IV. Le champ visuel

L’examen du champ visuel est important à divers égards. Il permet d’une part de diagnostiquer et de suivre l’évolution de pathologies oculaires ou de troubles centraux de la vision. D’autre part, il est, au même titre que l’acuité visuelle, à la base de la classification internationale du handicap visuel de l’OMS et constitue un élément précieux pour déterminer certaines aptitudes fonctionnelles dans un but professionnel ou médico-légal, notamment pour la conduite automobile.

Le champ visuel correspond à la portion de l’espace dans laquelle un œil qui fixe droit devant lui est capable de détecter divers stimulus visuels : lumières, couleurs, formes. Comme pour tout test psychophysique, l’examen du champ visuel consiste à mesurer un seuil reliant les quantités physiques caractérisant le stimulus aux quantités physiologiques sensorielles. En clinique, ce seuil concerne en général, la perception de la plus petite différence de luminance entre deux plages. En d’autres termes, ce seuil différentiel (L/L) correspond au ratio entre la quantité de lumière (L variable) d’un test, également appelé “ index ”, par rapport à celle d’un fond lumineux de référence (L fixe). Pour être perçu, l’index doit être plus lumineux que le fond, d’une quantité minimale L correspondant à la valeur seuil , également appelée “ valeur liminaire du stimulus ”, celle-ci étant comprise entre non-perception (stimulus infraliminaire) et perception facilitée (stimulus supraliminaire). L’inverse du seuil définit la sensibilité différentielle (L/L) mesurée en décibels (dB) : plus le seuil est élevé, plus le contraste est important, plus la sensibilité est faible, et inversement. Le relevé topographique de ce seuil différentiel met en évidence l’hétérogénéité de la sensibilité rétinienne et les limites du champ visuel. Ces différents niveaux de sensibilité topographique à travers le champ visuel peuvent être représentés de façon tridimensionnelle. La représentation du champ visuel prend la forme d’un cône, dont l’apex correspond à la fovéola, c’est-à-dire à la sensibilité rétinienne la plus élevée (Fig. III-8). La sensibilité décroît avec l’excentricité avec une interruption située à environ 13° sur le bras temporal du méridien horizontal, révélant la tache aveugle correspondant à la papille. La baisse de sensibilité est plus rapide du côté nasal que du côté temporal.

Figure III-8 : Représentation tridimensionnelle d’un champ visuel monoculaire (d’après Spalton, Hitchings & Holder, 1996).

Le champ visuel monoculaire n’est pas symétrique par rapport au point de fixation, du fait des reliefs de la face (arcade sourcilière, nez). Ainsi, quand l’œil d’un adulte jeune sain fixe un point droit devant lui, il couvre environ 60° dans le champ nasal, 65° en supérieur, 75° en inférieur et atteint 90 à 100° du côté temporal (Millodot, 1997). Le champ visuel binoculaire , qui résulte de la superposition partielle des deux champs monoculaires, couvre environ 180° horizontalement, les limites supérieures et inférieures restant quant à elles inchangées. L’aire de recouvrement des deux yeux s’étend sur environ 120° de large et est entourée de part et d’autre par un croissant de vision monoculaire (entre 60 et 100°), appelé champ de la demi-lune, dans les secteurs temporaux les plus périphériques.

L’étendue du champ visuel ne permet pas de mesurer précisément la sensibilité rétinienne en chacun de ses points. Du fait des contraintes cliniques, l’examen du champ visuel doit à la fois être rapide, précis et fiable. Les deux principales techniques décrites ci-dessous, à savoir la périmétrie dynamique et la périmétrie statique constituent cependant de bons compromis (Risse, 1999). L’examen du champ visuel des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge inclus dans la deuxième série d’études repose sur une périmétrie statique automatisée réalisée au moyen du Péristat de Rodenstock.