’évaluation de conscience phonographique

Il importe de rappeler l’utilisation que nous attendons de cet instrument au regard de notre recherche, de construire, à cet effet, un protocole rigoureux et de pointer les conditions de sa mise en oeuvre.

1.1. Les objectifs de cette évaluation

Intrinsèquement, l’évaluation de conscience phonographique permettra de mesurer le niveau de l’élève dans ce domaine. Etablir une donnée chiffrée sur les compétences de l’élève en conscience phonographique constitue une étape incontournable si nous souhaitons relier ce résultat à celui obtenu dans le domaine du « lire-écrire ». Notre ambition, nous en convenons, s’avère limitée dans la simplicité du dispositif expérimental mais redoutable dans le fait que l’absence de relation entre les deux résultats ruinerait la pertinence du concept de conscience phonographique.

Notre expérimentation reste effectivement modeste dans la mesure où nous souhaitons vérifier seulement l’existence d’une corrélation entre un niveau de conscience phonographique et un niveau de compétences dans le « lire-écrire » et ceci à deux moments de la scolarité. Le premier temps de l’expérimentation se situe en fin de scolarité maternelle. Avant d’aborder l’enseignement plus formel de la lecture et de l’écriture en CP, nous vérifions le niveau de conscience phonographique atteint par tous les élèves d’un même groupe classe. Pour chacun d’entre eux, une première valeur dite de conscience phonographique sera attribuée à l’issue de cette évaluation.

Le second temps se met en place douze mois après, en fin d’année scolaire de cours préparatoire. Nous proposons une autre évaluation aux mêmes élèves mais elle porte, cette fois, uniquement sur des compétences de « lire-écrire ». Ce deuxième temps nous oblige à dévoiler un peu plus nettement le dispositif d’expérimentation. En effet, deux écoles sont concernées. La première, nous l’appellerons l’école SIMON, correspond à notre propre lieu d’exercice professionnel tandis que la deuxième, l’école LEGRAND, se situe à une centaine de kilomètres de la première. Notre étude se développe sur une perspective longitudinale en ce sens que nous suivons l’évolution des performances sur les mêmes élèves afin d’en tirer des conclusions. Le choix d’une seconde école correspond à la mise en place d’un groupe témoin. Notre intention vise à garantir la neutralité du chercheur, situé dans un contexte risqué d’appartenance à une équipe d’enseignants, comme c’est le cas dans l’école Simon. L’école Legrand, jouant la fonction de « miroir », soulignera d’éventuelles faiblesses à ce niveau en donnant des résultats très différents de ceux obtenus dans l’école Simon.

D’autre part, la deuxième évaluation, celle sur le « lire-écrire » menée en fin de CP fait l’objet de deux approches différentes : dans l’école Simon, elle s’appuie d’abord sur les contrôles organisés en classe par l’enseignant titulaire. Un autre risque de subjectivité se manifeste ici dans les corrections, même si la multiplicité des exercices, choisis sur plusieurs contrôles, en atténue l’impact. Si ce choix d’évaluation peut être contesté, il reste important de témoigner du rôle de la conscience phonographique au regard des pratiques scolaires habituelles. Dans l’école Legrand, l’évaluation sur le « lire-écrire » s’est différemment référée à un test étalonné afin qu’aucune contestation scientifique ne puisse se manifester. Nous nous attendons à recueillir des données chiffrées inégales entre les deux écoles en raison de la disparité des deux dispositifs. Toutefois, la relation entre les performances de conscience phonographique en fin de GS et celles sur le « lire-écrire » en fin de CP reste l’objectif primordial sur chacune des écoles.

Figure n°75 Contexte de l’expérimentation
Ecole Simon Ecole Legrand
Position du chercheur - Le chercheur fait partie de l’équipe enseignante
- Le chercheur est enseignant spécialisé à mi-temps
Pas de lien entre le chercheur et l’équipe enseignante
La connaissance de la conscience phonographique par les équipes Aucun exercice de conscience phonographique n’est mis en oeuvre en classe
Dans les aides auprès des élèves en difficulté signalés les années précédentes des exercices de conscience phonographique ont été mis en oeuvre
Aucun exercice de conscience phonographique n’est mis en oeuvre en classe
Manuel de lecture Les deux écoles utilisent le même manuel de lecture, en l’occurrence « Gafi le Fantôme ».
Evaluation de fin de GS Evaluation de
conscience phonographique
Evaluation de fin de CP Résultats obtenus à partir des contrôles menés en classe Test de lecture en CP (TLCP)

A propos de la connaissance de la conscience phonographique par les enseignants, elle n’existe réellement pas. Elle s’avère totalement ignorée dans l’école Legrand autant du point de vue théorique que sur des exercices d’exploitation. Quant à l’école Simon, si aucune pratique pédagogique ne se réalise dans les classes, il a été question de quelques activités phonographiques menées auprès des élèves en difficulté, les années précédant l’expérimentation. Ceci étant, elles n’ont pas été reprises par les enseignants. Le risque d’une exploitation prématurée des exercices de l’évaluation en cours de grande section demeure vraiment faible. Par ailleurs, les publications136 parues sur ce sujet dans la revue « La classe maternelle » sont postérieures à l’expérimentation.

La communication des résultats de cette expérimentation fait l’objet d’un accord préalable entre le chercheur et l’équipe enseignante. Il est convenu que les modalités de l’évaluation, les résultats et les conclusions éventuelles ne seront transmis aux équipes qu’après l’évaluation de fin de CP. En aucun cas, les décisions d’orientation vers une structure spécialisée, de maintien une année supplémentaire dans une classe ou de passage anticipé ne pourront être consécutives à la réunion d’information sur cette expérimentation. Clairement, il est demandé que ces décisions soient prises avant la réunion et fassent l’objet d’un document écrit, sous l’autorité du chef d’établissement. Ces dispositions sont présentées dans un document écrit et transmises avant la mise en route du dispositif expérimental de sorte que les équipes puissent rejeter le projet s’ils le jugent trop contraignant. En cas d’accord, le chercheur s’engage, en plus de la réunion d’information, à animer un temps de concertation auprès de tous les enseignants des écoles concernées.

Notes
136.

Huit articles ont été publiés dans la revue « La classe maternelle » de mars 2000 à décembre 2000. Les mêmes articles ont été repris dans l’autre revue « La classe » à destination des enseignants des classes primaires de septembre 2000 à avril 2001.