2.2.1. Jeu de bien public avec opportunité de sanction : Fehr et Gachter (2000)

Fehr et Gachter (2000) étudient la possibilité d’introduire dans un jeu de bien public l’opportunité d’attribuer des points de sanction monétaire aux autres sujets. L’idée est que lorsque les agents ont la possibilité de se sanctionner mutuellement, ils peuvent alors discipliner les passagers clandestins sans avoir à réduire leur propre contribution. Les auteurs ont modifié un jeu de bien public classique en ajoutant une deuxième étape au jeu standard. Ce jeu se déroule en deux étapes. La première étape est similaire à un jeu de bien public standard. Dans une deuxième étape, les sujets sont informés des contributions individuelles des autres membres de leur groupe et ont l’opportunité de réduire les gains des autres sujets en leur attribuant des points de sanction. Les points de sanction sont coûteux pour ceux qui les reçoivent mais également pour ceux qui sanctionnent les autres sujets. Pour chaque point de sanction reçu, le gain de première étape du sujet sanctionné est réduit de 10%. Le gain du sujet sanctionné est nul lorsqu’il reçoit au total 10 points de sanction ou plus. Les sujets jouent 10 périodes d’une session sans sanction puis 10 périodes d’une session avec sanction. Afin d’étudier la persistance de l’effet de la sanction dans le temps, d’autres sujets jouent 10 périodes avec sanction puis 10 périodes sans sanction. Soit i 1 la fonction de gain du sujet i, i=1,...,N dans le jeu de bien public sans sanction :

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a est le rendement marginal du bien public ; y représente la dotation initiale que reçoit chaque sujet au début de chaque période. g i est la contribution de l’agent i au bien public. Soit i 2 la fonction de gain de chaque sujet dans le jeu de bien public avec possibilité de sanction :

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p i j représente les points de punition que le sujet i affecte au sujet j. Le nombre total de points que l’agent i reçoit est noté P i . Le coût inhérent au fait de sanctionner les autres sujets est donné par c(p i j ). Dans une première étape, les sujets décident de leur effort de contribution au bien public. Dans une deuxième étape, les sujets sont informés des niveaux de contribution de chaque membre du groupe et décident de les sanctionner ou non. Puisqu’il est coûteux de punir les autres, aucun agent n’est incité à le faire. Donc les sujets devraient adopter une stratégie de passager clandestin en première étape du jeu puisqu’ils anticipent qu’aucune sanction ne sera prise envers les passagers clandestins.

Les auteurs étudient trois conditions différentes : une condition étranger, une condition parfait étranger et une condition partenaire. En condition partenaire, la composition du groupe est fixe sur l’ensemble des périodes. A l’inverse, en condition étranger, la composition du groupe est modifiée à chaque période. La différence entre la condition parfait étranger et la condition étranger est qu’en condition parfait étranger, la probabilité pour un joueur de se retrouver avec le même joueur au cours du jeu est nulle. La comparaison des sessions étranger et partenaire permet d’identifier l’importance de la durée des interactions dans l’augmentation des contributions avec sanctions monétaires, comme le montre le graphique 2.

Graphique II.2 : Contribution moyenne dans les sessions partenaire et étranger

Contrairement aux prédictions théoriques, Fehr et Gachter observent que les sujets sanctionnent les autres membres de leur groupe même si cela est coûteux pour eux. La possibilité de sanctionner les autres sujets accroît considérablement la coopération au sein des groupes. Par exemple, dans la session partenaire, les sujets contribuent en moyenne 37.5% de leur dotation initiale durant les 10 premières périodes d’un jeu de bien public classique et 85% de leur dotation dans les 10 périodes suivantes avec possibilité de sanction. A la dernière période, la contribution moyenne représente 16% de la dotation initiale mais augmente jusqu’à 91% à la vingtième période. Les sujets seraient donc capables d’atteindre un niveau élevé de coopération lorsqu’ils ont la possibilité de sanctionner leurs pairs.