2.3 DÉFINITIONS : INTERPRÉTATION SIMULTANÉE, CONSÉCUTIVE ET CHUCHOTÉE

Dans la section précédente, nous avons vu que F. Pöchhacker (à p.) propose une division plutôt floue des différentes formes d’interprétation. D’ailleurs, les critères utilisés pour les classer ne sont guère homogènes (Wadensjö 1998: 50). Deux raisons sont probablement à la base de ce manque de classement standardisé: (i) le développement relativement récent de la profession (voir section précédente) ; et (ii) la variété des contextes et des circonstances dans lesquels travaillent les interprètes.

Même dans l’interprétation de conférence, qui est pourtant bien établie comme profession, l’absence de classement des différentes modalités selon des critères uniformes est évidente. D’une part, on utilise des adjectifs qui reflètent le décalage temporel entre les énoncés en langue source et en langue d’arrivée (à savoir, « simultanée » et « consécutive »); d’autre part, l’emploi du terme « chuchotée » met en relief la qualité acoustique du discours d’arrivée.

Le décalage temporel entre les énoncés de l’orateur et de l’interprète permet de distinguer la simultanée et la consécutive, selon que l’interprète parle en même temps que l’orateur ou aprèscelui-ci.

Durant l'interprétation simultanée:

‘l'interprète travaille dans une cabine insonorisée, en équipe avec au moins un collègue. L'orateur, qui se trouve dans la salle de réunion, parle dans un micro: l'interprète, qui écoute l'intervention au moyen d'écouteurs, en assure l'interprétation de manière quasi simultanée en parlant lui aussi dans un micro. Pour entendre l'interprétation dans la langue de son choix, l'auditeur en salle sélectionne le canal approprié sur sa console.

(http://europa.eu.int/comm/scic/interpreting/interpr_fr.htm) ’

En revanche, dans l’interprétation consécutive, « placé parmi les orateurs, l'interprète écoute leurs interventions et les reproduit après coup dans une autre langue en s'aidant généralement de notes ». (http://europa.eu.int/comm/scic/interpreting/interpr_fr.htm)

L’emploi du terme « chuchotée » renvoie à la qualité acoustique du discours réalisé par l’interprète et non au décalage temporel entre les énoncés de départ et d’arrivée. La chuchotée ressemble à la simultanée, en ce sens que l’interprète restitue le discours « en temps réel ». Par rapport à la simultanée, cependant, l’interprète travaille sans cabine et pour un groupe très restreint (pas plus de 2-3 personnes) ; étant donné le manque d’insonorisation, l’interprète « chuchote à l’oreille [du ‘client’] la traduction d’un discours fait en salle à mesure qu’il l’entend » (Gile 1995a: 12). Dans notre expérience personnelle, les interprètes professionnels utilisent rarement cette modalité, qu’ils considèrent comme difficile et peu pratique. D’ailleurs, la littérature spécialisée ne semble la commenter ni dans une perspective didactique ni en tant qu’objet de recherche (Pöchhacker, à p.).

mode Avantages
inconvénients
• simultané « temps réel » (les délégués choisissent entre l’original et l’interprétation, sans devoir écouter aussi bien l’un que l’autre) coût de l’achat/location de l’équipement audio et de l’assistance technique
• consécutif pas de besoin de l’équipement audio utilisé pour la simultanée (cabine, écouteurs) prend du temps, surtout quand il y a plusieurs langues ; le public doit tout écouter (orateur et interprète)
• chuchoté « temps réel » ; pas de besoin de cabine/écouteurs utilité pratique limitée (difficile pour l’interprète ; dérange d’autres participants ; sert un nombre restreint d’utilisateurs)

En ce qui concerne la fréquence d’emploi de l’interprétation simultanée et consécutive, il y a une dizaine d’années, W. Weber (1989: 162) estimait que, pour les interprètes appartenant à l’Association Internationale des Interprètes de Conférence (AIIC), le mode simultané représentait 98 % du travail. Actuellement, notre expérience professionnelle du marché privé en Italie tend à confirmer que la simultanée occupe une place plus importante que la consécutive. Toutefois, l’importance de cette dernière ne devrait pas être sousestimée.

Bien que la simultanée semble être plus utilisée que la consécutive, celle-ci est probablement plus fréquente dans certains domaines professionnels. Par exemple, les délégations du Parlement Européen qui se déplacent lors des visites officielles utilisent très souvent la consécutive ; cela permet d’éviter les frais et les problèmes logistiques (équipement, assistance technique) que comporterait l’organisation sur place de la simultanée. 3

Notes
3.

Les informations sur l’emploi de la consécutive auprès du Parlement Européen nous ont été fournies par M. Giancarlo Macario, Chef de la Division Italienne de la Direction de l’Interprétation et des Conférences, Service Interinstitutionnel, Luxembourg (Macario 2000: communication personnelle).