2.1. L’évaluation dans l’école Simon

Dans cette école, le point crucial renvoie à l’inventaire des compétences en matière de « lire-écrire ». Comment noter ces compétences alors que cette acquisition se déroule sur toute une année scolaire? Doit-on prendre en considération tous les résultats de l’enfant ou bien faut-il faire une sélection des travaux réalisés? Deux obstacles de taille se greffent sur cette délicate question:

  • d’une part, certains enseignants ont abandonné la notation chiffrée pour préférer une appréciation du type:
    • « acquis » symbolisé par un point vert

    • « en cours d’acquisition » affecté d’un point orange

    • « non acquis » visualisé d’un point rouge

Même s’il existe une correspondance chiffrée à ces repères colorés, celle-ci reste approximative, notamment pour ce qui concerne l’expression « en cours d’acquisition » qui serait situé dans un encadrement très large, compris entre 5 et 15. Ce dispositif oblige nécessairement à reprendre chaque épreuve pour, de nouveau, entreprendre une évaluation d’où ressortira une seule valeur comptable.

  • En plus du problème de la notation, la mise à disposition du matériau, cahiers journaliers ou dossiers de contrôle des élèves, n’est pas très simple. Très souvent, ces documents sont renvoyés dans les familles et leur récupération n’est pas acquise d’emblée. Sans vouloir fixer une règle générale, nous observons que la classe qui a maintenu la note possède des archives consultables, sous la forme d’un tableau parfois informatisé. A l’opposé, là où s’est pratiquée une évaluation plus « clinique », le recours à des documents est plus ardu ou pire, les traces écrites n’existent plus.

L’année scolaire en CP s’appuie le plus souvent sur cinq bilans: en octobre, décembre, février, avril et juin. Le bilan d’octobre évalue surtout les acquis de la grande section et de ce fait, il pourrait constituer une réplique de l’évaluation menée en maternelle. Celui de décembre reste encore très sensible à la manière dont a été négocié, chez l’enfant, le passage de la « petite école » à la « grande école ». Par ailleurs, pour neutraliser l’influence du mois de naissance des élèves, il est souhaitable que l’évaluation du « lire-écrire » n’intervienne pas trop tôt dans l’année scolaire. En conséquence, nous ne retenons pas, pour l’attribution d’une note, les contrôles d’octobre et de décembre mais, par contre, nous prenons en compte les bilans de février, d’avril et de juin.

Figure n°80Ensemble des consignes relevées sur les 3 évaluations de CP
Evaluation de février Evaluation d’avril Evaluation de juin
Trouver une information dans un texte Comprend un texte en répondant à des questions Lecture silencieuse. Répond à des questions
Lire ce texte à voix haute le plus vite possible Comprend un texte en trouvant une information Lecture silencieuse. Trouve une information
Orthographe d’usage Lit à voix haute rapidement Lecture chronométrée
Orthographe phonie-graphie Dessine ce qui correspond à un mot Reconnaît le type d’un texte
Relation signifiant-signifié Lit un texte et le dessine Retrouve une phrase dans un texte
Mettre des phrases en ordre Entoure le mot correspondant au dessin Retrouve le nombre de mots d’une phrase
Copie Trouve le mot intrus Copie
Recompose les mots Reconnaît masculin et féminin
Remet les mots en ordre Dictée de phrases (orthographe d’usage)
Décompose les mots Dictée de mots (correspondance phonie-graphie)
Trouve le mot manquant Lecture d’action
Ecrit phonétiquement Reconnaît le mot qui désigne la famille
Ecrit des mots d’usage courant Reconnaît le mot qui désigne l’objet le plus grand
Trouve le mot manquant
Ecriture

Le choix de conserver, en l’état, les mesures d’évaluation de l’établissement se défend par l’idée que ces bilans servent de véritables références pour l’orientation future de l’élève. En ce sens, leur influence ne fait aucun doute dans le regard qui sera porté sur l’enfant et sur sa maîtrise ou non du « lire-écrire ». Par ailleurs, l’idée qu’une des deux évaluations soit étrangère, dans sa mise en oeuvre, à l’auteur de la recherche soulève une garantie d’objectivité. Notons enfin qu’une recherche en pédagogie qui ne prendrait à son compte aucun élément de la réalité scolaire pourrait être taxée d’abstraite. Pour autant, nous n’ignorons pas un risque, celui qui consisterait à choisir les pratiques en place dans l’école au détriment d’une certaine pertinence. En d’autres termes, est-on sûr que les bilans correspondent bien, dans leur totalité, à une évaluation sur le « lire-écrire »? Sont-ils cohérents par rapport à la recherche entreprise? Si à cette dernière interrogation, nous croyons pouvoir répondre positivement, il est un fait qu’une évaluation plus complète, privilégiant d’autres aspects comme par exemple le langage verbal, aurait été bénéfique. Sans croire à la perfection absolue, nous estimons néanmoins que les bilans choisis renvoient une image assez fidèle du savoir-lire et du savoir-écrire chez les élèves. Toutes les activités entreprises pour ces bilans, dans le domaine du « lire-écrire », seront convoquées. La figure n°80 présente l’ensemble des compétences pour chacun de ces bilans telles qu’elles sont formulées par l’enseignant.

Fort logiquement, plus l’année se déroule, plus l’évaluation s’enrichit de nouvelles compétences à atteindre. Cette disparité se retrouve dans les notes attribuées dont la base totale variera sensiblement en fonction du nombre des épreuves. La figure suivante indique pour chaque bilan à la fois le nombre de compétences évaluées et le total sur lequel la notation s’appuie. Nous pouvons remarquer que la base est identique pour 13 ou 15 compétences évaluées (sur 100) mais qu’elle se modifie seulement pour le bilan de février (sur 80), étant entendu que cette base n’est pas vraiment fixée en fonction de la quantité d’activités proposées. La justification de cette particularité renvoie surtout à l’idée de vouloir conserver une certain équilibre entre toutes matières abordées dans le contrôle ; français, mathématiques et autres disciplines.

Bilans Nombre de compétences abordées Base de notation (pour le total des épreuves)
février 7 sur 80
avril 13 sur 100
juin 15 sur 100

Globalement, c’est sur une somme de 280 que va être appréciée la note attribuée aux compétences dans le « lire-écrire », durant toute l’année de CP ou du moins sur une période que nous jugeons représentative. Ce résultat sera ensuite ramené à une moyenne sur 20, afin seulement de la rendre plus lisible. Par conséquent, les valeurs obtenues, en ce qui concerne le « lire-écrire », seront des valeurs décimales que nous limiterons, par convention, à trois chiffres après la virgule. Imaginons, de nouveau, un effectif fictif de cinq élèves pour lequel nous avons déjà obtenu une valeur sur la conscience métaphonologique. Extrapolons notre réflexion concernant une notation globale sur le « lire-écrire », nous obtiendrons la simulation suivante:


POPULATION
SCORE en conscience phonographique
(sur 14)
Score dans le « lire-écrire »
(sur 20)
Elève n°1 12 10.742
Elève n°2 8 7.2
Elève n°3 14 17.642
Elève n°4 7 15.375
Elève n°5 10 5.914

Concrètement, nous possédons désormais les deux éléments indispensables pour établir un coefficient de corrélation entre le niveau de conscience phonographique et le niveau dans le « lire-écrire ». Conformément à notre problématique qui s’interroge sur l’influence entre deux domaines, la corrélation « ‘mesure la force d’une liaison unissant deux séries de données ’»140.

Notes
140.

GUEGUEN Nicolas, Manuel de statistiques pour psychologues, Edition Dunod, Paris, 1997, 294 p, page 236.