4.2.1. Raison stratégique

Le résultat 5 traduit l'impact de l'exclusion sur le niveau des contributions futures.

RESULTAT 5 : il existe un gain à exclure un passager clandestin afin de l’inciter à augmenter sa contribution dans le futur.

Le graphique 8 décrit la relation existante entre l’évolution de la contribution moyenne entre la période t+1 et la période t et le fait d'être exclu (ou pas). Il montre que les sujets augmentent leur contribution future en réponse à une exclusion passée. Ainsi en moyenne, un sujet qui a été exclu à une période donnée, augmente sa contribution de 5 ECU à la période suivante dans le traitement EC et de 3 ECU dans le traitement ESC. A l’inverse, les sujets qui n'ont pas été exclus en période t ont tendance à réduire leur contribution de 0,28 ECU en t+1dans le traitement EC et de 0,13 ECU dans le traitement ESC.

Graphique III.8 : Evolution des contributions entre t et t+1 conditionnée par l’exclusion en t.

L’analyse de régression linéaire ci-dessous offre une preuve formelle du résultat 5. Le tableau 4 donne les estimations du modèle suivant pour les traitements ESC et EC.

La variable dépendante C i t+1 -C i t est “ la différence de contribution entre les périodes t et t+1”. Les variables indépendantes sont respectivement “les décisions d’exclusion de la part des autres sujets”, ,“la contribution moyenne des autres membres du groupe à la période t” . Le coefficient 1 traduit l’effet d’avoir été exclu en période t sur l’évolution de la contribution entre t et t+1. Le coefficient 2 mesure l’effet de la contribution moyenne des autres membres du groupe en période t sur l’évolution de la contribution entre t et t+1.

Tableau III.4: Effets des exclusion reçus en t sur la contribution relative entre t+1 et t
variable expliquée : ci t+1 – ci t
  ESC EC
Constante -6.109***
(1.048)
-3.013***
(1.075)
     
Exclusion (1) 1.7664***
(0.2962)
1.398***
(0.428)
     
Moyenne(3)
0.3112***
(0.0550)
0.1512**
(0.0585)
     
R 2 0.1057 0.314
Observations 396 396
***significativité au seuil de 1% , ** : significativité au seuil de 5%, * : significativité au seuil de 10% Les écarts types sont en parenthèses.

Le coefficient 1 est positif et significatif pour les deux traitements.Ainsilorsqu’un sujet est exclu, il est incité à accroître sa contribution à la période suivante. Le coefficient 2 est également positif et significatif pour les deux traitements. Cela signifie qu’un sujet est d’autant plus incité à accroître sa contribution que la contribution moyenne est élevée. Comment interpréter les résultats du tableau 5 et notamment le fait d’observer la contribution moyenne incite les agents à contribuer davantage à la période suivante ? Une interprétation possible consiste à distinguer, à l’instar de Kandel et Lazear (1992) la pression des pairs externe (honte) de la pression des pairs interne (culpabilité). Les décisions d’exclusion traduisent ici la désapprobation des pairs et véhiculent des sentiments de honte. A l’opposé, l’observation de la contribution moyenne peut susciter des sentiments de culpabilité, même en l’absence de sanction des pairs. Contrairement aux résultats obtenus dans le chapitre précédent, il apparaît ici que la pression des pairs n’est pas uniquement externe mais qu’elle est également internalisée. En effet, le seul fait pour un sujet d’observer la contribution moyenne l’incite à contribuer davantage dans le futur. Le fait que la pression des pairs soit internalisée signifie que la sanction d’exclusion n’a plus besoin d’être appliquée pour que les agents coopèrent. L’idée est que la sanction est suffisamment forte de sorte que la menace d’exclusion soit à elle seule suffisante pour inciter les agents à coopérer. On vérifie cette hypothèse en étudiant le nombre d’exclusion qui sont effectivement appliquées. Le graphique 9 décrit le nombre moyen d’exclusion par période sachant qu’au total les quatre membres du groupe peuvent être exclus à chaque période.

Graphique III.9 : Nombre moyen d’individus exclus par période

On remarque que l’exclusion est rarement appliquée dans le traitement EC. Dans le traitement ESC, moins d’un individu en moyenne est exclu du groupe à chaque période. Le nombre d’exclusion dans le traitement ESC reste très faible malgré l’inexistence d’un coût direct à exclure. Le nombre d’exclusion augmente en dernière période du traitement ESC sans toutefois dépasser deux exclusions par groupe. Le nombre d’exclusion est donc relativement faible dans les deux traitements. Ce résultat confirme l’hypothèse selon laquelle la menace d'exclusion est tellement crédible qu’elle n’a pas besoin d’être appliquée.