3.2 DÉroulement de l’Étude

Pendant la période janvier 1999 - février 2000, chaque sujet a effectué deux interprétations consécutives, l’une vers l’italien et l’autre vers l’anglais. Les consécutives ont été effectuées au cours de deux séances, à quelques exceptions près (les sujets nos. 17, 27, 31, 33, 34, 35 et 45, qui ont réalisé les deux enregistrements en une seule séance). L’ordre des épreuves a été changé de sujet en sujet, afin de distribuer entre les deux langues d’éventuels effets « première épreuve » et « deuxième épreuve » (par exemple, perception accrue des pauses à la suite de la première séance). La possibilité que la première épreuve influe sur la deuxième est effectivement la faiblesse principale d’une comparaison intra-sujets de deux conditions expérimentales (c’est à dire, quand les mêmes sujets sont utilisés dans les deux conditions prévues). L’inversion de l’ordre des épreuves, dans la moitié de l’échantillon par rapport aux sujets restants, permet d’obvier à cet inconvénient. Les études intra-sujets comportent également des avantages pratiques, par rapport aux études inter-sujets ; en fait, celles-ci nécessitent des échantillons plus grands, et une certaine attention à la comparabilité de différents sujets (Greene & D’Oliveira 2000: 16-20).

Le calendrier des séances se trouve en Annexe.

Les sujets ont été informés préalablement qu’il s’agissait d’un projet de recherche sur la consécutive et que leur participation comporterait la réalisation de deux consécutives brèves et la discussion de certains aspects du discours d’arrivée ; la durée prévue de l’étude pour chaque participant était de moins de deux heures (y compris les exercices de consécutive et les discussions). Il a été précisé que l’analyse des données ne comporterait pas de comparaisons qualitatives entre les différents sujets et que ceux-ci ne seraient pas nommés dans la thèse. Aucun autre détail n’a été fourni avant la première séance.

Chaque séance, dont la durée a été d’une heure environ, a consisté en les phases suivantes:

  1. exercice de consécutive, à partir d'un discours source enregistré sur cassette audio: les mêmes enregistrements, de durée plus ou moins égale (3' 40” et 3’ 50” respectivement, pour les discours source en italien et en anglais), ont été utilisés pour tous les sujets. Dans les deux cas il s'agit du début d'une conférence sur l'histoire contemporaine, prononcée sans texte. Les enregistrements ont été fournis gracieusement par les organisateurs des réunions concernées (voir section 3.3 du présent chapitre).

Avant d’écouter le discours source, chaque sujet a reçu une feuille présentant quelques renseignements sur le contenu du discours. Aucune information supplémentaire n'a été donnée, de façon à assurer des conditions de travail comparables pour tous les participants à l'étude.

Le discours d’arrivée a été enregistré. L’enregistrement des épreuves a été indispensable, aux fins de l’analyse des pauses (voir section 4.1 du présent chapitre). La possibilité d'obtenir un enregistrement « abusif », à l'insu du sujet, ne pourrait évidemment être prise sérieusement en considération pour des raisons déontologiques. Toutefois, la gêne que provoque éventuellement la présence du microphone ne devrait pas beaucoup influer sur les prestations des sujets. Les étudiants suivant un cursus d'interprétation de conférence sont habitués à la présence du microphone, étant donné la fréquence des exercices en laboratoire ou en cabine et l'enregistrement routinier des épreuves d'examen. A la limite, l’enregistrement des prestations dans le cadre d’une recherche peut être plus gênant pour les interprètes professionnels (voir section 3.1 du présent chapitre). De même, l’emploi d’un discours source enregistré est susceptible de désavantager les interprètes professionnels, qui ne sont généralement pas habitués à cette démarche. En revanche, elle fait partie de la routine pour les étudiants. Les conditions expérimentales favorisent donc, dans une certaine mesure, les étudiants par rapport aux interprètes professionnels. Si la fluidité du débit s’avère supérieure chez ces derniers, les différences potentiellement observées seront donc plus significatives dans le sens des hypothèses sur l'évolution des compétences.En tout état de cause, tous les participants ont accepté sans hésitation les conditions de déroulement des épreuves.

La présence d’un auditoire aurait permis de créer un environnement plus « authentique » aux fins de la consécutive. En l’occurrence, le choix des séances individuelles a été basé sur des considérations pratiques: (i) étant donné que de nombreux enregistrements ont été effectués dans des endroits différents, il n’aurait pas été envisageable de les réaliser en présence d'un auditoire ; (ii) en ce qui concerne les épreuves réalisées à l’Université, le recrutement d’auditeurs aurait limité l’échantillon potentiel de sujets sans connaissance préalable du discours source ; (iii) il aurait paru peu cohérent d’effectuer certaines séances, non toutes, devant un public.

L’emploi de plusieurs discours source différents aurait permis d’utiliser les sujets participant à l’étude comme « auditeurs », pour que l’environnement soit plus proche de l’authentique. Toutefois, cela aurait représenté une valeur ajoutée faible, au prix de la comparabilité des épreuves. D’ailleurs, la démarche qui consiste à réaliser des enregistrements individuels a été utilisée par d’autres chercheurs (par ex., Lamberger-Felber 1998, Gile 1999b et à p.).

  1. écoute de l'enregistrement du discours d'arrivée: immédiatement après avoir restitué le discours d’arrivée, le sujet a été invité à écouter l'enregistrement de sa prestation ; nous avons arrêté la cassette chaque fois qu’il se vérifiait une pause pleine ou une pause vide plutôt longue, pour demander au sujet si l’hésitation était attribuable à des facteurs particuliers. Pendant l’entretien, le sujet était libre de consulter les notes prises pendant l’écoute du discours source, de façon à pouvoir repérer d’éventuels problèmes attribuables à celles-ci (par ex., illisibilité des notes).

Comme dans l’étude préliminaire, la question a été formulée rigoureusement de façon « ouverte » (« Y-a-t-il une raison particulière pour cette hésitation ? »), pour éviter que les sujets fournissent des réponses en quelque sorte « pilotées ». En d’autre termes, la réponse n’a jamais été suggérée par des questions du type « Cette hésitation est-elle peut-être due à un problème lexical ? »

Le cas échéant, le sujet était libre de répondre qu’il n’y avait pas d’explication apparente de l’hésitation.

Les interviews n’ont pas été enregistrées, mais les réponses des sujets ont été notées. A la fin de la séance, nous avons demandé au sujet de nous laisser les notes utilisées pour la consécutive.