Notion de champ récepteur

Le champ récepteur est la zone de l’espace dans laquelle un stimulus module l’activité d’une cellule. Comme nous l’avons précédemment vu, les cellules bipolaires sont connectées aux photorécepteurs soit par des liaisons synaptiques directes, soit par l’intermédiaire des cellules horizontales. Les connexions synaptiques directes versus indirectes forment respectivement le centre et le pourtour du champ récepteur de la cellule bipolaire considérée (Fig. I-6). La forme approximativement circulaire et la taille du champ récepteur dépendent de l’allure et de l’étendue des ramifications dendritiques de la cellule bipolaire d’une part et des cellules horizontales d’autre part.

D’autre part, ces deux aires (centre / pourtour) sont de nature antagoniste. En d’autres termes, la réponse à une stimulation lumineuse du centre du champ récepteur d’une cellule bipolaire est l’inverse de celle induite par la stimulation du pourtour de la même bipolaire. En fait, contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est dans l’obscurité que les photorécepteurs se dépolarisent (libération de leur neurotransmetteur, le glutamate). Celui-ci hyperpolarise les cellules bipolaires de type centre-ON et dépolarise les cellules bipolaires de type centre-OFF. Lors d’une augmentation de la luminance, les photorécepteurs répondent par une hyperpolarisation ce qui induit une diminution de leur libération de glutamate. A cette diminution, les cellules bipolaires centre-OFF répondront par une hyperpolarisation, et les bipolaires centre-ON par une dépolarisation. Lorsque la luminance diminue, on assiste à une dépolarisation des photorécepteurs et par-là même à la libération de glutamate, ce qui entraîne les réactions membranaires caractéristiques de l’obscurité (hyperpolarisation des bipolaires centre-ON et dépolarisation des bipolaires centre-OFF). Jusqu’à présent, seul est considéré le potentiel membranaire du centre des champs récepteurs des cellules bipolaires à un incrément ou un décrément de luminance, puisqu’il s’agit d’une connexion directe entre photorécepteurs et cellules bipolaires.

Figure I-6 : Organisation d’un champ récepteur d’une cellule bipolaire : voies directes et indirectes. Les cellules bipolaires reçoivent des afférences synaptiques directement à partir d’un groupe de photorécepteurs représentant le centre du champ visuel. Par ailleurs, elles reçoivent également des informations à partir des photorécepteurs environnants, via les cellules horizontales (Bear et al., 1997)

L’organisation antagoniste centre / pourtour des champs récepteurs des cellules bipolaires les rend extrêmement sensibles aux différences d’intensité et contribue donc à la détection des contrastes. Le type centre-ON sera ainsi activé par un centre clair sur un fond sombre, contrairement aux bipolaires centre-OFF stimulées par un centre sombre sur fond clair. La figure I-7 (b) illustre également les réponses d’une cellule centre-OFF, sous les mêmes conditions de stimulation.

Tout comme les cellules bipolaires, les cellules ganglionnaires présentent des champs récepteurs concentriques de type centre / pourtour antagoniste. De la même façon que précédemment, on distingue les cellules “ centre-ON / pourtour-OFF ” des cellules “ centre-OFF / pourtour ON ”. Ces deux catégories de cellules se répartissent de façon homogène et sont présentes sur toute la surface rétinienne (Kuffler, 1953). Les cellules amacrines jouent probablement le même rôle que les cellules horizontales, augmentant ainsi la sensibilité au contraste. Les cellules ganglionnaires naines contribuent à la perception des contrastes chromatiques, du fait de l’organisation de leur champ récepteur en deux zones aux sensibilités spectrales différentes. Ainsi , une cellule dont le centre est activé par une stimulation lumineuse de longue longueur d’onde (rouge) et le pourtour inhibé par une lumière de courte longueur d’onde (verte) sera dite L+/M- (Fig. I-7). D’autres cellules ganglionnaires naines sont caractérisées par des configurations différentes, de type L-/M+, M+/L-, M-/L+ et S+/(LM)-.

Figure I-7 : Champ récepteur à opposition de couleur d’une cellule ganglionnaire naine (Bear et al., 1997).

Le tableau I-1 , inspiré de Vital-Durand et Bullier (1999) présente l’avantage de résumer la complexité de l’organisation des cellules ganglionnaires et de donner un aperçu global de la haute spécialisation du traitement rétinien effectué à partir de la seule capture de photons. En effet, le traitement rétinien débute par l’échantillonnage par les photorécepteurs de l’image rétinienne, pour ensuite opérer une sorte de réduction de l’information en contrastes locaux par le biais des champs récepteurs. Les informations spatiales (haute ou basse fréquence), spectrales (opposition de couleur) et temporelles (réponses phasiques ou toniques) sont véhiculées en parallèle avant d’être adressées aux structures cérébrales cibles pour un traitement plus approfondi.

Tableau I-1 : Caractéristiques des différents types de cellules ganglionnaires et leur participation respective à des voies fonctionnelles distinctes (inspiré de Vital-Durand et Bullier, 1999). a)selon Leventhal et al. (1981) b)selon Livingstone et Hubel (1988)