2. Le poids théorique des préférences sociales

Un certain nombre d’auteurs ont émis quelques réserves quant à l’introduction de nouveaux arguments dans la fonction d’utilité (Güth,1995 ; Lévy-Garboua et Rapoport, 2000). Güth (1995) dénonce ainsi l’aspect artificiel d’une telle démarche. Selon ces auteurs, le comportement des agents serait plutôt le résultat d’un processus dynamique de prise de décision. L’adjonction de nouveaux arguments dans la fonction d’utilité ne permettrait pas d’expliquer les comportements individuels. Cette interprétation constitue une voie intéressante afin d’expliquer les comportements individuels. Toutefois, elle pose un certain nombre de difficultés analytiques. En effet, il paraît difficile de dégager, pour un jeu donné, une tendance générale des comportements dans la mesure où chaque joueur diffère dans ses propres expériences. Par ailleurs, cette théorie ne permet pas d’expliquer les comportements des joueurs dans un contexte de jeu non répété. Enfin une telle approche conduit, comme le soulignent Fehr et Schmidt (1999) et Bolton et Ockenfels (2000), à relâcher l’hypothèse fondamentale de rationalité des agents.

Les approches fondées sur les considérations sociales des agents se posent en complémentarité des travaux qui considèrent le comportement des agents comme un processus dynamique de prise de décision. En effet, alors ces travaux visent à étudier l’aspect stratégique des comportements, les approches fondées sur lesconsidérations sociales cherchent à analyser les aspects non stratégiques des comportements individuels.

Tableau IV.1 : Littérature sur les fonctions d’utilité modifiées
Auteurs Fonctions d’utilité (forme générale)
Rabin (1993)


avec et
Dufwenberg et Kirchsteiger (1998)  
 
Charness et Rabin (2000)  
Bolton (1991)  
Bolton et Ockenfels (2000)  
Fehr et Schmidt (1999)  
Falk & Fischbacher (1998)
avec
f : nœud terminal du jeu
 : terme de réciprocité (réaction)
, où représente la comparaison des gains et une pondération dont la valeur est déterminée par l’intention attribuée à l’autre

Il est possible de regrouper ces différentes approches en deux grandes catégories. La première catégorie met l’accent sur les intentions des joueurs (Rabin, 1993 ; Dufwenberg et Kirchsteiger, 1998). Elle repose sur la notion de réciprocité. La deuxième catégorie est essentiellement axée sur les considérations distributives du jeu (Charness et Rabin, 2000 ; Bolton, 1991 ; Bolton et Ockenfels, 2000 ; Fehr et Schmidt, 1999). L’approche de Falk et Fischbacher (1998) tente, quant à elle, de réconcilier les intentions et les considérations distributives.