4.1.2 L’Évaluation de l’aisance en cours de formation

C. Thiéry (1981: 105) évoque la possibilité que les apprenants se perfectionnent en interprétation de conférence « malgré l’enseignement reçu ».

Bien qu’il s’agisse d’un commentaire provocateur, il est possible que le niveau des compétences des diplômés dépende surtout d’une sélection rigoureuse en début de cursus ; l’efficacité de la formation n’y est peut-être pour rien – d’où la question posée par D. Gile (1995a: 183): « Les écoles seraient-elles plus efficaces comme filtres que dans leur fonction de formation ? ». D’ailleurs, Gile (1987) et G.-V. Vik-Tuovinen (1995 ; voir ch. 2, section 6) ne constatent pas d’évolution nette de l’expression orale en cours de formation.

Gile (1987) a étudié les fautes et les maladresses, en français, chez cinq étudiants francophones qu’il a suivis du début jusqu’à la fin de l’année universitaire. Les étudiants étaient en dernière année du cursus d’interprétation à l’École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT), à Paris. Gile a examiné la maîtrise de la production linguistique dans des exposés, des exercices d’interprétation consécutive et des exercices d’interprétation simultanée. Les « écarts » de langue (fautes et maladresses) ont été identifiés à l’aide de dix informateurs locuteurs natifs. Indépendamment de la fréquence des écarts en fonction du type d’exercice (davantage d’écarts en simultanée, suivie de la consécutive et, enfin, des exposés), Gile n’observe pas de progression pendant la durée de l’étude.

Vik-Tuovinen (1995) a réalisé elle aussi une évaluation « longitudinale », auprès de quatre étudiants suivant un cursus d’interprétation à Vaasa (Finlande). La langue maternelle des sujets était le finnois (2 sujets) ou le suédois (1 sujet) ; le quatrième sujet était bilingue (finnois/suédois). L’étude compare des interprétations simultanées, du finnois en suédois, réalisées en début et en fin de cursus (à savoir, en 1988 et en 1992 respectivement). Pour l’évaluation des épreuves, Vik-Tuovinen a adapté le modèle d’analyse d’A. Kopczynski (1980, 1981), qui comprend quatre paramètres principaux (équivalence, compétence linguistique, performance linguistique, style). La gestion des « variables temporelles » (faux départs, hésitations audibles etc.) (Raupach 1980) fait partie de la « performance linguistique ». En matière de fidélité informationnelle, il y une une différence évidente entre les deux épreuves. En ce qui concerne les fautes de performance linguistique, moins fréquentes en fin de cursus, la différence n’est pas nette ; dans l’échantillon considéré, la maîtrise du débit ne semble donc pas évoluer sensiblement en cours de formation.

En revanche, dans un essai sur l’enseignement de l’expression orale dans les écoles d’interprétation, J.-D. Katz (1989: 218) estime que « l’élocution, […], le débit, cela se travaille ».

Sur cette toile de fond, il est intéressant d’évaluer si l’aisance de l’expression est effectivement susceptible d’évoluer en cours de formation.