a) la dépendance phonographique : le déchiffreur

L’utilisation massive des méthodes graphophonétiques de lecture fait de ce profil le plus courant chez les élèves de cycle 2. La dépendance phonographique correspond à cet élève qui se contente d’un acte de déchiffrement comme s’il s’agissait, en fin de compte, de l’objectif essentiel de l’acte de lire. Pris dans une forme d’exclusivité, son travail consiste à perfectionner cette habileté et à ignorer les autres alternatives. Il est capable d’oraliser un texte écrit de manière satisfaisante. Le respect de la ponctuation, la mise en oeuvre d’une intonation adaptée, la fluidité de sa lecture à haute voix laissent supposer, à tort, que la compréhension est présente. En réalité, l’élève développe une très forte attention aux signes écrits du texte qui ne s’accompagne pas d’une stratégie de prise de sens.

Sans s’arrêter aux étapes de compréhension et de mémorisation, les compétences accumulées dans l’approche phonique seront sur-représentées en comparaison des autres entrées, scripturale et globale. La dysharmonie naît bien d’un surinvestissement constaté de voie phonique dans une forme d’exclusivité. Dans les évaluations, le déséquilibre sera bien évidemment marqué par un score important sur les compétences phoniques et des scores faibles sur les compétences scripturales et globales.

Simulons le cas de Pascal, scolarisé en CP et pour lequel une évaluation des compétences phoniques, scripturales et globales aurait pu être menée en février. Une situation de dépendance phonographique aboutirait au tableau suivant :

Figure n°116Tableau d’un profil de lecteur-scripteur connaissant une dysharmonie conceptuelle de l’apprentissage appelée «  dépendance graphophonétique »
Evaluation des compétences dans le « lire-écrire » Approche
phonique
Approche
scripturale
Approche
globale
Epreuves de compréhension 8/10 2/10 2/10
Epreuves de mémorisation 7/10 3/10 1/10

Au total, l’approche phonique totalise une performance de 15/20 sur les étapes de compréhension et de mémorisation confondues. En ce qui concerne les approches scripturale et globale, les résultats, plus faibles, atteignent respectivement 5/20 et 3/20. Une remarque importante s’impose au sujet de ces performances : nous faisons l’hypothèse d’un niveau identique sur les étapes de compréhension et de mémorisation afin de clarifier notre propos. Pourtant, il est aisé d’imaginer une plus grande complexité de la situation en soulevant l’idée d’un déséquilibre développemental. Nous l’aborderons ultérieurement, en particulier pour évoquer la situation des élèves de cycle 3.

La manifestation de la dépendance graphophonétique pourra se visualiser sur une cible inspirée du modèle systémique. Nous ne représenterons pas les étapes de compréhension et de mémorisation, mais seulement le cumul de compétences, sous la forme d’une performance numérique.

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Figure n°117Profil d’une dépendance phonographique

La cible témoigne d’un déséquilibre certain. L’approche phonique mobilise à elle seule toute l’énergie de l’élève qui ne reconnaît que les activités dans lesquelles ses compétences phoniques sont prioritairement sollicitées.

La difficulté d’apprentissage ne s’appréhende pas comme un manque, comme une faiblesse identifiée que l’enseignant tente de juguler. La dépendance phonographique s’apparente à une sorte de « trop plein », une réussite parcellaire du « lire-écrire », une maîtrise fragmentaire de la langue. D’une certaine manière, l’enseignant se doit d’être en éveil autant à l’encontre des réussites que des faiblesses chez l’élève ; c’est la balance de l’ensemble qui, en définitive, indique la nature et l’importance de la difficulté d’apprentissage.