6.2 LES TESTS STATISTIQUES

L’étude consiste en une expérience, dont le but est de tester des hypothèses. Chaque hypothèse expérimentale est une proposition, concernant la probabilité qu’un certain phénomène aura lieu (par ex., « les interprètes font davantage de pauses en langue B qu’en langue A »). L’hypothèse ne peut être testée que par rapport à l’hypothèse opposée (dite « hypothèse nulle »), c’est à dire la proposition que le phénomène concerné ne se vérifie pas (en l’occurrence, « les interprètes ne font pas davantage de pauses en langue B qu’en langue A »). Selon l’hypothèse nulle, d’éventuelles variations du nombre de pauses ne reflètent pas la différence entre les interprétations en langue A et en langue B ; en d’autres termes, elles relèvent du hasard.

L’hypothèse expérimentale prévoit un rapport entre deux événements (par ex., interprétation en langue B, augmentation de la durée de pauses). Ceux-ci s’appellent des variables. Dans une expérience, le chercheur manipule souvent une variable, pour vérifier comment cette manipulation influe sur une autre variable. La première s’appelle variable indépendante, tandis que la deuxième est une variable dépendante. Ainsi, dans l’exemple précédent, la variable indépendante est la langue d’expression (A ou B) ; la variable dépendante est la durée des pauses.

Les résultats des expériences peuvent être soumises à des tests statistiques. Le but de cette démarche est d’évaluer la possibilité que le comportement de la variable dépendante soit fonction de variations aléatoires, non pas de la manipulation de la variable indépendante. Si les tests statistiques identifient une probabilité faible que le comportement de la variable dépendante relève du hasard, il est possible de rejeter l’hypothèse nulle et d’accepter l’hypothèse expérimentale. L’acceptation de celle-ci ne signifie pas une confirmation absolue, laquelle signifierait le rejet de toute autre possibilité. Étant donné que toute expérience peut comporter en principe des variables indépendantes inconnues, il ne convient généralement pas de formuler de façon catégorique l’acceptation d’une hypothèse (par ex., « les résultats de l’expérience confirment l’hypothèse ») ; la formulation des conclusions tend à être plus circonspecte (par ex., « les résultats corroborent l’hypothèse »).

Le niveau de signification des tests statistiques est la probabilité que les résultats soient attribuables au hasard. Plus le niveau de signification est bas, moins l’hypothèse nulle est probable. En d’autres termes, un niveau de signification inférieur à 1 % signifie moins d’une chance sur 100 pour que les résultats expérimentaux relèvent de facteurs aléatoires et imprévus.

Les tests statistiques peuvent être paramétriques ou non paramétriques. L’emploi des tests paramétriques est subordonné à trois conditions (ou paramètres) (Greene & D’Oliveira 2000: 117). En particulier, il faut que l’évaluation statistique ait pour objet:

  1. des scores sur une échelle continue de valeurs numériques (par ex., dans notre étude: durées des pauses, pourcentages de pauses longues, pourcentages de différentes classes de déclencheur) ;
  2. des scores ayant une distribution plus ou moins conforme à la loi normale de la dispersion des valeurs autour de la moyenne (Vessereau 1947: 37-41). Puisque les tests paramétriques sont plutôt « robustes », il suffit en réalité que les valeurs ne s’écartent pas trop de cette distribution (Greene & D’Oliveira 2000: 112) ;
  3. des scores ayant plus ou moins le même degré de variabilité pour chaque condition expérimentale. Quand l’échantillon se compose du même nombre de sujets dans toutes les conditions expérimentales (comme dans notre étude), il ne faut pas toujours que le degré de variabilité soit identique pour chaque condition.

Bien que de nombreux statisticiens considèrent les tests paramétriques comme plus puissants et plus sensibles que les test non paramétriques, il n’y a pas de consensus à cet égard (Greene & D’Oliveira 2000: 116). La raison pour laquelle les tests paramétriques sont parfois préférés est que les tests non paramétriques comportent une comparaison basée sur des rangs, non sur des calculs numériques exacts de la variance. Autrement dit, on attribue à chaque score un rang, selon la position qu’il occupe dans un ordre croissant de l’ensemble des résultats. Cela rend relativement simples ces tests, par rapport aux tests paramétriques. Toutefois, bien que ces derniers comportent des calculs plus compliqués que les tests non paramétriques, ils peuvent être réalisés de façon plutôt simple sur ordinateur.

Dans la présente étude, nous avons utilisé deux tests paramétriques, à savoir l’analyse de la variance et le test tsur échantillons appariés. Le premier de ces tests peut être utilisé pour comparer plusieurs conditions (par ex., dans notre étude, trois niveaux de formation/expérience), le deuxième pour comparer deux conditions (par ex., interprétation en A vs. B).