2. L’INTERPRÉTATION DE CONFÉRENCE

2.1 L’INTERPRéTATION ET LA TRADUCTION

La différence principale entre l’interprétation et la traduction est que, là où cette dernière comporte l’élaboration d’un texte écrit, l’interprète s’exprime oralement (ou en langue des signes). Cette différence représente une prémisse importante de notre étude, qui est commentée dans la section 4.1 du présent chapitre.

Malgré cette différence fondamentale, l’interprétation et la traduction sont souvent considérées comme des manifestations du même processus, à savoir la Traduction (avec un « T » majuscule) (Gile 1995a). Aussi bien l’interprète que le traducteur doivent comprendre un message exprimé dans une langue et le restituer dans une autre ; les deux langues s’appellent respectivement langue source (ou langue de départ) et langue d’arrivée (ou d’aboutissement). En interprétation, le discours en langue source sera appelé ici le discours source et sa restitution en langue d’arrivée sera appelé le discours d’arrivée.

L’emploi de l’hyperonyme « Translation », que l’on retrouve dans des études allemandes ayant pour objet principal la traduction écrite, est commenté entre autres par les spécialistes germanophones de l’interprétation (Pöchhacker 1995a: 31-32 ; Kurz 1996: 38-44). Dès les années 70, D. Seleskovitch (1978: 333) évoque elle aussi l’assimilation conceptuelle de la traduction et de l’interprétation que proposent les auteurs de langue allemande. Plus récemment, le rapprochement conceptuel de la traduction et de l’interprétation a été reproposé par H. Aarup (1993) et A. Schjoldager (1995).

Par ailleurs, sur le plan épistémologique, il n’y a pas de division nette entre la recherche sur l’interprétation et les études de traductologie. M. Shlesinger (1995) estime que la recherche sur l’interprétation se situe à l’intérieur des études de la traduction, comme « (sous)discipline en cours de formation, à l’intérieur d’une discipline en cours de formation » (M. Shlesinger 1995: 9, traduit par nous). 1 F. Pöchhacker (1995c) et C. Wadensjö (1998: 26) également évoquent cette perspective – par exemple, Pöchhacker décrit la recherche sur l’nterprétation comme « discipline qui émerge à côté (ou à l’intérieur) de la discipline […] de la Traductologie » (Pöchhacker 1995c: 61, traduit par nous). 2

Le regroupement de la traduction et de l’interprétation n’est pas la prérogative des spécialistes des deux disciplines. Vues de l’extérieur, elles sont souvent considérées comme des variantes d’un seul processus. Ainsi, le psychologue W.E. Lambert (1978) ne fait pas de distinction systématique entre le traducteur et l’interprète ; il se demande si les deux appartiennent bien à des « races » différentes et, le cas échéant, à quels égards celles-ci diffèrent. De même, E. Ballardini (à p.) constate que, dans le système pénal italien, le règlement concernant l’interprétation auprès des tribunaux ne fait pas de distinction entre les rôles de l’interprète et du traducteur. Ballardini estime que cela reflète la situation, peu réglementée à certains égards (ordres professionnels, standards en matière de formation etc.), des deux professions en Italie.

Notes
1.

“a (sub)discipline in the making within a discipline in the making”(Shlesinger 1995: 9).

2.

“an emerging discipline alongside (or within) the […] discipline of Translation Studies”(Pöchhacker 1995: 61).