Nous voulons montrer ici les dominantes de chaque période de la scolarité, non pour contester le bien-fondé des activités entreprises, mais pour rendre compte du morcellement de la découverte.
le 1er temps se situe prioritairement sur le terrain du langage. En grande section et dans les autres classes maternelles, les activités s’appuient surtout sur la prise de parole, sur une utilisation du langage pertinent pour lequel sont visés un vocabulaire de plus en plus riche, des structures de phrases de plus en plus complexes, l’implantation d’une argumentation, etc... Cet ensemble concourt à centrer l’enfant sur la finalité de compréhension, autrement dit, il situe l’apprentissage sur une approche globale.
Le 2ème temps se place non plus sur le champ du « parler » mais sur le terrain du « lire ». Il se met en place en début de CP et consiste à mémoriser les mots utilisés dans les textes du manuel de lecture. L’élève retient le nom des personnages, quelques mots clés pour comprendre l’histoire, se met en situation d’identifier automatiquement certains éléments de la lecture. Ce 2ème temps conforte et consolide l’approche globale.
Le 3ème temps se fixe sur les correspondances graphophonétiques, c’est-à-dire sur la découverte des relations entre les phonèmes et les graphèmes. Cette étape se situe sur une grande partie de l’année scolaire de CP avec l’intention de maîtriser, pour l’apprenant, cette dimension instrumentale de la langue. Répétons-le, il s’agit ici d’une dominante, d’une entrée que l’enseignant privilégie souvent dans sa classe sans prétendre qu’elle demeure exclusive.
Le 4ème temps correspond à la production d’écrit. L’élève, ayant tous les mécanismes de base de la langue écrite, se voit confronter à un objectif d’écriture. Sont plus spécifiquement abordées les règles de grammaire et de conjugaison et les lois orthographiques visant à écrire un français correct.
Ce modèle développemental, fondé sur des étapes successives, est défendu par de nombreux auteurs. En particulier, Uta Frith rend compte de 3 étapes, qu’elle appelle logographique, alphabétique et orthographique. Si elle ne s’arrête pas directement sur l’acquisition du langage comme un temps de découverte du « lire-écrire », son analyse se situe sur le même registre que la description que nous en faisons pour les étapes 2, 3, 4. Nick Ellis étudie la position de Frith : « ‘c’est un modèle de développement dans lequel la lecture et l’orthographe progressent à travers les étapes qui correspondent aux stratégies logographique, alphabétique puis orthographique’ »147. Or, si nous reprenons le modèle développemental de Frith pour reconnaître qu’il traduit bien les pratiques pédagogiques en cycle 2 sur le « lire-écrire », c’est avant tout pour en contester le bien-fondé. Chaque étape mobilise en réalité un et un seul aspect de la langue. Elle accepte une conception partielle de l’objet d’apprentissage qui rend ce chemin linéaire de la découverte contestable. La langue n’est pas d’abord sens, puis sons, puis lettres ; elle est tout cela en même temps et, en conséquence, l’apprentissage doit alors prendre tout cela d’un coup, dès le départ. A la structuration rassurante d’une découverte en ligne, nous préférons la complexité d’un dispositif circulaire d’enseignement sur lequel il sera possible de sensibiliser les élèves aux multiples dimensions de la langue.
ELLIS Nick, Acquisition interactive de la lecture et de l’orthographe : étapes, stratégies et échanges de connaissances, chapitre 12 du livre « Des orthographes et leur acquisition », sous la direction de Laurence RIEBEN, Michel FAYOL, Charles A. PERFETTI, Delachaux et Niestlé, Paris, 1997, 403 p, page 271.