2.2 L’interprétation DE CONFERENCE ET LES AUTRES FORMES D’INTERPRETATION

Avant d’examiner l’interprétation de conférence, il convient de la distinguer par rapport aux autres formes d’interprétation (par ex., l’interprétation « de liaison », « d’affaires » ou « communautaire »).

F. Pöchhacker (à p.) situe les différentes formes d’interprétation sur un continuum, dont les extrémités représentent l’interprétation, d’une part, dans un contexte international et, d’autre part, à l’intérieur d’une société ou d’une communauté. D’après le schéma de Pöchhacker, l’interprétation au niveau international correspond à peu près à l’interprétation de conférence ; à l’intérieur d’un contexte socio-culturel plus restreint, il s’agit en principe d’interprétation « communautaire ». Pöchhacker précise que la ligne de démarcation entre les deux est plutôt floue, et qu’il existe des formes hybrides. Il estime qu’il n’est pas nécessairement approprié de créer des catégories étanches, en ce sens que toutes les formes d’interprétation comportent une activité socio-communicative ; en un certain sens, elles relèvent donc toujours du même concept.

Sur cette toile de fond, l’interprétation de conférence a deux caractéristiques fondamentales: (i) le haut niveau formel et conceptuel des discours que l’interprète écoute et restitue ; et (ii) ses modalités, à savoir la simultanée, la consécutive et la chuchotée (Gile 1995a: 12). Ces modalités sont décrites dans la section suivante.

Sur le plan historique, l’interprétation de conférence est née à la fin de la Première Guerre Mondiale (Herbert 1978 ; Kurz 1996: 19-20). Mais la profession, telle qu’on la connaît aujourd’hui, ne prend véritablement son essor qu’à partir des années 40. En Occident, le premier procès de Nuremberg, intenté contre les criminels de guerre nazis en 1946, constitue une étape fondamentale dans l’histoire de l’interprétation de conférence. Le recours à l’interprétation simultanée a permis le déroulement du procès en quatre langues, celles des principales puissances engagées (l'anglais, le français et le russe) et l'allemand (Kurz 1996, Gaiba 1998, Baigorri Jalón 2000).

Les premiers centres européens offrant une formation de niveau universitaire en interprétation de conférence sont nés dès les années 40, à Genève (1941) et à Vienne (1943) (Kurz 1996: 27-34). L’interprétation simultanée, peu répandue dans la pratique professionnelle à l’époque, n’a été pleinement intégrée dans le cursus qu’à partir de années 50.

En Occident, l’interprétation de conférence jouit d’un statut professionnel relativement élevé et la plupart des personnes qui accèdent actuellement à la profession ont reçu une formation spécialisée de niveau universitaire. En revanche, même dans des pays où les cursus universitaires en interprétation de conférence sont bien développés (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Russie, Suisse), la formation et la situation professionnelle des interprètes « communautaires » sont reléguées à un rang inférieur (Pöchhacker 1997 ; Wadensjö 1998: 57). D’autres pays, comme l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Suède et la Nouvelle-Zélande, reconnaissent leur statut professionnel et l’importance d’une formation appropriée (Bell 1997 ; Gentile 1997 ; Florissi 1998 ; Wadensjö 1998: 54-58).